jeudi 30 septembre 2010

INED : LA GRIPPOLOGIE POUR TOUS

Madame France Meslé est une chercheure émérite de l'INED. Son profil scientifique montre combien elle est experte. Voir ici. Elle s'y connaît, d'après ses publications dont une seule, malheureusement, est en ligne, en analyse de la mortalité.
Elle vient, sous l'autorité de l'INED (Institut National d'Etudes Démographiques), de publier un article "définitif" qui s'appelle Recul spectaculaire de la mortalité due à la grippe : le rôle de la vaccination.

Cet article est merveilleux. Il est d'ailleurs repris par la presse grand public et ses scores internet doivent être analysés avec gourmandise par les fabricants de vaccins et autres vaccinologues distingués. Je me suis permis de le lire et de l'analyser à l'aune de mes propres ressources non gouvernementales.

On dirait qu'il a été écrit sous la dictée de Roselyne Bachelot, notre grande experte scientifique, relu par InfoVac, scientifique officine payée par Big Pharma, et publié en toute coïncidence au moment du lancement de la campagne de vaccination anti grippale 2010-2011.
Notre chercheure émérite qui est une spécialiste des études de démographie et de mortalité, notamment dans le Caucase et en Ukraine et qui s'intéresse notamment aux causes de mortalité chez les très vieux, a écrit un article positif et sans retenue.
Il est vrai que nous autres médecins avons l'habitude de publications, ce qui ne garantit bien évidemment pas leur qualité, nous en avons assez parlé ici sur ce blog, dans lesquelles les références sont explicites et qui comportent un chapitre appelé "Discussion" où l'auteur indique, en faisant le plus souvent mention à d'autres publications du même type, quels sont les limites de ses propos, les insuffisances de sa méthode ou ses doutes sur les implications de ses conclusions. Ici, rien de tout cela. N'étant pas un familier des publications de l'INED, je ne jugerai pas ce point précis. Mais je remarque que les interrogations ne sont pas du fait de notre chercheure émérite.

(Les phrases en rouge sont issues de l'article auquel vous pourrez vous reporter si vous le souhaitez)
Jusqu'à la découverte et la diffusion du vaccin polyvalent, la grippe et ses complications étaient en effet une des principales causes de décès hivernales. Revenons ici sur l'histoire de son recul, bel exemple d'un succès de la prévention.
Madame Meslé, quand elle parle de prévention, ne parle bien entendu que du vaccin. Elle ne connaît pas l'histoire de l'hygiène. Elle n'a jamais lu Ivan Illich. Elle n'a jamais entendu parler de la décroissance de la mortalité par tuberculose dans les pays développés apparue avant l'arrivée de la streptomycine et bien avant l'apparition du BCG. Elle n'a pas entendu parler non plus de la décroissance colossale, comme l'atteste une célèbre publication danoise, du rhumatisme articulaire aigu et de ses complications avant l'apparition de la pénicilline (Diapositive 1). Ou, dans un autre domaine, la diminution de la mortalité cardiovasculaire avant même le traitement effectif de l'hypertension, par exemple. Madame Meslé ne lit pas. C'est son droit.
Cette baisse impressionnante de la mortalité par grippe est la conséquence directe d'une politique de prévention adaptée, fondée sur la vaccination des sujets à risque et associée à une meilleure prise en charge thérapeutique des complications.
Là, Madame Meslé touche au sublime : d'abord, elle associe de façon hasardeuse à mon avis la baisse de la mortalité par grippe à la vaccination dans un sophisme touchant : A partir de 1970, la mortalité par grippe a fait une chute spectaculaire (...) un nouveau vaccin amélioré par le mélange de diverses souches virales s'avère plus efficace dans les années 1970 (...) Il est aussi plus largement administré. Aussitôt, en France comme ailleurs, la mortalité due à la grippe s'effondre. Notre chercheure utilise des chiffres qui sont sujets à caution. On pourrait dire qu'ils sont tellement problématiques (l'InVS change d'avis allègrement en fonction de son objectif de communication : beaucoup de morts quand il faut convaincre de vacciner, peu de morts quand il s'agit de donner les résultats de la vaccination). Madame Meslé se donne également des bâtons pour se faire battre puisqu'elle "avoue" que ce n'est qu'en 1985 qu'on a commencé à proposer la vaccination gratuite aux personnes de plus de 75 ans (sic), puis aux personnes de plus de 70 ans en 1989 et de plus de 65 ans en 2000. Ainsi, mais comparaison n'est pas raison, la mortalité par grippe aurait diminué de façon considérable, selon Madame Meslé, avant la généralisation de la vaccination aux personnes dites à risques !
Voici une courbe qui corrobore ce que je dis, bien que nous soyons très dubitatif sur la qualité des données, celles-là émanant du GROG, organisme sponsorisé presque à cent pour cent par Big Pharma et par les les Institutions Sanitaires Gouvernementales.

Ensuite, Madame Meslé nous embarque dans des considérations sur les groupes d'âge dans un méli-mélo embarrassé et elle arrive à parler de l'épidémie de grippe espagnole touchant particulièrement les jeunes sans aborder la question de l'époque, de la guerre, de la promiscuité, des conditions d'hygiène déplorables et j'en passe...

Enfin, elle parle de la dernière épidémie sans nous dire que, grâce à Madame Bachelot, à Bruno Lina, à François Bricaire, à Antoine Flahault, qu'ils soient vénérés ces experts transparents comme de l'eau de Roche, 7 % seulement de la population française a été vaccinée... Sans expliquer non plus comment des chiffres de 5 à 7000 décès par an dus à la grippe saisonnière clamés par nos Autorités avec un taux de couverture vaccinale des plus de 65 ans (...) parmi les plus élevés d'Europe, nous sommes passés, à partir du moment où on commençait à vraiment compter les morts (et tout en sachant que l'hystérie ambiante a conduit à attribuer par excès des décès dus à la grippe sans qu'aucune analyse sérologique n'ait été faite) à 312 avec un des plus faibles taux de vaccination depuis des années. C'est bien entendu dû à la faible virulence de la souche qui nous avait été annoncée catastrophique : cf. supra les experts).

Madame Meslé a réussi l'incroyable : ne pas parler de l'amélioration de l'hygiène, ne pas parler du rôle majeur de l'antibiothérapie dans le traitement des complications de la grippe, ne pas parler de l'efficacité modeste des vaccins anti grippe chez les personnes de plus de 65 ans (il faudrait que nous nous cotisions pour qu'elle puisse avoir accès à Internet et lire les publications de la Collaboration Cochrane) et de leur inintérêt total chez les enfants en bonne santé.

Madame France Meslé conclut de façon grandiloquente : De ce point de vue, l'alerte de 2009-2010 a pu servir de répétition générale.

J'aurai désormais beaucoup de mal à lire les publications de l'INED sans me demander si ce qui est dit est vrai ou manipulé. Comme on dit à propos des journalistes et comme on pourra désormais le dire à propos des démographes : nous les apprécions quand ils parlent de sujets que nous ne connaissons pas et ils deviennent illisibles quand ils traitent de sujets qui nous sont familiers.




mardi 28 septembre 2010

UNE POLLAKIURIE PAS PROGRESSISTE DU TOUT - HISTOIRES DE CONSULTATIONS : QUARANTE-TROISIEME EPISODE

Une partie du Val Fourré (Mantes-La-Jolie. Yvelines)

