dimanche 20 juillet 2008

Histoires de consultations : troisième épisode

Le rôle social du MG !

Slimane, vingt-sept ans ans, est installé en face de moi, le visage défait.
Je le connais depuis vingt-sept ans.
Pour une raison que nous ignorons tous les deux, surtout moi, je n’ai jamais sympathisé avec lui. Ni même empathisé. Mais nous nous voyons avec plaisir, semble-t-il. Je lui parle de sa famille et il me répond en confiance.
Il me dit qu’il est exténué : par son travail (il est chauffeur de car de tourisme), par son divorce (il le considère comme un échec personnel), par sa séparation d’avec son petit garçon de quatre ans (qu’il ne voit pas beaucoup en raison du déménagement de son ex femme), par la pension alimentaire qu’il doit payer (qu’il considère trop élevée), par le fait qu’il a dû retourner vivre chez ses parents (encore un échec et une renonciation).
Médicalement parlant, il n’y a pas grand-chose à dire : il souffre d’asthénie physique et mentale. Il lui faut du repos, donc un arrêt, éventuellement un inducteur du sommeil pendant qu’il ne travaille pas et surtout pas le début d’entretien psychothérapique : il ne le supporterait pas.
Donc : arrêt de travail.
Il me pose la question suivante : ne faut-il pas que vous me prescriviez des médicaments en cas de contrôle de la sécurité sociale ? Il n’a pas tout à fait tort : si la sécurité sociale fait un contrôle à domicile, voire s’il s’agit de son employeur, le fait de ne pas avoir à ingurgiter des benzodiazépines peut paraître suspect du fait qu’il ne serait pas malade.
Voici cependant ce qu’il me raconte (on vient d’apprendre le matin même que l’instituteur qui avait organisé une sortie en car pour ses élèves et dont un certain nombre, sept, était mort sur un passage à niveau, venait de se suicider, selon la presse, rongé par les remords) : je travaille quinze à seize heures par jour, je travaille avec deux disques… Je déconseille à tout le monde de prendre le car en ce moment : la profession est aussi crevée que moi.
Je lui suggère tout ce qu’on peut suggérer dans ces cas-là, parler avec son patron, aller à l’inspection du travail, à la gendarmerie… Il me dit qu’il a besoin de son travail pour payer la pension alimentaire et que, surtout, sa femme cesse de dire à son fils qu’il est un fainéant.
Que doit faire le docteurdu16 ? Téléphoner à la police ?

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