mardi 6 mars 2012

Un impossible point de vue unique. Histoire de consultation 113.


Madame A, 38 ans, ne va pas bien. Son couple ne fonctionne plus. Je connais l'histoire mais c'est la première fois qu'elle m'en parle vraiment. Nous sommes assis, elle dans une des trois chaises qui font face à mon bureau et moi, dans mon fauteuil tournant et basculant. Je la laisse parler en tentant de me comporter comme un écoutant neutre (je fais attention à la position de mon corps, de mes mains, de mes pieds, de mes jambes, des traits de mon visage, je repense à toute allure à ce que j'ai lu sur la question, me félicitant de ne pas voir de barbe ou de moustache derrière lesquelles j'aurais pu me cacher...), un écoutant neutre que je ne suis pas car je connais une partie de l'histoire de cette femme, une partie de l'histoire de son ex mari, une partie de l'histoire de ses enfants, de son nouveau compagnon, de ses parents, de ses frères et soeurs, et cetera.
Neutralité, empathie, l'éternel problème non résolu, sans compter l'antipathie et le reste.
Et ainsi, me dis-je, tout en l'écoutant et en faisant attention à mon apparence, et ainsi me présenté-je, enfin, je le crois (je ne suis pas filmé et, le serais-je que, sans nul doute, je changerais d'attitude, je jouerais au médecin filmé se conformant à son surmoi personnel et au surmoi sociétal considéré comme il faut, ou comme il considère qu'il doit être), et ainsi me positionné-je (au sens littéral du terme), comme le médecin normal, normalisé ou normativé dont je n'aurais pas honte si je savais que j'étais filmé.
La patiente parle et je pense à l'article de Prescrire (Psychothérapies chez les adultes : les principales approches. Rev Prescrire 2012;32(341):224-6)) en me disant, à toute allure, que je suis loin du compte. Car, comme Monsieur Jourdain, je fais de la psychothérapie sans le savoir. A moins que la psychothérapie sauvage que je pratique ne soit plus dangereuse que bénéfique (Ah, maître Balint, combien de bonnes volontés empathiques as-tu, à juste titre, détruites...)... L'article de Prescrire est, comme souvent, d'une neutralité désespérante et, en tous les cas, me désespère par sa sécheresse et son manque d'emphase, tout autant que par son accumulation de lieux communs que je cite pas ici mais que vous retrouverez, égrenés, ici ou là.
Rappelons ici les psychothérapies recensées par Prescrire : psychanalytiques, psychodynamiques, à orientation familiale ou systémique, expérientielles et dynamiques, cognitives et comportementales... Gageons qu'il ne s'agit pas d'un catalogue exhaustif et que les mages déguisés en médecins ou en psychothérapeutes, à moins que cela ne soit l'inverse, les gourous s'avançant sous le masque de la médecine ou du bon sens transactionnel, du bon sens gelstatien, neurolinguistique ou hypnotique, primal, sophrologique et autre, soient légion et envahissent l'espace mondialisé du multiculturalisme, sans compter le New Age et autres tendances en ces temps terminaux... envahissent les cabinets où s'exerce la médecine ou la psychothérapie...
Où en étais-je ?
Eh bien, ici : la déconstruction du monde s'accompagne obligatoirement d'une déconstruction des certitudes. J'écoute cette femme et je me dis qu'il faut, nécessairement, avoir un point de vue pour être efficace. Cette phrase que j'ai prononcée en silence ne me plaît pas. Elle ne me plaît pas car, telle quelle, elle demande de nombreuses explications.
Les personnes les plus intéressantes que j'ai rencontrées, aussi critiquables qu'elles aient pu être par d'autres aspects de leur personnalité, avaient toujours un point de vue affirmé. Il ne faut pas confondre point de vue et idéologie : le point de vue peut changer comme lorsque l'on se promène en montagne et que l'on passe d'une cime à une autre, d'une crête à un reposoir, d'une paroi à une prairie, alors que l'idéologie a besoin d'un observatoire immobile, une sorte de forteresse des idées d'où peuvent partir des flèches voire des obus et peu accessibles à ces mêmes flèches et à ces mêmes obus.
Le point de vue est, comme son nom l'indique, un regard sur le monde. Ici : un regard sur une patiente. Et je constate avec tristesse que je n'ai pas de point de vue, que je patauge, je n'ai que mon simple point de vue et qu'il est difficile d'aider quelqu'un sans que l'esquisse d'une stratégie apparaisse dans mon esprit. Je suis en phase de déconstruction.
Quel point de vue adopter avec cette femme ? Faut-il que je passe en revue la description prescririenne ? Faut-il que j'adresse cette patiente à un des tenants de ces écoles de pensée ? Cela va être coton. Où se cachent-ils ? Où nichent-ils ? Dans combien de temps, le rendez-vous ? Combien cela va-t-il coûter ? Même les psychiatres d'obédience freudienne sont difficiles à trouver.
Et mon point de vue, dans tout cela...
J'écoute la patiente, j'interviens au minimum, du non verbal, des grognements, des oui, des non, il va bien falloir que je me décide à faire quelque chose. Qu'attend-elle de moi ? Simplement que je l'écoute ? Que je lui fasse penser à son père ? A son absence de zizi ? A ses relations intra utérines avec sa mère ? Je m'arrête là. Faut-il donc que je m'attelle spécifiquement à ce problème de couple ? Que je lui dise comment se comporter quand son mari est indifférent, moqueur ou dédaigneux ? Que je lui parle des propres rapports de son mari avec sa mère ?
Madame A parle.
Je l'écoute.
Il va bien falloir que je me manifeste.
Quel est mon point de vue ?
Je me dis, en contradiction avec moi-même : il n'y a jamais de point de vue unique.
Je pense aux controverses sur l'autisme.
Quelles sont les origines de l'autisme ? Y a-t-il des étiologies multifactorielles ? Y a-t-il des solutions multifactorielles ? Y a-t-il une politique des points de vue ? Peut-on aborder ces enfants selon un point de vue purement analytique (avec des versions pures, freudiennes, lacaniennes, jungiennes), purement génétique, purement neuroscientifique (des IRM et des biopsies cérébrales), purement viral (le vaccin contre l'autisme), purement social, purement politique, purement lutte des classes, purement religieux, purement anthropologique (Leroi-Gourhan qui a si bien écrit sur le passage des hominiens en position debout), purement ethnographique  (Claude Levi-Strauss qui a écrit tout et son contraire mais de façon tellement géniale ou Maurice Godelier) ?, purement médical (depuis la médecine holistique jusqu'à la chimiothérapie), purement patriarcal, purement anti psychiatrique (mon vieux Ronald Laing, où es-tu ?), purement psychologique, purement mimétique (René Girard est prêt à nous pondre une mise au point éclairante), purement sociologique (à moi, Bourdieu, deux mots), purement neurolinguistique ou linguistique tout court... purement romanesque (j'oubliais mon cher Kundera)... Mais j'oublie le point de vue démographique (le rôle de la transition dans l'apparition de l'autisme...) ou celui, beaucoup plus évident, de l'enfant désiré de Paul Yonnet... ou de la sémiotique barthienne (pas barthesienne)...
Que fais-je, en contemplant le tableau désespéré de l'immensité de mes méconnaissances ? Je pense au burn-out, à l'EBM, au blocage des honoraires médicaux pendant six ans et au dernier point de vue sur le Mont-Blanc vu à Avoriaz.
Je reviens à la patiente.
Je pense à ceci : le dosage du PSA à titre de dépistage est une immense loterie où il n'y a que des perdants et, pourtant, je ne peux vous parler à propos du cancer de la prostate d'une étiopathogénie multifactorielle et rameuter les "maîtres"... Sauf qu'en ce cas il faut parler ethnie, statistiques... études truquées ou contaminées...
Donc, la patiente qui me raconte que son couple va mal, est en plein tirage à la loterie des idées, quel numéro va-t-elle tirer ?, et j'ai une trouille féroce de faire ce qu'il ne faut pas faire ou prononcer la phrase que la malade, même quand elle fera un Alzheimer dans trente ans, n'aura pas oubliée, ou dire des mots qui influeront toute sa vie...
Servitudes et grandeurs de la médecine générale qui se pose des questions sans réponses.
Mon point de vue ? Essayer de ne pas être dupe de moi-même et de mes a priori, surtout à propos d'une femme qui a du mal avec son mari.
Cette femme n'a donc pas d'enfant autiste, n'a pas de prostate et va sortir du cabinet sans médicament.
Pas de point de vue, pas de solution, pas d'interprétation univoque, une femme qui cherchait mon aide et qui n'a cessé de parler sans espoir à un être neutre en train de l'écouter en tentant de ne pas influer sur son discours, non par empathie mais par incompétence...
Reviendra-t-elle me voir quand je serai reconstruit, avec un point de vue à facettes, avec des diagrammes et des algorithmes pleins la tête, des explications rationnelles, des néologismes pertinents (réactance, résilience et autres "trouvailles" modernes) à pouvoir fournir à adresser pour jouer au malin neutre et empathique.
On devrait, après avoir découvert une théorie qui explique tout (ou presque) s'arrêter là, cesser de lire, s'en tenir à une explication plausible, à un point de vue simple, pas complexe pour un sou, cela permettrait de mieux dormir le soir, et... d'aider les patients.
Inventer la médecine facile.

