lundi 22 octobre 2012

Les nouveaux médecins généralistes (1) : Ne plus mesurer la pression artérielle.


Les internes de médecine générale (IMG) ne veulent plus s'installer en libéral et ils ont de bonnes raisons, leur ai-je dit  (ICI) de ne pas accepter ce que nous avons accepté et ce que nous continuons d'accepter (LA). Et les médecins généralistes déjà installés, les Spécialistes en Médecine générale (SMG) (mince, j'ai oublié de m'inscrire et de jurer au Conseil de l'Ordre que je suis médecin généraliste exclusif, que pourrais-je faire d'autre ?, de la broderie, du macramé, de l'homéopathie, de la gelstat thérapie ou de l'entretien motivationnel, la dernière couillonnerie à la mode, de la mésothérapie -- j'ai honte, je l'ai pratiquée et m'en suis enfui à toutes jambes en raison de mon incompétence manifeste à pistoriser à tout va--, de l'ostéopathie manuelle, de l'auriculothérapie, de l'acupuncture -- attention, la HALDE va me tomber sur le grappin, non, on me dit que cela n'existe plus, diable, mais enfin, quelqu'un va bien me reprendre, sinophobie manifeste, pour esquisser la critique de techniques éprouvées issues de cultures ancestrales,  ...) les ont rejoints (LA) à moins que j'aie raté un épisode...
Tous ces IMG, ces SMG ne veulent pas être seuls dans leur exercice, ils veulent tchatcher, ils veulent se rassurer sur leurs connaissances, ils veulent être reconnus, ils veulent "partager", ils veulent travailler en équipe, en réseaux, ils veulent faire des réunions à la House en jouant aux maîtres de stages cyniques avec leurs futurs IMG béat(e)s d'admiration (choisir entre l'Abominable Garce et Numéro 13), boire des cafés avec la secrétaire, l'infirmière, la puéricultrice, le kinésithérapeute, l'auxiliaire de vie, l'aide-soignante, la femme de ménage, créer des interfaces avec l'administration en utilisant des anciennes visiteuses médicales, j'imagine plutôt girondes, faire des réunions de concertation, recréer un Comité d'Hygiène ou un Comité Médical d'Etablissement, devenir président de SEL ou de SCP, gérer les comptes bancaires, et cetera.
Non, je m'arrête là, je provoque.
En français administratif les futurs nouveaux SMG désirent, sous la houlette de l'Alma Mater universitaire, le partage des compétences (c'est mieux d'écrire sur une diapositive de l'ARS : "L'élargissement du champ des compétences") et " La délégation des tâches". 
La délégation des tâches : qu'en de termes choisis ces choses là sont dites.
Prenons un exemple entre autres : la prise de la pression artérielle.
Les IMG ont fait tant d'années d'études qu'ils trouvent insultants de mesurer la pression artérielle.
Touchés par la grâce et enivrés par le fait d'avoir bientôt leur diplôme après avoir écrit une thèse à la mords-moi-le-noeud (désolé : moi aussi), tout le monde ne s'appelle pas Louis-Adrien Delarue (voir ICI) ou Julie Chouilly (LA), les IMG pensent que pour remplir leurs 35 heures salariées de gestes nobles, lire des ECG, cocher le nombre de frottis, prescrire des glitazones, de l'evista ou des pseudo anti Alzheimer, leur ôter de leurs emplois du temps la prise de la pression artérielle sera une des solutions d'avenir.
Quant aux SMG, forts de leur expérience interne admirable, ils verraient bien une infirmière, le genre assise sur une chaise en train d'attendre le boulot, pas l'infirmière libérale qui court d'un bout de son bled à l'autre avec des indemnités de déplacement à la gomme, les insulines, les pansements, les prises de sang,..., prendre la pression artérielle, la marquer dans le dossier qu'elle leur tendrait, zut, on est informatisés, donc inscrire la PA, position assise, dans le dossier médical partagé de la maison médicale quand ils ouvrent leur ordinateur métier... Sans compter que nos amis SMG verraient très bien les infirmières de MUST vacciner contre la grippe, avoir un vaccinodrome à la maison, et déshabiller les nourrissons en les pesant, les taillant avant leur arrivée (non sans n'avoir pas omis de remplir les courbes de poids et de taille, tellement fastidieux), afin qu'ils n'aient plus qu'à poser leur stéthoscope sur le coeur vaillant de ces charmants bambins, qu'à évaluer leur fontanelle, leur tonus, jeter un oeil distrait sur leurs tympans, et contrôler que l'interrogatoire aura été bien mené : allaitement maternel exclusif ou mixte, nombre de gouttes de vitamines D (les mêmes qui prescrivaient jadis du fluor pour faire comme à l'hôpital en ayant oublié de lire Prescrire et Christian Lehmann), et bla bla bla et bla bla bla.
D'ailleurs, de grands professeurs comme, par exemple, l'éminent Guy Vallancien, l'homme des PSA dès 40 ans, l'homme des prostatectomies à la volée, voir ICI, est d'accord, la délégation des tâches, c'est l'avenir. C'est dire.
La pression artérielle doit être prise par les infirmières, cela va changer notre vie.
La pression artérielle est un geste technique et tout geste technique peut être accompli par un technicien.
Les frottis itou dans les laboratoires d'analyse médicale. Zut, les laboratoires d'analyse médicale vont fermer.
Les ordinateurs feront les ECG (il faudra encore de petites mains pour poser les électrodes) et les interprèteront : version MG de base, version interniste de base, version cardiologue lambda libéral, version cardiologue PUPH et, summum, version rythmologue (à brancher sur l'Ipad).
Dans les services hospitaliers les infirmières pensent également que la prise de la pression artérielle est indigne de leur condition et elles s'en débarrassent sur les stagiaires. Les stagiaires qui pensent que, finalement, toutes ces études après le bepc, c'est casse-pieds,  mesurer la pression artérielle alors que Madame Dynamap serait si compétente...
Nul doute que tout ce petit monde aura reçu une formation ad hoc sur la façon de la prendre, cette foutue pression artérielle. Avec, à la clé, une formation et un QCM à la fin pour valider.

