jeudi 20 octobre 2016

Relations soignant/soigné. Episode 1 : Diane 35


Tout le monde n'est pas d'accord avec mon point de vue radical : il aurait fallu interdire Diane 35 et ses génériques. Voir ICI.

Je reprends l'histoire de consultation 163 : LA.

Mademoiselle A, 18 ans, est venue avec sa copine qui est restée dans la salle d'attente.
Le dossier m'indique qu'elle n'a pas consulté au cabinet depuis environ trois ans.
Elle a une gastro, elle n'est pas allée en cours aujourd'hui, elle va mieux, c'est à dire qu'elle n'a pas besoin de médicaments, mais elle voudrait bien un certificat pour le lycée.
Je lui fais mon plus beau sourire.
"Ah, encore une chose, il faudrait que vous me prescriviez Diane 35..."
La jeune fille a trois boutons sur le visage cachés il est vrai par une épaisse couche de maquillage.
Nous commençons à parler du pays.
Je lui pose deux ou trois questions et je retiens ceci : elle a eu "tous" les traitements possibles pour l'acné (mais elle arrive à n'en citer aucun pas plus que ceux ou celles qui les ont prescrits), elle n'a jamais pris Diane 35, elle est complexée par ses boutons, elle n'arrive pas à survivre avec... 
Je lui dis : "Je ne vous prescrirai pas Diane 35"
Elle : Mais Pourquoi ? Maintenant vous avez de nouveau le droit.
Moi : Ce n'est pas une question de droit. Je n'en prescris pas comme ça, sans avoir examiné la situation, sans avoir fait d'examens complémentaires. Connaissez-vous bien les risques de ce médicament ?
Elle : Oui. J'ai regardé sur internet, j'ai vu tous les risques, je les assume. A vous de prescrire.
Moi : Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je ne suis pas votre machine distributrice de Diane 35. 
Elle : Vous ne vous rendez pas compte de ma souffrance, je ne peux presque plus me montrer, j'en ai fait une phobie. Il faut m'aider. Vous ne pouvez pas comprendre...
(Je suis presque en train de pleurer et mon esprit fonctionne à cent à l'heure : l'empathie, l'empathie, l'empathie. Je sens que Dominique Dupagne me surveille (ICI) et qu'il me dit : Il est interdit d'interdire, il y a des patientes qui ont besoin de Diane 35, pourquoi s'en priver, du moment que les patientes sont informées, qu'elles sont au courant, la liberté individuelle, ne nie pas la capacité des patientes à prendre des décisions lucides concernant leur santé (sic)... Est-elle informée, d'ailleurs ?)


La polémique suscitée par la publication du livre de Martin Winckler et sa conviction que les médecins sont des brutes (définition : "personnage grossier et vulgaire". La lecture du dictionnaire historique de la langue française --Le Robert. Dirigé par Alain Rey-- est passionnante sur l'évolution du sens du substantif qui fut d'abord masculin, ah, le genre, mais c'est hors sujet) ou plutôt sa posture personnelle, tous les médecins sont des brutes, sauf moi, permet d'envisager cette consultation d'une façon différente. A ceci près sans doute que ma transcription et les commentaires de l'époque ne rendent sans doute pas compte de la véracité des faits. Le lecteur a intérêt à se méfier 1) que je n'embellis pas, 2) que je ne transforme pas afin d'anticiper les commentaires, 3) que je ne me mets pas dans la posture de celui qui s'autocritique pour mieux se valoriser (tout le monde peut se tromper mais c'est encore mieux de le reconnaître), 4) que je n'omets pas des faits qui pourraient ne pas aller dans le sens de ma "thèse", à condition qu'il y en ait une, 5) que je n'enlaisis rien...

