jeudi 21 juillet 2011

Prévention du cancer du col : une étude qui interroge !


Une équipe néerlandaise de Nimègue a publié une étude dans l' American Journal of Obstetrics and Gynecology (ICI en accès libre) qui pose des questions pertinentes sur la prévention du cancer du col de l'utérus. Tout le monde s'accorde pour dire que la prévention du cancer de l'utérus par le frottis cervical est la meilleure mesure connue. Même si les tenants de la vaccination par le gardasil font le forcing.
Voyons donc les objectifs et les résultats de cette étude. Il s'agissait, à partir des dossiers de 401 femmes chez qui un diagnostic de cancer du col de l'utérus invasif avait été porté entre 1991 et 2008, de savoir pourquoi, malgré le programme de prévention mis en place aux Pays-Bas, les femmes en question étaient passées au travers.
Précisons qu'aux Pays-Bas un programme national de dépistage avait été mis en place en 1988 : les femmes entre 35 et 53 ans étaient invitées à un frottis cervical tous les trois ans ; programme qui avait été modifié en 1996 pour améliorer son efficacité et son efficience : l'âge des femmes avait été porté à 30 - 60 ans et l'intervalle de frottis de 3 à 5 ans. Entre 1990 et 2006 l'incidence et la mortalité du cancer du col avaient diminué respectivement de 28 et 42 % La sensibilité du test de papanicolaou est assumé à 60 - 70 %
Les auteurs ont donc analysé les causes qui auraient pu mener à l'échec et notamment en relisant les lames.
Les frottis ont été effectués par des spécialistes et / ou des médecins généralistes mais nous ne connaissons ni la proportion, ni la qualité comparée des examens.
Les résultats sont les suivants : voir le camembert de début d'article.
17 % des femmes ont été non répondeuses au dépistage, 33 % des femmes ne faisaient pas partie de la population cible selon l'âge (11 % parce qu'elles étaient trop jeunes et 22 % parce qu'elles étaient trop âgées), 9 % des femmes ont été diagnostiquées lors du premier dépistage (donc trop tard par rapport à l'initiation du dépistage), 17 % des femmes ont été dépistées mais plus de 5 ans avant le diagnostic, dans 13 % des cas il y a eu une erreur d'interprétation et dans 8 % des cas il y a eu erreur d'échantillonnage des cellules analysées et / ou une tumeur d'apparition rapide, enfin dans 3 % des cas le cancer est apparu malgré un dépistage intensif (cytologie / colposcopie).
Il est frappant de voir, me semble-t-il, que cette campagne de dépistage est un fiasco : le taux de non réponse aux invitations est plutôt faible (17 % ; malgré les commentaires des auteurs qui affirment qu'il s'agit du facteur prédominant) comparé aux 33 % des femmes ne faisant pas partie des âges-cibles du programme et aux 24 % d'échec total du dépistage pour différentes raisons tenant soit au prélèvement lui-même, soit à l'analyse du prélèvement.

Qu'en tirer comme conclusions générales ?
Qu'il faut vacciner avec le gardasil ?
Qu'il faut mieux inciter les femmes mais comment ?
Que la prévention du cancer du col, donné en exemple partout, n'est pas aussi exemplaire que cela mais qu'elle doit être, surtout, poursuivie et améliorée.
Que ce genre d'étude est capital. Qu'il faut remercier les auteurs et que nous sommes avides d'études de ce type en France et ailleurs.

10 commentaires:

docausol a dit…

Mon cher confrère,
d'abord permettez moi d'exprimer pour une fois le plaisir que je prends à vous lire très régulièrement. J'apprécie vos idées, leurs présentation à travers ce blog et je m'inspire de vos réflexions pour réexaminer mes propres positions sur les sujets abordés. Je partage régulièrment vos opinions.

Or, aujourd'hui me voilà déçu par l'interprétation que vous faites de cette belle étude :
l'analyse ne permet pas de connaitre l'efficacité du dépistage, mais d'en analyser les causes d'échecs, sans présumer de leur nombre.
L'incidence et la mortalité par cancer du col ont diminué : la campagne de dépistage est un succès, et non un fiasco.

La prévention du cancer du col reste un des rare exemple de prévention efficace en terme cancer (échec de la mammographie, echec du PSA, échec du test hémoccult...)
Reste à rendre cette prévention plus efficace encore en affinant les critères d'inclusions (âges limites ((59% des échecs!)), espace entre les examens) et en améliorant la sensibilité du test (en cause dans 24% des échecs en effets).

