jeudi 27 février 2014

Actualités oncologiques en médecine générale : seuls les morts ne seront pas traités. Annexe au plan cancer.


(Il s'agit d'une annexe pragmatique au Plan Cancer dont nous avons parlé ICI et dont nous reparlerons LA -- pas encore de lien)

Cas onco 001 - histoire de consultation 164. Monsieur A, 85 ans, va mieux. Je me suis battu pendant un mois (le patient est en HAD) pour que l'on arrête la (lourde) et ancienne chimiothérapie carboplatine - vepeside pour cancer du poumon chez cet homme  triple ponté, hypertendu, bronchitique chronique et diabétique. Le pneumologue est têtu et l'oncologue le regarde par dessus son épaule pour s'assurer qu'il ne va pas lâcher. Il faut lâcher. Mais cela ne fait pas partie de la culture des médecins. Lâcher c'est avouer non son incompétence mais son incapacité à réaliser les rêves imposés par la société à savoir que la médecine a des pouvoirs infinis de promettre la vie éternelle. Je me suis battu car il fallait aussi convaincre la famille à qui les faiseurs de rêves avaient promis des mille et des cents, à la famille qui pensait que renoncer allait signifier pour leur mari, père, grand père, ami, que c'était fini, qu'il n'y avait plus qu'une seule issue : la mort. Et il y avait le pauvre khonnard de médecin traitant qui ne sait pas combien les chimiothérapies ont fait de progrès, combien l'onologie est une science dure qui sauve des vies, combien les essais cliniques ont montré que la survie était allongée de trois jours (p < 0,05) dans des essais contrôlés menés par des firmes philanthropiques qui pourront obtenir des prix pharamineux grâce à ces merveilleux trois jours avec, cerise sur le gâteau, un score de qualité de vie au top. Monsieur A va mieux mais il va mourir et il sait qu'il va mourir et il souhaite (ici, nous pourrions écrire une thèse de doctorat entière : "Le signifié et le signifiant chez le patient en fin de vie") mourir. Il va mieux mais il a des métastases partout. Il est conscient et il sait qu'il va mourir. Il ne souffre pas. Il passe sa vie dans un fauteuil. Et s'il voulait mourir chez lui au début de sa prise en charge, maintenant qu'il est conscient de sa mort prochaine il veut mourir à l'hôpital pour ne pas embêter sa femme. Et il change encore d'avis et décide qu'il serait mieux qu'il revoit son milieu familier avant de mourir. Mais il n'en aura pas le temps. Il meurt à l'hôpital. Sans avoir souffert.

Cas onco 002 - Histoire de consultation 165. Monsieur B, 64 ans, souffre d'une carcinose péritonéale secondaire. Comme personne ne lui avait dit qu'il avait un cancer initial mortel et qu'au contraire il allait guérir grâce à la médecine moderne qui garantit la vie éternelle, personne ne lui a pas plus dit que cela allait être la fin. Comme je suis le médecin traitant je suis au milieu des mensonges (et je suis le premier à mentir) et je suis celui qui va annoncer la mauvaise nouvelle. Facile. Difficile. Mais je connais la famille, la femme, les enfants, les petits-enfants. J'assume. Je fais une parenthèse majeure : dire la vérité au malade semble être un impératif "post moderne" (j'en ai déjà parlé LA) et il me semble que ce n'est pas une mauvaise idée en soi. Mais la façon de dire est plus importante que ce que l'on dit. Sans parler de l'arrière plan. J'ai le souvenir d'un médecin des hôpitaux annonçant à "ma" patiente et à son fils (son fils m'a dit ensuite qu'il avait été tellement sidéré, au sens paralysé par ce qu'il avait entendu, qu'il n'avait pas eu le courage de retourner dans le bureau et d'aller casser la gueule au médecin des hôpitaux pour lui apprendre la politesse et la vie, il le regrette encore) qu'il n'y avait plus d'espoir et qu'elle allait mourir. N'aurait-il pas pu entrouvrir la porte ? Laisser filtrer un brin de lumière pour que la dame âgée puisse encore croire à quelque chose ? Ainsi, je me répète, dans le temps (ma jeunesse et en France) on ne disait rien au patient par paternalisme (ne pas désespérer la vie) puis on a tout dit par libéralisme (au sens philosophique anglo-saxon) et maintenant on dit tout et on ment sur l'issue quand elle est désespérée (on voit que cette critique est contradictoire avec celle que je faisais à propos de ce professeur qui ne laissait aucun espoir) pour prescrire ! Non seulement pour prescrire mais pour expérimenter ! Pour prescrire des traitements de deuxième, troisième, voire quatrième ligne, qui vont permettre 1) de faire des essais cliniques, 2) d'obtenir des AMM au rabais et des prix insensés et justifiés par l'innovation, 3) de vendre des boîtes très chères, 4) de rapporter de l'argent aux services expérimentateurs, 5) d'arroser des oncologues avec de l'argent et des congrès au bout du monde (l'ASCO, voir LA), 6) d'écrire des articles de merdre en anglais mais répondant aux normes de la rédaction scientifique en les faisant relire (?) par leurs auteurs désignés et 7) de leur faire signer (les professeurs devenant des pontes  internationaux ou nationaux ou régionaux ou locorégionaux et, pour les premiers, KOL (Key Opinion Leaders) sans parler un mot d'anglais ou 8) par de jeunes internes et / ou chefs de clinique qui pourront étoffer leur dossier pour devenir PU-PH et, dans le même temps et par la suite, ambassadeurs de big pharma (voir LA pour l'expert mongering)... on est donc passé du paternalisme alapapa, si j'ose dire, au libéralisme anglo-saxon puis, maintenant, au business pur et dur (néolibéralisme ?).
Où en étais-je ? Comme le patient a été traité par un service parisien (et les lettres que j'ai reçues sont d'un grand professionnalisme et d'une compétence technique absolue) assez éloigné de Mantes, il n'a pas envie d'y retourner pour consulter et le médecin traitant, ma pomme, se retrouve au centre d'un imbroglio mensonger et tente de se dépatouiller comme il peut avec l'aide efficace, compétente et humaine du réseau de soins palliatifs local. Mais le service parisien n'a plus d'ambitions thérapeutiques et pour le moment le patient ne souffre pas.

