jeudi 31 mai 2012

Faut-il défendre un confrère qui "fait" cent actes par jour ?


Hier, une de mes patientes qui travaille aux urgences de l'hôpital, m'a dit que c'était la folie, qu'il y avait environ cent passages par jour et que c'était difficilement gérable.
Je ne sais pas combien de personnes travaillent aux urgences de Mantes mais il semble qu'il y en ait beaucoup et... pas assez.
A la suite de cette consultation et du post que j'avais écrit il y a déjà un moment sur la dénonciation des médecins et sur leur défense (ICI) et à propos du post que je viens d'écrire (LA) sur les urgences du samedi après-midi et après que le responsable de la cellule juridique de la FMF m'eut proposé de travailler à leurs côtés pour, je cite, "rompre l'isolement dans lequel se trouvent nombre de nos confrères", je me suis rappelé qu'un médecin venait d'être suspendu par l'Ordre des Médecins sur plainte de la CPAM locale parce qu'il avait effectué entre 99 et 151 actes quotidiens pendant 87 jours consécutifs (ICI). On me dit qu'il a été assisté / défendu par des syndicats. Assistance et défense ne me paraissent pas de la même eau. Nous allons le voir.
Je pose une question simple : Est-il possible de faire de la Bonne Médecine à 100 actes par jour ? 
Votre réponse : 1 - Oui  2 - Non 3 - Je ne sais pas.
Ma réponse est 1. LOL !
Plusieurs éléments contextuels sont cependant à prendre en compte : la densité médicale dans la zone de chalandise de ce médecin ; le nombre d'actes moyen effectué par les médecins dans la même zone ; je n'arrive pas à en voir d'autres, à moins, bien entendu, qu'il ne soit le seul en secteur 1...
Donc, ce médecin a dû être averti par la CPAM. Il a dû se faire convoquer par le médecin conseil ou par la commission paritaire. Et il a continué. Donc, ce médecin n'a pas pu faire autrement que de continuer à exercer de la sorte jusqu'à ce qu'il se fasse prendre. Et il dit qu'il va reconsidérer la question.
On remarque que la CPAM est la plaintive et que le Conseil National de l'Ordre condamne et suspend.
Faut-il assister ce médecin ? Bien entendu. Ce médecin a besoin d'assistance juridique car il est nécessaire qu'il ne soit pas broyé par un système rôdé pour ne pas entendre les médecins et pour les considérer comme de méchants libéraux par principe. Il faut l'assister car il doit se défendre, disposer d'un avocat efficace et connaisseur des arcanes de la CPAM, du droit administratif, du Code de la Santé Publique et du Conseil de l'Ordre, et tout accusé a ce droit. Qui, mieux que des confrères rompus au juridisme médical, pourrait l'assister ?
Faut-il le défendre ? Il me semble que s'il demande que la cellule juridique de tel ou tel syndicat le défende, cette cellule juridique ne peut pas lui dire non. Mais cela commence quand même à poser problème. 
Cela pose problème car la façon qu'a ce médecin de pratiquer la médecine générale n'est pas un bon exemple de la profession. N'est pas un bon exemple pour la profession. Même s'il s'agit d'une histoire de chasse. Ce praticien n'est pas représentatif de la profession, enfin, j'espère, non, je suis certain, mais il se pourrait que certains s'en servent pour dévaloriser la profession tout entière. C'est pourquoi il faut assister ce médecin, éventuellement le défendre mais aussi dire pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de pratiquer la médecine générale. Est-ce bien de la médecine générale ?
En ces périodes de restrictions budgétaires et de demandes de revalorisation des honoraires, est-ce bien raisonnable d'avoir un chiffre d'affaires d'au moins 2300 euro par jour travaillé ? Soit pour cinq jours de travail, mais il semble qu'il travaillait au moins cinq jours et demi (LA), soit au moins 11 500 euro de chiffre d'affaires par semaine ou 48 000 euro par mois... Je sais, il y a des charges...
Défendre ce médecin, certes, défendre sa pratique : non.
Je sais qu'on va me dire : ce n'est pas le moment. Ce n'est pas au moment où la médecine générale est en danger qu'il faut discutailler sur ceci ou cela. Je connais l'affaire : ce n'est jamais le moment. Mais, bon, ce n'est pas notre pratique, il faut aussi le dire. Ce n'est pas la médecine que nous souhaitons. Nous serons d'autant plus crédibles que nous dirons ce que nous n'acceptons pas. Quelles que soient les circonstances locales, quels que soient les motifs invoqués.
Notre confrère a besoin de faire de la Formation Médicale Continue. Notre confrère a besoin de faire un stage de gestion. Notre confrère a besoin de repos (non parce que j'approuve son interdiction d'exercice, je ne connais pas le dossier complet, mais parce que faire plus de 100 actes par jour pendant au moins 87 jours consécutifs signifie qu'il a vraiment besoin de repos).

