jeudi 2 février 2012

Faut-il et comment dénoncer des confrères et faut-il et comment les défendre ?


Dénoncer des confrères ?
Que faire quand on sait qu'un praticien (confrère, consoeur) ne pratique pas selon les Règles de l'Art ? 
Cette question, nous nous la posons fréquemment, et nous ne savons pas comment y répondre.
La première chose que nous faisons tous est de ne plus adresser de patients aux confrères que nous soupçonnons de mauvaises pratiques. Mais, à l'évidence, ce n'est pas aussi simple que cela. D'une part, parce que l'offre de soins n'est pas extensible et qu'exercer dans une petite ville ou dans une zone rurale limitent les choix. D'autre part, parce que les patients ont des préférences et qu'il est difficile, de but en blanc, de s'y opposer. Enfin, parce que, dans l'esprit des patients, il existe, notamment quand il s'agit de spécialistes, 'une croyance  en l'interchangeabilité des médecins (consulter un spécialiste en DCI)  et que cette croyance est plutôt favorable à la profession.
Mais, vous l'avez deviné, cela ne suffit pas. Le vrai problème n'est-il pas d'agir pour empêcher ce médecin ou cette structure de nuire ? 
Le premier écueil est celui-ci : quels sont nos critères ? Pourquoi, et sur quels éléments nous fondons-nous pour juger ? Ne sommes-nous pas subjectifs ? Notre impression est-elle partagée par d'autres ? N'en faisons-nous pas une affaire personnelle ? La pratique des groupes de pairs et l'échange pendant ces réunions est une donnée fondamentale d'appréciation.
Le second écueil, nous semble-t-il, est de savoir si une dénonciation ne va pas entraîner une cascade de conséquences dont le jugement de notre propre activité et un déchaînement de règlements de compte, finalement défavorable pour la profession tout entière ?
Mais, plaçons-nous dans une perspective morale qui serait que notre devoir nous impose de parler sur la place publique de pratiques que nous considérons comme défavorables à "nos" patients.
Comment procéder ?
Il est possible de recenser un certain nombre de moyens : téléphoner au collègue ; lui écrire de façon confraternelle ; ou le menacer ; ou le dénoncer au Conseil de l'Ordre ; ou à la CPAM ; ou à des associations de consommateurs ; ou à la presse médicale ou grand public.
Je ne l'ai jamais fait.
Ai-je eu tort ?
Si quelqu'un a des avis sur la question.
Mais il n'existe pas que des problèmes médicaux, il existe aussi des problèmes administratifs où, à l'évidence, un collègue ou un établissement de soins facture mal ou sur facture. Ce qui équivaut à un vol des deniers publics.
Ne parlons pas non plus des dépassements excessifs ou des dépassement tout simples, mais sous le manteau.
Faut-il envoyer le service de la répression des fraudes ?

Défendre un collègue ?
Une affaire récente qui s'est produite dans mon département et, même, sur mon territoire de garde, me paraît exemplaire des limites de la défense confraternelle.
En gros, voici des faits : un collègue surfacture et mobilise le ban et l'arrière-ban de l'establishment local pour le soutenir : politiques, syndicats, associations. Et tout le monde de monter sur ses grands chevaux pour défendre le confrère. Je me suis posé la question, simple, du rôle des syndicats médicaux : pourquoi défendent-ils quelqu'un qui, à l'évidence, a manqué à ses obligations administratives ? 
Je comprends que l'on doive défendre un collègue, il a, comme tout le monde le droit d'être défendu, mais est-ce le rôle des syndicats médicaux de prendre parti ? Que les syndicats lui offrent toutes les possibilités de se défendre, certes, qu'ils lui ouvrent toutes les portes, certes, mais qu'ils se lancent dans une surenchère qui conduit, vu de l'intérieur de la profession, à justifier des faits qui paraissent condamnables a priori, j'en suis moins sûr.