Cas onco 003 - histoire de consultation 166. Madame C, 92 ans, est venue au cabinet me demander pourquoi on l'avait emmenée deux fois à B. en ambulance pour faire des radios bizarres. Il s'agissait après enquête du début de sa radiothérapie. Nous étions pourtant convenus avec le chirurgien qu'on enlevait la tumeur pour ne pas qu'elle nécrose la peau du sein de la patiente et qu'on la laissait tranquille (la patiente). Mais le chirurgien a passé la main à l'oncologue qui n'était pas d'accord (la réunion dite de concertation s'est bien entendu passée à l'écart du médecin traitant et de la patiente -- parenthèse encore : on comprend qu'il soit difficile de se réunir avec le médecin traitant en fin de matinée à l'hôpital, une réunion qui commence en retard et qui se termine dans le même métal,  un médecin traitant qui, contrairement aux médecins hospitaliers, ce n'est pas une critique, c'est une réalité, fait du soin et non de l'administratif ou de l'ordinateur (1)) et la patiente a commencé une radiothérapie sans le savoir ! Et sans que je le sache. J'ai envoyé un mail très poli car je ne voulais pas m'énerver au téléphone et les séances ont été interrompues. La patiente va bien mais elle m'a dit l'autre jour, ce n'était pas la première fois, elle en avait parlé alors que son fils était dans le cabinet, "Du moment que ce n'est pas un cancer..." Pensez-vous que je lui ai dit la vérité ? Elle ne supportait pas son inhibiteur de l'aromatase (nausées) et, plutôt que de lui prescrire motilium - domperidone (joke), je lui ai demandé d'arrêter. Elle revoit l'oncologue dans trois mois (je me suis fendu d'un courrier explicatif) le chirurgien dans un an.

Cas onco 004 - histoire de consultation 167. Monsieur D, 76 ans, cancer de la prostate diagnostiqué il y a 5 ans, opéré, radiothérapé, infarcté du myocarde il y a six mois, ponté, stenté, à qui on découvre une tumeur pulmonaire, lors d'un cliché pré opératoire (avant dilatation d'une sténone fémorale), tumeur non vue auparavant bien entendu, est embarqué dans une chimiothérapie lourde (ils ne savaient pas ue le médecin traitant pouvait éventuellement avoir un avis) et meurt le lendemain de la première séance faite en hôpital de jour sur le parking de ce même hôpital dans l'ambulance qui l'y ramenait au décours d'un malaise à domicile. Loin de moi l'idée que... Mais quand même.

J'espère donc avoir un de ces jours le temps de détailler enfin le plan cancer.

Note.
(1) Qu'est-ce qu'une réunion de concertation oncologique ? (plusieurs réponses possibles)
 1) Une annexe de big pharma ; 2) un tirage au sort de protocoles ; 3) une usine à fric ; 4) une conjuration des imbéciles ; 5) un déni du patient.

PS du sept mars 2013
1) Les chimiothérapies en fin de vie sont-elles bien nécessaires ? ICI pour un commentaire et LA pour l'article original
2) Un billet de Martine Bronner qui commente : LA

samedi 22 février 2014

Le retour de Diane. Histoire de consultation 163.