13 commentaires:

Sweet_Faery a dit…

Tout dépend ce qu'on appelle un "acte"!
Passer 100 cartes vitales par jour, c'est jouable.... en revanche, "voir" 100 patients en une seule journée... euh, comment dire, j'ai du mal à visualiser la chose.

Peyo a dit…

Pour l'avoir vu se défendre sur un JT quelconque, il déclarait travailler des journées de 24h sans repos.
Cela laisse des consultations de 5 à 6 minutes ! et ce pendant 24h ! on est passé dans le domaine du stakhanovisme.
La première étape du burn-out c'est l'hyper investissement et le déni. Dont acte

Radéchan a dit…

Les premières étape du burn-out ce sont l'hyper investissement et le déni. +1.
Une autre caractéristique : croire qu'on ne peut PAS faire autrement. Et je parle d'expérience ;) Mais il faut un coup de pied au derrière pour le comprendre (divorce, maladie, grosse erreur sur tête pas claire et trop longtemps dans le guidon, genre 99 % de psychosomatique qu'on finit par arrondir à 100 %, et quand on croise le 1 %...) sinon on n'es pas prêt à l'entendre. Je comprends maintenant des conseils qu'on m'avait donné il y a 15 ans. En un mot, je ne suis pas sûr que l'on puisse faire comprendre à un collègue qui bosse trop et mal qu'il bosse trop et mal. :sad:

khadok a dit…

" Est-il possible de faire de la Bonne Médecine à 100 actes par jour ?
Votre réponse : 1 - Oui 2 - Non 3 - Je ne sais pas.
Ma réponse est 1."
Vous êtes sûr de votre réponse?

CMT a dit…

Est-ce qu'on a le droit à plusieurs votes? Dans ce cas ma réponse serait mille fois 2 = mille fois non.
Il est tout de même difficile de ne pas s'apercevoir qu'un médecin qui voit 100 patients par jour ne fait plus de médecine mais est dans un processus de type addictif (au travail? à l'argent? à autre chose?)et que donc, comme l'expliquait Radécahmp il n'a pas le recul nécessaire pour quoi que ce soit, y compris pour faire de la médecine.
Mais cet exemple en dit aussi beaucoup sur les patients qui acceptent de voir un médecin dans ces conditions et sur leur attitude de consommation de soins.
Paradoxalement certains patients se croient en position de poser leurs conditions de consommateurs de soins et attendent du médecin que tel un garagiste, il répare leur panne.
Ceux-là seront aussi ceux qui se contenteront le plus facilement d'un médecin qu'ils jugeront "efficace" parce qu'il distribue des médicaments comme un distributeur automatique, le loueront comme un bon médecin, et ne verront pas à quel point cette attitude peut leur causer des déboires en termes de santé.

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JC GRANGE a dit…

@khadok : LOL

BT a dit…

Je rejoins CMT à propos du rapport médecin au comportement addictif/ patient consommateur de services.
Quelquefois les patients n'ont pas le choix ne pouvant pas se permettre de changer de médecin du fait de leur situation géographique, de leur difficulté à changer de praticien à qui ils devront encore tout raconter depuis le début,de leur crainte de se justifier, de leur incapacité à amorcer un autre type de prise en charge.
Le temps imparti au patient conditionne les visites itératives mais aussi les arrêts maladie; quand un médecin parvient à octroyer du temps à son patient, quand il arrive à attraper le moment propice destiné à l'écoute, il évitera une surenchère médicale, des réactions en chaîne sous-tendues par l'angoisse, l'incompréhension et la frustration .