Monsieur A entre dans mon bureau avec confiance : nous nous connaissons depuis trente ans et nous rions et nous engueulons depuis trente ans pour des motifs qui n'ont parfois strictement rien à faire avec la médecine. Je ne peux m'empêcher, tandis qu'il s'asseoit devant moi, toujours impeccable, en costume bleu nuit, chemise blanche, cravate bleu foncé et souliers vernis, de me rappeler le presque jeune homme qui venait me voir il y a plus de trente ans, le regard clair, Jeune Afrique sous le bras et Le Monde à portée de la main. A l'époque il croyait encore à la révolution, au progrès social, aux mouvements de libération, au développement et à la citoyenneté. Je l'embêtai déjà avec ces bêtises, lui rappelant René Dumont et soulignant combien les élites africaines ne méritaient pas leurs peuples (en général on dit le contraire...)
Monsieur A consulte pour une pollakiurie nocturne qui commence à le gêner sérieusement. Il voudrait se faire opérer.
Je lui raconte mon histoire habituelle sur les interventions prostatiques, fussent-elles des résections, et leur risque d'altérer la fonction sexuelle. Surtout chez un homme de soixante-six ans.
Il est déjà allé consulter un urologue à Paris : c'est le copain du copain d'un copain qui lui a donné une adresse dans une clinique du neuvième arrondissement.
Je voudrais dire ceci : c'est son droit le plus strict. Je ne vais pas monter sur la table et prendre la mouche parce que je suis son médecin traitant, que nous avons signé un vague bout de papier indiquant à la CPAM qu'il sera mieux remboursé, avec une lettre de ma part, en allant voir un spécialiste. Monsieur A est allé voir un urologue sans me demander mon avis. Et alors ? Nous ne sommes pas tenus par des liens de sang. Dans ce cas, au lieu de l'accuser d'infidélité, je peux m'accuser d'incompétence : je connais ce patient depuis des lustres et quand il pisse plus souvent la nuit que d'habitude, au lieu de me passer un coup de fil, il fait confiance à untel ou untel qui a des informations d'untel ou d'untel sur un chirurgien connu de sa grand-mère et néanmoins cotisant, cela vaut mieux, à la sacrosainte et toute-puissante Association Française d'Urologie (AFU) dont je ne saurais, nonobstant mon ironie, que louer l'efficacité en tant que société savante et syndicat professionnel. Si les médecins généralistes s'en étaient inspirés, la consultation ne serait pas à 22 euro. Mais c'est une autre histoire. J'ai donc fauté quelque part : Monsieur A n'a pas eu le réflexe de m'appeler et il a quand même le souci de me faire un rapport sur ce qu'a dit l'urologue.
Le brave Monsieur A a donc, derrière mon dos, été échographié de la prostate et a eu droit à un examen cytobactériologique des urines (ECBU) et à un dosage du PSA (inférieur à 4).
Tout cela est contenu dans l'enveloppe kraft qu'il a déposée sur mon bureau (modèle Habitat 1986 avec plateau en verre et tout cela tient parfaitement le coup) en lieu et place de Jeune Afrique et du Monde.
Monsieur A est embêté. Je sais qu'il est embêté et je sais qu'il ne sait pas que je sais pourquoi il est embêté. Il s'en doute peut-être mais je ne lui ai jamais posé de questions car j'attendais qu'il en vienne aux faits, les informations que j'avais apprises le concernant relevant à mon sens du secret professionnel, et ce d'autant que c'était sa femme et une de ses filles qui m'en avaient parlé.
Monsieur A, employé de PSA à la retraite, a sept enfants dont le dernier affiche quatorze mois. Ainsi, dans la famille, il y a cinq oncles (les petits-enfants de Monsieur A) qui sont plus jeunes que le neveu (le dernier fils de Monsieur A). Monsieur A, lecteur de Jeune Afrique dans sa jeunesse n'a qu'une seule femme que je connais parfaitement ainsi que les enfants et les petits-enfants. Il était contre la polygamie et il n'est pas devenu polygame comme la majorité de ses compatriotes sénégalais du même âge (donnée vérifiée et vérifiable). En réalité, Monsieur A n'était pas polygame.
Je sais qu'il est polygame et lui ne sait pas que je le sais.
J'attends la suite.
Lui : Qu'est-ce que vous en pensez alors ?
Moi : De quoi ?
Lui : Ben, de me faire opérer...
Moi : Je vous ai déjà dit ce que j'en pensais.
Lui : Mais je suis gêné, je dois me lever plusieurs fois par nuit.
Moi : Je comprends mais je crois que l'urologue ne vous a pas tout dit.
Lui : Expliquez- moi.
Moi : Monsieur A. Je ne vais pas vous faire un cours de morale mais il faut quand même que vous me disiez tout.
Lui : Tout ?
Moi : Je vous écoute.
Monsieur A prend un air buté. Puis : Ma femme vous a dit ?
Moi : M'a dit quoi ?
Lui : Ben, je ne sais pas comment vous dire...
Moi : Très cher Monsieur A, je vais vous mettre à l'aise, je vais vous raconter ce qui se passe ici au Val Fourré. Nombre de travailleurs d'origine négro-africaine, je ne vous parlerai pas des travailleurs d'origine maghrébine, une fois la retraite arrivée, font des voyages fréquents en Afrique et finissent (ou commencent, je ne sais pas) par se marier là-bas et à avoir des enfants là-bas. Ils laissent leur femme ou leurs femmes se débrouiller en France avec les nombreux enfants et vivent leur vie au pays. Je me trompe ?
Lui : Vous connaissez les Africains, docteurdu16. On ne peut rien vous cacher.
Moi : Donc, je crois que le distingué urologue qui vous a été conseillé par votre copain traitant...
Lui : Vous ne devriez pas vous moquer...
Moi : Je ne me moque pas, je souligne, donc, le distingué urologue vous a vaguement prévenu qu'il pouvait y avoir des troubles sexuels, dans de rares cas a-t-il dû indiquer, post opératoires, dans le genre impuissance, et il a ajouté, brillant, des troubles transitoires, je vous rassure, Monsieur.... A..., mais il n'a sans doute pas imaginé, le brave urologue toubab, que vous aviez une vie sexuelle, que vous étiez jeune marié, déjà jeune papa et, selon vos désirs, futur jeune papa. Je me trompe ?
Lui : Et alors ?
Moi : Et alors ? Et alors la résection prostatique s'accompagne presque systématiquement d'une éjaculation rétrograde...
Lui : Je l'ai lu sur Internet...
Moi : Qui rend stérile...
Lui : Je n'avais pas pensé à cela.
J'aurais pu lui faire un cours sur le médecin traitant, l'intérêt d'en avoir un, de lui demander des conseils et de ne pas se fier au premier copain venu, mais je n'en ai pas eu le courage. J'ai repensé au fringant jeune Africain lisant Jeune Afrique qui était contre la polygamie et dont la femme est désormais voilée en noir comme jamais une négro-africaine ne l'a été au cours de l'histoire, dont la femme a souvent pleuré dans mon cabinet quand son mari partait pour l'Afrique et qu'elle était certaine qu'il y allait pour choisir une cousine de vingt ans, puis s'y marier, puis avoir des enfants.
(Nous en reparlerons un jour.)
Mais, chut, ce n'est pas politiquement correct de parler de cela. Quant à dire que la pollakiurie n'est pas progressiste, c'est un jugement de valeur qui est très au dessus de mes moyens.

dimanche 26 septembre 2010

LES SIX DOMAINES LES PLUS FREQUENTS DE RISQUES DE FAUTES PROFESSIONNELLES EN MEDECINE GENERALE AUX ETATS-UNIS


On a beau lire ici et là que les Etats-Unis ne sont pas la France, à moins que cela ne soit d'autres commentateurs qui affirment que la France est très différente des Etats-Unis, il n'est pas inintéressant de regarder ce qui se passe outre-atlantique. Il y a 20 ans nous nous gaussions en voyant de pauvres fumeurs peler de froid en bas des buildings de Manhattan et désormais cette pratique est généralisée en France...
Pourtant, dans les années soixante, un certain JJSS (bien oublié celui-là) affirmait dans Le Défi Américain que ce qui se passait chez les Américains mettait environ dix ans à traverser l'Océan... Les choses ne se sont-elles pas accélérées ? Allons donc faire un tour chez Obama...

Un article de Medscape rapporte que 40 % des médecins (généralistes et de famille) états-uniens de premier recours et 34 % des médecins internistes ont été poursuivis dans leur carrière, d'après une enquête menée par l'American Medical Association Physician Practice auprès de 5825 médecins appartenant à 42 spécialités.

Les risques de fautes professionnelles les plus fréquentes concernent 6 domaines :
  1. Infarctus du myocarde
  2. Cancer du sein
  3. Cancer des poumons
  4. Cancer du colon
  5. Appendicite aiguë
  6. Prescriptions médicamenteuses
Selon les spécialistes de ces questions de risques et les avocats plaidant ces causes, nombre des plaintes auraient pu être évitées si les médecins s'étaient concentrés sur les fondamentaux de la profession : mieux communiquer avec les patients et les proches des patients, mettre en avant d'une documentation appropriée, suivre d'un diagnostic amenant à une conclusion, et ne pas exercer au dessus de leurs capacités et de leurs connaissances.

Les erreurs reprochées au médecin sont liées le plus souvent à une insuffisance d'entraînement et à un manque de connaissances de l'Etat de l'Art.

Il est à noter que les plaintes concernent plus l'examen des malades dans un cabinet médical que dans une structure institutionnalisée, nombre de médecins généralistes aux Etats-Unis ayant des vacations hospitalières. Il est probable aussi que l'institutionnalisation rend la pratique des examens complémentaires plus nécessaire ou judicieuse ou... plus rentable pour l'institution.

Nous allons reprendre en détail ce qui est le plus souvent reproché aux médecins généralistes et aux médecins de famille. Mais il est clair que la situation américaine est différente de la notre tant pour le système judiciaire que pour les moyens diagnostiques mis en oeuvre et surtout par qui ils sont menés.

  1. Infarctus du myocarde : les plaintes concernent plus particulièrement des erreurs diagnostiques concernant des sujets jeunes sans historique cardiovasculaire, se plaignant de symptomatologie atypique et/ou avec un ECG de repos normal et pour lesquels l'interrogatoire sur les antécédents est mal renseigné.
  2. Cancer du sein : les plaintes concernent la sous-estimation d'un kyste déclaré non malin. La médecine défensive (ou juridique) consiste à demander une mammographie, à ne pas se contenter d'un résultat normal de mamographie (les juristes avancent le chiffre de 20 % de faux négatifs), de revoir la patiente et d'adresser à un spécialiste.
  3. Cancer du poumon : les plaignants reprochent aux médecins d'avoir négligé la symptomatologie clinique, de ne pas avoir pratiqué de radiographies ou de ne pas avoir demandé des clichés de contrôle après une bronchopneumopathie. Et surtout de ne pas avoir suffisamment suivi les fumeurs.
  4. Cancer du colon : il est reproché aux médecins poursuivis de ne pas avoir proposé les tests de dépistage appropriés dans les premiers stades de la maladie, d'avoir échoué en ne proposant pas une suite quand un test était anormal ou de ne pas s'être assurés que le patient passait bien sa coloscopie ! Il faut non seulement proposer les examens mais s'assurer qu'ils ont été effectués !
  5. Appendicite aiguë : le taux de diagnostic erroné est important notamment chez les enfants et les petits enfants. Il est reproché aux médecins poursuivis de ne pas avoir assez examiné les patients et de ne pas les avoir suivis et prévenus en cas de modifications des symptômes.
  6. Prescriptions médicamenteuses : elle conduisent à de nombreuses hospitalisations et notamment avec la warfarine. Les fautes retenues sont le plus souvent en ce cas : manque de conseils aux patients notamment pour les interactions médicamenteuses et alimentaires ; défaut de suivi des procédures en fonction des taux d'INR ; manque de coordination entre hôpital et ville (importance du courrier de sortie notamment).
On le voit : rien d'extraordinaire. Mais l'article insiste aussi sur les traces laissées par les médecins dans les dossiers en particulier sur ce qui a été dit, sur l'importance de dossiers complets comprenant et les examens complémentaires et les lettres des correspondants, sur le fait qu'une fois la plainte déposée le praticien se rend compte immédiatement de ce qu'il aurait dû écrire et ce d'autant plus qu'il ne se rappelle parfois rien de ce qui s'est passé au contraire du patient qui a tout à l'esprit.

