samedi 3 juillet 2010

JUSQU'OU ALLER TROP LOIN OU S'ARRETER EN MEDECINE GENERALE - HISTOIRES DE CONSULTATIONS : TRENTE-TROISIEME EPISODE


Combien de fois ne me suis-je pas posé la question en allant visiter une personne âgée, pas forcément impotente, une personne âgée vivant chez elle, seule ou avec son mari (sa femme), à peu près équilibrée (hypertension, diabète ou coronarite), sur le 'Jusqu'où aller trop loin ?' Non pas que le problème se pose en termes de débrancher ou non les appareils de réanimation ou de commencer ou non une réanimation comme dans un service hospitalier mais plutôt dans le style 'Faut-il s'acharner à obtenir une pression artérielle parfaite, une glycémie dans le même métal ou un taux de mauvais cholestérol (LDL Cholestérol) aux taquets ?'
La question s'est posée l'autre jour quand "mon" patient, 86 ans, a été hospitalisé en urgence après un malaise survenu dans son garage.
J'ai reçu un courrier de l'hôpital tout à fait désagréable dans lequel je n'ai pas reconnu le patient et, surtout (enfin, je parle de mon ego) dans lequel on m'accusait sans détour de n'avoir rien fait pour prévenir cette hospitalisation.
Disons tout de suite que je ne me place pas dans une perspective juridique.
Ce patient est coronarien, hypertendu, dyslipidémique. Il ne fait pas de régime, mais, a priori, c'est son droit. Mais surtout, lui que je vois une fois tous les trois mois, à domicile car 'il ne peut se déplacer' dans mon quartier, mais aussi parce que, pendant des années, il n'avait donc pas encore 86 ans, je lui ai donné de mauvaises habitudes, il ne veut pas faire trop souvent de prise de sang, le cardiologue lui paraît un gêneur. Donc, ce brave homme, charmant au demeurant, et quand je viens chez lui je "consulte" aussi sa femme qui est hypertendue et arthrosique, c'est dire que je fais un C + V, rentable, non ?, sait qu'il faut faire des prises de sang, sait qu'il faut contrôler son rétrécissement aortique et dit qu'il ne veut pas se faire opérer (ce en quoi il a raison a priori). Donc, il fait un malaise, donc, on appelle les pompiers, donc, il va aux urgences, donc, il est hospitalisé. Et la lettre de sortie indique, en substance, que ce malade n'a pas été pris en charge, qu'il fallait faire quelque chose, qu'il a fait une poussée d'insuffisance cardiaque (j'étais au courant), que la fonction rénale n'est pas fameuse, qu'il faut y faire attention, et cetera, et cetera. Mais la conclusion est encore plus savoureuse : le patient refuse tout geste sur son rétrécissement et on me demande de le surveiller (ce que je ne faisais probablement pas !). L'ordonnance de sortie est quasiment identique à la mienne, sauf que l'on a augmenté les doses de diurétiques de l'anse. Normal.
Ce qui m'embête le plus c'est que sa femme m'a rappelé à domicile quinze jours après la sortie de l'hôpital et qu'elle me faisait la tronche. Je crois que ce que j'ai lu sur le compte rendu a dû être dit dix fois plus fort en oral. C'est l'hôpital : ils mettent dix jours à faire un diagnostic complet et voudraient que le généraliste fasse tout sans examen en un quart d'heure. Et avec un patient peu coopératif qui avait surtout envie qu'on le laisse tranquille.
J'ai donc, comme on dit, mis les points sur les i, et les barres sur les t. J'ai rappelé au mari et à sa femme que, malgré mes conseils répétés, le patient ne souhaitait pas trop faire de régime, ne souhaitait pas trop bouger (marcher trente minutes par jour), n'avait pas diminué sa quantité de sel, et cetera, et cetera. "Mais vous auriez dû nous dire que c'était grave..." Je n'ai peut être pas assez insisté, je n'ai peut-être pas assez dramatisé, en fait, je l'ai laissé tranquille. Je lui ai expliqué la situation telle que je la voyais, j'ai entendu ce qu'il désirait et j'ai fait un compromis (qui m'arrangeait peut-être car j'évitais les conflits et qui l'arrangeait peut-être car il pouvait ne rien changer à ses habitues). Mais qui a raison dans l'histoire : est-ce que le régime de l'hôpital aurait pu éviter la poussée d'insuffisance cardiaque ? Est-ce qu'embêter le malade aurait pu lui éviter de se faire hospitaliser ? Peut-être.
Je ne sais pas si je les ai convaincus et d'ailleurs, j'étais de mauvais poil, pour me défendre ?, pour ne pas les entendre récriminer ?, je ne les ai donc pas beaucoup écoutés. En revanche, ils n'avaient pas beaucoup écouté les conseils éclairés de l'hôpital puisque, quand je suis arrivé, le monsieur pas content mangeait ce que sa femme lui avait servi, à savoir un petit salé aux lentilles (promis, juré !).
Me rappelleront-ils ? Je n'en sais rien.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour

Cher confrère, un grand merci pour vos "papiers" sur votre blog.
C'est un réel plaisir de lire vos réflexions que je partage le plus souvent et surtout merci pour la qualité de vos écrits toujours pertinents.
Si , je post aujourd'hui, c'est pour vous dire à quel point ce que vous écrivez est bénéfique au généraliste que je suis.

Merci encore pour ce blog
Marc

Anonyme a dit…

Comment s'étonner que l'hôpital tire sur le généraliste ? Il ne faudrait surtout pas remettre en cause leur grande sagesse après tout.

En tant que patiente, je me doute bien, ou plutôt je SAIS, que si je ne fais pas les analyses demandées, si je ne suis pas les conseils de mon toubib (affectueux terme dans ma bouche), je vais droit vers les soucis.
Alors, c'est tellement plus facile de dire à postériori "je ne savais pas" en tant que patient. Mais quand un Dr nous donne des conseils des analyses à faire ou autre chose, forcément c'est qu'il y a une raison derrière.

Je me souviens d'avoir refusé un arrêt de travail donné avec bcp de fermeté par mon médecin. Je me suis entêtée et au final direction les urgences en pleine journée par les pompiers. Était-ce de la faute du médecin ? Ou de la mienne qui n'avais pas suivi les recommandations. A l'hôpital, ils ne m'ont pas non plus demandé si j'avais eu un arrêt et on commencé à râler contre le médecin. Il a fallu que je leur clame haut et fort que JE n'avais pas suivi les conseils. Et là c'est marrant mais je ne me suis même pas faite engueuler, probablement car moi j'étais sur place et pas mon MG. C'est facile de taper sur les absents ....
J'avoue que depuis ce jour je suis bcp plus les conseils de mon toubib ;) mais pas encore parfaitement....

Chantal a dit…

Oh! Les hopitaux pensent en premier médecine, traitement et qu'ensuite au patient. J'ai eu assez souvent de conflits avec les médecins des hopitaux (plutôt les internes femmes!) qui me disent que ceci et cela est mal et faux. Un jour, j'en avait tellement marre, que je me suis plus occupée de mon père pendant son séjour et au bout de 48H le médecin m'appela pour dire de venir et calmer mon père qui refuse toute alimentation et tout traitement. Ensuite, cette interne a changé, elle a vu qu'on ne peut pas agir avec tous les patients comme l'indique leur livres.
J'ai toujours tenté de faire le mieux, trouver un équilibre entre ce qui devait être et ce qui mon père aime. Son médecin généraliste m'a toujours soutenu, quitte a avoir aussi des remarques de l'hôpital. Je n'ai eu qu'une fois un cardiologue hôpital qui n'a fait aucun reproche, mais bon il avait déjà un certain age, c'était une autre école, une autre expérience professionnelle.

Je trouve que vous avez bien fait. Puis, la vie est tellement courte (et dure parfois, souvent) alors un peu de plaisir est bien permis, non?

Bonne journée