Frédéric a dit…

Suis installé depuis une petite année.
Ayant eu la chance de croiser en remplacement des gens qui, ayant mis le doigt dans l'engrenage dans les 80's, s'y trouvaient aujourd'hui pris jusqu'au cou, depuis l'ouverture de mon cabinet je me fixe des "principes", du genre :
- informer toujours les gens sur "ce qui se passe", quitte à les initier un peu à la physiologie et à la physiopath, même (et surtout) concernant les petites viroses.
- former les patients à gérer les affections bénignes, et à reconnaître les critères généraux de gravité d'une maladie.
- ne jamais prescrire de traitement qui ne soit utile (NB : parfois un ttt peut-être inefficace mais utile quand même)
- toujours proposer un renouvellement quand c'est possible, et ne pas faire de "clientèlisme".
- ne consulter que sur RDV (sauf urgence), 4 jours par semaine.
- 1 consult = 30 minutes

Ces principes qui, j'en conviens, ont sans doute un parfum de candeur qui feront sourire plus d'un vieux briscard du stétho, me permettent :

1) d'exercer le métier sans trop souffrir
2) de proposer un travail de qualité (à mon sens, et en vertu du bon sens, si j'ose dire)

Conditions sin equa non de la pérénité de mon exercice.
Je n'arriverai simplement jamais à des extrémités telles que voir 100 patients par jour. Ni même 50. J'aurais arrêté avant. Ou bien je serais mort.

Compte tenu de la démographie, ces résolutions structurelles (et structurantes) portant sur l'organisation du travail me conduiront un jour (prochain, je le crains) vers une autre résolution :
ne plus accepter de nouveau patient.
C'est une évidence mathématique. Je suis le plus jeune du secteur, pas mal partent en retraite dans les prochaines années, le nombre de patients n'a pas vocation à diminuer.
Des gens se retrouveront donc (encore plus) dans la mouise par carence de soin, des petits vieux trop vieux ne trouveront plus de médecin qui accepte de passer chez eux (ça commence déjà), etc.
Je n'ai pas voulu ça, je ne peux croire que les bureaucrates n'ai pas vu arriver le problème depuis des décennies. En même temps... Il a fallu 30 ans passé pour voir interdire l'amiante !!!

Bref, je serai curieux de recueillir quelques avis avisés sur le sujet : quelles limites à la disponibilité d'un médecin ?

Frédéric

jasamod a dit…

Il y a 2 problèmes : l'honnêteté et la qualité du travail.
l'honnêteté : faisait il réellement 100 actes par jour, ou se contentait-il de passer une carte vitale?
Si oui, reste la question de la qualité : et là, sans aucun doute, la réponse est qu'il n'est pas possible de faire de la médecine de qualité à 100 consultations par jour.

NicoDoc a dit…

Pour Fred :

Pour une médecine de qualité, va donc faire un tour là :
www.formindep.org

Désolé de te passer ainsi le message, mais je n'ai su te contacter autrement,

Tu pourras en revanche me retrouver facilement sur le net,

Nicodoc, ancien du CH Dunkerque

Merci à toi, Docteur du 16, de bien vouloir valider mon message quelque peu incongru au sein de ton blog ;-)

JC GRANGE a dit…

@NicoDoc. Cela ne me gêne pas que tu fasses de la publicité pour le formindep. Mais le formindep n'a pas de rapports directs avec la médecine de qualité mais avec la médecine sans conflits d'intérêt. On peut ne pas avoir de conflits d'intérêt et être nul, on peut en avoir beaucoup et, plus difficilement, ne pas être nul. Le formindep a le mérite de populariser la médecine indépendante et de dénoncer tous ceux qui ne disent pas qu'ils ont des liens d'intérêt.
Pour le reste, cette idéologie de la transparence, et qu'on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas qui serait qu'il fut accepter l'opacité, est aussi une illusion qui peut être dangereuse car elle peut faire croire qu'il est possible de n'avoir aucun lien et... vivre. Le combat du formindep est nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il se pourrait même qu'il s'avère contre productif car l'histoire a montré que les individus se définissant purs et sans taches ont toujours été pris en défaut. Mais ce n'est pas un procès d'intention : j'ai toujours "ferraillé" avec le formindep pour des questions de principe et toujours applaudi quand ce qu'il faisait était bien.Et je dois dire, aussi, contrairement à d'autres sites comme, par exemple, Pharmacritiques, ou à d'autres blogs médicaux comme Rhumatologie pratique je n'ai jamais été censuré et mes propos, critiques, ont été, à ma connaissance conservés.
Le formindep est une partie de ce qu'il faut faire pour disposer d'un raisonnement de qualité mais n'est pas suffisant pour faire de la bonne médecine. Le pluralisme des sources et le débat socratique ne remplaceront jamais la vérité révélée.

lola a dit…

Ce confrère aux cent actes par jour ne vit pas sur la même planète que moi. Mais je me garderais bien de juger.
Néammoins à 45 actes par jour je suis déjà lessivée, mange des barres de céréales dans la voiture ou devant les patients (!) et rentre absolument grognon le soir de n'avoir pas eu un peu de temps personnel.
Alors que suppose que ce confrère a besoin de belles vacances.