Mademoiselle A, 18 ans, est venue avec sa copine qui est restée dans la salle d'attente.
Le dossier m'indique qu'elle n'a pas consulté au cabinet depuis environ trois ans.
Je signale donc en passant que cette jeune femme, dont je connais les parents qui m'ont désigné comme médecin traitant, soit n'est jamais malade, ce qui, à cet âge, devrait être la norme, soit va ailleurs entre deux, ce qui est son droit le plus strict, soit a désigné un autre médecin comme médecin traitant (ce qui est le cas en consultant le site Ameli).
Elle a une gastro, elle n'est pas allée en cours aujourd'hui, elle va mieux, c'est à dire qu'elle n'a pas besoin de médicaments, mais elle voudrait bien un certificat pour le lycée.
1) Est-ce que le fait d'avoir une gastro nécessite d'aller consulter un médecin ? Sans doute pas. Et d'ailleurs elle est "guérie", elle n'a pas besoin de médicaments selon moi mais elle en demande quand même, sans conviction, certes, mais elle insiste un peu. 2) Ma position de dire, "quand on a une gastro, on ne consulte pas", est-elle, à la lumière de ce qu'on lit ici ou là de la part des associations de patients, une position a) paternaliste, b) arrogante, c) méprisante, d) brutale, e) idéologique, f) sachante, g) inappropriée, h) aveugle (je ne cherche pas le motif caché qui serait par exemple "je veux prendre diane 35 pour mon acné mais c'est en fait pour ne pas dire à mes parents que je prends la pilule...parce que j'ai un copain - ou des copains")... ? 2) un certificat pour le lycée : pourquoi l'éducation nationale ne se cantonne-t-elle pas à observer les décrets qui stipulent (j'ai un courrier type au cabinet) que ce genre de certificat est inutile, gaspilleur de temps, et cetera mais, comme me l'a dit officiellement un CPE au téléphone, "l'éducation nationale a ses propres règles", ce qui m'a laissé sans voix et la lycéenne sans certificat.
Je lui fais mon plus beau sourire.
"Ah, encore une chose, il faudrait que vous me prescriviez Diane 35..."
La jeune fille a trois boutons sur le visage cachés il est vrai par une épaisse couche de maquillage.
Nous commençons à parler du pays.
Je lui pose deux ou trois questions et je retiens ceci : elle a eu "tous" les traitements possibles pour l'acné (mais elle arrive à n'en citer aucun pas plus que ceux ou celles qui les ont prescrits), elle n'a jamais pris Diane 35, elle est complexée par ses boutons, elle n'arrive pas à survivre avec... 
Je reprends ce que j'ai dit plus haut. Mon commentaire personnel '...trois boutons sur le visage...", n'est-elle pas une position : a) paternaliste, b) arrogante, c) méprisante, d) brutale, e) idéologique, f) sachante, g) inappropriée, h) aveugle (je ne cherche pas le motif caché qui serait par exemple "je veux prendre Diane 35 pour mon acné mais c'est en fait pour ne pas dire à mes parents que je prends la pilule...parce que j'ai un copain - ou des copains)... ?. Quand la jeune femme dit qu'elle est "complexée", qu'elle ne peut "survivre", est-ce vrai, simulé, exagéré, manipulateur ou ne va-t-elle pas se jeter sous un autobus en sortant d'ici parce que je ne lui aurais pas prescrit Diane ? Ai-je le temps durant ma consultation de médecin généraliste surchargé d'interroger une patiente vagabonde qui joue sur le versant sentimental pour me faire prescrire un médicament controversé alors que, certainement, son médecin traitant a refusé de lui prescrire la fameuse pilule ? Quant au dermatologue, comment s'est passée la consultation ? Si je n'ai pas suffisamment de temps (nous pourrions ouvrir ici un long débat sur le temps de consultation en médecine générlae libérale), j'ai sans doute le devoir de m'assurer, ce que je fais, que la jeune femme n'est pas en danger immédiat par ma non prescription (elle pourrait avoir besoin d'une contraception urgente, d'urgence, ou immédiate) comme je devais m'assurer qu'elle ne le serait pas en prenant cette pilule, mais j'ai jugé, et on se trompe tout le temps, que je ne prenais pas de risque (en écrivant ces lignes je me suis assuré que la jeune femme, qui n'est jamais revenue me voir, une brute, vous dis-je, est bien vivante) en ne la prescrivant pas. Par ailleurs on peut également considérer que "trois boutons sur la figure" n'est pas une urgence...
Je lui dis : "Je ne vous prescrirai pas Diane 35"
