jeudi 23 octobre 2008

FIEVRE CHEZ L'ENFANT : IBUPROFENE OU NON ?

Ibuprofène : oui ou non chez les enfants fébriles ?



Introduction :
J’avais arrêté de prescrire l’ibuprofène chez l’enfant à la suite de mises en garde sur le risque d’infections cutanées nécrotiques, notamment en cas de varicelle, mais, plus généralement en cas d’infections à streptocoque du groupe A. Comme j’avais d'ailleurs cessé peu de temps auparavant la coprescription d’ibuprofène et de paracétamol en raison d’avis soulignant le risque de confusion chez les parents et par expérience personnelle de ce risque chez mes propres patients. Or j’avais constaté que les urgences pédiatriques de mon hôpital local (CHG de Mantes-La-Jolie) continuaient et de prescrire de l’ibuprofène et de co prescrire avec du paracétamol. Où était le loup ?
La parution récente d’un article dans le British Medical Journal (Hay A, Costelloe C, Redmond N, Montgomery A, Fletcher M, Hollinghurst S, et al. Paracetamol plus ibuprofen for the treatment of fever in children (PITCH): randomised controlled trial. BMJ 2008;337:a1302. (2 September.)[Abstract/Free Full Text] ) les commentaires qui ont suivi me laissent perplexe mais m’encouragent volontiers à prescrire à nouveau l’ibuprofène chez l’enfant mais à éviter la coprescription avec le paracetamol.

L’étude :
Objectifs : Cet essai contrôlé, randomisé à trois bras avait pour but de rechercher si l’utilisation conjointe du paracétamol (P) et de l’ibuprofène (I) était supérieure à celle de chacune des molécules seule pour augmenter la période d’apyrexie et pour soulager l’inconfort lié à la fièvre chez des enfants âgés de 6 mois à 6 ans traités à domicile.
Critères d’appréciation : Les deux critères principaux étaient la période sans fièvre (<>Résultats : En intention de traiter : période sans fièvre dans les 4 premières heures P + I > P (55 minutes – p<0 i=" I"> P (4,4 h – p <> I (2,5 h – p = 0,008) ; délai d’apparition de l’apyrexie : P + I > P (23 minutes ; p = 0,025) mais P + I = I. Pas de différences sur les autres facteurs.


Commentaires sur cette étude :
Les pré requis de ce travail sont quand même curieux : est-ce bien raisonnable de prescrire I + P en même temps ? est-ce bien raisonnable de faire baisser la fièvre sans étiologie ? est-ce bien raisonnable d’utiliser l’ibuprofène sans précautions (est-ce une varicelle ? est-ce une infection à streptocoque A ?) ? Je ne me vois pas, par ailleurs, prescrire EN MEME TEMPS paracétamol et ibuprofène (mais il s’agissait d’un protocole d’étude). Ce qui signifie par ailleurs que les études contrôlées aussi intéressantes qu’elles soient peuvent ne pas être adaptées à notre pratique et, en même temps, par ricochet, nous donner des idées.

Bon, de nombreux commentaires ont été faits par des lecteurs du BMJ et notamment sur l’utilité de faire baisser la fièvre chez les enfants et sur le fait que les parents sont très inquiets et surestiment l’apyrexie comme traitement…. Je retiendrai ce commentaire de Nicholas Moore de l’unité de pharmacovigilance de Bordeaux (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct13_2/a2072) répondant à un courrier soulignant les risques possibles de l’ibuprofène. Il dit, en substance, qu’une seule étude bien faite est disponible et qu’elle ne conforte pas l’hypothèse que les AINS, et plus particulièrement, l’ibuprofène, augmentent le risque de nécroser les infections à streptocoque du groupe A (Ranganathan SS, Sathiadas MG, Sumanasena S, Fernandopulle M, Lamabadusuriya SP, Fernandopulle BM. Fulminant hepatic failure and paracetamol overuse with therapeutic intent in febrile children. Ind J Pediatr 2006;73:871-5.[CrossRef][Medline]). Il ajoute qu’un autre essai conclut que le risque d’infections invasives dues au streptocoque du groupe A est lié à des facteurs démographiques et environnementaux dans un contexte de fièvre élevée persistante (James LP, Alonso EM, Hynan LS, Hinson JA, Davern TJ, Lee WM, et al. Detection of acetaminophen protein adducts in children with acute liver failure of indeterminate cause. Pediatrics 2006;118:e676-81.[Abstract/Free Full Text]) En conclusion il lui semble, à la lecture de la littérature, que ni l’ibuprofène, ni le paracétamol ne sont associés à un risque accru de nécroser les infections des tissus mous. Il ajoute même : « …une fièvre persistante chez des patients recevant ibuprofène ou paracétamol après varicelle est probablement un signe d’infections des tissus mous. » Il ajoute : « Le paracétamol est un bon produit de première ligne mais n’est pas aussi efficace que l’ibuprofène et n’est pas aussi sûr que l’on pense. Malheureusement un excès de crainte à l’égard de l’ibuprofène peut conduire à un excès d’usage du paracétamol qui, en surdosage, et spécialement chez l’enfant, peut être hépatotoxique. »

L’avis de Prescrire [LRP 2008;28(n°300 d’octobre):753] : « AINS : à manier avec précaution, même l’ibuprofène. »