Mademoiselle A, 18 ans, est venue avec sa copine qui est restée dans la salle d'attente.
Le dossier m'indique qu'elle n'a pas consulté au cabinet depuis environ trois ans.
Elle a une gastro, elle n'est pas allée en cours aujourd'hui, elle va mieux, c'est à dire qu'elle n'a pas besoin de médicaments, mais elle voudrait bien un certificat pour le lycée.
Je lui fais mon plus beau sourire.
"Ah, encore une chose, il faudrait que vous me prescriviez Diane 35..."
La jeune fille a trois boutons sur le visage cachés il est vrai par une épaisse couche de maquillage.
Nous commençons à parler du pays.
Je lui pose deux ou trois questions et je retiens ceci : elle a eu "tous" les traitements possibles pour l'acné (mais elle n'arrive à m'en citer aucun pas plus que ceux ou celles qui les ont prescrits), elle n'a jamais pris Diane 35, elle est complexée par ses boutons, elle n'arrive pas à survivre avec... 
Je lui dis : "Je ne vous prescrirai pas Diane 35"
Elle : Mais Pourquoi ? Maintenant vous avez de nouveau le droit.
Moi : Ce n'est pas une question de droit. Je n'en prescris pas comme ça, sans avoir examiné la situation, sans avoir fait d'examens complémentaires. Connaissez-vous bien les risques de ce médicament ?
Elle : Oui. J'ai regardé sur internet, j'ai vu tous les risques, je les assume. A vous de prescrire.
Moi : Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je ne suis pas votre machine distributrice de Diane 35. 
Elle : Vous ne vous rendez pas compte de ma souffrance, je ne peux presque plus me montrer, j'en ai fait une phobie. Il faut m'aider. Vous ne pouvez pas comprendre...
(Je suis presque en train de pleurer et mon esprit fonctionne à cent à l'heure : l'empathie, l'empathie, l'empathie. Je sens que Dominique Dupagne me surveille (ICI) et qu'il me dit : Il est interdit d'interdire, il y a des patientes qui ont besoin de Diane 35, pourquoi s'en priver, du moment que les patientes sont informées, qu'elles sont au courant, la liberté individuelle, ne nie pas la capacité des patientes à prendre des décisions lucides concernant leur santé (sic)... Est-elle informée, d'ailleurs ?)
(Je fournis ici, en passant, un sujet de billet de blog : le médecin intégriste, ayatollah anti Diane, qui fait un retour sur lui-même, une auto analyse et qui, devant la "souffrance" de cette jeune femme, lui prescrit finalement Diane 35... c'est-y pas beau, tout ça ?)
(Autre notion dont nous pourrions parler un de ces jours : la Décision Médicale Partagée ou Share Decision Making)
Bon, je lui ré explique deux ou trois trucs, mais elle n'en démord pas : elle va aller en demander chez un autre médecin.
(Le lendemain : réunion de pairs : une de mes pairs me raconte l'histoire de Mademoiselle A qui est venue la voir le lendemain : pas de Diane prescrite. Cela me rappelle furieusement l'affaire Mediator avant qu'elle n'éclate ; et ensuite tout le monde prétendait n'en avoir jamais prescrit).

Morale de cette histoire : ai-je eu raison (ma paire a-t-elle eu raison) ? Aurais-je dû lui proposer un bilan de thrombophilie ? Car cette jeune femme trouvera un médecin pour lui prescrire Diane 35 (j'ai des adresses) et, les choses et les statistiques étant ce qu'elles sont, cela n'aura aucune conséquence sur elle : les médecins jouent souvent sur les faibles probabilités de ne pas nuire en raisonnant à leur (petite) échelle de patientèle mais oublient que l'empilement des cas individuels peut induire des risques populationnels importants.


(PS. La demande de retrait du domperidone par La Revue Prescrire (ICI) se situe dans ce contexte. Je rappelle que je demandais le retrait de Diane 35 bien avant que l'affaire Marion Lara ne survienne (LA). Ce qui m'a été reproché. L'interdiction des produits une fois commercialisés pose un certain nombre de problèmes que je vais tenter de résumer ainsi :

  1. Les partisans de la non interdiction pensent que l'information du public et notamment de la possibilité d'effets indésirables graves règle le problème : je prescris un produit potentiellement dangereux à un patient averti qui prend lui-même sa décision (voir ICI). Précisons cependant que ces partisans de la non interdiction ne sont pas des jusqu'au boutistes car la majorité d'entre eux ont approuvé le retrait du Mediator : ils prennent en compte le rapport bénéfices / risques, disent-ils.
  2. L'Evidence Based Medicine nous apporte un éclairage identique : son questionnement pourrait aboutir à la prescription d'une molécule "dangereuse" ou d'un examen complémentaire potentiellement dangereux (comme le dosage du PSA) en accord avec le patient (en tenant compte de ses valeurs et de ses préférences).
  3. Les partisans du non retrait parlent également de paternaliste à l'égard de ce retrait : faire le bien des patients malgré eux.
  4. Le retrait peut permettre aussi à des médecins consuméristes ou incompétents qui prescrivent le  produit en sachant sa dangerosité mais en se réfugiant derrière la rareté des effets indésirables graves (voir plus haut) de les aider à se mettre en accord avec leur conscience.
  5. Pour le domperidone, je pourrais proposer une solution swiftienne : que la non prescription de domperidone devienne un indicateur du ROSP. Ainsi les médecins prescrivant de la merdre seraient récompensés en arrêtant d'en prescrire.)
Illustration : Jonathan Swift : Modeste proposition : pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents et de leur pays et pour les rendre utiles au public. 1729

mardi 11 février 2014

Doit-on "soigner" tout le monde ? Histoire de consultation 162.