Le maître mot, hormis la tenue de dossiers impeccables, est la communication avec les patients, ce que les Anglo-Saxons appellent à l'hôpital les "bedside manners" et ce que nous pourrions appeler ici la façon de se comporter en médecin conscient de ses possibilités et respectueux de la compréhension du malade.

On comprend encore mieux, si les prévisions de JJSS sont toujours d'actualité, que les jeunes médecins préfèrent devenir spécialistes avec une meilleur Valeur Prédictive positive pour les diagnostics, un meilleur environnement institutionnel et la possibilité de faire pratiquer des examens complémentaires à gogo.

Parler avec ses malades et remplir les dossiers : n'est-ce pas une des meilleures armes de la médecine défensive que 91 % des médecins américains, toutes spécialités confondues disent pratiquer ? N'est-ce pas non plus le moins que l'on puisse demander à un praticien ? Connaître ses limites, adresser à bon escient, voilà aussi deux démarches irréprochables mais beaucoup plus difficiles à observer car elles mettent en jeu une composante émotionnelle beaucoup moins quantifiable.

Mais la France n'est que la France, les prétoires ne s'invitent pas encore dans nos cabinets. Soyons optimistes.

vendredi 24 septembre 2010

VACCINATION ANTIGRIPPALE 2010-2011 : SERVICE MINIMUM

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Professeur Hubert Allemand

Les Autorités du Mensonge Organisé sur la Grippe (AMOG) alias le trio infernal Bachelot - Houssin - Weber (BHW) auxquelles se sont raccrochés les deux éminents représentants de la CPAM, l'assureur Frédéric Van Roekeghem et l'éminent professeur expert en Santé Publique Hubert Allemand, ont réussi leur coup : la campagne de vaccination anti grippale 2010-2011 est lancée dans l'indifférence générale et dans la désinformation la plus totale.

Comme les questions que nous avons posées et les démentis que nous avons demandés ne sont pas arrivés, nous restons sur notre faim.
Des exemples :
Pourquoi le nombre de morts annoncé chaque année pour la grippe saisonnière, entre 5000 et 7000, n'a-t-il pas été revu officiellement à la baisse à la lumière des 212 morts déclarés pour 2009 - 2010 (sans confirmation sérologique pour nombre de dossiers dont une trentaine de personnes sans facteurs de risque) ?
Pourquoi le nombre de morts (7) dans le dossier d'AMM du vaccin Panenza, événement incroyable et sans précédent dans l'histoire de la mise sur le marché de nouveaux médicaments, n'a-t-il fait l'objet d'enquête approfondie et a-t-il été balayé d'un revers de la main par la pharmacovigilance française, la meilleure du monde nous dit-on ?
Pourquoi ne disposons-nous pas d'essais contrôlés sur la prévention par le vaccin anti grippal des dramatiques syndromes de détresse respiratoire aiguë, alias les poumons "blancs" alors qu'il s'agit d'une des premières causes de décès ? Et alors qu'un essai français contrôlé publié dans le New England journal of Medicine montre l'efficacité du cisatracurium besylate sur les syndromes de détresse respiratoire aiguë : ici (mais il faudra en reparler)
Pourquoi l'absence de données confirmant l'excessive mortalité supposée chez les femmes enceintes n'a-t-elle pas été mentionnée par AMOG ?
Pourquoi l'absence de données démentant le supposé risque excessif de mortalité chez les enfants (en se rappelant que les essais avant commercialisation ont porté sur un nombre ridiculement bas d'enfants) n'a-t-elle pas été révélée par l'AMOG ?
Pourquoi avoir menti sur l'efficacité supposée du lavage des mains avec un Soluté Hydro Alcoolique (alors que l'essai de référence est, à la relecture, d'un très faible niveau de preuves - et je dois dire que j'ai cru sur paroles et Roselyne Bachelot et la Revue prescrire) et ne pas faire de communiqué rectificatif ?
Pourquoi la meilleure pharmacovigilance du monde nous a mentis en prétendant analyser avec la plus grande attention (sic) les dossiers qui leur seraient adressés alors que tout laisse à penser que tout dossier "embarrassant" avait de grandes chances d'être classé verticalement, notamment dans le suivi des femmes enceintes ?
Pourquoi les meilleurs experts du monde ont-ils continué de désinformer le grand public et le grand public médical en prétendant avec des études de cohorte bien dessinées que la vaccination contre la grippe "prévenait" et le Guillain-Barré et les fausses couches puisqu'on en constatait moins qu'escompté dans les populations vaccinées ? (Et nous ne désespérons pas qu'un avisé professeur lié d'intérêts avec des industriels de la vaccinologie ne nous affirme la main sur le coeur que la vaccination contre la grippe prévient la narcolepsie)
Pourquoi n'avons- nous pas entendu l'AMOG communiquer sur l'absence d'efficacité du tamiflu ?
Pourquoi l'AMOG n'a-t-elle pas parlé de la suspension de la vaccination anti grippale chez les enfants australiens de moins de 5 ans en raison d'une convulsion fébrile pour 110 vaccinations ?
Pourquoi la "modestie" de l'efficacité de la vacination chez les personnes de plus de 65 ans n'est-elle jamais mentionnée par l'AMOG à partir des données de la Collaboration Cochrane ? (et, à ce propos, on note que dans le courrier de la CPAM - où nous avons trouvé une faute d'orthographe grossière mais les services du professeur Allemand ne relisent pas le français - il n'est pas dit expressément que le vaccin anti grippe était efficace chez les personnes âgées de plus de 65 ans ne présentant pas de facteurs de risques mais, je cite : "Les personnes âgées de 65 ans et plus....présentent un risque accru de complications. " Cela s'appelle avoir chaud aux fesses ou je ne m'y connais pas... Cela dit, la CPAM demande de mettre le paquet sur la tranche d'âge 65-69 ans pour laquelle on aimerait avoir des données plus précises...

AINSI, en conséquences, je ne prônerai la vaccination anti grippale avec le vaccin anti grippal "adapté" aux souches probables pour la campagne 2010 - 2011, que chez les insuffisants repiratoires chroniques et les immunodéprimés après avis de leur spécialiste référent... Je vaccinerai personnellement les personnes me le demandant après discussion éclairée.

Service minimum.

jeudi 23 septembre 2010

CANCER DU SEIN : TOUJOURS DE MAUVAISES NOUVELLES

Une étude norvégienne vient d'être publiée dans le New England Journal of Medicine. En voici l'abstract : ici.

Résumé des épisodes précédents (vous avez neuf articles sur ce blog qui concernent le cancer du sein : ici) :
Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire.

Qu'est-ce que l'étude norvégienne ? :
Un programme de dépistage du cancer du sein a été initié en Norvège dès 1996 et a été étendu géographiquement durant les neuf années suivantes. On a proposé aux femmes âgées de 50 à 69 ans de subir une mammographie tous les deux ans. Les auteurs ont comparé les taux d'incidence mort par cancer du sein dans quatre groupes :
  1. Entre 1996 et 2005 : un groupe de femmes vivant dans des régions (comtés) où se pratiquaient le dépistage
  2. Entre 1996 et 2005 : un groupe de femmes vivant dans des régions (comtés) sans dépistage
  3. Deux groupes dits "historiques" de femmes étudiées entre 1986 et 1995 appariées aux deux groupes précédents.
Résultats : Les données concernant 40 075 femmes porteuse d'un cancer du sein ont été analysées.
  1. Le taux de mortalité dû au cancer du sein a été diminué de 7,2 morts pour 100 000 personnes par années dans le groupe dépistage par rapport au groupe "historique" apparié (RR 0,72; 95 % intervalle de confiance : 0,63 à 0,81)
  2. et de 4,8 morts pour 100 000 personnes par années dans le groupe non dépisté par rapport au groupe "historique" apparié (RR 0,82. IC 0,71 à 0,93) (p inf 0.001)
  3. MAIS pas de différence significative au profit du groupe de dépistage
  4. AINSI la différence de mortalité attribuable au dépistage seul est de 2,4 morts pour 100 000 personnes par années. Soit le tiers de la réduction de 7,2 morts observée...
C'est donc tristement désespérant.
Est-il possible de ne pas penser aux nombreux surdiagnostics ? Aux amputations de seins et aux tumorectomies à tort ? A la radiothérapie adjuvante ? A la chimiothérapie adjuvante ? A l'anxiété des femmes et de leur famille ? Aux conséquences physiques et psychologiques de ces traitements ?