Voici la brutalité dans toute sa crudité. La brutalité de l'homme en blanc (je pourrais faire un commentaire sur l'expression "les brutes en blanc" utilisée par Winckler : datée, ancienne, soubiranesque, old school) dans toute sa splendeur. Déjà, en passant, je ne porte pas de blousz blanche pour travailler. N'oublions pas non plus dans ctte relation soignant/soigné une composante wincklerienne forte, celle de la mâle traitance. Tout membre (actif) d'une association de patients me dirait (violemment) : "IL N'EST PAS POSSIBLE DE PARLER COMME CELA A UNE PATIENTE." Enfin, c'est vrai, mais il ne faut pas sortir la phrase de son contexte. Ensuite, je prends un autre exemple qui va éclairer la suite, si un patient me demande un dosage de PSA dans le cadre d'un dépistage individuel, il m'arrive, après beaucoup de temps perdu, de céder. Je ne suis pas un obsessionnel du non, de mes convictions, de mes idées, de mes croyances, tout ce que vous voulez, et, après que j'ai expliqué au patient, après que j'ai informé le patient, hein, pas éduqué, c'est lui qui sera dans le pétrin de la gestion de son PSA qui sort des normes et qui n'est ni synonyme de cancer, ni synonyme de cancer mortel, je l'aurais prévenu, il aura compris ce qu'il voulait, il aura entendu ce qu'il voulait entendre, il aura dénié, il n'aura pas compris, et il finira sa vie aux mains des urologues. Et j'entends encore, il m'arrive d'avoir des voix en ces temps confus, les associations de patients ou, mieux, les représentants des associations de patients, hurler : "parce que vous n'avez pas bien expliqué !" Ouais, comme dirait Kundera... quand quelqu'un te dit que tu es un poisson, que faire d'autre que de lui dire "Oui je suis un poisson ?" 
Elle : Mais Pourquoi ? Maintenant vous avez de nouveau le droit.
Cette phrase est magique. Si je n'en prescrivais plus c'était parce que je n'avais pas le droit d'en prescrire, et puisque le droit est revenu je dois lui en prescrire ; et le motif caché est tellement évident : si un médicament est commercialisé le patient a le droit de demander à son médecin de le prescrire. Cette notion de droit est sans doute lié à la notion plus générale du droit à la santé, maxime que l'on peut lire au fronton de tous les temples de la bonne conscience moderne ou plutôt de la bonne conscience de la modernité. Le problème est : qu'est-ce que la santé ? Si nous nous référons à la définition de l'OMS, il est évident que tout est possible :
La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.(ICI). Tout est possible, au sens, il faut tout faire pour y arriver.
Moi : Ce n'est pas une question de droit. Je n'en prescris pas comme ça, sans avoir examiné la situation, sans avoir fait d'examens complémentaires. Connaissez-vous bien les risques de ce médicament ?
Elle : Oui. J'ai regardé sur internet, j'ai vu tous les risques, je les assume. A vous de prescrire.
Cette jeune fille de dix-huit ans a tout compris, elle n'a pas eu besoin de lire McKeown, Illich ou Rawls, elle sait tout naturellement, elle pourrait faire des cours en faculté de médecine, elle s'est informée, elle a lu wiki ou elle a regardé Le journal de la santé ou Allo Docteur, et elle assume. 
Moi : Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je ne suis pas votre machine distributrice de Diane 35.
C'est mal de parler comme cela à cette jeune femme me soufflent les défenseurs des patients. C'est à moi d'assumer. Il y a un moment où il faut dire les choses.
Elle : Vous ne vous rendez pas compte de ma souffrance, je ne peux presque plus me montrer, j'en ai fait une phobie. Il faut m'aider. Vous ne pouvez pas comprendre...
Eh oui, elle a encore mille fois raison, il faut avoir été malade de la maladie dont souffre le patient assis en face de soi pour pouvoir en parler, pour pouvoir le traiter. C'est le bon sens. Les amputés parlent aux amputés. Les SEP parlent aux SEP. Les cardiaques parlent aux cardiaques. Un utilisateur du carburateur *** parle aux futurs utilisateurs du carburateur ***. Les anciens fumeurs parlent aux fumeurs. Ainsi, et je pèse mes mots, retenez bien, grâce à la modernité du discours des associations de patients et des Winckler addicts, on est passés par un tour de passe passe lumineux, de la période paternaliste du médecin qui parle à la maladie d'un patient qui n'existe pas à celle du patient malade qui ne parle qu'au médecin qui souffre ou qui a souffert de la même maladie que lui ! Je plaisante...