Le jeune garçon de 16 ans qui est venu consulter pour une angine et qui fait la tronche parce que je ne lui ai pas prescrit d'antibiotiques et qui me dit qu'il va se faire engueuler par sa mère pour ne pas avoir exigé que je lui en prescrive mais surtout que lui, sans antibiotiques, il ne guérit pas, 

(je suis désolé d'avoir pris la posture du "bon" médecin qui ne prescrit pas d'antibiotiques, le médecin tellement bien pensant, tellement bien agissant, tellement je suis un mec bien -- tellement je suis une nana bien --, cette posture avantageuse tellement tirée de la brochurette "éléments de posture" recommandée par les communiquants de la "bonne" médecine, celle des mecs et des filles qui lisent Prescrire, qui sont "aware", qui ne reçoivent plus la visite médicale -- n'oubliez pas de louer ces "résistants" qui ont collé des patchs anti VM sur leur corps --, car il ne suffit pas, selon les éléments de posture de ne pas recevoir la visite médicale il faut ne PLUS la recevoir, la "bonne" médecine qui se regarde dans la glace des bons sentiments... Mais le complément de cette posture est la suivante : il arrive à ces "bons" praticiens qui font encore des TDR dans leur cabinet, pauvres mortels, pauvres victimes d'un système qui les écrase, membres de la profession si exposée des professionnels de santé, toujours menacée par le burn-out et qui s'en sortent grâce à leur clairvoyance fantastique, à l'aménagement de leurs horaires, à leur pouvoir de dire non, à l'organisation parfaite de leurs cabinets, et cetera, et donc, ces "bons" praticiens, cerise sur le gâteau des éléments de posture, avouent que, parfois, parce qu'ils sont fatigués, parce que c'est la fin de la journée, ils prescrivent des antibiotiques malgré tout. Cette faiblesse les honore...)

eh bien, ce jeune homme de 16 ans, il est venu consulter avec un maillot de l'OM. Le jeune homme, il est né à Mantes, et il porte un maillot de l'OM. Et, en ce moment, ce n'est pas la mode de porter des maillots de l'OM, le PSG qatari emporte tous les suffrages, il faut oser, et il ose. Il me demande si je suis toujours pour le PSG (conversation récurrente entre nous, eh oui, on ne peut pas toujours parler avec ses patients d'Illich, de Proust ou de Kundera) et je lui réponds que ce serait difficile de changer, étant donné la façon brillante de jouer du PSG en ce moment et quand on était supporter alors que l'équipe jouait mal... Et j'ajoute, pour rire, que s'il avait eu un maillot du PSG, je lui aurais peut-être prescrit des antibiotiques... Et le jeune de 16 ans, appelons le M, il ne comprend pas.  Je lui explique l'affaire et je réfléchis en moi-même.

Doit-on "soigner" tout le monde ? Selon le serment d'hypocrite, sans aucun doute. Et je suis hypocrite.
Je ne parle pas du malade vu en urgence, non, du malade que l'on suit en longitudinal, sur des années, dont on connaît la femme, les enfants, la maîtresse, et le reste.
J'ai dans ma patientèle des membres actifs du front national, des islamistes militants, des membres du PS, de l'UMP, des anciens parachutistes, des pervers, des easy listeners, un pédophile connu, un mec qui a défenestré sa femme, des staliniens bon teint qui regrettent encore l'ère pré Gorbatchev, des supporters de Saint-Etienne, des trafiquants de drogue, des lecteurs de Marc lévy, des homophobes, des guetteurs, des machistes, des polygames, des fans de Sanseverino, des femmes fatales, des hommes faciles, des parents qui collent des claques à leurs enfants, des hommes qui trompent leurs femmes et vice versa, un agresseur sexuel, des partisan(e)s de l'excision, des antisémites, des racistes en général, et cetera.
Comment les recevoir avec empathie ? 
Est-ce possible ?
Faut-il choisir sa patientèle à son image ?
Faut-il être empathique uniquement avec les gens sympathiques ? 
Et si le manque d'empathie, le patient hypertendu avec lequel on fait le minimum syndical, n'était pas mieux "soigné" ? Sans paroles excessives, sans propos divers et variés sur le temps qu'il fait, sur le mariage pour tous, sur la réforme Taubira ou sur le scooter de Hollande.
Et si l'empathie pour le patient qu'on aime bien pour des raisons d'éléments de posture entraînait un soin de moins bonne qualité ?
Faut-il préciser les choses avec les patients que nous ne fréquenterions pas dans la vraie vie ?
Dans le genre : Je suis PSG, Barça et ManU. Et vous ?

(Membre du Ku Klux Klan soigné par des noirs (pardon, des Afro-Américains) : source Allain Jules ICI)

samedi 8 février 2014

Plan Krouchtchev, plan cancer, big pharma, science Lyssenkiste.


Cette semaine j'ai écouté d'une oreille attentive et désespérée la rediffusion sur France Culture de l'émission "A voix nue" (ICI) consacrée à cette crapule stalinienne de Pierre Juquin. Avec sa voix doucereuse de Saint-Jean Bouche d'or qui a tout compris à la vie idéologique du vingtième siècle et qui a toujours eu raison quand il avait tort, et vice versa, mais, vous comprenez, les circonstances, j'ai appris, nous ne savions pas, les camps, les millions de morts, il fallait être dans le bon camp, il fallait trahir, il fallait mentir, c'était le sens de l'histoire, je crois toujours au communisme, à vomir (mais un jour je consacrerai un chapitre à la vie privée de Pierre Juquin quand il faisait l'exorciste dans des familles staliniennes moscovites françaises), et je n'ai presque aucun regret, vous comprenez, la lutte contre le fascisme, l'impérialisme américain, la guerre froide. Ouaip...