La prise de la pression artérielle est un geste noble, eh oui, j'ai bien écrit cela. Cela fait partie des soins.  Cela fait partie de la relation médecin malade. Bientôt les médecins ne toucheront plus leurs patients, ils ne repèreront plus avec les doigts le passage de l'artère brachiale, ils seront des purs esprits qui interprèteront derrière leur bureau, leur bureau avec ordinateur, des chiffres qu'on leur aura notés. Et surtout, pour les ennemis des indices, des index, des critères de substitution, les chiffres de la pression artérielle, cela s'interprète. Il peut même arriver que nous mentions au patient pour le tranquilliser et que dix minutes après cette pression artérielle se normalise... une infirmière mentira-t-elle au patient ou au grand docteur ?
L'acceptation de l'incertitude est la première qualité du médecin généraliste.
J'ai écrit dans un post (LA), et sur une idée de Des Spence qui en connaît un bout sur la pratique de la médecine anglo-écossaise, que la délégation des tâches allait entraîner plus d'hospitalisations abusives, plus de prescriptions, plus de passages par les urgences, plus de dépenses, surtout pour ceux qui croient encore aux limites de normalité de la pression artérielle fixée par la Fédération Française de Cardiologie...
Je prends la pression artérielle, je n'ai pas envie que quelqu'un, fût-ce une infirmière DE, la prenne à ma place et je continuerai à le faire.
C'est tout.


(Illustration : Premier sphygmomanomètre - Siegfried von BASCH - Sur le site ICI )

PS1 - Selon la collaboration Cochrane, traiter les HTA légères est d'un bénéfice incertain : ICI

31 commentaires:

DocteurGécé a dit…

Bonjour DocDu16,
Je serais intéressée de lire les posts/études/autres qui regroupent ce que vous affirmez, concernant la mesure de la PA, car je n'ai lu nulle part cette notion... à moins que cela ne soit qu'une métaphore, en ce cas elle caricature pour le moins un peu le concept de délégation des tâches. Je vous remercie de votre réponse,

