jeudi 6 novembre 2014

Les diagnostics par excès et les examens complémentaires dangereux. Histoire de consultation 178.


Madame A, 67 ans, est allée passer quelques jours chez son fils dans l'Allier. Je connais cette patiente depuis mon installation, soit 1979.
Madame A est diabétique insulino-dépendante, hypertendue et dyslipidémique.
Son fils l'a emmenée chez son médecin traitant pour des sensations bizarres de l'hémiface gauche et il a diagnostiqué une paralysie faciale périphérique a frigore. Il lui a prescrit une corticothérapie (40 mg de prednisolone pendant plusieurs jours, je n'ai rien demandé de plus).
Elle vient me voir, affolée, avec les résultats du scanner. Elle me demande si c'est grave. Elle a peur d'avoir un alzheimer.
Retour en arrière.
Les sensations bizarres de l'hémiface gauche ont peu évolué sous corticothérapie, elle est revenue à Mantes et comme sa belle-fille est infirmière en neurologie à l'hôpital elle lui a obtenu très rapidement un rendez-vous avec une neurologue.
J'ai le courrier sous les yeux : "... il ne s'agit donc pas d'une paralysie faciale périphérique mais de paresthésies dans le territoire de la branche cervico-faciale... et j'ai demandé, en raison de l'inquiétude de la patiente, un scanner pour la rassurer complètement..."
Indépendamment du fait que la corticothérapie a complètement déséquilibré le diabète que nous avions eu beaucoup de mal à stabilier durant les mois précédents et que les paresthésies ont complètement disparu, la patiente me montre le compte rendu du scanner qui parle, outre du fait que tout est normal, de plaques amyloïdes (avec cette phrase lapidaire : à confronter aux données de la clinique).
Elle est allée faire un tour sur internet et, ajouté au fait qu'elle a oublié la semaine dernière où elle avait posé ses clés de maison au moment de partir à Auchan, elle est persuadée qu'elle a un alzheimer et elle me demande de lui faire une lettre pour aller passer un test au centre de mémoire de l'hôpital.

Je lui ai fait la scène du deux.

J'espère l'avoir rassurée mais ce n'est pas gagné.

Illustration : Vincent Van Gogh. Autoportrait à l'oreille bandée (1889)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aurai appris une belle expression : "scène du 2". Rien à voir avec les paires crâniennes heureusement.

NoTill a dit…

La scène du 2 ?
Késako ?

dr Bill a dit…

Bonjour.

Faire des examens complémentaires inutiles pour rassurer un patient est il acceptable? Que ceux qui ne l'ont jamais fait lèvent le doigt...
En ce qui concerne la maladie d'Alzheimer, j'essaie de faire le moins d'examen complémentaire possible. Je n'envoie en consultation mémoire qu'à la demande pressante des patients. De toute façon nous n'avons aucun traitement efficace à proposer. Pourquoi infliger à un patient et à sa famille un diagnostic qui est mal vécu ?

JC GRANGE a dit…

@ dr Bill
Vous avez raison.
1) tout le monde demande des examens complémentaires inutiles... surtout quand ils le sont vraiment... Mais je ne voulais pas dire que je ne le faisais jamais, je le fais, au contraire, le plus souvent, et je m'en rends compte...
Le problème vient des conséquences de nos actes, non pour nous ou pour la société (les dépenses de santé) mais pour les patients qui peuvent être influencés et marqués.
2) Le diagnostic de la maladie d'Alzheimer est d'une grande bouffonnerie mais permet d'informer les familles et d'anticiper la prise en charge sociale.
Bonne journée.

Anonyme a dit…

Bonjour,
je suis juste une patiente (plutôt impatiente parfois).
Le diagnostique "Alzeimer" pour ma mère a tout de suite permis au gériâtre de lui prescrire de l'exelon. Nous n'avons pas constaté d'amélioration.
Quatre ans plus tard, j'ai constaté que mon père, en maison de retraite avait aussi de l'exelon.
J'ai demandé à l'infirmière-chef s'il avait été diagnostiqué "alzeimer". Elle m'a dit: "Non, votre père n'a pas été diagnostiqué Alzeimer, mais vous savez, ici , presque tous les résidents en prennent.....et je n'ai jamais constaté le moindre effet de ce médicament..."
En somme la machine à faire manger des médicament à un maximum de personnes fonctionne très bien.

vincent du 16 a dit…

ah ? on peut voir des plaques amyloïdes sur un scanner ? Soit l'histoire est enjolivée, soit les scanners modernes sont ultra puissants soit le radiologue devrait revoir son CR.

JC GRANGE a dit…

@ Vincent du 16
Merci pour cette pertinente remarque qui me fait penser qu'effectivement nombre de radiologues, à partir de simples clichés du rachis lombaire, "diagnostiquent" une ostéoporose.
Bonne journée.

RadioactiveJib a dit…

Ou alors elle a eu (dans un CHU ?) une TEP à l'un des traceurs de plaque amyloïde en cours d'arrivée imminente pour mettre un beau diagnostic autour de cou de nos aînés sans changer en rien leur prise en charge et leur pronostic ?

(Soit dit en passant, si vous cherchez un motif pour vous passer vos nerfs, je vous recommande très vivement ce thème de la TEP pour les plaques amyloïdes ��).