33 commentaires:

Frédéric a dit…

Merveilleux de commencer une journée de médecine générale par la lecture d'un tel article...
Réjouissant, réconfortant, les adjectifs me manquent, tant j'ai l'impression de partager ces moments avec son auteur.

Tant de blogs médicaux, tant de blogs de médecine générale, et pas un mot sur les problèmes conjugaux...
Je commençais à désespérer, et surtout à m'interroger :
suis-je donc le seul auquel les gens viennent si volontiers conter qui le mari trop con, qui l'épouse trop chiante, le compagnon d'une vie qu'on ne regrettera pas ?...
Ai-je des airs d'arrangeur des ménages, pour qu'on me sollicite autant sur des sujets qui me renvoie pourtant toujours à ma petitesse, et ma profonde incompréhension des mécanismes qui sous-tendent les rapports humains ?...

Merci Docteur Grange, car aujourd'hui, vous avez soulagé un homme de son fardeau !

(Pour quelques heures du moins, me reprends-je après avoir jeté un oeil à l'agenda des consultations... qui sent le problème conjugal à plein nez !!!)

BT a dit…

Vous avez réalisé l'essentiel en l'écoutant, parler de stratégie dans une telle situation où la relation prime revient à techniciser la rencontre.La patiente ne vous reprochera pas de ne pas savoir, tout savoir, mais peut-être percevra t-elle que vous étiez préoccupé par votre vision loupe et douloureuse de "vos carences" alors qu'elle recherchait juste à être entendue, écoutée, comprise une énième fois,le facteur temps étant un élément important dans le processus de prise en charge, il porte conseil.

Frédéric a dit…

Je rebondis sur BT (heureusement je suis léger) :

cette "vision loupe et douloureuse" de nos carences, n'est-elle pas une déformation engendrée par le mythe scientiste, promouvant dans l'inconscient collectif le mirage d'une médecine totipotente (et de médecins fait du même bois), qui face à chaque nouvelle menace pathologique (terroriste) brandit une nouvelle arme, toujours plus puissante (réponse graduée) ?
La métaphore militaire que je file involontairement me glace soudain le dos...

