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jeudi 1 mai 2014

Les illusions du dépistage du cancer du sein (bis repetita placent)


J'ai lu plusieurs fois sur les forums médicaux ou sur tweeter des médecins affirmer avec aplomb qu'à l'échelle de leur clientèle ils n'avaient jamais constaté un décès par cancer du sein chez les patientes participant au dépistage organisé. Ce qui, bien entendu prouvait l'efficacité du dépistage organisé.
C'est bien entendu du flan.
Ces croyances médicales sont à rapprocher des croyances des patientes sur le même sujet (voire le schéma ci dessus).
Je rappelle ici, mais c'est une notion difficile à faire passer, que la médecine moderne est une médecine collective, c'est à dire, en l'état actuel des choses, que les preuves de l'efficacité d'un traitement ou d'une procédure sont fondées sur des essais contrôlés (i.e. études randomisées en double aveugle) sur des populations sélectionnées. On peut tout critiquer, et nous ne manquons pas de le faire, le protocole de l'essai, les critères d'inclusion et d'exclusion, les critères primaires ou secondaires d'efficacité, la façon dont l'essai a été mené, la qualité des investigateurs, leurs liens d'intérêts, et la façon dont les résultats de l'essai peuvent être interprétés en pratique dans une population réelle (c'est le principe du questionnement EBM en médecine générale : ICI). Il ne faut pas non plus oublier que le questionnement EBM ne signifie pas toujours se fonder sur des données externes contrôlées car il existe des cas où un seul effet indésirable grave peut constituer une preuve de la dangerosité d'une molécule.
Ainsi, si la procédure A est supérieure à la procédure B ou si le médicament A peut être considéré comme ayant un rapport bénéfices risques insuffisant, pourquoi, à l'échelle individuelle, envisager la procédure B ou prescrire le médicament A ? Dans le cas du dépistage du cancer du sein nombre de médecins, et, paradoxalement ceux qui devraient être les plus informés, c'est à dire les gynécologues et les gynéco-obstétriciens, ne suivent pas les recommandations de l'expérience externe et veulent en faire plus, sauver leurs malades malgré elles, se donner bonne conscience, être plus royalistes que le roi, et prescrivent des mammographies avant 50 ans chez des femmes non à risques et à des fréquences curieuses.

Pour en revenir à nos médecins forumistes et / ou twittos qui n'ont jamais vu une femme de leur patientèle mourir d'un cancer du sein en ayant suivi le dépistage organisé, je leur rappelle les chiffres fournis par Cochrane (serait-ce plus parlant qu'un graphique ?) : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

Je demande donc à ces médecins croyants, et avant qu'ils n'affirment, s'ils ont dans leur clientèle au moins 2000 femmes qui ont été invitées au dépistage pendant dix ans...

Illustration : ICI avec la légende : Panel A shows the views of 50-year-old women in the United States regarding the effect of mammography every 2 years on the 10-year risk of death from breast cancer (at left), as compared with no screening (at right). The areas of the squares are proportional to the numbers of women per 1000 who would be alive (blue), die from breast cancer (orange), or die from other causes (yellow). The numbers were calculated from women's perceived relative and absolute risk reductions for breast-cancer deaths (Domenighetti et al.4) and U.S. mortality statistics for 2008 from the Centers for Disease Control and Prevention. Panel B shows the actual effect of mammography screening on breast-cancer deaths, with numbers calculated from breast-cancer mortality data for 2008 from the National Cancer Institute and U.S. mortality statistics for 2008, assuming a relative risk reduction of 20% for breast-cancer mortality in women invited to undergo screening (Independent U.K. Panel2).