Il n'est probablement pas possible, en raison de la propagande officielle des sénologues, des oncologues, des mammographistes, des radiothérapeutes, des chirurgiens, des marchands de mammographes, de médicaments et de prothèses mammaires et des Instituts officiels (dont les URML) de revenir en arrière et de se demander avec sérieux ce qu'il faut faire et comment améliorer les choses.
Mais il faut tenter d'informer les femmes de la faible efficacité du dépistage sur la mortalité du cancer du sein, de son inefficacité sur la mortalité globale et des risques qu'une politique menée avec un bandeau sur les yeux fait courir à de nombreuses femmes innocentes et naïves qui ne seraient jamais mortes de leur cancer du sein et qui vivent désormais avec la hantise d'une rechute et des seins mutilés.

mardi 21 septembre 2010

POURQUOI LES PATIENTS CONSULTENT-ILS ?

Vaste question. Pauvreté de la réponse.
Madame A vient hier après-midi avec ses trois enfants après la sortie de l'école. Leur âge a éventuellement de l'importance : six ans, quatre ans et vingt mois. Ce n'est pas la première fois qu'elle vient et ce n'est pas la dernière. Au bout du compte, et alors qu'elle a attendu une bonne heure et demie dans une salle d'attente bondée (le lundi après-midi, la consultation est "libre") et qui continue de l'être après qu'elle est entrée dans mon bureau, ses trois enfants ont un rhume banal. Pas grand chose à se mettre sous la dent. Ce sont des rhumes, un point c'est tout.
Je les ai donc examinés, ces enfants, je leur prescris des médicaments que l'on peut authentiquement appeler des produits de confort et quid ?
Je n'ai pas eu besoin de les peser, je n'ai pas eu besoin de vérifier que les vaccinations étaient à jour, puisque ce sont des enfants que je vois régulièrement.
Il y a eu trois consultations et je n'ai pas passé quarante-cinq minutes à les examiner, écrire dans le carnet de santé, compléter le dossier dans l'ordinateur, écrire des ordonnances tapuscrites et passer la carte vitale. Une petite demi-heure.

Que dire à cette maman inquiète ou préoccupée ou attentionnée ou obsessionnelle ou mal informée ?

Avant de vous fournir des réponses, quel est le contexte ?
On dit que la médecine générale est en péril.
On dit que les déserts médicaux vont se multiplier.
On dit que les jeunes médecins ne veulent plus s'installer comme médecins généralistes libéraux.
On dit que les médecins généralistes ne sont pas contents de leur sort, que leur rôle se restreint, qu'ils perdent leur notabilité, qu'ils sont écrasés par la paperasse, que leurs honoraires ne progressent pas et, encore plus, que leurs revenus stagnent ou régressent.
On dit que de plus en plus de médicaments sont moins remboursés ou déremboursés.
On dit que les dépassements d'honoraires se multiplient.
On dit que l'on entre à grande vitesse dans la médecine dite à deux vitesses : celle des pauvres et celle des riches.

Que dire à cette femme ?
Le médecin EBM : lui donner des conseils, la rassurer, lui demander de ne pas consulter pour un rhume, ne plus donner de médicaments qui ressemblent à des placebos.
Le médecin auto satisfait : chez moi cela ne se passe pas comme cela...
Le médecin anxiogène : vous avez eu raison de venir, cela aurait pu être plus grave.
Le médecin qui a des fins de mois difficiles : vous auriez pu attendre un jour de plus mais cela permet de payer la secrétaire
Le médecin philosophe : c'est grâce à des gens comme vous que je peux passer plus de temps avec des patients déprimés.
Le médecin qui s'y croit : chez moi, je ne reçois que des "vrais" malades...
Le médecin empathique : la porte est ouverte, quand vos enfants sont malades, vous pouvez toujours venir, je suis là pour vous rassurer.

Mais les autres médecins généralistes peuvent aussi donner des conseils à ce médecin généraliste :
Virer cette famille de la clientèle
Ne prendre les patients que sur rendez-vous
Avoir une secrétaire qui fait la part entre ce qui est bénin et ce qui est grave
Proposer seulement une médecine EBM
Faire le tri des malades
N'accepter que des "malades"
Tapisser la salle d'attente d'affiches informatives

Une critique "de gauche" : les "vraies" gens ont le droit à la santé ; les populations défavorisées ont besoin d'être rassurées et reçues ; c'est par l'éducation que ce médecin aura moins de monde dans sa salle d'attente ; si les médecins se désintéressent des rhumes, les pauvres malades iront directement chez le pharmacien qui ne les examinera pas et qui leur vendra des produits "conseils" chers et non remboursés ;
Une critique "de droite" : les rhumes n'ont rien à faire dans les cabinets médicaux ; c'est une des causes du déficit de la sécurité sociale ; l'automédication, c'est l'avenir ; il faut faire la différence entre le petit risque et le "grand" ; les franchises sont justifiées dans un système assuranciel ;
Une critique "raisonnable" : si le médecin généraliste veut donner du sens à son activité, il doit faire des activités "nobles", des ECG, des frottis, des poses de stérilet, de la petite chirurgie, des accouchements à domicile, enlever des verrues, et se désintéresser d'une médecine qui n'est pas de la médecine mais de la vie quotidienne ;
Une critique illichienne : soigner un rhume chez un médecin c'est médicaliser la société, c'est rompre l'autonomie des patients, c'est donner l'illusion que ne pas traiter un rhume fait courir des risques à l'individu et à la société tout entière.

Comme on dit : un rhume guérit tout seul en huit jours et en une semaine quand on va voir son médecin.




vendredi 17 septembre 2010

LES PATRONS PRIVATISENT LES ARRETS DE TRAVAIL !

Docteur Laurence Parisot

Dans l'indifférence (presque) générale la loi de financement de la sécurité sociale du 26 août 2010 a modifié les conditions dans lesquelles les arrêts de travail seront contrôlés.

Selon le Conseil de l'ordre des médecins (CNOM) (ici) : "Désormais le service médical de l'assurance maladie peut demander la suspension du versement des indemnités journalières de l'assurance maladie sur la seule base d'un contrôle effectué par un médecin mandaté par l'employeur. L'examen de l'assuré par le médecin-conseil ne serait plus obligatoire, il se bornerait alors à valider l'avis du médecin contrôleur patronal. Une seule concession aurait été obtenue par le CNOM : La nécessité d'un nouvel examen de la situation de l'assuré lorsque le médecin contrôleur patronal a été dans l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré (absence du domicile, par exemple).

On croit rêver.

Vous savez tout le bien que je pense des médecins contrôleurs patronaux, j'en ai déjà touché un mot ici dans ce blog.

Mais là n'est pas le problème !

Je n'ai pas lu de communiqués rageurs émanant du syndicat Unifié des médecins conseils dénonçant des mesures touchant à leur propre légitimité mais je ne dois pas être informé.

Je n'ai pas lu de protestations indignées des syndicats médicaux contre cette mesure qui remet en cause le rôle du médecin traitant mais je ne lis pas assez assidûment la prose de la CSMF, de UG ou de MG France, je ne suis pas assez informé.

Je n'ai pas lu de protestations indignées des syndicats ouvriers, de maîtrise ou d'encadrement s'insurgeant contre ces mesures "scélérates" (sic) permettant le contrôle indû des salariés par les patrons tout-puissants. Mais je ne dois pas lire assez la presse, le net et je dois être aveugle et sourd.

Je n'ai pas entendu les partis d'opposition sauter sur l'occasion pour dénoncer cette imposture et en dire le caractére dilatoire et franchement contraire à l'idée du Vivre Ensemble.

Je n'ai pas encore vu de pétitions circulant sur le net des médecins pétitionnaires habituels contre des mesures indignes et qui remettent en cause la démocratie et soulignent l'arbitraire de ce gouvernement.

Je dois être mal informé.
Mais je trouve cette Loi de financement nulle et anti déontologique.
Ne doutons pas que les pauvres médecins généralistes débordés par leur clientèle, la paperasse, l'informatique, les Caisses, les DAM et autres médecins-conseils et soucieux de ne pas être déportés dans des zones dites désertiques se feront un plaisir de prendre un abonnement au CNPF version Politique de Santé et distraire de leurs précieux temps des visites domiciliaires non pas à l'heure du laitier mais à l'heure du MG.

mardi 14 septembre 2010

LE DESENCHANTEMENT DE LA GRIPPE

Dumbledore

Nous avons tellement écrit, tellement réfléchi, tellement râlé, tellement pris parti, voire signé des pétitions, que désormais, le moindre commentaire sur la grippe se noie dans un bruit de fond où chacun, malgré qu'il en ait, ce qu'il a entendu, cru entendre, compris, cru comprendre, reste sur ses positions ou n'écoute pas (tous menteurs !), même si certains d'entre nous ont changé plusieurs fois leur fusil d'épaule au gré des communiqués contradictoires de l'OMS, de la DGS ou d'Antoine Flahault ou des peurs successives et des réassurances réitérées débitées par les agences de presse et autres institutionnels de la parole. Ainsi, cet excès d'informations, ce tsunami de nouvelles, ce maelstrom d'articles, d'interviews, de publications, loin de clarifier la situation, n'a cessé de la compliquer.