Du coup la non intervention devient faiblesse, l'attentisme constat d'échec. Et le médecin, à qui l'on a pourtant asséné après son succès au concours de première année qu'il intégrait "l'élite de la France" (véridique, mon doyen était un pote de Chirac), se retrouve pourtant fort dépourvu, et ne peut s'empêcher de sombrer dans la culpabilité, avec sa bonne âme charitable de Sauveur du Monde.

Alors quelle est-elle cette "théorie qui explique tout (ou presque)", cette "explication plausible, (...) point de vue simple, pas complexe pour un sou", qui "permettrait de mieux dormir le soir, et... d'aider les patients" ?...

Et s'il ne s'agissait après tout que de prendre son impuissance (médicale) à bras le corps, et de lui faire un gros câlin, plutôt que de la maudire sans cesse ?
Et si en cessant de s'en vouloir on pouvait se détendre, et devenir plus doux, plus humain, et peut-être compatir plus simplement, plus vraiment ?
(Pardon pour l'eau de rose mais j'écoute la balade No.4 en Fa Mineur, Op.52, de Chopin, qui possède cette étrange vertu de transformer instantanément n'importe quel bloc de roche brute en guimauve).

Pas sûr, mais ce qui l'est à peu près, c'est que ça permet déjà de mieux dormir la nuit, et c'est déjà pas si mal, que diable !

BT a dit…

@ frédéric,
Vous étiez bien inspiré par Chopin avec un texte d'une insoutenable légèreté.
Peut-être au fil des rencontres lors des consulations finit-on par devenir humble:
Ceci on peut le toucher du doigt quand un toxicomane suivi dans un centre continue à s'injecter de la Méthadone en intra-veineux, pour avoir le même effet immédiat que celui entraîné par l'héroïne.On sait que le temps reste le meilleur allié et l'accompagnement bienveillant la conduite adaptée.

BT a dit…

@JCG:

A propos de la déconstruction des certitudes, n'est-elle pas aussi le signal de l'évolution d'une médecine, à l'instar des institutions sanitaires, médicosociales, vers un mode de réflexion "démarche qualité"où il n'existe plus de place pour la dimension relationnelle.Cette dimension relationnelle impensée se heurte à la dimension technique pragmatique qui suit des protocoles et entraîne une prise en charge discontinue du patient.
La dimension relationnelle n'est pas assujettie à un point de vue, à une réponse systématique en vue de satisfaire un besoin. Cette relation est mouvante, adaptée, entrenue avec un sentiment de continuité, elle est sous-tendue par l'expèrience personnelle sur le terrain la seule connaissance solide née de l'intersubjectivité entre le soignant et son patient. Elle protège de la déconstruction car elle ne se construit jamais sur des certitudes.

JC GRANGE a dit…

@ BT J'ai un peu de mal à vous donner une réponse simple. Je ne sais pas si la déconstruction des certitudes est liée à la démarche qualité, car je ne pense pas que les grands déconstructeurs, avec lesquels je ne suis pas forcément d'accord (d'abord parce que j'ai du mal à comprendre ce qu'ils écrivent, comme Baudrillard) aient fondé leur démarche sur elle. Je crois au contraire que la déconstruction du monde est liée à la perte de pouvoir des certitudes des idéologies (marxisme et / ou psychanalyse) dans un contexte de sécularisation de la société et que, la nature ayant horreur du vide et, ici, de l'absence de conditionnements tout faits, on a créé la démarche qualité qui partait comme souvent de bonnes intentions et qui est devenue une normativation économique du monde (à la suite d'Adam Smith et de Hayek) avec toutes ses conséquences néfastes. Et ainsi, dans mon cabinet, il y a trente ans, pouvais-je me dire balintien (ce qui n'enlève rien à cette approche) et rien d'autre. Ce n'est plus possible. Chacun avait un point de vue, voire une idéologie, cela occupait l'esprit, cela évitait de trop réfléchir et les patients, en raison du paternalisme, n'avaient qu'à bien se tenir... Maintenant, et c'est d'une certaine façon heureux, le patient n'a pas forcément de point de vue et le thérapeute pas plus. C'est le bazar multiculturaliste et idéologique. Les choses vont se canaliser... ou pas, mais, pour l'intant, c'est dur. J'écoute donc.

CMT a dit…

Nous avons tous un point de vue. Sans point de vue il n'y aurait pas d'altérité, puisqu'il faut bien s'adresser à l'autre de quelque part.
La réalité subjective est une construction, un récit, une histoire qu'on se raconte à soi-même pour appréhender la réalité extérieure qui nous échappe http://automatesintelligent.blog.lemonde.fr/2010/01/26/perdons-nous-connaissance-par-lionel-naccache/.
Se raconter des histoires forge un point de vue. Le patient qui vient au cabinet a déjà une idée précise de ce qu'il vient y chercher.
Le sentiment qu'il n'y a plus de point de vue vient peut-être de ce que la société tend à introduire en permanence, par effraction (suggestion, marketing , pub, double contrainte du langage utilisé par les personnages publics , dire ce qu'on ne fait pas et faire ce qu'on ne dit pas) des éléments artificiels qui viennent parasiter notre récit personnel sans pouvoir vraiment s'y insérer et qui nous privent de cohérence et du sentiment d'unité.

Et de l'excès d'individuation (chacun pour soi) et de l'absence remarquée de récit collectif fédérateur.