CONCLUSION PERSONNELLE :
En cas de fièvre persistante sous paracétamol (prescrit de principe en première ligne) et après avoir éliminé une varicelle (ou chez un enfant qui a déjà eu la varicelle) envisager l’ibuprofène, volontiers en monothérapie chez un enfant de plus de six mois.
Se méfier des différentes versions de l’ibuprofène sirop dont les dosages sont différents (et donc, ne pas prescrire en dci) : Advil : 4 prises pas jour (une graduation d’un kilo correspond à 7,5 mg d’ibuprofène) ; Nureflex : trois prises par jour (une graduation d’un kilo correspond à 10 mg d’ibuprofène)

Voici une thèse de 2011 (pp 94 et suivantes) bien intéressante. ICI

7 commentaires:

Anonyme a dit…

INSERT

Anonyme a dit…

j ai 20 ans de pediatrie je n ai vu aucune cpc due a l aspirine ou a l ibuprofene ce qui est rare reste rare

Anonyme a dit…

je n'ai jamais vu de complications pour l'association des deux mollecules et la ou je suis leur prescription est casi systematique

Doc du froid a dit…

Je ne prescris que de l ibuprofene qui est bien plus efficace sur la douleur ( not. les otites), allege mieux l inconfort des rhino et fait mieux baisser les grosses fievres. Evidemment je fais attention sur les suspicions de varicelle...:-)
Si la fievre est legere, l inconfort modere alors on ne donne rien.
Mais le coup d alterner deux molecules je n ai jamais compris d ou ca venait...et l interet...
Par contre les surdosages en si bon Doliprane j en ai au 2 en 5 ans....
Merci pour ce article !

Anonyme a dit…

Bonjour!

Je prends connaissance des articles concernant la fièvre et des divers protocoles utilisés à tort ou à raison pour la réguler. Dans ce domaine, l'approche de l'Hygiène naturelle (Natural Hygiene) quelles que soient ses limites, ses imperfections et ses erreurs (désormais bien répertoriées) peut être prise en considération (Samuel Thomson, Sylvester Graham, Russell Trall, John Tilden, William Trall, Herbert Shelton). Sauf exceptions qui mériteraient peut-être d'être mieux définies, la citation attribuée au Dr Suzanne Humphrey semble contenir un certain degré de vérité " Essayer de faire tomber la fièvre, quand un enfant est malade revient à abattre votre chien de défense quand quelqu’un essaie d’entrer chez vous avec effraction ». Bien entendu, les tenants de l’École Hygiéniste recommandent d’arrêter toute nourriture pendant la période de fièvre pour ne pas ajouter de la chaleur à la chaleur (la digestion demandant une température allant de 38° à 41° paraît-il) et de s’en tenir strictement à une diète hydrique. Bien entendu aussi, cette démarche s’inscrit aussi dans le cadre d’un protocole nutritionnel rigoureux qui a précédé la maladie et qui la suit fondé, entre autre, sur un apport adéquat en vitamines (A, C, D), en minéraux (magnésium) et en oligo-éléments (sélénium, zinc) etc. Ainsi, quand cela se justifie pleinement c’est-à-dire dans la grande majorité des cas, le respect de la fièvre ne perturbe donc pas le processus de renforcement immunitaire qui l’accompagne. Faire baisser la fièvre quand le corps n'a pas fini de lutter contre un intrus peut relancer artificiellement l'appétit et divertir une partie de l'énergie nécessaire à l'élimination de l'intrus vers le processus de digestion. Une approche plus respectueuse des atouts de la fièvre permettrait d’éviter certains effets secondaires malencontreux dont fait état Cécile Michel dans sa thèse de doctorat. La thèse de Cécile Michel semble faire état d'une trop grande propension à faire baisser systématiquement la fièvre.

Anonyme a dit…

Cette remarque sur le rôle de la fièvre me parait très judicieux et m'a rappelé de vieux souvenirs : dans les années 60 un de nos 3 prix Nobel conjoints, Jacob, Monod et Lwoff, 3
gloires de l'Institut Pasteur, avait démontré la neutralisation de virus pathogènes sur des souris placées dans une chambre à 35° alors qu'à 20° elles tombaient malades.

Je me souviens aussi avoir vu passer des témoignages de parents d'enfants ayant une très forte fièvre. Le médecin prescrit un antipyrétique très puissant comme on faisait à l'époque. Le lendemain la fièvre était tombée mais peu de temps après l'enfant était paralysé.

Anonyme a dit…

Les noms cités relatifs au mouvement dit « de santé naturelle » aux USA n’ont d’autre but que de montrer que le lent chemin qui nous mène de la croyance à la science (science based medicine) est pavé de multiples embûches. Les tâtonnements, les errements, les égarements, les aberrations qui ont précédé les avancées désormais validées sont nombreux. Rétrospectivement, bien sûr, certaines théories laissent pantois mais lutter contre l’auto-aveuglement était beaucoup plus difficile en ces temps pré-scientifiques. Certaines intuitions semblent avoir résisté et mériteraient d’être passées au crible de la recherche. De nos jours encore, les approches concernant certains problèmes de santé diffèrent et nous laissent quelquefois perplexes face au choix. Nous disposons néanmoins d’outils plus performants et nous bénéficions, en conséquence, d’une réflexion démultipliée.

PS. Russell Trall cité par erreur deux fois avec un prénom erroné. La citation attribuée à Suzanne Humphries se veut visuelle pour attirer l’attention. Le « degré de vérité » de cette citation demande donc à être évaluée.