(Je suis presque en train de pleurer et mon esprit fonctionne à cent à l'heure : l'empathie, l'empathie, l'empathie. Je sens que Dominique Dupagne me surveille (ICI) et qu'il me dit : Il est interdit d'interdire, il y a des patientes qui ont besoin de Diane 35, pourquoi s'en priver, du moment que les patientes sont informées, qu'elles sont au courant, la liberté individuelle, ne nie pas la capacité des patientes à prendre des décisions lucides concernant leur santé (sic)... Est-elle informée, d'ailleurs ?)

Voilà, c'était le premier épisode de notre nouveau feuilleton. J'attends vos commentaires avec impatience.

Je voulais dire en passant que j'ai lu de nombreux billets et articles sur le livre de Marc Zaffran et qu'il y en a un qui m'a beaucoup touché, celui de Dix Lunes car elle a démonté l'ami Martin Winckler avec une seule remarque quand elle l'a cité parlant sur France 2 "Il y a énormément de très bons médecins en France, il y a énormément de gens qui sont tout à fait charmants mais ce qui n’est pas normal, c’est que ce ne soit pas la norme." en s'étonnant que l'on puisse utiliser l'adjectif charmant... ICI qui n'est manifestement pas utilisé dans la nouvelle vulgate marxiste wincklerienne.

9 commentaires:

Cossino a dit…

Bonjour

Je dirais que ce texte reflète bien la difficulté d'exercer la médecine "en conscience".

Par ailleurs et faisant suite au dernier billet sur mon blog, je dirai que ce texte est un parfait exemple et une parfaite démonstration de "la carte n'est pas le territoire".

Tu montres à quel point ta carte est éloignée de la carte de cette jeune fille à propos du territoire qu'est Diane 35.
Tu expliques aussi que la carte de Dominique Dupagne est plus proche de la carte de cette jeune fille mais éloignée également de ta carte.

Merci d'illustrer mon billet par le tien.

Anonyme a dit…

J'apprécie votre billet, tout comme j'apprécie les soignants capables de formuler leur refus en face à face. C'est, au contraire de ce que bêlent les associations de patients et le toutim, une preuve de respect pour le patient - et dans les cas plus graves que la tragédie des boutons, une sécurité fondamentale. Une patiente anonyme

bluerhap a dit…

C'est très très beau comme réflexion, ça montre bien la complexité de notre pratique qui échappe à tant de gens : administratifs, hospitaliers, et surtout -hélas- certains patients.
Pour peu que vous rajoutiez une recherche bibliographique - sur l'acné, sur la contraception, sur la prise en charge de l'adolescent, sur la relation médecin/patient, sur l'éthique, ça ferait un superbe RSCA. Mais déjà comme-ça, je pense que je vais conserver -si vous en êtes d'accord- votre texte pour le montrer à mes étudiants qui ont souvent du mal à comprendre ce qu'on appelle la "réflexivité".

Anonyme a dit…

Sur le blog de 10lunes vers lequel vous renvoyez en fin de billet, on peut lire ce commentaire de pétrolleuse en date du 18 octobre : "Tellement triste de voir le « Winkler Bashing » se poursuivre sur CE blog… Et pour quelle raison? Parce que le titre dit « Les brutes » au lieu « Des… »? Vraiment? Et cela signifie-t-il pour autant qu’il généralise son constat à tout le corps médical? Mais où donc avez-vu lu cela? Winkler ne cesse de rappeler, dans ces écrits ou interviews, qu’il existe aussi des soignants humains, bienveillants et à l’écoute de leurs patients? Alors pourquoi tant de membres du corps médical s’obstinent-ils à répéter sur tous les tons qu’il ne fait pas dans la nuance et jette l’opprobre sur tout le corps médical, alors que c’est faux? Pourquoi se sentir menacé à ce point? Pour ma part, je ne suis pas une soignante, je suis occasionnellement une patiente et surtout une femme qui, oui, je l’avoue, vouera toujours une reconnaissance éperdue à Winkler et à l’ensemble de son oeuvre. Si cela fait de moi une « groupie » qu’on jaugera avec condescendance, et bien, très bien, j’assume. Mais je n’oublie pas que la lecture du Choeur des Femmes a été pour moi une véritable claque, une prise de conscience salvatrice et le début de mon empowerment ». Non, la féminité, ou encore la grossesse ne sont pas des maladies qui nécessitent une surveillance de tous les instants et non, personne, toute diplômée qu’elle soit, ne peut s’arroger un quelconque pouvoir sur le corps d’une femme et la déposséder de son droit à prendre elle-même ses décisions et à exiger le respect de sa dignité et de son intégrité physique. J’ai passé des heures à lire les pages qu’il consacre à la contraception sur son blog, où il ne cesse de pourfendre les idées fausses qui sont encore trop souvent propagées par de nombreux gynécologues. Tous les médecins ne sont pas des brutes mais je peux vous garantir qu’une grande majorité des patients ont, ou auront, au moins une fois dans leur vie à faire à une brute médicale. Il ne s’agit donc pas d’une petite minorité. Et oui, il y a, en France, un mode de formation et une culture médicale qui prédispose à la maltraitance à l’égard des patients. Winkler a apporté une contribution absolument énorme dans le domaine de la prise de conscience de ces maltraitances et de leur caractère insupportable. Alors quand j’entends de nombreux membres du corps médical hurler « on n’est pas tous comme ça » ou encore « Winkler met tous les médecins dans le même sac », je ne peux m’empêcher de penser à ces hommes qui brandissent bien haut le #NotAllMen et crachent sur les féministes sous prétexte qu’elles exagèrent les violences dont sont victimes les femmes et qu’elles généralisent à l’ensemble de la gent masculine. Mais c’est sans doute un combat bien plus légitime que celui qui consisterait à se ranger aux côtés de celles et ceux qui sont victimes de violences, sans doute. Bref, déçue…"