Pourquoi je vous dis cela ? 


Le plan cancer vient de paraître (voir LA). Contrairement au Hollande-bashing ambiant, je ne vais pas m'en prendre à ce brave garçon car il n'est que la marionnette des experts qui lui soufflent les suggestions dans son oreillette. On ne demande pas au Président de la République de lire les livres de Peter Götzsche (ICI) ou de s'informer ailleurs que dans le BEH, La Vérité de l'InVS. En revanche, les experts autoproclamés de l'INCa, les experts mongerisés, les experts big pharmés, les experts adoubés par l'Eglise de Dépistologie, pourquoi ne s'informent-ils pas ? Pourquoi sont-ils soumis à leurs croyances  aveugles ? Pourquoi sont-ils malhonnêtes ?
Le plan cancer vient de paraître et il y en a tellement à en dire ou à n'en pas dire que je me réserve le temps d'en faire le commentaire plus tard : voir ICI (il n'y a pas encore de lien).

Quel est le rapport avec Pierre Juquin ? Le voici.

Pierre Juquin, Joseph Prudhomme de la pensée marxiste orthodoxe, qui sait tout sur le passé et encore moins sur l'avenir, parle sur France-Culture du rapport Krouchtchev (1956). Ce fameux rapport Kroutchchev que les dirigeants du PCUS (Parti communiste de l'union Soviétique) avaient communiqué aux dirigeants communistes de l'Ouest en leur disant de la fermer, ce fameux rapport qui avait été publié dans la presse "bourgeoise" et que l'on appela chez les staliniens français le rapport attribué à Krouchtchev, vous saisissez la nuance dialectique, eh bien, les staliniens français se sont tus, on ne parlait pas encore de lanceurs d'alertes, ils ont tout gardé pour eux, ce fameux rapport montrait à quel point le communisme avait été une formidable machine de mort, les communistes ont tué plus de millions de personnes que les nazis et autres, et au coeur de l'Europe, comme les nazis, et les communistes français, les grands humanistes, les Maurice Thorez, le grand résistant, les René Piquet, les Pierre Juquin, les Pierre Laurent, les Maxime Gremetz, les René Andrieu, ils n'ont pas eu un mot pour les victimes, pas eu un mot pour les camps, pendant vingt ans ils ont fermé leurs goules, pour des raisons liées à l'internationalisme prolétarien, pour des raisons x, y ou z, parce que, écoutez bien, au moment du printemps de Prague, douze ans après, ils avaient peur de l'intervention des troupes russes (sic).


A l'INCa, où probablement, il y a autant d'anticommunistes primaires qu'ailleurs et autant de fils de et de grands bourgeois que dans les autres institutions médicales de la République, il y a aussi le rapport Cochrane ou le rapport attribué à Cochrane sur le cancer du sein (ICI pour le résumé et LA pour la publication in extenso) et il y a aussi des données non confidentielles que l'on met sous le coude, que l'on n'examine même pas car elles ne vont pas dans le sens de la grande guerre contre le cancer, de la lutte à mort contre les cellules cancéreuses, et elles pourraient mettre en péril l'idéologie dépistologique qui règne dans les consciences bien pensantes de la médecine officielle française. Il y a des membres de l'INCa qui, contre toute logique, ne savent pas ce qu'est un sur diagnostic, il y a des crapules sénologues qui minimisent les sur traitements et qui cachent leurs liens avec big pharma. Mais la Société Française de Sénologie n'est pas en reste, c'est une sous secte de la Grande Eglise de Dépistologie, car en consacrant un numéro de revue au sur diagnostic en novembre 2011 sa présidente Brigitte Seradour avait avoué 5 à 10 % de sur diagnostics (LA) contre 50 à 30 % pour respectivement Bernard Junod et Peter Götzsche, mécréants de cette Eglise.

La France n'est pas une république bananière, c'est une monarchie héréditaire au service des intérêts privés.
Dominique Dupagne a, en un autre domaine, dénoncé récemment le problème du contrat passé entre l'Education Nationale, grand machin qui prépare les fils des classes populaires à s'inscrire en toute conscience à Pôle Emploi une fois sortis du systéme, et l'industrie sucrière, organisme philanthropique ayant des liens d'intérêts indirects avec les dentistes, pour former les élèves à l'usage du sucre (ICI). On me dit que cela a commencé en 1990... C'est comme si le cartel de Pablo Escobar assurait à l'école les cours sur le bon usage de la cocaïne. Ou comme si American Tobacco assurait les cours sur le tabagisme. Mais tout cela ne choque personne car il faut bien prendre l'argent quelque part pour enseigner aux enfants de l'école républicaine comment boire du coca ou acheter des barres chocolatées avant de se retrouver au chômage, prendre de l'argent où il est, de l'argent désintéressé, comme dans la recherche médicale : qui assumerait la formation des médecins si big pharma n'apportait pas ses trente deniers ?