Avec mes respectueux sentiments confraternels
Docausol, généraliste à la Réunion

CMT a dit…

Je vais partager l'analyse de docausol. Voici pourquoi: Le but de l’étude est de comprendre les raisons des ratés du dépistage pour en améliorer la qualité, et pas d’évaluer les performances du dépistage dans son ensemble. 401 femmes sur 17 ans ayant présenté un cancer invasif (entre 1991 et 2008), ce n’est pas beaucoup, cela fait 23,5 femmes par an. Pour une population qui est environ le quart de celle de la France. Reste à connaître la représentativité de l’échantillon étudié. Il ya une indication dans l’étude, l’organisme par lequel ont été recueillies les données suit 1 500 000 personnes par an soit environ le dixième de la population des Pays Bas. Et on retombe, si on multiplie 23,5 par 10, bien que ce calcul soit approximatif, sur le nombre de décès annuels par cancer du col aux Pays Bas qui était de 237 en 2008 d’après l’Observatoire européen des cancers. http://eu-cancer.iarc.fr/pays-528-pays-bas.html,fr
Aux Pays Bas le cancer du col est le quatorzième cancer de la femme d’après cet observatoire. Et le nombre de cancers du col dépistés en 2008 était de 590, représentant alors le quart de l’ensemble des cancer de l’utérus (cancers du corps 1881). Cela fait une efficacité du dépistage d’environ 60% (237 décès sur 590). Et on retombe sur les chiffres habituellement évoqués. Les conclusions que je tirerais de cette étude sont très différentes. A savoir qu’il faudrait élargir les âges de dépistage et instaures une double lecture des lames pour améliorer de l’ordre de 30 à 40% l’efficacité du dépistage.

CMT a dit…

SUITE EN FRANCE
A noter qu’en France où le cancer du col est au DOUZIEME RANG DES CANCERS DE LA FEMME EN 2008 d’après l’OEC http://eu-cancer.iarc.fr/pays-250-france.html,fr. Autre donnée intéressante, les ¾ des quelques 1000 décès annuels par cancer du col se produisent après 50 ans. Le bénéfice du dépistage est fort probable lorsqu’on note que le taux de mortalité standardisé monde du cancer du col en France est passé de 4,2 à 2 pour 100 000 entre 1983-87 et 2003-07 alors que le même taux est passé de 2,5 à 2,3 pour le cancer du corps de l’utérus, qui n’est pas concerné par le dépistage. (d’après un document conjoint « dynamique d’évolution des taux de mortalité… » ISERM INVS etc.)

CMT a dit…

Je souhaitais aussi répondre à Elena, qui m’interpelle indirectement dans un commentaire lors de son dernier article sur le Gardasil à propos d’un article que j’ai écrit en espagnol dont j’ignore comment elle a eu connaissance. J’ai tendance à oublier que sur internet le monde devient un petit village.
Pour expliquer le contexte, Cristina Fernadez de Kirchner la présidente de l’Argentine, a annoncé, en février, son intention de rendre obligatoire le vaccin contre le HPV pour toutes les petites filles dès 11 ans en Argentine, soit environ 350 000 petites filles à vacciner par trois doses de vaccin chaque année. Un proche m’a demandé de faire un article sur le sujet, qui a été publié dans une petite agence de presse généraliste et hispanophone du web. Elena évoque une erreur, assez étrangement sans préciser laquelle, que non seulement moi, mais aussi Philippe de Chazournes de la Réunion et Jean-Pierre Spinosa, gynécologue suisse et co-auteur de « la piqure de trop » aurions commise et qui mettrait en doute notre crédibilité.
Je suis également étonnée qu’elle parle d’une forte diffusion de mon article. Si c’est vrai, faut en attribuer la raison à l’uniformisation de l’information officielle sans doute et au manque de données alternatives au discours officiel. Mon étonnement se poursuit lorsqu’elle évoque également des commentaires que j’ai fait sur Pharmacritique qui ont été supprimés depuis plusieurs mois. Qui peut bien se souvenir du détail d’un commentaire que j’ai fait sur Pharmacritique il y a plusieurs mois ? Quant à l’article qui était sur esculape, dont elle parle aussi, j’ai demandé à Hugues Reybaud de le supprimer également suite aux nombreuses récriminations et reproches de la part des supporters d’Elena et d’elle-même.

