dimanche 26 juin 2011

Fibromyalgie : des patients activistes menacent les chercheurs.


J'avais publié ICI un texte sur la fibromyalgie (SFC : Syndrome de Fatigue Chronique) qui m'avait valu de (gentilles) critiques dont il ressortait que j'étais un vilain médecin qui n'avait rien compris à la maladie, un vilain médecin qui se moquait de la souffrance des malades, un vilain médecin qui osait critiquer la façon dont la maladie était prise en compte et, enfin, un vilain médecin qui ne soulignait pas assez combien les associations de patients aidaient les malades.
Cela en était resté au stade de l'incompréhension.
Et voilà que je lis un article incroyable dans le BMJ (British Medical Journal) rapportant les menaces que subissent les chercheurs qui ne cherchent pas dans la "bonne" direction de la part de groupes de patients ou de groupes de familles de patients: ICI. Je lis aussi le témoignage d'une rédactrice du BMJ qui a participé à un congrès sur la fibromyalgie organisé par des associations de patients où, d'une part, elle a entendu d'incroyables choses, et, d'autre part où elle s'est fait agresser (verbalement) : ICI. Je lis enfin un éditorial de la rédactrice en chef du BMJ qui exprime sa surprise : LA.
J'en suis baba.
Je vous avais parlé précédemment de délire knockien à propos de la fibromyalgie mais j'étais loin du compte.

Quoi qu'il en soit, voici ce qui se passe en Grande-Bretagne autour des recherches sur le syndrome de fatigue chronique / encéphalopathie myalgique.

Rappel des faits : tout est parti d'une étude publiée dans le Lancet (PACE, dont vous trouverez ICI le résumé) qui a montré que la Thérapie d'adaptation du rythme d'activité (ou Thérapie de stimulation à l'adaptation) prônée par les associations de patients n'était pas efficace au contraire de la TCC (Thérapie Cognitive Comportementale) et de l' EPC (Exercice Physique Gradué) qui entraîneraient, elles, une modeste amélioration. Les malades n'ont pas aimé : ils n'ont pas aimé car cela remettait en cause la base métabolique de leur syndrome. Par ailleurs, il a été montré par plusieurs essais, qu'une étude qui avait été publiée dans Science et qui montrait qu'un rétrovirus, le XMRV, pouvait être à l'origine de la maladie, était erronée. Ce qui n'a pas plu non plus aux malades.

Ainsi, les données de la science n'allant pas dans le sens de ce que les malades "recherchaient" nous assistons à un déferlement de comportements extrêmement "curieux" qui peuvent s'intégrer dans diverses catégories humaines : le sectarisme, le déni de la réalité et le totalitarisme.
  1. Simon Wessely, qui a conduit des recherches dans le cadre du PACE a été comparé à Joseph Mengele, on l'a menacé de mort, il fait l'objet de plaintes répétées de malades, il est bombardé d'e-mails, il est dénoncé à ses employeurs pour pratiques illégales. Mais il n'est pas le seul chercheur menacé : les activistes dénoncent un complot psychiatrique, plus exactement une conspiration psychiatrique de l'Ecole de Wessely. Et ainsi les recherches sur le Syndrome de Fatigue Chronique sont devenues difficiles (recrutement des patients, dénonciation a priori des protocoles, dénigrement des chercheurs, intimidation des malades qui voudraient entrer dans les essais) à partir du moment où il ne s'agit pas d'essais allant a priori dans le sens de la théorie biologique.
  2. La (prestigieuse) revue Science a publié en 2009 un article princeps impliquant possiblement le rétrovirus XMRV dans la genèse du SFC (LA), article qui a été démenti par plusieurs publications postérieures. Pourtant la revue Science a eu du mal à l'admettre. Pourtant, une des chercheuses continue dans la même voie, soutenue par les associations de patients qui ne croient pas à la réfutation de l'hypothèse. Je remarque par ailleurs que la version française de Wikipedia n'a toujours pas corrigé l'erreur (ICI).
  3. Lors d'un congrès sur la fibromyalgie (je fais exprès de mélanger les signifiants / signifiés) sponsorisé par les associations de patients (elles-mêmes sponsorisées par qui vous savez) auquel une rédactrice du BMJ a assisté, il a été dit de nombreuses contre-vérités scientifiques, il a été entendu de grossières attaques contre les chercheurs qui ne partageaient pas le point de vue des malades et la rédactrice du BMJ s'est sentie mal à l'aise.
Qu'en conclure ?
Que des malades souffrent.
Que personne, en raison des incertitudes étiopathogéniques de la maladie, ne sait quoi faire.
Qu'il existe des groupes de pression, des citoyens malades, pour influer la recherche dans la direction qu'ils souhaitent, pour entraver la recherche dans les directions qu'ils rejettent et que certains d'entre eux emploient des procédés pour le moins déloyaux.