Le risque, comme nous l'avons vu, c'est que tous les avis soient déversés dans la même poubelle, la poubelle de l'histoire de la grippe A/H1N1, et qu'il ne soit désormais plus possible, sinon en raison de peurs irraisonnées, de communiquer et d'écouter.

Les plus blasés d'entre nous pourraient très bien avoir retenu ceci :
  1. La politique ne fait pas bon ménage avec la médecine
  2. Les médecins ne font pas bon ménage avec la politique institutionnelle
  3. Les agences gouvernementales et les gouvernements sont à la merci de l'expertise "officielle" en sachant que les experts sont nommés par les politiques qui ne peuvent désavouer les nominations qu'ils ont faites et que les experts, s'ils veulent continuer d'être invités à C dans l'Air ou d'autres plateaux de télévision ou s'ils veulent être interrogés par Le Figaro, Le Parisien ou Le Monde, ou s'ils veulent tout simplement entretenir leur famille, se doivent de répéter les politiques de santé institutées par les Autorités : les experts se mordent la queue et, on l'a vu, ça fait mal, même si cela ne conduit pas à la démission ou au licenciement.
  4. L'OMS est enfin tombée de son piédestal : le Machin qui s'autoproclamait dépositaire de la science mondiale, dirigée par une Chinoise désignée par son gouvernement stalino-ultra libéral, n'est qu'une Institution politique, je dirais même politicienne, où les conflits d'intérêts géostratégiques se disputent à l'incompétence des experts autoproclamés ou autodésignés et s'ajoutent aux liens d'intérêts désormais avérés avec Big Pharma.
  5. La DGS a montré sa duplicité lors de l'affaire oseltamivir ; elle a mis aux ordres l'AFSSAPS qui a "bidonné" les AMM, imposé un générique à Roche (que l'on a vu plus pugnace en d'autres circonstances) fabriqué par l'Armée Française...
  6. L'Invs, déjà géniale lors de la canicule, a montré l'étendue de son incompétence en publiant des articles impubliables, bourrés de fautes et d'approximations, en se pliant aux ordres. L'Invs n'a toujours pas démenti les propos fantaisistes concernant les 5 à 7000 morts annuelles dues en France à la grippe. Françoise Weber ne veut pas perdre sa place mais nul doute qu'elle retrouvera facilement un poste chez Big Pharma.
  7. La pharmacovigilance française, la meilleure du monde selon ses contempteurs, s'est aussi mise au service du gouvernement en ne s'inquiétant ni des 7 morts du pandemrix, ni des effets indésirables des vaccins (c'est à dire en déclarant par avance que l'apparition des Guillain Barré était moins importante en période de vaccination qu'en période de non vaccination, i.e. le vaccin anti grippal protège donc contre le Guillain Barré). On attend avec impatience les chiffres chez les femmes enceintes où, d'après des sources proches, les dossiers de fausses couches post vaccinales ont été systématiquement mises sur le compte de la "nature" (la vaccination anti grippale protège aussi contre les fausses couches)...
  8. Même l'effet barrière du lavage des mains avec un Soluté Hydro Alcoolique (SHA) est contesté pour la propagation du virus de la grippe : ici.
  9. Les autorités vaccinales n'ont pas eu un mot de regret, n'ont pas fait d'excuses et elles recommencent pour la saison vaccinale 2010 - 2011 ne tenant compte d'aucun des faits avérés pouvant remettre en question des Recommandations sans objet. Le Haut Conseil de la Santé Publique est toujours aussi partial, scientifiquement nul, conflictuel, ne respectant pas la loi, et cetera...
  10. La Revue Prescrire a du mal à suivre les données de la science et à reconnaître que nombre des données qu'elle avait fournies à ses lecteurs, notamment pour la mortalité, étaient fausses, alarmistes et servaient des intérêts qui ne sont pas les siens. Elle a du mal à prendre en compte les données de la Collaboration Cochrane qui considèrent que l'efficacité de la vaccination chez les personnes de plus de 65 ans est MODESTE et contestent l'efficacité de la vaccination des professionnels de santé sur la propagation du virus chez les patients hospitalisés. (merci à Olivier Rozand qui m'a permis de corriger la formulation erronée que j'avais écrite disant que la Collaboration Cochrane considérait la vaccination chez les personnes âgées comme inefficace)
  11. La collaboration Cochrane, dont Tom Jefferson, que les lecteurs de ce blog connaissent, est le leader emblématique, si elle a beaucoup contribué à la mise en doute des opinions bigpharmiennes, tarde à prendre en compte les effets indésirables des vaccins antigrippaux dans ses méta-analyses.
Voilà pourquoi le désenchantement de la grippe, pour reprendre une expression métaphorique attribuable à Max Weber et reprise récemment par Marcel Gauchet, nous a atteint. Nous croyions tous (pas tous, je suis désolé pour les visionnaires et les extra lucides) que la vaccination, dont nous ne répèterons pas assez l'intérêt en d'autres domaines ou sous d'autres cieux, encore que les lecteurs d'Ivan Illich pourraient avec intérêt pondérer l'intérêt de la vaccination et de l'hygiène quand on voit aux Etats-Unis la décrue très importante des cas d'hépatite B post vaccination (que l'on peut très raisonnablement attribuer à la vaccinothérapie) et, celle, concomitante (et un peu surprenante), des cas d'hépatite C (non attribuable à la vaccination).

La campagne de vaccination Bachelot Houssin Weber nous a vaccinés contre la croyance inébranlable dans l'universalité sans risque de la vaccination. Notre monde s'est désenchanté.

Ouvrons les yeux pour cette prochaine campagne de vaccination !

dimanche 12 septembre 2010

DIALOGUES POST MORTEM - HISTOIRES DE CONSULTATIONS : QUARANTE-ET-UNIEME EPISODE

Le triomphe de la mort - Pieter Bruegel l'Ancien, 1562

Je reçois le fils de Madame A, 67 ans, qui est morte pendant les vacances (cf. le blog du 25 août). Il vient pour autre chose mais c'est secondaire.
Voici ce dont nous parlons : Dès le début je savais que l'issue était fatale en 3 à 6 mois. Je l'avais dit à la famille. On ne connaît pas de personnes, sauf erreur diagnostique, qui aient survécu à ce cancer. J'avais adressé Madame A à un gastro-entérologue et à un oncologue que j'apprécie tous deux. Elle avait confiance en eux. A la réflexion, je me rappelle cependant qu'elle avait demandé un second avis. Il a donc été convenu entre l'oncologue, le gastro-entérologue et elle qu'une chimiothérapie soit initiée. Comme je l'ai dit le 25 août, je n'ai pas pu aborder le problème avec elle ; je n'ai pas osé et j'ai senti qu'elle ne souhaitait pas qu'on en parle. Son fils, celui qui est en face de moi, ne m'a jamais appelé. Ni aucun autre membre de la famille durant ces dernières semaines. Quand la maladie a commencé elle ne souffrait pas. Elle était même étonnamment "bien portante". Quand la chimiothérapie a commencé elle a commencé à aller mal. Elle était fatiguée, nauséeuse, vertigineuse, dysesthésique, diarrhéique et elle ne souhaitait plus quitter sa maison. Son fils me dit : J'ai compris que c'était la chimiothérapie qui la mettait comme cela, j'en ai parlé au cancérologue, j'en ai parlé à maman mais elle m'a dit ceci : Je ne souhaite qu'une seule chose, pouvoir profiter de mes enfants et de mes petits-enfants le plus longtemps possible. Donc je me fais traiter.
C'est un dilemme classique : le médecin sait que la chimiothérapie ne va pas apporter beaucoup d'espérance de vie en plus mais aussi que la vie sous chimiothérapie sera compliquée... Il est même des anticancéreux qui obtiennent leur Autorisation de mise sur le Marché après que des essais contrôlés (en double-aveugle contre placebo) ont montré qu'ils augmentaient l'espérance de vie de quelques semaines. Mais cette femme a choisi l'espoir ; cette femme a choisi de croire qu'elle devait se battre ; pour ses enfants et ses petits-enfants. Fallait-il lui assener encore plus la vérité ?
Inhumain, n'est-il pas ?