DocteurGécé

JC GRANGE a dit…

@ DocteurGécé. Je ne comprends pas ce que vous me demandez. La mesure répétée de la pression artérielle entraîne une inflation de prescriptions d'antihypertenseurs ; entraîne une augmentation de l'anxiété des patients ; entraîne une augmentation d'examens complémentaires, depuis le holter de tension jusqu'aux echodopplers des artères rénales.
Les critères de l'HTA ne sont pas les mêmes selon la Fédération Française de Cardiologie et la Revue Prescrire.
des études récentes viennent de montrer que le traitement de l'HTA légère n'entraînait pas de diminution de la morbidité et de la mortalité.
Je n'ai pas les études sous la main mais je vous les retrouverai.
Ce n'est donc pas qu'une métaphore.

Anonyme a dit…

Non non, je voulais savoir d'où vous teniez l'information que les jeunes médecins généralistes souhaitaient déléguer la prise de la tension artérielle. Je ne parlais pas du bien-fondé de la prise de tension, de sa fréquence ou de ses conséquences.
DocteurGécé

JC GRANGE a dit…

@ Gécé Il n'y a pas que les jeunes médecins, les vieux aussi aimeraient être déchargés de cette tâche.
La délégation des tâches est très développée dans la littérature, notamment anglo-saxonne, dont la prise de la PA.
Je regarde la bibliographie sur la prise de la PA et je me rends compte qu'il existe de très nombreuses publications contradictoires sur le sujet de la prise de la PA, notamment des comparaisons entre les niveaux de PA selon le MG, l'infirmière, les automesures et le holter sur 24 heures...
Bonne soirée.

Dalidaleau a dit…

Du contact, des regards, de la proximité, de l'attention...tout cela est nécessaire. Aucun doute là-dessus. La prise de la PA est un moyen,certes, mais n'est qu'un parmi d'autres. Symbolique, souvent magique l'annonce de ces valeurs est sacrée. J'ai confiance en la capacité des confrères à pouvoir se passer du sacré pour s'approcher de l'autre.

nfkb0 a dit…

Juste merci de parler de *pression* artérielle et pas de tension artérielle

nfkb Capello

jlc a dit…

les jeunes internes veulent reproduire en libéral ce qu'ils connaissent à l'hôpital. c'est bien pour cela qu'il faut les sortir de ce cloaque pour leur montrer des vraie médecine avec des vrais malades en vie et debout et non pas allonges sous la dépendance de cheffaillons

JC GRANGE a dit…

Commentaire de JPL sur un forum, commentaire qui ouvre encore une porte.

J'avais écrit : "Les IMG ont fait tant d'années d'études(...)"
JPL commente :
"En fait , ce n' est pas tant le "galon " de spécialiste qui joue, que le fait que les études de MG et , partant de cela , leur temps passé en services hospitaliers a été allongé et les habitudes , les routines de pensée qu' ils y ont prises ont été renforcées.
Or le fait de travailler dans une structure qui emploie du personnel salarié pour faire ce que vous lui demandez, qui vous paye vous -même en bonne partie indépendamment des taches que vous faites, et enfin où vous avez "à portée de service" de multiples avis de spécialité ne peut que dévleopper
- le travail "dit pluridisciplinaire", avec le corrélatif que nos confrères hospitaliers ne semblent pas concevoir qu'un seul médecin ( le MG) puissse prendre seul autant de décisions que nous en prenons tous les jours.
- la délégation de taches se fait naturellement, à commencer par une délégation de tâche basique pour un professionnel "dit libéral", la gestion/comptabilité....
Alors la prise de TA, vous pensez...

J' ai adoré la série Urgences (en V.O.: "ER") et ses infirmières qui annoncent au médecin qui rentre dans le box "on a une TA palpée à 6, une sat à 50 etc", et ses "super-infirmières" qui prescrivent un certain nombre de médicaments et font des suivis.
Mais j' adore aussi le NCIS alors que çà n' a rien , mais rien à voir avec les procédures de police/justice qui prévalent en France (un seul feuilleton, AMHA, en avait donné une bonne idée: "P.J.")

Je me demande si mes jeunes apprentis -sorciers ...euh...apprentis confrères ne sont pas , inconsciemment, influencés aussi par ce type d' image.
Allez savoir..."