BT a dit…

Oui c'est en privilégiant la dimension relationnelle,espace dynamique, riche de la confrontation de connaissances théoriques et de pratique personnelle que l'on conserve l'unité.
Il y a aussi le besoin de reconnaissance qui passe par l'identification à un groupe, à un mouvement de pensées. Encore une fois, on peut puiser ce qui nous apparaît essentiel sans vouloir porter "l'étiquette" sécurisante.
Forger son point de vue c'est cumuler un savoir dont le seul moyen d'évoluer passe par l'acceptation que ce que l'on apprend est en partie vrai et en partie faux.Ce qui est important aussi c'est de toujours se situer à côté du patient face au pouvoir institutionnel, médical,pharmaceutique...

Anonyme a dit…

Et si vous l'envoyiez chez un spécialiste du couple ? Chez un psy qui a été formé à l'écoute ..
Voilà qui vous simplifierait la vie .Chacun son domaine .

JC GRANGE a dit…

CMT a écrit " Et de l'excès d'individuation (chacun pour soi) et de l'absence remarquée de récit collectif fédérateur." Cette phrase mériterait une thèse, non qu'elle soit fausse ou vraie, mais cela mérite des développements nuancés. Il existe à la fois un manque et un excès d'individuation et une illusion d'optique : le chacun pour soi est un leurre car il s'inscrit dans une société de la consommation de désirs et il souffre du fait que les individus ont perdu la capacité de critiquer à partir des faits concrets et des données réelles (qui leur - nous -- sont cachées). Sans compter que l'individuation ou l'autonomisation est devenu un critère d'élevage des enfants et une arme fatale du libéralisme philosophique et, partant, économique... Pas simple...

JC GRANGE a dit…

@ Anonyme (ce serait bien que les anonymes prennent un pseudo, ça faciliterait les choses). Les thérapies de couple ? 1) Dans mon coin, c'est exceptionnel ; 2) C'est cher ; 3) Il faudrait mettre toute la population française en examen...

Frédéric a dit…

@ CMT :

"La réalité subjective est une construction, un récit, une histoire qu'on se raconte à soi-même pour appréhender la réalité extérieure qui nous échappe ".

100 % d'accord avec vous !
Un individu égale une réalité, dix individus égalent dix réalités qui n'ont parfois que très peu de choses en commun.
Un exemple ? Tiens, essayons deux secondes de nous glisser dans la peau d'un gamin de 7 ans (déjà super dur pour moi), un gamin des favelas.
Ou dans la peau d'un ministre de l'intérieur de la République française (Beuaaark...).

A mon sens le travail du médecin doit se fonder sur l'empathie, ce qui implique, d'après l'étymologie du terme, de pouvoir sentir la "souffrance" de l'autre, dans tout ce qu'elle recouvre, comme si l'on était à l'intérieur de l'autre.

Quand BT affirme :
"c'est en privilégiant la dimension relationnelle,espace dynamique, riche de la confrontation de connaissances théoriques et de pratique personnelle que l'on conserve l'unité",
je ne suis pas loin d'être en complet désaccord avec lui (elle ?).
La dimension relationnelle est toujours (sauf exception rare) la rencontre de deux intellects qui par nature ne sont pas superposables, et qui communiquent majoritairement au travers de mots dont on sait qu'il ne recouvrent absolument pas le même sens pour l'un ou pour l'autre. Partant de ce constat, il m'apparaît que "la confrontation de connaissances théoriques" est une joute certes agréable, mais peu utile à la relation thérapeutique.

Quand au concept "d'unité", il faudrait s'entendre sur les mots pour savoir de quoi l'on parle (vous voyez !). L'être humain comprend des dimensions intellectuelle, corporelle, sexuelle, émotionnelle, spirituelle. L'unité dont on parle ici est-elle un état d'équilibre entre tous ces "centres" de l'être, ou alors une unité prise par le petit bout de la lorgnette ?
Je crois qu'une unité véritable ne s'expérimente que si l'on consent justement à laisser de côté la confrontation des connaissances théoriques, non seulement dans le rapport à autrui, mais bien plus dans le rapport à soi-même, au sein de son propre mental, haut lieu s'il en est de la lutte des idées et des concepts, lieu des jugements de toutes sortes et de tous ordres, lieu du combat permanent.
L'unité ne se gagne pas, l'unité EST. Elle préexiste.
Que cesse la tempête, et le silence devient audible.

(...) Vous entendez ? (...)

Pour en revenir à l'empathie, je pense qu'elle est rendue possible par un état de disponibilité très poussée. S'oublier soi même, pour pouvoir "sentir" l'autre, et ne pas recevoir une information dénaturée par son passage au travers d'innombrables filtres intellectuels.
Ceci implique d'accepter le fait que la communication puisse dépasser le strict cadre dans lequel on l'enferme souvent.
Ceci implique d'accepter qu'une partie de l'autre puisse aussi être une partie de nous, POUR DE VRAI.
Ceci implique de laisser de côté le paradigme de la causalité.
Mais c'est une autre histoire...

CMT a dit…

oulah! Oulah! Ca commence à voler très haut. A nous Bachelard, à nous Piaget, à nous Berlusconi (non, pardon, c'était une erreur)! Deux mots.

A Frédéric,
Je ne fais pas la même inteprétation de de ce qu'a dit BT. Ce que j'en ai compris c'est que la confrontation de notre corpus théorique (à nous mêmes) à l'épreuve de la pratique et de l'intersubjectivité (à condition d'accepter de se dépouiller de ses préjugés et d'entrer vraiment dans la réalité de l'autre par l'emapthie) nous permet d'évoluer.
Dans le discours et dans la théorie on peut tout dire et tout faire (en imagination).
L'unité s'entend plutôt comme sentiment de sa propre cohérence, ne pas se sentir clivé.