bluerhap a dit…

Au passage, je remarque que tu as modifié l'en-tête de ton blog, tenant compte d'une remarque que j'avais faite concernant l'enseignement, je t'en remercie ;-) !

JC GRANGE a dit…

@ Anonyme. Votre commentaire est intéressant. S'applique-t-il à moi ?
Je ne sais quel est votre âge, mais qu'il vous ait fallu attendre la lecture du Choeur des Femmes (que je n'ai pas lu) pour comprendre la médicalisation du corps des femmes... la médicalisation de la sexualité des femmes... c'est donc que Winckler ne sert pas à rien. Mais Winckler n'est pas un chercheur, il s'est inspiré, parfois avec des erreurs, de la littérature existante, il a donc été pour vous un passeur. C'est très bien.
Vous parlez des "féministes" en général mais vous savez combien le mouvement féministe est divers et varié et combien tout et son contraire peuvent être dits.
Tous les médecins ne sont pas des brutes (grossiers et vulgaires) mais c'est le système qui est grossier et vulgaire. Et les violences faites aux citoyens par la médecine est institutionnelle et je dis bien aux citoyens car les citoyens non malades sont tout autant soumis à la médecine et aux médecins. Ce qui peut paraître choquant c'est que Winckler dise peu ou prou qu'il est le seul non brute, ou presque.
Bonne journée.

Anonyme a dit…

@ bluerhap.
Bonne remarque.

M@rion a dit…

J'apprécie beaucoup cette sorte de démonstration pas à pas, qui rejoint beaucoup ce que l'on peut ressentir lors des consultations.
Parce qu'en effet, on se demande souvent si on fait bien.
Et, hélas, les voix de ceux qui critiquent sont bien plus audibles que celles de ceux qui comprennent que l'on se pose des questions et que l'on soit mauvais juste par mauvais choix de réponse, de ce fait inappropriée à la personne en face.
Je pense que les médecins sont bien plus maladroits que maltraitants.

hexdoc a dit…

@anonyme 22 oct : Si Winckler est tellement décrié, c'est que son analyse est très critiquable, car elle repose sur l'idée principale que les médecins ne sont pas formés, mais formatés par leurs études; il y ajoute une portée politique en postulant qu'ils forment un corps de nantis. Il semble effectivement que l'origine sociale des étudiants réussissant le concours soit discriminante, mais dans tous les concours sélectifs on retrouve cette donnée; l’ascenseur social est en panne, et si il y a une portée politique à rechercher c'est probablement à ce niveau qu'elle se situe. J'ai presque le même âge que lui, et dans ma fac de province au niveau de ma promotion je n'ai pas constaté cela, il y avait une mixité sociale importante à cette époque, et ma tranche d'âge constitue le gros des troupes médicales actuelle.

En ce qui concerne les études, croire que la formation va façonner des personnalités et des façons d'être, c'est oublier toute l'éducation et le vécu que l'on a déjà à 18 ans. La formation médicale ne forme pas des brutes, de même qu'elle ne sélectionne pas les gens capables d'empathie. Pourquoi y aurait'il moins de personnes maltraitantes dans les rangs des médecins que dans ceux des enseignants, des fonctionnaires, des entrepreneurs, des artisans , et j'en passe ... La portée d'une relation maltraitante est certainement plus préjudiciable dans certains métiers, et particulièrement dans les métiers de la santé; et la formation a un rôle à jouer pour corriger cela, mais elle ne modifiera pas une personnalité.

On peut aussi dire que le métier de médecin est un métier de brute, car la sélection y est une épreuve féroce, dé-socialisante, et que l'exercice du métier est brutal, avec un contact récurrent avec la misère, le handicap, la douleur, l'angoisse et la mort. Sachs en est tombé malade, Zafran lui a changé de métier.