JPL, spécialiste en médecine générale


Anonyme a dit…

Toujours un grand plaisir de vous lire.
Je crois qu'il ne faut pas généraliser le jeune génération (dont je fais partie) en se basant sur l'opinion de ceux qui ont choisi d'afficher une certaine visibilité et notoriété électronique.
Aussi je suis content de vous voir citer LAD et JC, mes amis pictaves qui sont plus discrets mais oh combien des exemples quant au regard que l'on doit porter sur notre métier.
merci pour ce post.

Chantal a dit…

Pour prendre la PA, je vais à la pharmacie ou peur ceux qui souffrent de tension, eux ont un appareil à la maison pour contrôler soi-même (comme pour la glycémie chez le diabétique).

Ce que j'ai constaté, en France mon MG prennait la tension et oscultait les poumons. et bien en Allemagne, soit la tension, soit les poumons mais jamais les deux!

Quand à ce que vous décrivez, ici, une grande partie du travail médical faites par un médecin en France est fait par les "mediziniche Fachangestellten" ou MFG souvent des femmes qui font le secrétairiat (RV, accueil, lettres, commande du matériel, etablissement des ordonnances et autres papiers administratifs nécessaire pour le patient tel qu'un arrêt de maladie), préparent les salles d#examens et installent les patient, ainsi le matériel necessaire pour l'examen.

Chez un ophtalmologue par exemple,elles prennent la tension occulaire, font le champs visuel, l'OCT, ainsi pas mal d'examens sont faite avant que le médecin recoit le patient - sinon comment croyez-vous peut-il voir autant?! Selon la structure, idem pour l'angiographie des yeux (parfois c'est un médecin, parfois c#est une MFG).

Bonne journée

CMT a dit…

Tout cela pose la question de l'organisation du travail en médecine, qui elle même pose la question de ce qu'est la médecine elle-même. En Allemagne on a suivi une logique d'optimisation du temps de médecin: moyenne par patient vu 7 mn, la plus faible connue. En Grande Bretagne où on a voulu mettre le médecin dans une position de coordonateur et alléger certaines tâhces, je crois que le temps moyen de consultation est autour des 20 mn. En voyant un patient toutes les 7 mn le médecin peut-il établir une relation avec celui-ci? Une telle organisation ne présuppose-t-elle pas que l'apport du médecin n'est que technique et que la relation ne joue aucun rôle dans la qualité de la médecine?Ces informations je les ai tirées d'une thèse, comme quoi les jeunes médecins ne font pas que manifester, ils peuvent faire du très bon travail de reflexion sur la médecine. Mais je pense que ce ne sont pas les mêmes qui manifestent et qui font des thèses intéressantes.
Une étude sur l'HTA m'avait marqué. L'étude PrévaRance. On avait partagé les patients en plusieurs groupes d'hypertendus à haut risque et on avait monté des équipes pluridisciplinaires pour coacher ces patients à haut risque cardio-vasculaire et agir sur les facteurs de risque. Le résultat avait ét un franc succès en termes de prescription d'antihypertenseurs. On en avait prescrit beaucoup. Mais aucun effet sur les facteurs de risque. Peut-être que l'une des raisons est qu'il ne suffit pas de coller des gens ensemble pour qu'ils se mettent à fonctionner comme une équipe. Et qu'il ne suffit pas d'établir des procédures pour que les professionnels trouvent du sens dans ce qu'ils font, qu'ils soient convaincus et convaincants. L'ensemble de leur formation et leur état d'esprit joue un rôle sur le résultat.
La conclusion est qu'il est bien plus simple de distribuer des anti-hypertenseurs larga manu que d'agir sur les facteurs de risque.
Mais est-ce vraiment pertinent?

DH91 a dit…

c'est juste prendre attention, prêter attention! * Je sais, psychanalyse de cuisine mais bon ....
Une des preuves que le soin ou la prise en charge ont été efficaces, c'est que tres souvent, le patient se leve dès que le brassard est degonflé
Lever de tension ! (cf *)

Okita a dit…

Bonjour,

Je suis une toute jeune doctoresse (ça y est j'ai soutenu ma thèse à la mords-moi-le-noeud moi aussi!) et bien que je trouve votre blog souvent très intéressant, je vous trouve de plus en plus incisif avec nous, les jeunes "spécialistes en médecine générale"...Je ne sais pas ce que ça cache mais bon, j'espère ne pas suivre votre exemple dans 20 (30?) ans! Je n'ai jamais entendu aucun de mes collègues se plaindre de prendre la tension et vouloir déléguer cette tâche.