(Photographie : Trofim Denissovitch Lyssenko - 1898 - 1976)

PS du 29 septembre 2012 : un article conclut que le XMRV n'entraîne pas la fibromyalgie (ICI)


14 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce qu'on peut dire c'est que l'unité éthiopathogénique (que pour tous les malades étiquetés fibromyalgiques il n'y ait qu'une seule cause) de ce syndrome reste une hypothèse, tellement les symptôme sont non spécifiques et se retrouvent dans différentes pathologies(fatigabilité, douleurs articulaires, troubles du sommeil, troubles de la concentration...).
Même la définition canadienne, qui serait la plus précise, est loin de régler cette question
(en deuxième partie du document: http://www.cfids-cab.org/MESA/ccpc.html).La première question est donc: est-ce que tous ces malades souffrent de la même chose indépendamment du fait qu'ils aient envie de le croire?

Mais il est aussi étrange de retrouver dans cette "mouvance" des associations de malades les arguments habituels des naturalistes tels que l'efficacité de l'acupuncture et de la médecine chinoise pour traiter le syndrome, des cas "miraculeux" et "édifiants"de guérison sans aucune caution scientifique, le thème de la possible incrimination des vaccins ou de médicaments allopathiques...et de voir que malgré cette tendance naturaliste la "vedette" de ce congrès (sponsorisé par qui?) (d'après le résume) ait été un anticorps monoclonal qui, dans le cadre d'une hypothèse organique représenterait un espoir de guérison. Les anticorps monoclonaux sont ce que la médecine allopathique a produit de plus douteux et de moins sûr jusqu'à présent.

Les extrêmes se rencontrent parfois.

CMT

Anonyme a dit…

C'est incroyable! Les pauvres chercheurs. Pourquoi les groupes de patients n'effectuent-ils pas eux-même les recherches? Puisqu'ils ont l'air de mieux connaitre le sujet (et sa cause) de leur maladie que les professionnels.

Le onde est un peu fou, non?

Bonne journée

Chantal

zigmund a dit…

ai peu de patient(e)s étiquetés ainsi effectivement on perçoit une certaine agressivité et la recherche tous azimuths de solutions(des antalgiques classiques aux "médecines douces"en passant par l'oph qui en changeant les lunettes pourrait modifier le cours des choses !
qd je pose des questions aux généralistes sur cette maladie la première réponse est "on ne sait pas"...
de ce que je sais de mes "cas" c'est difficile à gérer...

docpp a dit…

voilà ce qu'on peut lire p 24 du rapport de l'HAS sur le syndrome fibromyalgique

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-10/syndrome_fibromyalgique_de_ladulte_-_rapport_dorientation.pdf

"Les critères de classification proposés par l’ACR aux Etats-Unis ont permis le développement de
la recherche dans le champ de la thérapeutique, avec d’une part l’apparition sur la marché de
médicaments, en particulier antalgiques et antidépresseurs (utilisés pour leurs effets sur le
sommeil ou les douleurs), et d’autre part le soutien financier de l’industrie pharmaceutique au
travers du financement d’études spécifiques ou de consensus, ou l’organisation de congrès
professionnels. On assiste à la diffusion de la notion de fibromyalgie ou de syndrome
fibromyalgique dans l’espace public, sous le concept de fabrication de nouvelles maladies sous la pression des industries pharmaceutiques, des lobbies médicaux, des associations de malades et des compagnies d’assurance, à l’instar de la calvitie, du syndrome du côlon irritable, de la phobie sociale, de l’ostéoporose ou du dysfonctionnement érectile (40-42).
Alors que la prégabaline (traitement de la douleur neuropathique) a connu un essor important aux États-Unis, et même en France depuis 2007, ce médicament n’a pas d’AMM pour la
« fibromyalgie » au niveau européen. Il en est de même pour la duloxétine (antidépresseur). Ces
deux médicaments trouvent cependant leur place dans des recommandations européennes de
prise en charge du syndrome fibromyalgique.