vendredi 10 septembre 2010

UN HOMME QUI REFUSE LE FREUDISME - HISTOIRES DE CONSULTATION : QUARANTIEME EPISODE


Je n'ai pas vu Monsieur A depuis au moins dix-huit mois. A trente-quatre ans il est souhaitable de ne pas avoir besoin d'aller voir son médecin traitant pendant un an et demi. Il a maigri et a pris de la prestance.
Quand il s'asseoit en face de moi je sais déjà qu'il n'est pas venu consulter pour un rhume.
"Cela ne va pas.
- A ce point ?
- Vous savez, c'est difficile à dire. J'ai un peu de mal à parler.
- Oui..."
Il est assis en face moi et porte une tenue décontractée avec un blouson de cuir noir, une chemise jean ouverte, un pantalon de toile. Je n'ai pas encore remarqué ses chaussures. Il est professeur de physique. Qu'il soit d'origine turque ne fait rien à l'affaire mais il vaut mieux le dire en cas de préjugés ou de contre-préjugés.
"Donc, docteur, je vais mal... Je ne sais pas comment vous le dire... J'ai appris que ma femme me trompait depuis trois ans avec un de ses collègues..."
Je connais sa femme, une brunette plutôt mignonne, qui préfère aller voir un de mes confrères pour elle et pour ses enfants. Je crois qu'elle est chef d'équipe dans une usine.
"Et vous en êtes où ?
- Comment cela ?
- Vous êtes séparés ?
- Non.
- Vous vivez encore ensemble ?
- Oui.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Ben..."
Je le regarde avec compassion mais j'attends la suite.
Lui : "Je n'arrive pas à avaler tout ce qui s'est passé. Je ne sais pas si cela passera un jour. C'est trop dur."
Temps mort pendant lequel je tente de ne pas disperser mon attention.
"Je souffre... Elle m'a dit qu'elle avait rompu, qu'elle regrettait, mais elle continue de le voir puisqu'ils travaillent au même endroit. Pour moi c'est intolérable... Je n'en dors plus. Je voudrais qu'elle arrête de travailler là mais elle ne veut pas, elle dit que c'est son travail, qu'elle en a besoin, qu'elle ne retrouvera jamais un tel poste et avec ce salaire... Et elle y a déjà passé dix ans... - Vous doutez du fait qu'elle ait vraiment rompu ? - Pourquoi me posez-vous cette question ? - Comme ça. - Dites-moi pourquoi. Vous savez quelque chose ? - Je ne sais rien du tout, je me demande simplement pourquoi vous allez mal... - Mais parce qu'elle m'a trompé sans rien me dire pendant trois ans." J'aurais pu lui demander : Vous auriez préféré qu'elle vous l'ait dit ? mais, bien entendu, je me tais. J'attends la suite. Je dis : "Qu'est-ce que vous savez exactement de cette histoire ? - Comment ça ? - Qu'est-ce qu'elle vous a dit, je veux dire ? - Tout." Il a l'air sûr de lui. Je pense : Comment peut-on tout dire ? Moi : "Je vois." Cet après-midi là il semble que j'ai l'esprit mal tourné. Je ne m'attends pas à ce qu'il me raconte ce qu'il entend par Tout. Je ne vais pas lui parler de mes doutes sur le Tout : lui a-t-elle dit à quel moment elle jouissait, à quel moment il disait Encore et celui où elle disait Oui au milieu d'une étreinte ? Quant au reste...
Je reprends : "Et maintenant, est-ce que vous lui faites confiance ? - Oui et non. Oui parce que nous nous sommes expliqués et non parce qu'elle a fait ce qu'elle a fait. - Pensez-vous qu'elle puisse recommencer ? - Je n'en sais rien. C'est possible... Je préfère ne pas y penser. Vous êtes vache avec moi. - C'est ce qui vous empêche de dormir ? - Oui et d'autres choses. - D'autres choses ? - Heu." Il se bloque. Il reprend : "Presque toutes les nuits je rêve et je la vois dans les bras de l'autre, à l'usine. - Je vois." (En réalité je ne vois rien mais je me dis, grand analyste devant l'Eternel, que je n'en étais pas loin tout à l'heure quand je me posais des questions sur le Tout : elle ne lui a pas raconté quand elle jouissait mais elle lui a dit l'endroit où elle le faisait. Et ça a l'air de lui avoir fait aussi mal.) Je continue : "Mais, au fait, cela fait combien de temps que cela s'est passé ? - Un peu plus d'un mois. - Pourquoi n'êtes-vous pas venu me voir avant ? - Parce que je pensais y arriver tout seul et... J'avais honte. Honte de moi et honte pour ma femme que vous connaissez. Je ne voulais pas que vous la jugiez mal. - Je ne suis pas là pour juger. - Quand même. - Comment avez-vous fait ? Vous avez parlé à quelqu'un dans votre entourage, un ami, quelqu'un de votre famille ? - Pas vraiment. Ce n'est pas le genre de choses que l'on clame sur tous les toits. - Certes, mais il faut bien parler, non ? - En fait, je suis allé voir un psychiatre. - Très bonne idée... Et alors, comment ça se passe ?" Il hésite. "Difficile à dire. Disons qu'il y a des trucs qui vont et des trucs qui vont pas."
Je remarque que ses yeux sont mouillés et fais semblant de ne pas le remarquer et je me rends compte qu'il a dû pleurer ces derniers temps. Je sais qu'il a deux enfants en bas âge, à vue de nez, sept et trois ans. Je ne lui ai pas encore demandé comment cela se passait avec eux car je sais déjà comment il va en parler.
"Qu'est-ce qui va et qu'est-ce qui ne va pas ?"
Il hésite. Il me semble qu'il n'hésite pas sur ce qu'il va dire mais sur la façon dont il va me le dire.
Lui : "En fait, si je suis venu vous voir, c'est pour vous demander ce que vous feriez à ma place..." Je prends un air ahuri de première catégorie. "J'en sais tellement peu... Il faudrait que vous m'en disiez plus et, de toute façon, je ne peux décider pour vous, le médecin n'est pas là pour cela. Le médecin que vous consultez est là pour vous écouter, pour vous laisser la liberté de vous exprimer et c'est ce que vous dites qui va finir..." Suis-je en train de réinventer l'eau tiède ? Mais je suis parti : il faut donc que je continue. "... par vous amener vers... - Oui, je comprends, mais ça peut être long... - Certes, ça peut être long mais il vaut mieux que ce soit vous qui preniez la décision. - La bonne décision ? - Il est quand même plus plausible que ce soit votre décision qui soit la bonne que celle que je pourrais vous proposer en connaissant si mal le sujet. Il faut donc du temps pour que vous parliez et du temps pour que je comprenne. - Mais qu'auriez-vous fait à ma place ? - D'une part, je n'en sais rien et, d'autre part, être à votre place ne signifie pas être vous... - Oui, mais, vous avez de l'expérience..." Je souris. De quelle expérience veut-il parler ? De celle de mec trompé par sa femme ? De celle de mec qui trompe sa femme ? "J'ai besoin d'en savoir plus... - Oh... - Et, surtout, quels sont les choix ? Quitter votre femme ? Déménager ? Changer de région ?" Je finis par apprendre que le type avec qui sa femme le trompait était lui aussi marié et qu'il souhaitait, c'est la femme de "mon" patient qui raconte l'histoire ou, plutôt, c'est "mon" patient qui raconte ce qu'il veut de ce que sa femme a bien voulu lui raconter, ne pas divorcer. Je ne lui demande pas : "Et elle, elle voulait divorcer ?". Finalement Monsieur A ne supporte pas que sa femme l'ait trompé et que sa femme continue de "voir" son ex amant sur son lieu de travail. Cela se comprend tout à fait. Mais ce n'est, à mon avis, que de bonnes raisons ou de bons prétextes pour "aller mal".
Moi : " Vous me demandez ce que vous devez faire mais quelles sont les options ? - Ben... ne plus accepter la situation... - Vous voudriez vous séparer ? - Non, ce n'est pas ce que je souhaite, comment dire, je l'ai dans la peau, c'est la femme de ma vie. - Ah... Ben, alors, où est le problème ? - Ben, le problème, c'est que je souffre, que je fais d'horribles rêves... Et, ne me dites surtout pas ça va passer avec le temps, tout le monde me le dit et cela ne passe pas. - Si on en revenait au psychiatre. Vous disiez qu'il y avait des choses qui allaient et des choses qui n'allaient pas... - Oui. En fait, il y a deux choses, d'abord il est trop freudien et, ensuite, il interprète les rêves mais il ne le fait pas comme je le veux..."
L'antifreudien primo-secondo-tertaire (cela dépend des moments) qui est en moi se réveille. Je me contiens comme un joueur de poker qui vient de toucher un carré d'as et qui aimerait que la table croit qu'il n'a qu'une paire de deux.
"Oui... - Vous savez, à la fac, on a étudié Freud et le psychiatre a l'air très, comment je dirais, scolaire... Il parle de mes rapports avec ma mère, il dit que ma femme rêve de son père... Vous voyez..." Je vois. Et encore :"Il analyse mes rêves mais, contrairement à moi, il ne croit pas aux rêves prémonitoires. Et moi je fais des rêves prémonitoires. - Dans le genre ? - J'avais rêvé, avant de le savoir, que ma femme me trompait... que je la suivais et qu'elle courait devant moi, que je l'appelais et qu'elle ne me répondait pas et qu'elle allait embrasser un homme en pleine rue, devant moi et quand j'approchais, ils se mettaient à rire tous les deux... - C'était y a longtemps ? - Oui. J'en avais parlé à ma femme qui m'avait consolé. - Et votre psychiatre a interprété ce rêve ? - Bien entendu. Et c'était très dur. Par contre, il niait son côté prémonitoire, alors que cela s'est vraiment passé..." Et lui de me raconter ce qui lui est arrivés dans la rue avec sa femme et comment sa femme et son amant ont ri de lui. Moi : "Est-ce que vous avez fait d'autres rêves prémonitoires ? - Oui. - Vous pouvez en dire plus ? - Ce n'est pas le plus important. - Vous avez rêvé de ce qui allait arriver avec votre femme ? - Oui. - Vous en avez parlé au psychiatre ? - Oui. - Et alors ? - Il n'y a pas cru. Il a interprété les choses différemment." Je meurs d'envie de savoir mais je n'ose pas le lui demander. Et, de toute façon, je suis en train d'écrire, je ne le dirais pas. Imaginons que la femme de ce patient lise le blog, elle saurait à la fois ce qui va se passer selon le rêve prémonitoire et comment gérer la situation. Je demande : "Cela finit bien ou mal ? - Bien. - Où est le problème ? - Je souffre quand même."
Que dois-je faire ? Lui conseiller de ne pas retourner voir le psychiatre qui croit à L'interprétation des rêves mais pas à leur valeur divinatoire ? Lui dire de se laisser aller au rêve qui se termine bien ? Lui proposer des antidépresseurs (j'ai oublié de dire qu'il avait des tendances suicidaires...) ? Le laisser tranquille ?
C'est aussi la limite de ces Consultations : Il faut préserver le secret médical. IL ne faut pas interférer avec la vie des gens... Freud, certes, ne s'en est pas privé qui écrivait sur des malades vivants qui lui ont survécu...
Réfléchissons à ce que me demande le patient. Que je choisisse. Faut-il que je reformule la question ?
"Qu'est-ce que vous attendez de moi ?"
Il me regarde puis baisse les yeux.
"Je ne sais pas. Je ne voudrais pas que le psychiatre me parle de ma mère. Qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans ? C'est ce qui m'a le plus déstabilisé. - Vraiment ? - Oui. Et encore plus : je n'arrive plus à rencontrer son père, je suis gêné, honteux, ces histoires de compétition entre lui, moi et... l'autre. Trop dur." Je laisse passer un moment (tout en pensant, c'est aussi un des problèmes des consultations que ce soit en médecine générale ou dans un cabinet de psychiatre, au temps qui passe et aux autres patients qui attendent ou qui se mettent à trouver le temps long) et : "Vous savez, le psychiatre s'est laissé porter par sa théorie. C'est normal. Mais ce n'est pas toujours adapté à tout le monde. Il est probable, dans votre cas, que ce n'était pas adapté. Il faut emprunter d'autres chemins. Des chemins qui vous conviendraient mieux. J'imagine que vous lui en avez parlé. - Bien entendu. Il a dit avec un ton que j'ai pensé moqueur, que je résistais. - Il était dans son rôle... - Est-ce que vous pouvez m'indiquer un autre psychiatre ? - C'est difficile. Il y a de moins en moins de psychiatres et il y a encore très peu de psychiatres qui arrivent à mettre de côté papa Freud. Je vais réfléchir. Je vous appellerai. - Je compte sur vous."