JC GRANGE a dit…

@Okita Désolé de vous donner le mauvais exemple.
J'ai lu ici ou là que, parmi les tâches délégables, il y avait la PA, ce qui se fait en GB, en Allemagne...
Certains de mes confrères installés depuis longtemps y sont favorables.
Je n'ai rien contre les jeunes mais j'ai cru lire ici ou là que si les IMG avaient du mal à s'installer c'était parce que leurs aînés, comme moi, 33 ans d'installation, les avaient conduits dans une situation déplorable : retraites médiocres, honoraires de clochards, médecine à la solde des laboratoires,syndicats à la solde du pouvoir et des spécialistes, antibiotiques dans les RP, et cetera...
Je plaide coupable.
Mais je n'y peux rien.
Ma thèse était pourrie, j'avoue, mais j'ai essayé de me soigner.
Moi aussi je suis inquiet, je pense même que la situation de la médecine générale est définitivement fichue : personne ne veut de nous.
Bonne journée. (:=))))

CMT a dit…

A tout seigneur tout honneur. Je ne l'ai pas cité précédemment mais je le cite maintenant. La très intéressante thèse de Alban Pouchelon en 2008 à Lyon Intitulée "déterminants et impact de la durée de consultation en médecine générale". Un vrai travail de fond qui pose des questions de fond, donc essentielles, que tout médecin devrait se poser à un moment ou à un autre.http://www.urps-med-ra.fr/upload/editor/These_POUCHELON_Alban_1265020851587.pdf
Je pense que en cherchant un peu, des perles comme celle-là on doit en trouver un certain nombre.
Et je m'étais trompée, de mémoire, en disant que la consultation avec le médecin était plus longue au Royaume Uni, où l'on pratique la délégation des tâches (graphique p 38). La durée moyenne de la consultation y est seulement de 8,5 mn. Donc, la délégation des tâches, la "fordisation" de la médecine, a une conséquence directe sur la durée de la consultation. Donc sur la relation au patient et sur l'essence même de l'acte médical.
Et si on arrive à dépasser le stade du soap opera entre médecins,du pourquoi tu ne m'aimes pas? Mais si je t'aime etc on peut entrapercevoir que ce que JCG expose et défend c'est une conception de la médecine où la relation au malade est un tout indivisible dont les actes techniques sont des composantes indispensables tandis que du point de vue utilitariste, du point de vue de la performance économique, la médecine n'est que la somme d'actes techniques isolables et délégables.
Ce sont des questions comme celle là qui devraient être débattues avant que le choix d'une médecine parcellisée nous soit imposé comme naturel au prétexte d'impératifs économiques.
Qui va s'en occuper? Certainement pas les syndicats trop occupés à discuter gros sous.
La médecine se meurt de ce nombrilisme à courte vue. Et la démocratie avec elle.