La cancérologie est une science exacte au service des oncologues où, accessoirement, des malades font leur apparition, des malades décharnés et haves, qui en sont à leur douzième cure de chimiothérapie, et pourtant à qui on promet encore la vie, et qui sont les objets consentants et informés d'essais cliniques pour des médicaments incertains qui auront aisément leur AMM pour avoir amélioré, en double aveugle, l'espérance de vie d'un jour et quart, des essais cliniques ambulatoires, les patients faisant des allers retours fatigants entre Villejuif - Auschwitz, les couloirs de la mort, et leur domicile...

Personne ne prétendra que la cancérologie en général n'a pas fait de progrès, que l'on ne traite pas mieux les cancers, que l'espérance de vie des patients n'augmente pas dans certains cancers, que des patients sont sauvés, et cetera, et cetera,  que l'accueil des patients n'a pas été amélioré (on partait de loin), que l'information sur les effets indésirables ne se fait pas, que les rendez-vous ne sont plus assurés avec des retards incroyables, mais je dirais, en paraphrasant Jonathan Nossiter (1) quand il parlait des restaurateurs : "Vous êtes de bons cancérologues mais vous êtes de piètres médecins."

Le point de vue du médecin généraliste est un point de vue comme un autre mais il a l'avantage d'être à la fois dehors et dedans, c'est à dire que "son" patient est à la fois dehors et dedans. Il entend le discours des cancérologues, il lit les écrits des cancérologues, il ne participe pas aux réunions de concertation, il entend les propos des malades (qui ne comprennent jamais rien, c'est évident), ils entendent comment les malades ont été considérés ici ou là, comment les familles ont été informées ou non, comment les traitements ont été proposés mais plutôt imposés, comment les réglettes d'EVA ont été brandies, comment les transports sont organisés entre les différents lieux de soins, comment est programmée la débauche d'examens complémentaires, comment les rendez-vous sont annulés ou reportés, comment... la consultation d'annonce est annoncée au médecin traitant après qu'il a revu le patient ou la patiente, ce qui permet à ce brave médecin généraliste de rester dans le flou et de commencer l'exercice périlleux du mensonge aux patients cancéreux...





Il existe aussi des cancérologues, on dit désormais oncologues, ceux-là du secteur privé, qui écrivent des tribunes libres dans Le Point (voir LA) pour défendre l'indéfendable, en citant des publications biaisées et des économistes néo-libéraux, en mentant comme des arracheurs de dents comme ils le font avec leurs patients, et en se déclarant indépendants alors qu'ils "touchent", ils "touchent" et ils "touchent"... Heureusement que Pernelle a réagi, a fait l'enquête (les journalistes ont déjà du mal à tendre leurs micros, écrire des articles critiques leur donnerait des douleurs critiques, ils se taisent donc ou refusent d'examiner les faits), a écrit un billet complet "Indignation en soldes" qui fait le boulot et montre (LA) la vacuité existentielle et le trop plein du compte en banque de ces médecins dévoués corps et âmes aux statistiques fausses des plans cancer. Il y a la liste des 68 médicaments à éviter selon Prescrire (voir LA) et il y a maintenant la liste des 78 oncomédicochirurgiens à encenser.

Nous pourrions parler aussi d'Agnès Buzyn, la directrice de l'INCa, dont un tweet rappelle avec intérêt le parcours professionnel et... privé (LA). Connaît-elle le rapport attribué à Cochrane ?
Nous ne parlerons pas non plus de l'ancien directeur de l'INCa, le professeur K, grand habitué des plateaux de télévision qui lui permettent d'augmenter ses honoraires de consultations privées, et qui en fut chassé pour malversations familiales.

Mais là, si vous le permettez, nous allons entrer dans le sublime, il y a aussi des dissidents de l'INCa. Des dissidents qui pensent qu'on n'en fait pas assez, que l'INCa est mou du genou, qu'il ne va pas jusqu'au bout, qu'il faut mettre le paquet. Ce sont les membres de l'AFU (Association française d'urologie) qui, contre toute logique, contre toute évidence, ont décidé que le PSA était l'alpha et l'omega du dépistage du cancer de la prostate. Les arguments de ces parangons de la vérité scientifique, de l'absence totale de liens d'intérêts et dont les représentants les plus brillants sont, par exemple, le grrrrrrrrrand professseur Guy Vallancien qui tient salon dans le journal Le Monde et qui a ses entrées un peu partout, comme on dit, et de plus petits professeurs comme Michaël Peyromaure, je le cite mais ne voudrais pas faire de jaloux, dont nous avons jadis analysé les brillants écrits (ICI) mais aussi le professeur Morgan Rouprêt qui s'est distingué récemment par la publication d'une tribune enflammée dans le journal L'Humanité.