A JCG
pour ce qui est de l'individuation je voulais dire ce message personnel que nous adresse la société de consommation en permanence, qu'elle adresse à chacun d'entre nous : "tu peux satisfaire toutes tes envies", créant l'illusion d'une possible autarcie. A savoir moi, seul au monde,jouissant de tous les biens possibles, comme idéal ultime.

Dès lors la réalisation des soi ne peut être que quantitative: accumulation de biens et, par ricochet statut social.Ca n'a pas de fin puisque le quantitatif va jusqu'à l'infini. Pas de fin donc pas de but ni de sens.
Donc, logiquement, tous ceux qui manquent d'"autonomie" terme dévoyé de son sens pour l'occasion, sont des gêneurs, captent ce dont je pense avoir le droit de jouir et m'empêchent d'atteindre l'autarcie rêvée.

Frédéric a dit…

Mea culpa, je suis passé trop vite sur la phrase de BT et n'en ai donc pas compris le sens qui, a posteriori, apparaît très clair.
Déjà que les mots déforment la pensée, si en plus on commence à lire de travers...

Mais je maintiens quand même la teneur de mon propos quant au concept d'unité, dont je persiste à croire qu'il doit s'envisager dans une perspective holistique, et pas comme le simple reflet d'une cohérence intellectuelle, contrairement à vous CMT.

PS : "oulah! Oulah! Ca commence à voler très haut"
On est pas toujours obligé de parler de la CNAM ou de Roselyne Bachelot !
Parfois un peu d'élévation ne nuit pas, même si notre métier nous oblige à garder les pieds sur terre (les deux ne sont heureusement pas incompatibles, d'ailleurs).
;)

BT a dit…

@Frédéric

Je suis en tout point d'accord avec vous et j'ai effectivement mal précisé ma pensée:

L'unité comme vous l'écrivez est "un état d'équilibre entre tous les "centres" de l'Etre,mais cette unité est menacée si l'on accorde plus d'importance à la dimension technique, pragmatique ( que l'on retrouve dans la démarche qualité que je citais plus haut).Mais dans ce que je voulais dire et CMT l'a bien relevé c'est effectivement unité comme cohérence,en relation avec l'intelligence relationnelle, celle que l'on construit sur le terrain avec le patient.
Quand je parle de confrontation de la théorie avec la pratique, c'est pour souligner surtout que les connaissances ne doivent pas être un frein à la relation et qu'elles doivent permettre à condition qu'on ait pu en extraire l'essentiel ( se concentrer sur le contenu), se consacrer au patient, sans être parasité par le contenant.
Il y a la notion de temps et des connaissances sur laquelle je voudrais revenir:
grâce à ce prodigieux outil qu'est internet, nous pouvons balayer et trouver un très grand nombre d'informations et ainsi enrichir nos connaissances, nos rencontres et de ce fait se poser beaucoup plus de questions qu'auparavant.
Mais cette accession rapide ne finit-elle pas par brouiller la rencontre qui ne peut se réaliser qu'au rythme de la vie, avec ce sentiment comme le soulignait JCG de "bazar multiculturaliste et idéologique"?
Florence Baltazart

Frédéric a dit…

@ Florence Baltazart

Enchanté !

Il y a en effet sans doute différents temps à organiser : temps de la recherche, et temps de la pratique, temps de la réflexion, et temps de l'action. Ceci afin de ne pas s'emmêler les pinceaux, dans l'intérêt du patient.

Il y a aussi de mon point de vue la toile de fond qui sous-tend toute activité, représentée par une aspiration à l'unité.
Je ne sais ce que vous en pensez, mais il me semble qu'un être morcelé ne peut-être que source de morcellement chez l'autre. J'aime bien cette phrase : "Ce que l'on se fait, on le fait aux autres".
Donc la relation thérapeutique implique pour moi d'abord un travail de construction du thérapeute. Construction intellectuelle, émotionnelle, corporelle (surtout car très déficitaire souvent).
Et spirituelle (je déclare n'avoir de conflit d'intérêt avec aucune secte ni religion, bien au contraire).
Nous sommes d'accord sur l'essentiel je pense, et j'en suis heureux (il m'en faut peu).

Cordialement

Frédéric Schnee

CMT a dit…

A Frederic,
peut-être me suis-je fait une réputation d'intello mais je voulais bien dire "SENTIMENT de cohérence", ce qui n'a qu'un rapport assez éloigné avec la seule cohérence intellectuelle.
Ce sentiment découle, d'abord de la cohérence parentale,qui n'est pas forcément le contraire de l'incohérence (confère Harold Searles, "l'effort pour rendre l'autre fou") La cohérence parentale génère un sentiment de continuité de soi et le contraire génère un sentiment de morcellement.
Il ne faut surtout pas l'entendre comme nécessité absolue de cohérence car les imperfections des parents contribuent à la contruction de l'enfant.

Frédéric a dit…

@ CMT :

"les imperfections des parents contribuent à la contruction de l'enfant".

Je vous avoue que je suis content de vous l'entendre dire !
Le perfectionnisme est en effet générateur de beaucoup de souffrance (dans mon expérience), et pour le coup, l'arrivée d'un enfant dans notre vie nous donne une bonne leçon d'humilité, et permet de prendre un recul salvateur par rapport à notre désir de "performance" (ah, le système éducatif français laisse décidément bien des cicatrices...)
Une belle leçon de lâcher-prise, pourrait-on dire.