CMT a dit…

Tout ceci étant dit, je pense avoir repéré de quelle erreur il s’agit et je comprends mal qu’Elena en fasse tant de mystère. Je suppose qu’elle fait référence à l’étude rapportée par la FDA ( http://www.fda.gov/ohrms/dockets/ac/06/briefing/2006-4222B3.pdf étude 13 p 13) où les JF dont l’infection par le HPV était documentée déclaraient des cas plus nombreux de dysplasie lorsqu’elles étaient vaccinées par rapport celles qui ne l’étaient pas (44% de dysplasies en moins chez les JF non vaccinées). Ce qu’Elena veut dire c’est que cette différence N’ETAIT PAS SIGNIFICATIVE. Toutefois ma phrase était au conditionnel dans l’article en question « il serait possible que…il se produise une augmentation ».
D’autre part cet argument est un argument tout à fait secondaire dans le raisonnement dont les conclusions reposent sur un FAISCEAU D’ARGUMENTS CONVERGENTS . Et reposent aussi sur la REALITE EPIDEMIOLOGIQUE de l’Argentine. Car contrairement aux laboratoires je ne pense pas qu’une série de slogans tels que « premier vaccin contre le cancer, 70% d’efficacité, deuxième cause de cancer… » puissent tenir lieu d’argumentation pour tenter de soumettre des millions de toute jeunes filles partout dans le monde à une vaccination systématique et indifférenciée.
Le problème c’est que les laboratoires pharmaceutiques sont extrêmement puissants, et de plus en plus au fur et à mesure des fusions-acquisitions et qu’ils ont les moyens d’imposer les termes et les prémisses du débat qui s’est instauré autour de ces vaccins. Lorsque ces prémisses sont ABSURDES et s’appuient sur une vision scientiste et religieuse de la médecine telle que les vaccin seraient une sorte de bienfait du Bon Dieu, donc forcément bons partout pour tout le monde et en toutes circonstances, un tel argumentaire qui ne repose effectivement sur rien, rien que la foi, est très difficile à contrer. D’autre part, le comportement des laboratoires fait qu’on est placé devant une sorte d’ETAT DE FAIT PERMANENT auquel on devrait se plier (comme en politique d’ailleurs). Un vaccin est élaboré, donc il faut qu’il soit vendu à grande échelle.

CMT a dit…

On pourrait poser la question différemment et se demander: QUEL PAYS prenant en compte les besoins de santé de sa population aurait pu considérer comme prioritaire l’élaboration d’un vaccin
1 dont le coût est pharamineux et atteint environ 20% du PIB par habitant des 130 pays (sur 231) les plus pauvres de la planète ?
2 dont le coût pharamineux vient s’ajouter au coût déjà difficilement soutenable pour ces pays où se trouvent la grande majorité des cas de cancers du col, au coût du dépistage . Dépistage qui est autrement plus éprouvé et coût/efficace ?
3 pour lequel une baisse significative du taux du cancer du col dans les pays riches (de l’ordre de 13 à 16% de baisse d’après l’étude autrichienne et d’après la modélisation de l’INVS), ne peuvent être escomptés qu’à échéance de 50 et 70 ans et uniquement si on se place dans des hypothèses d’efficacité du vaccin de 70 à 100%, qui ne sont, de toutes façons, pas réalistes ?
4 pour lequel on expose DANS L’IMMEDIAT des toutes jeunes filles aux risques d’effets secondaires du vaccin, parfois gravissimes, au nom d’un bénéfice tout à fait hypothétique escompté dans une cinquantaine d’années ?
5 et tout ceci sur la foi de la confiance des Etats (mais est-ce de la confiance ou de la compromission ?) envers des laboratoires pharmaceutiques tels MSD déjà très lourdement condamnés aux Etats Unis pour avoir occulté, pour le business, des effets secondaires graves de certains médicaments, ayant entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304155604575581923223447954.html ?

Peut-on imaginer situation plus absurde ? et pourtant c’est bien ce qui se passe.
Je ne botte pas en touche en ce qui concerne les critiques d’Elena, mais je préfère éviter de jeter de l’huile sur le feu.
Mes plates excuses à JCG pour avoir monopolisé les commentaires. En revanche, je ne lui demande pas de m’excuser pour l’avoir critiqué puisque lui, il sait accepter la critique.

JC GRANGE a dit…

@docausol et CMT.
Je suis d'accord de vos critiques mais : a) j'ai parlé de fiasco de cette campagne de dépistage car cela va conduire les autorités néerlandaises à modifier les critères de convocation et d'analyses ; b)il n'est pas certain que l'intensification des mesures va améliorer la sensibilité ; c) je suis toujours déçu, poussé certainement par l'idéologie préventive, par les maigres résultats de la prévention ; d) la baisse de la mortalité n'est pas obligatoirement liée à cette campagne car dans tous les pays développés la mortalité par cancer du col diminue ; e) enfin, j'ai bien précisé que j'étais pour le dépistage mais que j'étais contre le fait qu'il ne soit jamais publié de vraies analyses post hoc.
Continuez à écrire des critiques, c'est plus amusant.