Ces urologues font partie du club très ouvert des pro PSA et ils ont pignon sur rue. Ils disent le contraire des recommandations mondiales mais ils continuent de parader sur tous les tréteaux. Ce club rassemble ceux qui pensent, en gros, que seuls les urologues ont raison puisque ce sont eux qui font l'urologie, que l'épidémiologie est une science du passé, nous ne faisons pas de l'épidémiologie mais de la médecine (et ici de la chirurgie), que le sur diagnostic est une notion a posteriori qui donc, dans une pratique raisonnée et raisonnable de la chirurgie, est une donnée non prospective et que, au doigt mouillé, il est clair qu'on ne voit plus de cancers de la prostate métastasés, ce qui signifie, CQFD, qu'on a raison de couper les prostates, de les irradier, et d'hormoniser les patients pour les rendre immortels. Malheureusement le story telling urologique de l'AFU (qui, avec les années, a réussi à faire avaler la distinction entre dépistage personnalisé et dépistage universel) est a scientifique et démenti par les faits et les essais. Mais il ne faut pas parler d'essais cliniques à ces irréductibles Gaulois (2) ou seulement des essais qui vont dans le sens de l'urologie française triomphante, car, vous ne le saviez pas, je l'ai appris par tweeter du fameux professeur d'urologie de l'Institut Mutualiste Montsouris, que les essais cliniques nord-américains, notamment dans le NEJM, ceux qui affirment que le dépistage systématique du cancer de la prostate chez les hommes entre 50 et 69 ans, ne sert à rien en termes de mortalité spécifique sont des essais biaisés et qu'ils sont le fruit de l'impérialisme américain. 

Morgan Rouprêt publie donc "Un déni de démocratie sanitaire" dans le journal des travailleurs et des travailleuses (ICI) en jouant sur la corde sociale sensible. Cet article est un tissu de contre-vérités flagrantes, un appel au peuple, une argumentation (?) pleine de sensiblerie et un plaidoyer pour la spécialité chirurgicale la mieux dotée et où les honoraires sont parmi les plus élevés du corps médical. Que L'Humanité ne se trompe pas de combat. Morgan Couprêt développe des arguments idéologiques dignes d'une science néo lyssenkiste, celle qui veut tordre le cou non seulement aux données de l'épidémiologie (une science bourgeoise ?) mais aussi à l'impérialisme américain : les petits pois de Mandel sont remplacés par les noisettes de l'AFU. Les journalistes du quotidien communiste auraient pu se renseigner sur le bonhomme  (3, 4).


Et ainsi, je veux ajouter ceci : les chimiothérapies de troisième, quatrième, voire cinquième ligne sont des aberrations, sont des renoncements de la part des oncologues qui ne peuvent faire autrement que continuer le traitement pour ne pas désespérer Billancourt, pour ne pas avoir à dire dire aux malades et à leur famille "Nous avons échoué" comme n'importe quel médecin traitant le dirait à son malade de trente ans. Je dis que nombre d'essais cliniques sont menés  sur des cadavres ambulants en dépit de toute éthique, en faisant des promesses fallacieuses, en promettant la guérison à des patients qui sont déjà morts... Je dis que la finalité de ces essais est d'obtenir une AMM, une facile AMM, un prix considérable, facilement considérable, car, que voulez-vous, si on sauve un patient, il n'y a pas de prix, en cachant les effets secondaires ou en les minimisant et qu'ils permettent aux expérimentateurs de faire les malins dans les congrès en lisant des textes qu'ils n'ont souvent pas écrits en s'aidant d'écrans power point composés pour eux et aux frais de leurs maîtres big pharmiens.

Nous reviendrons dans une deuxième partie sur le plan cancer lui-même.

Je voudrais souligner, en guise de conclusion provisoire, que ce tableau apocalyptique est un constat systémique, il y a bien entendu des hommes et des femmes bons dans ce milieu, moraux, respectables mais on attend qu'ils quittent leurs fonctions pour qu'ils puissent parler et faire enfin les révélations que nous avons déjà faites.

PS (je rajoute ce qui va suivre le 4 août 2014 où, dans la même journée, j'apprends

  1. Qu'un article américain rapporte que les 71 dernières molécules anti cancéreuses (Tumeurs solides réfracraires et/ou métastatiques et/ou avancées apportaient en moyenne une survie augmentée de 2,1 mois) : LA
  2. Qu'un article américain rapporte une augmentation du nombre des K du sein chez les femmes entre 20 et 49 prenant une contraception O/P ICI : augmentation du risque relatif de 50 % ((OR, 1.5; 95% CI, 1.3–1.9))avec des variations selon les pilules. Les quelques cliniciens qui parlent de cela depuis des siècles vont-ils enfin être écoutés ?