Les Britanniques abordent le problème de la dénonciation pour les professionnels de santé travaillant en institution et précisent dans un document datant de 2009 (ICI) à la fois ce qu'est le whistleblowing (lancement d'alerte) et ce que sont les sujets et les types de préoccupations qui doivent alerter et conduire aux signalements. Le champ en est vaste depuis la fraude dans les essais cliniques jusqu'à l'alcoolisme d'un professionnel de santé... Sur le site du BMA (British Medical Association) il existe une rubrique Défendre les Médecins (Standing up for doctors) où l'on trouve une rubrique Défendre les Malades (Speaking up for patients) (LA).

J'ai eu l'exemple récent d'une "nouvelle" patiente qui m'a été adressée par sa soeur (dont je suis le médecin traitant) et dont le cas, suivi par l'hôpital de Plouc-City, m'a effaré. Cette jeune femme de 21 ans a subi quatre coelioscopies avec un diagnostic erroné d'abord d'endométriose puis de Stein-Lowenthal, et l'obstétricienne d'un (grand) service parisien (où, malgré tout, on continue de prescrire des pilules non remboursées, à préconiser des mammographies avant la date légale) à qui je l'ai adressée dans un deuxième temps, est tombée par terre et a dit à la malade qu'il ne fallait plus qu'elle mette les pieds dans le service de Plouc-City. J'ai envoyé les compte rendus au premier obstétricien de Plouc City qui ne s'est pas manifesté... Que dois-je faire ?

Et l'exemple récent d'un pneumologue qui continue de prescrire respimat (tiotropium solution) malgré les dangers qu'une méta-analyse a soulignés : ICI.

Ces deux médecins, aurait-on aussi envie de les défendre ? 

(La Sibylle de Delphes, fresque de Michel-Ange (15081512))

PS (5 février 2012)
Actualités états-uniennes : des cardiologues accusés de frauder Medicare en pratiquant des opérations inutiles : ICI

3 commentaires:

pr mangemanche a dit…

Il y a des cas qu'il ne faudrait pas défendre : surfacturations, facturations d'actes fictifs, fraudes manifestes, etc, car ce sont des brebis galeuses qui nuisent à l'image de la profession ( que fait alors l' Ordre pour défendre l'image de cette profession avant qu'il n'y ait une plainte de la CPAM ??). Pourquoi les syndicats s'en emparent-t-ils ? Pour afficher une soit-disant image de radicalité vis-à-vis des Autorités, qui est sensée cacher la compromission permanente avec ces mêmes Autorités, dans le champ conventionnel par exemple ?
Il y a des cas qu'on aimerait pouvoir défendre ( parce que l'on s'y projette ?): cf . http://www.atoute.org/n/article240.html

Anonyme a dit…

En 2010, ma fille a eu un ongle incarné, nous avons vu plusieurs fois un podologue. En vacances, elle a dû voir à nouveau une podologue, celle-ci a pris une serviette de toilette sur une barre, donc pas propre, l'a mise sous le pied de ma fille, sur ses genoux, car elle n'avait qu'un simple fauteuil, a essuyé ses instruments dessus et a remis la serviette "en place" !! Sans parler du "charcutage" qu'elle a fait subir à ma fille pourtant pas douillette... Aujourd'hui, elle est opérée.
Ma fille est allergique, elle est donc suivie par l'allergologue de la ville où se trouve son internat, je paie 12€ l'injection. Lors des vacances de Noël, les infirmières ne pouvant plus faire ces piqûres, elle a vu notre généraliste, j'ai payé 23€ juste pour l'injection a-t-il le droit ? Ma fille a 15 jours de vacances suivies de 3 semaines de stage, je n'ai pas envie de payer 5 visites pour 5 injections, et la sécu, en a-t-elle envie ? Je vais me renseigner auprès du dispensaire, j'avais aussi pensé à l'hôpital, de plus il y a une école d'infirmières...

ClemClem a dit…

Bpnjour et merci pour ce blog bien interressant !

La question de ce billet me frappe car en tant que simple citoyen j'ai deja eu envie d'alerter à propos de médecins aux traitements plutot bizaroide... Du genre qui vous prescrit un medoc pour l'angoisse quand vous avez mal aux reins, tout en crachant sur des thérapies alternatives comme la kiné ou mézière !!!

Avez vous des pistes ?

merci !