Pour ce qui est de votre réputation d'intello, je confirme :
vous me semblez brillante dans vos domaines de compétence intellectuelle.
;)

JC GRANGE a dit…

J'ai un peu de mal avec tout ce que je viens de lire. Cela part dans tous les sens. Je ne vais pas répondre point par point. Ce serait lassant et contre productif. Disons d'abord que lorsque j'ai parlé dans le post de déconstruction des idéologies, c'était pour souligner le fait que les idéologies explicatives universelles avaient failli, et qu'il était normal de les déconstruire pour tenter d'avancer. C'était aussi pour dire que tout le monde n'a pas un point de vue ou ne sait pas comment il regarde le monde. Vous demandez à un adolescent : "Qu'écoutes-tu comme musique ?" et il répond souvent "Tout." Mais, bien entendu, il n'écoute pas tout, il écoute le tout de l'internet, de la radio et de la télé qui est assigné à son âge. on peut dire aussi qu'il a un point de vue par défaut. C'était aussi pour insister sur l'arbitraire des pratiques de psychothérapie décrites par Prescrire et, de leur inefficacité évidente ou de leur dangerosité potentielle. Je veux préciser maintenant que le morcellement de l'individu au sens de son immaturité, de son inautonomie ou de son incompétence est un problème quand cela permet de mener cet individu vers des chemins qu'il n'a pas choisis mais c'est aussi une chance pour qui a déconstruit ce qu'on lui a appris ou imposé comme vrai ou comme indispensable, car c'est ce morcellement qui permet d'échapper aux théories "holistiques" qui me font penser au totalitarisme.
Je ne dis pas qu'il ne faille pas des individus structurés mais il faut surtout des individus qui sont capables d'avoir un esprit critique développé dirigé vers l'extérieur et l'intérieur.
Je ne veux surtout pas faire de médecine holistique qui conduirait, comme pour le docteur House, à entrer en douce dans les appartements des malades pour y trouver la cause de leurs désordres, mais surtout à leur insu. Il existe bien entendu des servitudes volontaires et l'entrée dans une psychothérapie en est une car elle expose au regard du thérapeute qui entre, comme par effraction, dans l'inconscient des on patient.
La suite une autre fois.

Frédéric a dit…

Docteur Grange,

permettez-moi de régir sur quelques points, au risque de paraître lassant et contre-productif. La réaction étant l'essence du débat contradictoire qui , comme la déconstruction des idéologies, permet lui aussi d'avancer.
Vous semblez d'ailleurs regretter que ce débat parte "dans tous les sens", mais veuillez nous excuser si tous les sens ne sont pas le votre. Vous me rétorquerez peut-être qu'il est d'autres endroits que ce blog pour laisser libre cours à nos réflexions. Et je trouverais cela bien fâcheux, car ces endroit se font rares à notre époque, et sont donc précieux.
Passons.

Je ne vous suis pas quand vous pensez que le morcellement de l'individu s'avère positif lorsqu'il résulte de la déconstruction des croyances.
Car cette indispensable déconstruction représente une étape non pas vers le morcellement, mais vers l'émergence d'une identité entière et libre, le contraire d'une personnalité morcelée.
Concluons en reconnaissant que nous ne prêtons pas le même sens au terme de "morcellement", sous tendu pour vous par une idée d'enrichissement de l'analyse, alors que je le comprends comme une division de l'unité que constitue un individu, une séparation des éléments fondateurs de son essence.

Quand au terme "holistique", je souligne que l'adjectif se rapportait au nom "perspective", et pas "théorie" ni encore moins "médecine". Ça n'est pas parce que son usage courant a été dévoyé de son sens premier qu'il doit pour autant être radié du vocabulaire français.
Je ne connais que de nom le Dr House, mais rassurez vous, la médecine "intrusive" n'est pas ma tasse de thé, et ce que mon propos tente maladroitement de décrire est un moyen de communication et d'échange supplémentaire avec le patient, n'ayant pour but que de respecter plus encore sa liberté, et pas de l'aliéner.
Rien à voir avec un quelconque "totalitarisme".

Sur ce je vous souhaite à toutes et tous un excellent week-end !

Frédéric

JC GRANGE a dit…

@ Frédéric Aucun reproche sur le fait que cela parte dans tous les sens. C'est plutôt amusant.
Je ne sais comment vous répondre. Vous avez aussi raison. Deux personnes peuvent dire des choses différentes et avoir quand même raison... Un seul reproche : que vous ne connaissiez pas intimement House... Cela fait partie du démorcellement.

BG a dit…

Non ça ne part pas dans tous les sens car il y a au moins un sens que vous avez oublié pour, non pas changer le monde ou supprimer les difficultés auxquelles nous pouvons être confrontées mais pour mieux les supporter, car c'est bien le problème qui est en fait posé, il me semble ?

Notre rythme cardiaque varie à chaque instant et les courbes d'enregistrement montrent des tracés souvent irréguliers. Ce sont nos émotions qui font varier ce rythme de façon plus ou moins chaotique. L'idéal serait d'avoir une belle sinusoïde qui correspond à ce qu'on appelle maintenant la cohérence cardiaque popularisée par David Servan-Schreiber. On peut y accéder par une respiration rythmée. Un lien propose une aide en ce sens [1]. J'ai expérimenté la technique pendant plusieurs heures avec des enregistrements de ma FC et j'ai pu observer les variations de la qualité de la cohérence (mesurée par un logiciel) en fonction des états émotionnels et des pratiques respiratoires.

Entretenir plus ou moins une cohérence cardiaque ou du moins pouvoir la retrouver de temps en temps peut être une aide précieuse face aux vicissitudes de la quotidienneté, qu'elles soient professionnelle, familiale, conjugale, ou si on va mettre des commentaires hors normes sur un blog ...
La question pourrait donc être de savoir s'il faut aller voir un médecin généraliste, un psy, un conseiller spécialisé, prendre des médicaments, étudier la philosophie ou tout simplement apprendre ... à respirer ? Mon médecin m'avait initié en consultation à une respiration très puissante nommée Kapala Bhati en yoga respiratoire (pranayama). Une autre façon de faire la médecine ...