Notes
(1) Le goût et le pouvoir, Paris, Grasset, 2007. Jonathan Nossiter dit à un chef étoilé célèbre après un repas :  "Vous êtes un excellent cuisinier mais un piètre restaurateur." parce qu'on mangeait bien mais que les clients étaient mal reçus.
(2) Les mêmes Gaulois qui continuaient à prescrire du distylbène (DES) alors que tout le monde savait (les non Gaulois) que c'était inefficace et dangereux ; les mêmes Gaulois qui prétendaient que le traitement hormonal de la ménopause était efficace, non dangereux, voire féministe -- nous n'avons pas le temps ici de développer.
(3) Pour les journalistes de L'Humanité, quelques données concernant le professeur fort de 378 articles recensés par PubMed (ICI), la bible de la production éditorial mondiale, certes été accusé de plagiarisme (ICI), ce dont il se défend, auteur de livres d'enseignement de l'urologie (LA), un médecin, dont la biographie est exemplaire (4), et qui, non content de collaborer largement avec l'industrie pharmaceutique (LA en inscrivant son nom puis en recherchant on retrouve 7 écrans) ce qui, selon la doctrine Lina (ICI) signifie compétence et indépendance.
(4) Morgan Rouprêt est chef de clinique assistant en urologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il est titulaire d'un Master Recherche et d'une thèse de doctorat en sciences (travaux de recherche fondamentale sur les mécanismes de cancérogenèse en onco-urologie).
Il a été récompensé par plusieurs prix dont la médaille d'or de chirurgie de l'internat des hôpitaux de Paris (2005), le prix Le Dentu-Renon de l'Académie nationale de chirurgie (2006) et le prix du Best Scolarship Award(2007) de l'Association européenne d'urologie. Il est aussi conférencier d'internat depuis bientôt 5 ans à Paris et en Proince

mercredi 5 février 2014

La fin de l'histoire pour la médecine générale. Histoire de consultation 161.


Monsieur A, 56 ans, est venu consulter pour un torticolis.
Je l'examine, il est raide, douloureux, il a un torticolis unilatéral qui touche volontiers les chefs mastoïdien et cléioidien du sternocléidomastoïdien. Et un peu le trapèze. 
Je lui demande comment cela s'est passé. Il faisait du jardinage et en portant un pot...
Il me dit également, en se rasseyant, qu'il a consulté lundi un ostéopathe sur les conseils de l'un de ses collègues de travail.
La lettre que m'a adressée ce nouvel ostéopathe lors de son installation était un poème : il traite tout. A part peut-être les cancers et la schizophrénie.
Monsieur A vient ce mercredi pour obtenir 1) des médicaments (l'ostéopathe n'est pas médecin) et notamment de la pommade saint-bernard conseillé par notre spécialiste ; 2) un arrêt de travail ; 3) ses médicaments habituels (puisqu'il était là) et, last but not least, parce qu'il n'a pas été soulagé par la séance non remboursée de l'ostéopathe.
"Vous avez pris quelque chose ?
- Je suis allé acheter de l'ibuprofène chez le pharmacien.
- Chez votre pharmacien habituel ?
- Oui. Pourquoi ?"
Nous sommes passés dans un autre monde.
Jadis, les patients nous demandaient notre avis après qu'on les avait vus, soit aussitôt, soit quelques jours après pour savoir s'il était nécessaire d'aller consulter un ostéopathe.
Puis les patients nous ont demandé de leur prescrire des séances de kinésithérapie qui leur prmettaient d'obtenir une séance gratuite chez l'ostéopathe.
Puis encore, dans le cadre du parcours de soins, de leur rédiger une lettre pour qu'ils puissent aller voir un ostéopathe.
Maintenant ils vont voir l'ostéopathe de leur propre chef, paient en moyenne 50 euro, et viennent chez nous, les médecins généralistes, pour le service après vente de l'ostéopathie.
Nous sommes passés dans un autre monde.
Le torticolis n'est plus une affection de médecine générale mais un produit d'appel de l'ostéopathie comme le lumbago, le doigt tordu ou l'entorse.
Vous me direz : c'est tout bénéf puisque cela va désengorger les salles d'attente...
Pourquoi pas ?
Mais l'histoire n'est pas tout à fait finie puisque le patient est allé voir "son" pharmacien qui lui a délivré de l'ibuprofène.
Le pharmacien aurait pu jeter un oeil sur son écran radar, mais peut-être ne l'a-t-il pas fait, l'ibuprofène a été vendu sur le comptoir puisque le patient ne m'a pas fait marquer la boîte sur son ordonnance, et il aurait pu remarquer que le patient qui vient chercher ses médicaments tous les trois mois, c'est ce que m'indique mon ordinateur, est en arythmie par fibrillation auriculaire et qu'il est traité, par mes soins, par de la coumadine.
Nous sommes passés dans un autre monde. Pas plus de parcours de soins que de beurre en broche. La rebouto-ostéopathie, à force de passer sur les plateaux télévisés, est devenue une spécialité comme les autres. Le pharmacien qui, il est vrai, ne supervisait pas l'INR de ce patient, a délivré inconsidérément  un anti inflammatoire non stéroïdien à un patient de sa patientèle sans même regarder ce qu'il prenait comme médicament.
Nous sommes vraiment passés dans un autre monde.
Comme j'étais mal luné (la face cachée) je ne lui ai pas refait son ordonnance et lui ai demandé, puisqu'il devait faire un INR vendredi, de compléter son bilan et de revenir me voir après (il avait des réserves).
Je ne lui ai pas demandé de changer de pharmacien.
Je n'ai pas prescrit de baume saint-bernard.
Je vous rappelle que j'ai déjà écrit sur les ostéopathes et leur rôle magique sur le versant nourrissons : ICI et LA. Que j'ai aussi parlé de l'INR chez le pharmacien : ICI.
Pour des informations "délirantes" sur l'ostéopathie, c'est ICI, sur Le site de l'ostéopathie.