samedi 1 juin 2019

Orwell est partout, Huxley est nulle part.





1984 est le roman à la mode.

Tout le monde cite Orwell dont le roman est paru en 1947.

Il suffit de regarder autour de soi pour constater que les mensonges d'Etat font flores, que les mensonges journalistiques sont légion, que les mensonges politiques s'accumulent.

La novlangue montrée du doigt par Orwell est dénoncée par tous. Et ce qui rend la novlangue, novlangue d'elle-même, c'est que tout le monde, en parcourant le spectre des idées depuis l'extrême-droite jusqu'à l'extrême-gauche, la dénonce chez les autres.

La novlangue, c'est les autres.

1984 est cité par tous comme une prophétie politique. Une prophétie politique en train de se réaliser.

Les pourfendeurs de la novlangue oublient qui était Orwell, ses idées, ses combats, ses adversaires. L'extrême-droite, la droite, la gauche, l'extrême-gauche s'en remettent à lui en omettant de dire que face à lui ils seraient balayés.

Il est vrai que la société de surveillance imaginée par Orwell est à l'oeuvre un peu partout dans ce monde globalisé où de l'est à l'ouest, du nord au sud, l'horizon est dégagé pour le capitalisme néo-libéral triomphant qui est devenu la civilisation-monde.

Big brother is watching you.

Nul doute que Georges Orwell, s'il publiait son livre aujourd'hui, serait traité de complotiste.

Le capitalisme néo-libéral est désormais considéré comme le régime naturel qui doit régner sur la planète.

"Il est plus facile d'imaginer la fin du monde que d'imaginer la fin du capitalisme" a dit Slavoj Zizek.

Et dans ces Jeux olympiques du capitalisme néo-libéral, le modèle le plus orwellien, c'est la Chine.

La Chine  a réussi en peu de temps à allier le totalitarisme stalino-communiste au néolibéralisme le plus débridé : Big brother, la novlangue, le parti unique et le règne du profit.

On a en revanche bien oublié Le meilleur des mondes (The brave new world) qui est paru en 1932.

Aldous Huxley est peu mis en avant mais il a pourtant proposé une prophétie biologique qui est presque déjà réalisée.

Les trois grandes idées de Huxley dans son roman sont : l'administration à tous d'un remède unique pour être heureux, le fameux soma ; la fin de la reproduction sexuée (et de la viviparité) ; un système de classes/castes sociales fondé sur la génétique.

Il y a bien d'autres choses dans ce roman où la réflexion philosophique est plus forte que la qualité narrative.

Dans ce monde complètement unifié il existe un gouvernement mondial (le rêve actuel des experts climatologues de l'anthropocène), l'enseignement est assuré aux enfants pendant leur sommeil, les sexes sont égaux, la sexualité est libre, la consommation est le but principal de la vie, les bébés sont produits à la chaîne selon les principes du fordisme, et cetera..

Les analogies de cette prophétie avec la médecine d'aujourd'hui sont légion : on promet à tous un monde sans douleurs, un monde sans cancers, on fait miroiter le trans humanisme (une existence augmentée) et tout cela est rendu possible en consommant du soin, en dépistant, en prévenant, en traitant, en chronicisant, et cetera. Avec le totalitarisme orwellien en prime : le partage des data.

Le roman d'Huxley a été rattrapé par la réalité : le néolibéralisme a mis à son agenda la lutte contre l'entropie (la néguentropie), un programme effarant que l'on retrouve dans un rapport de l'OCDE publié en 2009, La Bioéconomie à l'horizon 2030. Quel programme d'action ?, qui propose, pour échapper au deuxième principe de la thermodynamique, d'utiliser le corps humain ou plutôt les êtres vivants comme énergie renouvelable (voir ICI) !

Ainsi, Huxley a-t-il été plus prophétique que Orwell.

Norbert Bensaïd, cité par Jean Daniel dans Les miens (2009) disait ceci : "Le totalitarisme n'aura pas créé un homme nouveau. Le biologisme, oui... Les peuples sont prêts, comme l'avait annoncé le Grand Inquisiteur de Dostoïevski, à échanger leur liberté contre une promesse de bonheur et de sécurité."




5 commentaires:

LOUVE SOLITAIRE a dit…

cela fait des années que je répète que nous sommes dans le MEILLEUR DES MONDES... les gens sont souvent prêts à laisser tomber toute liberté pour une "dictature soft" sous couvert d'hypersécurité, de fantasme d'immortalité, de soumission à la technologie ( nouvelle religion) .
A relire ( je l'ai relu plusieurs fois ) du même auteur RETOUR VERS LE MEILLEUR DES MONDES ...

Anonyme a dit…

La matrice s'est refermee sur votre profession.
Vous avez perdu votre liberte de pensee (il n'existe plus de liberte de critquer la vaccination), votre liberte de prescrire, on vous a mis en concurrence avec des sous medecins (assistants, osteos, pharmaciens et bientot infirmieres etc..).
On vous a mis en esclavage financier (a 25 euros la consult) et sous controle permanent (caisses, ARS, ordre, formation continue, gardes..) .
La profession est morte.
Elle n'attire plus que les benis ouioui qui se complaisent dans la servitude assuree.
Quelle tristesse.

Anonyme a dit…

En ce qui concerne la "novelangues", lire le petit opuscule de Éric Hazan - LQR : La propagande du quotidien, éditions Raisons d'agir 2006, 128 p. 8 euros, http://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/lqr/ :

Descriptif :
De modernité à gouvernance en passant par transparence, réforme, crise, croissance ou diversité : la Lingua Quintae Respublicae (LQR) travaille chaque jour dans les journaux, les supermarchés, les transports en commun, les « 20 heures » des grandes chaînes, à la domestication des esprits. Comme par imprégnation lente, la langue du néolibéralisme s’installe : plus elle est parlée, et plus ce qu’elle promeut se produit dans la réalité. Créée et diffusée par les publicitaires et les économistes, reprise par les politiciens, la LQR est devenue l’une des armes les plus efficaces du maintien de l’ordre.
Ce livre décode les tours et les détours de cette langue omniprésente, décrypte ses euphémismes, ses façons d’essorer les mots jusqu’à ce qu’ils en perdent leur sens, son exploitation des « valeurs universelles » et de la « lutte antiterroriste ». Désormais, il n’y a plus de pauvres mais des gens de condition modeste, plus d’exploités mais des exclus, plus de classes mais des couches sociales. C’est ainsi que la LQR substitue aux mots de l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la soumission.

Anonyme a dit…

Orwell aurait apprécié qu'on utilise ainsi le terme de capitalisme neo-liberal. Le terme liberal pour décrire le totalitarisme est typiquement de la novlangue. La question de la liberté n'est pas de savoir s'il faut des capitaux pour une entreprise. Réduire toutes les politiques à du capitalisme néo-libéral, c'est éviter de poser la question : qui contrôle l'information et la justice, et au profit de qui ?

Popper 31 a dit…

la phrase d'Aldous Huxley que je préfère et qui a orné mes ordonnances pendant quelques mois ,est ( de mémoire) "la médecine a fait tellement de progrès que plus personne n'est en bonne santé". Prémonition de Docteur Knock et du disease mongering mélangées. Nous sommes bien dans le meilleur des mondes, vive Leibniz et Pangloss de Voltaire. Pour la Novlangue, l'application internet de notre chère Sécu à faire rentrer les arrêts de travail ou les demandes d'ALD dans des cases bien formatées, est un modèle du genre , irrespirable !!