NP a dit…

@Chantal Que certains examens compémentaires soient faits par un collaborateur n'est pas une mauvaise chose, si le collaborateur est fiable et si le médecin prend le temps ensuite d'expliquer et de commenter le résultat des examens avec le patient. Si par exemple on doit réaliser pour un suivi de glaucome un CV et des rétinographies de papilles le temps d'acquisition des données peut atteindre 25 à 30 mn. Si l'on peut allouer une fraction de ce temps à l'entretien avec le patient et au reste de l'examen le patient n'est pas forcément perdant. Bien sûr, si on tombe dans le travers du médecin en bout de chaîne qui a tout délégué et qui signe les ordonnances... Il y a un équilibre à trouver.
@CMT A mon sens la médecine au final c'est un homme/une femme face à un homme/une femme. Si on s'écarte trop de là la frustration va apparaître des deux cotés et les difficultés se multiplier. Des formes d'organisations sont possibles, peut-être même avec beaucoup de taylorisation, si au terme du processus il y a quelqu'un qui endosse personnellement la responsabilité de tout cela. Quelqu'un qui s'engage avec le patient en acceptant l'idée que le problème médical doit être envisagé dans le contexte particulier de la personne qui est en face.
C'est pas toujours facile d'entendre un père de famille dire devant sa petite fille qu'il ne veut pas qu'elle mette des lunettes alors que l'examen lui montre qu'elle y gagne 5/10 de chaque coté. Pour éviter l'amblyopie à cette enfant il va bien falloir discuter avec lui, peut-être aussi avec la mère, sans juger trop vite.
Ce genre de débat, dire de quoi il s'agit, ce qu'on conseille de faire et pourquoi, puis répondre au patient, ce n'est pas une équipe qui doit le soutenir. Mais une personne qui s'identifie, et que le patient identifie, comme un médecin. En tout cas c'est ce que j'attends moi, quand il m'arrive d'être un patient, de celui qui se pose devant moi comme médecin.
@JCG Marrant, moi je pense qu'il n'y aura bientôt plus de médecine spécialisée alternative à la prestation d'actes. Plus de MG, plus de spé. hors l'hopital et sa technique ? On sera peut-être sauvés par Perruche, nfkb et Stockholm d'un coté, Borée, Fluorette de l'autre, sans Genou des Alpages. Que tous les autres, MG comme spé, ne m'en veuillent pas de ne pas les citer, je ne les connais pas tous d'ailleurs.

JC GRANGE a dit…

@ CMT
Merci d'avoir corrigé pour le temps de consultation en GB. Je n'ai pas eu le temps. La plaisanterie classique pour le système NHS : une angine, 3 jours de délai pour un RV, 3 heures d'attente au cabinet, 3 minutes de consultation, 3 boites de paracétamol.
Eh oui, c'est cela : la médecine générale c'est, comme le répète JFMassé, OPE : Organe, Patient, Environnement.
La médecine spécialisée, c'est O(P). La médecine hyper spécialisée, c'est O.
Le patient consommateur a une vision technique de lui-même : une angine, un médicament. Il n' a pas envie qu'on parler de P et encore moins de E. C'est plus facile pour tout le monde. Sans compter les médecins qui, avant OPE, pensent.
Bonne journée.

Chantal a dit…

@Drdu16: mo je préfére avoir un MG qu'un spécialiste (exeption pour l'ophtalmologue, mais encore il faut trouver un qui a su rester "humain" et non robot). Le premier est humain, le second souvent une forme humaine qui a oublier qu'il est lui-même humain et a devant lui un humain, non seulement un organe et un carnet de chèque!

La preuve, je viens de sortir de chez mon MG qui m'a envoyé chez un oto-rhino (qui m'a récu 5 minutes, sans RV avant fermeture). J'aurais préféré m'en passer du oto-rhino, mais bon l'oreille n'a plus bobo.

Bonne journée

CMT a dit…

À NP
Je crois que JCG et vous parlez au fond de la même chose. À savoir la réduction de la médecine à une seule dimension et à une seule logique, la logique économique et financière.On peut dire la même chose pour tous les aspects de notre vie. La transformation de la médecine est la conséquence de cela.
Alban Pouchelon conclut que la durée de la consultation à une incidence sur la qualité. Même si la corrélation n'est ni simple ni linéaire. Cela pourra être d autant plus vrai pour le médecin payé à l acte car celui-ci tend spontanément à se servir de la durée de la consultation pour réguler son revenu ( plutôt a la hausse s entend). Donc, on peut penser que dans ce système, les médecins qui prennent plus de temps ont fait un arbitrage délibéré en faveur du patient.

CMT a dit…

Suite
Le problème n est pas, par ailleurs, la délégation des tâches, encore que cela demande réflexion au cas par cas, mais la logique qui préside à cette délégation.
Je vais prendre un exemple exemplaire: MOI. Ou plus exactement le travail en PMI , la consultation de PMI, qui, comme chacun sait, se déroule en deux parties, dont une première effectuée par une puéricultrice. Des médecins PMI plus expérimentés que moi évaluaient le temps nécessaire à la consultation proprement médicale à 25, 30 mn. Cela dans une logique d efficacité préventive et non financière. L apport du regard croisé de la puéricultrice et du médecin, regard légèrement décalé, permet une vision en relief, en trois dimensions du patient.
Quant à expliquer aux parents le mécanisme et les cobséquences de l amblyopie, je le fais systématiquement quand il y a lieu. Car un parent qui comprend se sent davantage responsabilisé et impliqué

Anonyme a dit…

En avant pour la médecine vétérinaire !