Anonyme a dit…

Ne pas confondre fibromyalgie et SFC qui n ont pas la même classification OMS et famille... Ne pas faire donc d' amalgame.
Plus de précisions plus tard.
Une responsable d' association qui ne se reconnait pas dans ce type de comportement ( plus plus tard car hospitalisée en urgence et entourée de médecins comprehensifs et aidants)

Anonyme a dit…

Est ce encore la fibromyalgie du "desesase mongering" ou le produit des effets secondaires d'un quelconque médoc ou vaccin qu'on aura encore passés sous silence pour continuer à l'écouler ?

Encore une fois on en saura jamais rien....

Anonyme a dit…

Et le mercure et les métaux lourds dans tout ça ?

luper a dit…

Et le mercure et les métaux lourds dans tout ça ?

Patricia a dit…

Mais ils sont fous ces patients ou quoi? Est-ce qu'ils se prennent pour des médecins ou des chercheurs? C'est pour leur bien que l'on leur dise que ce qu'ils font n'est pas efficace. On dirait qu'ils ne veulent pas guérir.

Fibro'Actions a dit…

Je crois surtout que les patients atteints de "fibromyalgie" ou tout autre nom peu importe les symptômes sont là, de part l'impuissance de la médecine, l'ignorance des administrations à leur égard, sont amenés à avoir ce genre de comportement et à cultiver en eux une sorte d'incompréhension de la situation qu'ils vivent, un profond sentiment d'injustice...
Il faut essayer de voir les choses des deux côtés de la barrière.
Je suis moi même président d'une association luttant pour la reconnaissance de la fibromyalgie en France, ce qui signifie pour nous une réelle prise en charge à tout niveaux de ces personnes.
Orienter la recherche... ne sont chercheurs que les chercheurs et médecin que les médecins.
Mais que faire, quand le médecin lui même vous répond "je ne sais pas" ?

olivhood a dit…

On ne peut pas nier les actions de lobbying des associations. Après tout elles sont là aussi pour ça. Certaines engagent même des partenariats financiers importants, par exemple avec des cures thermales. La souffrance est un marché en soi, avec les soucis et les avantages associés (la liste est longue).
La perversion de certaines associations n'est que le pendant de celles de nombreux laboratoires, soucieux de vendre une nouvelle molécule à vil prix comme redonner un coup de jeune à une plus ancienne.

Il est humain de chercher soi même une solution à ses souffrances quant le corps médical ne trouve ou ne propose rien (à ce jour). Il ne faut jamais oublier que le fibromyalgie est génératrice de trop nombreux suicides réels ou sociaux.
La plupart des médecines douces, ou alternatives, mais aussi l'hypnose médicale, soulagent réellement une majorité de patients, elles ne les guérissent pas.
L'avenir des soins pour les fibromyalgiques viendra de la recherche médicale, il est malsain de s'y opposer, salutaire de garder vis à vis d'elles un esprit critique. On découvre des nouvelles choses sur le corps humain chaque semaine et tout le monde doit savoir rester humble.

Les recherches sont primordiales, preuve que la fibromyalgie n'est pas abandonnée au seul champ des psychosomatisations. Les malades ne sont pas des savants, et les médecins doivent faire avec leur incapacité (actuelle et frustrante) à les guérir. Il faut tout de même savoir écouter avec attention ces malades pour comprendre le syndrome.

Après tout le rôle d'un bon soignant est aussi d'éduquer son patient et d'entendre ses souffrances quelles que soient leurs origines. Enfin en tous cas il me semble que c'est dans le serment d'hyppocrate.

Unknown a dit…

je rejoins mes "cons-frères"(c'est pour ça qu'on nous prend non ?) malades et chercheurs de le propre "meilleur être", comment comprendre tous ces symptômes si dès qu'on prononce le mot fibromyalgie, le professionnel de santé qui devrait être à l'écoute de son patient se ferme comme une huitre ? non, non ce n'est pas dans la tête ! la vérité est ailleurs ! dans la bouche des gens, encore faut il prendre le temps et ne pas être hermétique !

olivhood a dit…

C'est pour ça que je souhaite que la fibromyalgie reste un syndrome. Un syndrome ça ne se réfute pas aussi facilement qu'une maladie définie par défaut. Dans la mesure où l'on est face à un médecin qui respecte son serment et la plainte de son patient

Anonyme a dit…

Une pseudo-maladie de ménagères désoeuvrées, qui finissent par donner du sens à leur vie en se regroupant en milices délirantes : elles cherchent un maître pour le dominer...

Bref, rien de nouveau sous le soleil.