mardi 7 septembre 2010

UNE FEMME QUI ALLAITE. HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-NEUVIEME EPISODE.

Madame A, trente-deux ans, consulte au cabinet pour la première fois. Officiellement c'est parce que son médecin est en vacances, officieusement parce qu'elle veut un deuxième avis.
(La consultation pour deuxième avis met tout médecin en état de transe. Il a beau savoir que, il a beau être certain que, il se dit, se rengorgeant, que quelqu'un a bien dû conseiller la patiente, lui dire Va voir mon médecin, il est super, tu verras, alors, le médecin, généraliste ou pas, spécialiste en médecine générale ou pas il se dresse du col et, au même moment, il se dit, il faut être réaliste, les patients qui demandent un deuxième avis, ils sont souvent de grands inquiets et parfois des emmerdeurs de première...)
Madame A n'est pas venue toute seule, elle porte à bout du bras droit un couffin coqué, le genre de truc qui pèse une tonne, qui déglingue les épaules et que l'on doit changer très rapidement son poids plus celui du bébé devenant insupportable, couffin dans le quel repose ce que j'apprendrai être tout à l'heure un petit garçon.
Je prends mon air attentif, faisant attention à mon non verbal, la position de mes mains sur le bureau, les jambes ouvertes, la tête droite, le regard clair de celui qui a tout entendu et qui est capable, avec modestie, de tout résoudre, et, surtout, mieux que les confrères précédents (il s'agit d'une consoeur), je me compose une attitude qui n'est pas apprise, sauf erreur, sur les bancs de la faculté et surtout pas dans les consultations hospitalières à plusieurs où chacun joue son rôle hiérarchique avec componction. Mais j'ai parcouru un jour L'entretien d'embauche pour les Nuls et on pouvait y lire ce qu'il fallait faire et ne pas faire et, surtout, comment chaque geste, chaque mouvement de sourcil, on appelle cela dans les cercles intellectuels et les autres, les dégâts collatéraux de la lecture attentive de Psychopathologie de la Vie Quotidienne, chaque pli de pantalon, chaque noeud de cravate, tout ayant une signification, volontiers sexuelle, mais je m'égare...
Madame A, trente-deux ans, a deux problèmes : primo, elle a de l'eudème aux seins, secundo, elle a mal au dos. Commençons par les oedèmes (prononcez édèmes, ne dites pas le complexe d'Eudipe... c'est d'un plouc : laissez cela aux phlébologues qui vivent des eudèmes et qui prescrivent des phlébotoniques dont le déremboursement, contrairement à un préjugé tenace, ne les a pas rendus plus efficaces que lorsqu'ils étaient promus par les laboratoires à coups de post-it, de voyages ou d'embarquements pour Cythère au Novotel du coin) : elle me dit avoir consulté et sa médecin généraliste et sa sage-femme qui lui ont dit, ça commence bien ou mal, c'est selon, qu'ils n'avaient jamais vu cela. Je l'examine, elle défait son soutien-gorge agréé par la Lèche League, dont je signale que la prochaine réunion aura lieu à la salle polyvalente (et parfois paroissiale) de Ris orangis, Essone, et je vois des mamelons (je n'ai pas dit mamelouk bien que cette jeune femme, pardon la HALDE, soit de confession musulmane, ce qui n'a aucun rapport avec ce que j'ai déjà dit et ce que je vais dire) qui sont effectivement oedématiés mais pas gercés. Je palpe, je prends un air docte de celui à qui on ne la fait pas, qui a déjà vu des milliards de seins de femmes et quelques mamelons oedématiés... Et je me tais, tentant de savoir ce que je vais bien pouvoir lui raconter. Cela fait tellement banal... L'interrogatoire reprend, je pose des questions issues de mon manuel, Comment faire chic avec les patients et poser des questions sans intérêt qui donnent l'air d'un bon médecin et rassurent les patients, bien qu'une étude anglaise datant de y a longtemps et que je n'arrive pas à retrouver, ne classant pas mes articles à cette époque, montrait que plus on inquiétait les malades et plus ils revenaient en consultation (ce qui, en cette période supposée de pénurie de médecins généralistes et d'inflation des clientèles n'est plus autant d'actualité et que la technique A la revoyure, bonne dans les années 70 ou 80, marche tout aussi bien et sans se casser les pieds) et j'en arrive à la conclusion frappante, la patiente allaitant et souhaitant allaiter le plus longtemps possible (c'est mieux pour la santé) que cela va se terminer par des bonnes paroles. Je lui raconte quand même une histoire sur le fait que a) j'ai déjà vu cela, b) c'est pas grave ; c) ça va passer (avec mes bonnes paroles et des compresses alcoolisées). Quoi qu'il en soit, et je le précise pour les grands docteurs, nous avons effectivement balayé le champ des possibles, le tire-lait, les protections, et nous sommes convenus que cette femme voulait continuer d'allaiter, ce qui est son droit le plus strict. Cela dit, et pour continuer sur le chapitre des seins, elle est quand même venue pour quelque chose : elle veut une prolongation d'arrêt de travail pour Suites de couches pathologiques...
Nous abordons ensuite le problème du dos, il s'agit de dorso-lombalgies assez banales mais très casse-pieds, avec des contractures musculaires. J'aborde le problème du portage, du couffin coqué et de la position dans le lit. Je lui précise aussi qu'à part le paracétamol, je n'ai pas de solutions médicamenteuses à lui proposer (et vous savez quoi ? Elle en prend déjà !).
Et c'est là où la consultation prend un tour inattendu. j'apprends donc que cette femme dort tous les soirs avec son bébé dans les bras et que son mari, qui se lève tôt et qui travaille sur les chantiers, fait chambre à part. Je ne peux m'empêcher de penser à cette pédiatre mondaine, conseillère municipale UMP notoire, qui passe souvent à la télévision et dont l'association, dirigée par son mari, a eu maille à partir avec la justice, Edwige Antier, pour ne pas la nommer, qui préconise le couchage mère nourrisson et la relégation du mari dans le fond de l'appartement... Finement, méchamment dira-t-on, je l'interroge en passant sur son mari qui, me dit-elle, n'est pas content. Cette patiente, au fait, ne prend pas de contraception car elle ne veut pas avoir de rapports tant que ses fils ne sont pas tombés... Fils : elle a eu une déchirure lors de l'accouchement. Je lui propose de regarder, elle me dit qu'elle verra cela avec sa gynécologue qui ne pourra la voir que dans un mois. Pauvre mari. Victime d'Edwige Antier qui considère que les pères...? Nous faisons le point entre a) les mamelons, b) le dos, c) l'allaitement, d) le congé pathologique et elle me dit ceci : Les femmes qui allaitent devraient avoir un congé supplémentaire (il y a des conventions collectives), devraient pouvoir travailler à mi-temps... J'aborde deux ou trois points sur le travail des femmes, sur le plafond de verre, sur les différences de salaire... Elle fait oui de la tête mais son mari couche dans la pièce à côté. Vous avez dit complexe d'Eudipe ?
Je pense aussi à Elizabeth Badinter qui s'est fait assassiner, non tant pour ses propos sur l'allaitement, que pour des raisons ontologiques : elle est l'héritière Publicis qui promeut des laits maternisés et des couches culottes.
Pourtant, toutes les femmes ne sont pas pro Lèche League, association d'origine américaine qui tente d'effacer tout ce qui pourrait ramener à ses origines, c'est à dire catholiques, bourgeoises et tout ce qui pourrait laisser penser que cette organisation préfère l'allaitement au travail des femmes. Certes, en France, la Lèche League est de gauche, bien pensante et balaye d'un revers de la main toutes ces accusations idéologiques, et toute personne qui s'opposerait, ne serait-ce que légèrement, à elle, est taxée de réactionnaire, de rétrograde, voire d'antiféministe, mais est-ce que l'allaitement maternel est l'avenir de la femme ; est-ce que les couches à laver sont l'avenir de la femme (ou des femmes qui utilisent des niches fiscales pour employer des femmes de ménage à domicile - en leur proposant un local pour allaiter elles-mêmes ?) ? Mais, heureusement qu'il y a aussi des féministes, mais il faudrait préciser les chapelles, qui peuvent lire un livre sans se dresser sur leurs ergots idéologiques et se poser des questions sur le nouveau rôle assigné à la femme : mère plus que femme ou amante (ici).
Madame A, je ne la reverrai pas, est acquise à l'allaitement maternel. Je ne parlerai pas, d'un point de vue scientifique, du faible niveau de preuves, dans les pays développés, de l'intérêt médical de l'allaitement maternel. Elle est une chaude partisane d'Edwige Antier.
Qui dira que je n'ai pas mérité mes vingt-deux euro et que la médecine générale est inintéressante ?