Trop bêtes les cochons souffleurs ! Maintenant pour gagner du temps, on les remplace par des robots : avec quelques hormones et une bande son, ces merveilles de technologie vous trouvent une truie bien disposée en un rien de temps.

zigmund a dit…

NP a fait quasi le même commentaire que celui que j'aurais fait.
Chez nous oph le problème de délégation de tâches est très à la mode : de tout temps la plupart des oph ont détesté la réfraction alors beaucoup (surtout S2) ont confié ce truc qui les barbe aux orthoptistes mais en fait on pourrait dans la grande majorité des cas le confier à un bachelier un brin futé après une semaine de formation.
la mesure de la pression artérielle ne devrait pas se déléguer dans un cabinet de MG : pendant que vous mesurez la PA vous REGARDEZ votre patient vous parlez (mm si ça gène pour entendre dans le stétho) temps qui fait partie intégrante de l'inspection et de la suite de l'interrogatoire mais je suis sans doute un vieux schnoque.
de même pendant la réfraction suivant la façon dont le malade bouge, essaie de tricher nous pouvons parfois suspecter un trouble du champ visuel. pour les manips d'appareils OCT champ visuel appareil photo on peut confier ça à un orthoptiste ou à un infirmier (légalement les infirmiers ne doivent pas le faire mais j'ai connu le temps où elles le faisaient avec plus de"conscience médicale" que les orthoptistes ceci sans vouloir dénigrer les ortho.
Quand je "rate " une paire de lunettes c'est moi et moi seul qui suis en cause
mais je ne suis qu'un vieux c...

AP a dit…

Bonsoir,

pour en revenir au sujet initial et au commentaire de JLC, je ne pense pas que les jeunes MG veuillent réellement reproduire le schéma hospitalier. Pour mon cas, ce serait même l'inverse.

Le simple fait de s'orienter vers la MG et d'autant plus en libéral (à peine 10% des étudiants) est bien le reflet d'un état d'esprit ou d'une certaine manière de voir la médecine.
Il est bien regrétable à ce sujet que les étudiants ne mettent quasiment pas les pieds dans un cabinet libéral avant de faire un choix de spécialité

Certes, les conditions de travail peuvent rebuter mais je pense que ceux qui ont fait le choix de s'installer le font en connaissance de cause.
La plupart de ceux qui ont partagé mon cycle d'études de MG voulant s'installer sont du même avis.
Les autres ont pris d'autres voies pour échapper au libéral (CAMU, EHPAD …)

Peut-être que la profession se meurt, mais je vois mal le pays évoluer sans médecine de premier recours autre que les urgences ou autres SOS. Nos politiques, les mêmes qui ont instauré un numerus clausus pour des raisons de coût devront bientôt faire leurs calculs et comparer le prix (sans parler de qualité) d'une prise en charge ambulatoire avec le reste. J'espère qu'ils en tireront les bonnes conclusions.

En tout cas, merci à CMT d'avoir cité ma thèse, ce qui me fait ponctuellement sortir de mon anonymat sur le net. Cela me donne l'occasion de dire que j'apprécie beaucoup ce blog que je lis régulièrement comme pas mal de confrères.

AP

BG a dit…

Pour votre information : ce jour, sur Europe 1, à l'émission "Les grandes voies d'Europe 1" qui est un forum de journalistes politiques, il a été dit par l'un d'entre-eux que la consultation à 23€ c'était insuffisant et qu'il ne fallait pas la réévaluer à 24 ou 25€ mais de 50%, ce qui pourrait vous faire plaisir!

MAIS, a-t-il ajouté, à condition que le déroulement des consultations soit revu, car là...Visiblement pour lui il y a quelque chose qui ne va pas du tout de ce côté.