La respiration n'est pas qu'un simple automatisme. On peut pratiquer des inspirations ou expirations bloquées plus ou moins longtemps, moduler les durées des expirations, rétentions et inspirations, fermer une narine, alterner les narines à l'inspire et l'expire. Respirer par le ventre ou plus haut etc Toutes ces variations donnent des effets qui peuvent être très différents et nous aider beaucoup plus qu'on ne l'imagine.

L' Inde avec le yoga, la Chine avec le Tao ont des traditions sur l'art de la respiration. Notre tradition dans ce domaine existe à travers le chant, en particulier le chant sacré, le grégorien, ce qui est bien pour ceux qui peuvent les pratiquer mais c'est très exclusif.

[1] http://www.youtube.com/watch?v=zM2gq8kYKyE

Frédéric a dit…

C'est décidé je me lance :

je m'en vais de ce pas tenter le visionnage d'un épisode du Dr House tout en pratiquant la respiration pranique Kapala Bhati.

Sans nouvelle de moi pendant 15j, vous saurez que j'aurais réalisé la Grande Déconstruction, et résiderais désormais au nirvana (ou en HP !).

Frédéric a dit…

@ BT :

il y tant à dire, et surtout à faire, en ce qui concerne le souffle.
Je n'ose pas trop me lancer sur le sujet, de peur de devenir pour de bon un pollueur de blog !
Mais je n'en pense pas moins.

Cordialement

BT a dit…

@ Frédéric:

BT n'est pas BG.

Bonne fin de journée

Chris a dit…

Vous cherchez compliqué quand on peut simplifier le problème.
Il suffit juste de poser les bonnes questions, par exemple, quel est le but de la patiente? Que veut elle faire? Comment se sent-elle? Que pense-t-elle d'un traitement pouvant soulager son axiété?
Je n'adhére pas trop aux théories Freudiennes, je m'occupe plus du présent et comment le changer pour améliorer le futur.

JC GRANGE a dit…

@ Chris. Poser les bonnes questions est certainement important. Mais la patiente vient poser des questions et chercher des réponses, enfin, c'est ce que l'on peut imaginer, à moins, bien entendu, que... cela ne soit l'inverse... Est-elle anxieuse ? Oui, probablement. Mais je ne pense pas qu'elle vienne chercher un anxiolytique, seulement un anxiolytique. J'exprimais mon incertitude, comme miroir de l'incertitude de cette patiente, et je voulais dire que la période des solutions toutes faites est peut-être terminée. L'analyse freudienne, dont, si vous me lisez, je ne suis pas un fanatique, nous a appris l'inconscient et sa disparition en cours n'est pas remplacée par grand chose, sinon par le libéralisme...
Mais votre réflexion est effectivement passionnante car elle met le doigt sur le fait que nous sommes dans une période de reconstruction et que nous ne savons pas très bien ce que nous construisons.

Chris a dit…

@Docteurdu16
Il nous est difficile de cerner les problèmes des patients, surtout pour des problèmes d'ordre psycho-sociale et lorsqu'ils tournent autour du pot (de façon inconsciente en plus...).

Dans ma pratique, lorsqu'une dame me raconte ses problèmes avec des questions plutôt vagues, je lui demande: qu'est-ce que vous voulez faire? Quelle est selon vous la solution de vos problèmes ? (J'ai tendance à être direct, tourner autour du pot est une perte de temps).
Soit elle connaît la solution, soit elle ne sait pas, ou alors elle est surprise de mes questions et me répond: "je ne sais pas, c'est vous le médecin".

Après que l'on soit d'accord avec sa solution aux problèmes est une chose. D'autre part, soit on reste neutre et on l'écoute, ou alors on prend position et on suggère des solutions, i.e que pensez vous de quitter votre mari ? De prendre des médicaments?

Il n'y a pas de meilleure solution, bien que je conçois que la plupart d'entre nous veulent rester neutre.
Pour moi, la psychothérapie c'est de l'art, malléable et l'approche différente pour chaque patient.

Mais nul besoin de connaître tout du moi et sur moi, c'est trop complexe... Pourquoi ne pas rester simple avec des solutions simples ?

JC GRANGE a dit…

@ Chris. Je crois qu'en fait nous sommes d'accord. Nous n'avons pas le temps, et, peut-être, pas les compétences (en tous les cas c'est mon cas) de mener un entretien psychothérapeutique en cabinet de médecine générale mais aussi pas les possibilités déontologiques dans la mesure où nous sommes aussi les médecins traitants du mari, des enfants et des parents. Mais, dans le temps de l'écoute, arrive le temps de l'intervention. ET les questions que vous posez ou les pistes que vous ouvrez sont essentielles dans la relation médecin malade. Ouvrir des portes, suggérer des pistes mais sans contraindre, voilà un bel objectif de médecine générale. Mais il n'en est pas moins vrai que les idéologies prégnantes se cachent sous les entretiens banals. Il faut donc à la fois être informés, méfiants et efficaces (hum, j'en doute un peu). Bonne journée.

BG a dit…

Puis-je me permettre une suggestion ? Si un de vos patients est anxieux pour raisons financières serait-ce le rôle du généraliste de lui suggérer de jouer au loto ou au tiercé ? S'il a des problèmes avec son conjoint, le généraliste serait-il dans son rôle de lui suggérer d'en changer ?

Je voudrais par là seulement suggérer que le rôle du généraliste pourrait simplement être d'aider la personne à mieux supporter ce qu'elle vit et non de chercher à suggérer de changer les constituants de son existence.

De ce point de vue les mouvements rythmés, qui plus est en musique peuvent être une aide. Une personne qui s'occupait d'autistes dans un centre me disait que les danses rythmées simples type danses folkloriques par exemple leur faisaient beaucoup de bien, que leurs visages soudain s'éclairaient.