vendredi 3 septembre 2010

JE SUIS UN TOUTOLOGUE !


Philippe MEYER

Tous les matins depuis la rentrée Philippe Meyer fait une chronique sur France Culture à 7 heures 55. C'est la rubrique d'un toutologue comme Marc Voinchet l'appelle : Le Meyer est l'ennemi du bien..

Y aurait-il quelque chose de péjoratif dans cette appellation ?

Au lieu de me faire appeler spécialiste en médecine générale, devrais-je me faire appeler médecin toutologue ?

Parce que tout est dans tout et réciproquement.

Parce que ma boutique s'appelle : Tout à 22 euro !

Pour 22 euro t'as tout compris !

Pour 22 euro t'as plus rien.

Parce que la médecine générale, comme dirait le docteur du 16, c'est la vie... Toute la vie.

Parce que le médecin généraliste est le représentant particulier de la médecine du tout qui ne serait pas la médecine holistique mais qui pourrait lui ressembler.

Parce que le médecin généraliste fait de la synecdoque sans le savoir, contrairement au spécialiste, qui serait un simple adepte de la simple métonymie.

Parce que le toutologue est un médecin généraliste et n'est pas vétérinaire qui lui est toutoulogue.

Il y a probablement aussi des toutologues qui sont des toutous à Bachelot ; ou à Glaxo ; ou à Monsieur le Professeur.

Le toutologue se mêle de tout : de ce qui ne le regarde pas, de ce qui le regarde... et du reste.

Un mien ami médecin spécialiste qui, à part moi, dit-il (pour me flatter sans doute), n'aime pas les médecins généralistes, m'a dit en se moquant (il était à la limite de l'hilarité) : Le toutologue, adepte de la toutologie, donne un avis sur tout et, surtout, donne des avis qui ont la caractéristique d'être exactement et approximativement justes. Sans être tout à fait justes. N'est-ce pas le lourd fardeau du médecin généraliste ?

Là, il m'a scié. Je me suis rappelé les propos que l'on entend parfois venant des médecins spécialistes qui ne prennent pas de gants avec les médecins généralistes, ces spécialistes fussent-ils touxtologues (pneumologues), ce genre de propos, comme les propos racistes que l'on entend rarement de face, mais plutôt de dos ou rapportés par de "bons" amis ou de "méchants" amis pas tous au Front National. Et mon ami dans tout cela ? Je me suis rappelé quelques unes de mes imprécisions, de mes doutes, de mes incertitudes, quand je ne savais pas tout sur tout en face d'un malade. C'est vrai que je porte un lourd fardeau ! Comme, probablement, nombre de mes collègues. Car, en général, la médecine est un métier de chien. Et la médecine toutologique un métier de chien galeux. Je comprends que des collègues burnent out. Même des collègues orchidoclastes ou casse-couilles.

Bien qu'il fût mon ami, il avait peut-être exprimé le fond de l'âme des médecins spécialistes, ceux que l'on nomme par dérision, les spécialistes d'organes. Les médecins généralistes sont des toutologues qui ne savent rien sur rien et qui se plaignent sur tout. Un toutologue est un spécialiste du rien.

Finalement, il vaudrait mieux que je ne sois pas toutologue. Tautologue ? Je me répète ? Peut-être faudrait-il que je répète à l'envie : Je sais que je ne sais rien. Mais cela ne règle pas le problème de mon ignorance...

Mais, en écoutant Philippe Meyer, j'ai l'impression qu'il a des choses à dire et qu'il les dit bien. Parler cinéma en Audrey Tautoulogue ou... Je suis aussi un toutologue parce que j'ai des trucs à dire. Sur tout et sur rien. Sur le tout et sur le rien. J'ai des choses à dire parce que j'ai un point de vue. Et mon point de vue est celui de la médecine toutologique, dite, ailleurs, générale.

Je voudrais ressembler à Philippe Meyer mais, pour cela, il faudrait que j'aie un peu d'humour... Car il est possible que ce soit l'humour de Philippe Meyer, son sens de la repartie, sa culture touche-à-tout qui lui donnent l'assise d'un toutologue distingué. Je me le rappelle il y a quelques années lisant des morceaux choisis de Georges Bernard-Shaw sur la musique : c'était exquis. Pourrais-je être un toutologue exquis ? Non, c'est un métier. Un métier que Philippe Meyer cultive depuis des années...

Disons alors que je suis un touche-à-tout amateur. Pas mal, non ? Un toutologue de sous-préfecture. Cela me va.

mercredi 1 septembre 2010

UN SPECIALISTE QUI FAIT DE LA MEDECINE GENERALE : COOL ? - HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-HUITIEME EPISODE

Madame A a fait une fausse couche il y a six mois et elle était enceinte d'environ cinq mois. Elle était suivie pour une hypertension gravidique.
Je la revois ce jour car elle est se sent toujours aussi mal après la perte de ce bébé.
Elle consulte régulièrement une psychologue : "Je parle, je ne cesse de lui parler, j'ai confiance en elle, mais je n'arrive pas à avancer... J'en suis au même point...Cela me fait du bien mais je n'avance pas."
Elle parle et j'essaie autant que faire se peut de ne pas me mêler de sa thérapie. Quoi de plus désagréable pour une patiente qui arrive à parler chez sa psychologue, qui arrive à entendre ce qu'elle lui dit, que d'écouter d'éventuels propos parasites, tels que ceux que son médecin traitant pourrait lui tenir, au risque d'interférer gravement avec le processus engagé, au risque de dire le contraire de ce qu'elle a entendu, ou l'inverse, ou presque la même chose, ou...
Pourtant, elle finit par me demander un petit truc pour dormir... Sans le dire à la psychologue, elle est tellement contre les médicaments, je me ferais engueuler... Bon.
Elle me dit aussi, à l'occasion, comme par hasard, qu'elle vient d'aller voir l'obstétricien qui la suivait pendant la grossesse. Elle me demande de lui prendre la tension. "Treize huit." Elle est soulagée : "C'est parce que le docteur A me prescrit un médicament pour la tension, il trouve qu'elle est trop élevée... - Et qu'est-ce que vous prenez ? - De l'aldomet, je crois. - A combien par jour ? - Un comprimé matin et soir. Mais... il faut que je vous dise, je ne prends pas celui du matin, il me donne la nausée..."
Je la regarde un peu ahuri.
Je lui mesure la pression artérielle : 13 / 8. Est-ce l'effet du traitement ou est-ce l'effet de sa relative décontraction dans mon cabinet ?
Que faire ?
Je lui demande d'arrêter le traitement (qui lui a été prescrit pour trois mois) et lui demande de revenir me voir dans une quinzaine de jours ou avant s'il se produisait quelque chose. Bien improbable.
Je me pose des questions sur l'obstétricien. Après tout, il ne connaît que l'aldomet. C'est pourquoi il a prescrit de l'aldomet. Mais pourquoi ne m'a-t-il pas réadressé la patiente, moi le médecin traitant ? Est-il un spécialiste de la médecine générale ? De l'HTA ? Traite-t-il sa mère ? Sa grand-mère ? Sa femme ? De toute façon, comme dit l'autre, la médecine générale, ça ne s'étudie pas, cela ne s'oublie pas, c'est comme Monsieur Jourdain pour la prose, il n'y a pas d'efforts à faire... Cela vient tout seul...

J'ai rassuré la patiente fragile.
Je n'ai pas téléphoné à l'obstétricien : je suis malaimable au téléphone et cela ne sert à rien. Un petit courrier ? Non.

On verra plus tard.