Anonyme a dit…

J'aime le "on vous donne de l'argent mais.."

Docmam a dit…

Oui à la délégation des tâches... si j'estime que j'ai mieux à faire que de faire ça... Sauf qu'au final je ne vois pas tant de truc que ça.
Je pourrais examiner un patient dont on aurait déjà fait l'interrogatoire, peser, mesurer et dont l'ordonnance serait déjà pré-sortie n'attendant que ma signature...

Mais franchement, tout ce temps de consultation j'en ai besoin. J'ai besoin de le regarder se déshabiller, voir comment il se débrouille, si son Parkinson le gêne dans cette tâche banal, si ses troubles de l'équilibre vont mieux, comment il marche.
Je continue de discuter avec lui pendant que mes mains l'examinent. Il me parle quand je prend sa tension (oui c'est un fait, le patient parle à partir du moment où le stéthoscope est dans les oreilles, toujours)

Je profiter de chaque ligne de l'ordonnance que je rédige pour repeser la nécessité de chaque traitement, et vérifier les connaissances qu'il en a.

Je vois pas quelle partie de tout ça je voudrais déléguer en fait.

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

En lisant cet article ça m'éclaire un peu et je me rends compte que tous les autres posts sont trés loin de la réalité! On m'avait conseillé votre blog.. dommage! Si ça vous permet de vous libérer un peu, tant mieux...
Je suis interne de médecin générale, et je prend la pression artérielle à mes patients. Et je la prenais même, ouh là là! aux urgences ou plus rarement dans les services. Et puis aussi je lis prescrire... et puis mon but est de m'installer, pas forcément en ville.. Pourquoi tant d’agressivité envers nous? Vous vous sentez trop vieux? nous aussi on veut faire de la bonne médecine. si vous êtes devenus cynique, laissez nous l'illusion, on changera peut être d'avis dans quelques années, mais au moins on les aura passé ces années...

JC GRANGE a dit…

@ Laurence Audouin. Ce qui vous manque, c'est la distance. Et l'humour. Ce post est métaphorique mais probablement pas assez. Je vous remercie pour le "trop vieux", cela m'a fait plaisir et votre jugement clinique sur mon supposé cynisme. Ne me laissant pas aller au jeunisme et à l'hospitalo-centrisme, je me permets de critiquer alors que j'aurais tellement besoin que vous payiez ma retraite (de vieux). Et, en plus, vous prenez la pression artérielle... Désolé, je l'ignorais. Je suis tellement vieux que je ne me rappelle plus qu'externe je le faisais...
La médecine, c'est être proche et... distant.
Le monde, chère consoeur, est peuplé de plus de morts que de vivants. Je suis touché que vous m'ayez déjà enterré...
Bonne soirée.

cath a dit…

Je n’avais pas vu cet article..
Dr du 16, juste pour vous dire que si les infirmières prennent la TA en cmHg et les médecins la PA en mmHg, ce geste n’est pas pour autant une délégation de tâches car les IDE sont habilitées à le faire, notamment quand il faut évaluer l’état de santé d’un patient.
La plupart des MG le font à chaque visite, souvent pas tant par véritable nécessité médicale que parce que ce geste est perçu comme indispensable dans la culture du patient. “Le Dr X est venu ce matin, il m’a même pas pris la tension!!”
J’en profite pour vous préciser que les techniciennes que sont les infirmières sont confrontées à l’angoisse et aux interrogations du patient au moins autant que les médecins, et que l’aspect relationnel est très présent dans leur pratique. Eh oui, les infirmières mentent aussi parfois au patient sur les chiffres obtenus, comme sur d’autres choses, car elles ne sont habituellement pas des robots s’adressant à des masses inertes.
Il y a par contre un geste de surveillance complètement passé de mode chez les soignants, c’est la prise de température, que les médecins ne pratiquent guère bien sûr, mais dont les résultats les intéresse de moins en moins ; il faut reconnaître qu’avec le matériel actuel les chiffres obtenus sont moins fiables qu’à l’époque rectale, mais ça donne parfois des situations surprenantes..

JC GRANGE a dit…

@ Cath Je suis d'accord avec vous.