Le rythme, la musique, le mouvement par une danse, une marche, du vélo ou du VTT en forêt, par l'accélération cardiaque et respiratoire régulière et rythmée ainsi provoquée peuvent être des aides non négligeables pour mieux supporter la grisaille quotidienne.

Et si, plutôt que de risquer de s'enliser dans le psychomachin le généraliste demandait ''qu'elles sont vos activités physiques ? Comment respirez-vous ?''

Quand l'estomac est noué par l'anxiété la respiration se fait au dessus et ne peut être abdominale, le diaphragme ne peut pas descendre. Cependant un effort physique peut briser, au moins provisoirement, cette résistance et permettre une détente. L'anxiété devient un peu moins pesante.

JC GRANGE a dit…

@ BG : Puis-je me permettre une suggestion : comment respirez-vous ? Le monde semble si facile pour vous. Il serait utile que vous organisiez des formations pour les médecins généralistes en leur expliquant combien il est aisé de s'occuper de patients. Mais, surtout : ne rien changer. La vie est ainsi faite que le médecin ne devrait avoir qu'un seul objectif, rendre la vie acceptable. Accepter la société, accepter sa femme (ou son mari), accepter son travail, accepter son environnement, accepter l'injustice ou l'inacceptable en quelque sorte. Merci donc, avant de commencer ces formations qui nous seraient si utiles, nous les pauvres médecins généralistes qui ne savons pas respirer, faire de l'exercice et ne savons pas comment faire supporter à nos patients la grisaille quotidienne... Merci de nous communiquer de quel rythme il s'agit (à trois ou à deux temps), quelle musique utiliser (le grégorien, le baroque, le rap ou la musique répétitive), quel mouvement faire, quelle danse pratiquer (la valse ou la java), quelle marque de VTT utiliser (décathlon y suffira-t-il ?) et quelle position pour faire l'amour (cf. kamasutra de poche)... Nous serions tellement ravis que de telles méthodes, "naturelles", permettent de combler le trou d ela sécurité sociale et de faire accepter une bonne fois pour toute cette société parfaite, quoique grise, à des patients imparfaits...
Merci d'avance.
LOL.

BG a dit…

Quand on connait un stress, transitoire ou chronique, chacun sait, sans avoir fait médecine, qu'on a une tension au niveau de l'estomac (plexus solaire) ou/et du cou. Cela ne peut que gêner la respiration comme chacun a pu sans doute le constater car, qui n'a jamais connu de stress, au moins pendant quelques instants ? Cela c'est l'observation courante de tout un chacun. On peut certainement affirmer que toute personne anxieuse a une respiration perturbée. Il est aussi fort probable que si la respiration est perturbée (observable sur les mouvements du diaphragme), la personne est anxieuse.

Ce qui est intéressant, et c'était le seul but de mon propos, c'est la réciproque : si on pratique des respirations contrôlées on peut alors aider à réduire ce stress. C'est une aide, c'est tout. Tout le monde n'est sans doute pas disposer à pratiquer des exercices respiratoires car c'est a priori peut motivant et fastidieux. De plus, un stress important rend difficile cette pratique. Il y a alors l'activité physique qui sera sans doute d'autant plus bénéfique vis-à-vis du stress chronique qu'elle sera rythmée et régulière comme le vélo ou la marche et contrairement au ping-pong ou au tennis.

L'objectif serait d'atteindre et de maintenir le plus souvent possible la ''cohérence cardiaque'' c'est à dire quand les variations du rythme cardiaque suivent une sinusoïde régulière (au repos). Ce n'est pas facile et je suis loin d'y parvenir aisément mais il faut s'exercer, travailler régulièrement. Je me suis exercé avec un logiciel enregistreur mais je ne peux pas contrôler souvent. Mon médecin en a un mais je vais le voir seulement une fois par an.

Une chose est certaine : les variations brutales de la FC sont directement sous la dépendance de nos émotions et de nos pensées. Toute émotion ou pensée négative perturbe notre FC et nuit à notre cœur avant de nuire, le cas échéant, aux personnes visées. C'est ainsi et j'invite ceux qui liront ces lignes à chercher à le vérifier sur eux-mêmes en s'exerçant avec un appareil adéquat. C'est une expérience qui vaut la peine d'être faite. Si les candidats à la présidentielle le savaient ils seraient plus prudents dans les propos qu'ils tiennent les uns sur les autres et éviteraient de faire des provocations. Il y a 60 ans j'avais appris cela au catéchisme : ce que tu fais aux autres tu le fais à toi-même. C'est sans doute vrai et aujourd'hui assez aisément vérifiable avec un appareil.

Amicalement

Marie-Vie a dit…

Peux pas m'empêcher d'une réponse; "coté patiente".
Mon médecin traitant, quand il m'arrive de venir pour PARLER et pas pour autre chose, commence toute ses phrases par un "je ne sais pas, mais si je me mets à votre place..."
C'est une phrase magique en soit, apparemment:-) En fait, je comprends très bien, que parfois il le dit pour le dire, qu'il ne peut pas toujours se mettre vraiment à ma place, que parfois il est plus crevé, ou préoccupé, (et peut-être par autre chose que moi en face) qu'emphatique , . Mais cette phrase est magique, en tout cas pour moi. Je sens, même si la suite de cette phrase ne m'a rien apporté, qu'il a VOULU être emphatique. Et c'est un soutien en soi.
Je n'ai jamais douté de la sincérité de cette phrase, je ne sais pas, si c'est vrai, ou si c'est mon transfert, mais au fond je m'en fiche, du moment que ça m'aide...
:-)