CMT a dit…

A JCG,
Vous avez certainement raison de douter, et l'expérience récente nous a largement démontré que le consensus se fait souvent sur des bases fausses. Et plus souvent délibérément faussées.
Mes arguments ne suffisent pas à démontrer de manière non équivoque les bénéfices du dépistage du cancer du col. Par exemple, il est possible que la modification des comportements sexuels suite à l'apparition du SIDA en occident ait joué un rôle. Il faudrait, de toutes façons, approfondir le sujet.
La science est tellement complexe que celui qui doute a toujours plus de chances d'être dans le vrai que celui qui est sûr d'avoir raison.
D'où l'importance de poser clairement les termes du débat, les limites, en termes financiers, comme en termes éthiques, qu'on se fixe de ne pas dépasser. Car le bénéfice d'un médicament, d'un vaccin, d'un dépistage, ne peut être que relatif, relatif à un contexte.
C'est ce qui manque beaucoup. Et la multiplication des comités d'éthique et de déontologie ne sont que le reflet de cela. Dans la logique: "moins on en fait, plus on en parle pour donner l'impression qu'on en fait".

CMT a dit…

Pour les amateurs de chiffres ou pour ceux qui, sans les aimer particulièrement, aiment comme moi, comprendre de quoi il retourne je précise les données de deux modélisations de l’impact de la vaccination contre le HPV. D’une part celle effectuée par un institut autrichien indépendant sous la direction d’Ingrid Zechmeister, experte internationale en santé publique, et dont Pharmacritique a rendu compte (http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/07/02/meme-une-vaccination-systematique-par-un-gardasil-suppose-ef.html)
D’autre part la modélisation de l’INVS de mars 2007 dont il faut lire d’abord la synthèse http://www.invs.sante.fr/publications/2008/modelisation_hpv/index.html
L’intérêt de ces deux modélisations sont d’abord les hypothèses de départ, ensuite la cohérence dans les résultats, et puis l’incohérence dans les conclusions.
L’étude autrichienne part sur les hypothèses pour le moins optimistes d’une efficacité du vaccin de 100%, et d’une protection à vie. La dernière condition étant une couverture constante de 85% des JF de 12 ans pendant plus de 50.ans Sous ces hypothèses, pour tout dire plus fantaisistes (volontairement fantaisistes) qu’optimistes on atteindrait au bout de 52 ans une réduction de la mortalité par cancer du col de 13%.Alors que, en France, la réduction de la mortalité par cancer du col a été supérieure à 50% pendant les 20 années précédentes et sans vaccin.

CMT a dit…

L’étude française de l’INVS pose les hypothèses suivantes : une efficacité de 95% du vaccin sur les sérotypes 16 et 18 représentant de manière constante 75% des cancers du col (pas de substitution des sérotypes, comme cela s’est produit en 4 ans seulement avec le Prevenar). En présumant que la protection serait d’une DUREE INDEFINIE et que la couverture serait de manière constante à 80% des JF de 14 ans pendant SOIXANTE DIX ANS (détail omis dans la synthèse) au bout de ces 70 ans on pourrait observer une réduction significative supplémentaire de 16% de la mortalité par rapport au dépistage organisé, moyennant un coût supplémentaire de 23 000 euros par année de vie gagnée. Mais la condition serait que le taux de couverture vaccinale des JF reste de manière constante à 80% car si le taux venait d’aventure à baisser en dessous de 60%, alors le nombre de décès par cancer du col serait supérieur avec la vaccination par rapport au dépistage organisé.
Pourquoi 70 ans ? se demanderont les naïfs. Parce que les honnêtes travailleurs de l’INVS ont bien compris le précepte qui dit que si la montagne ne veut pas faire le déplacement, il faut aller la trouver. Et sans doute faut-il un laps de 70 ans pour atteindre un résultat tant soit peu significatif quoique assez dérisoire, de la vaccination même avec des hypothèses aussi optimistes qu’irréalistes.
Et sans prendre en compte à aucun moment les effets secondaires des vaccins. Les dégâts collatéraux sans doute ?
Les conclusions des deux modélisations malgré des résultats cohérents sont opposées. L’INVS considère que la vaccination est une carte raisonnable à jouer. Autant dire que, au vu des hypothèses des chiffres avancés, et de l’absence totale de prise en compte des effets secondaires des vaccins sur de toutes jeunes filles (effets secondaires cumulés pendant 70 ans ce qui pourrait représenter une hécatombe bien pire que celle du Médiator) je ne suis pas vraiment d’accord.