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mardi 19 juin 2012

Un entretien (presque) imaginaire avec Elena Pasca


Docteurdu16 : Elena Pasca, je suis tellement content de vous rencontrer et de vous faire connaître, si jamais quelqu'un pouvait vous ignorer, tant votre blog Pharmacritique est devenu le phénix des hôtes d'internet.
Elena Pasca : Vous trouvez ? Je crois effectivement que j'ai réussi à imposer un style inimitable qui est celui de l'expression libre sur la santé et sur tous les lobbies et conflits d'intérêts qui la mettent en danger.
Doc16 : Votre cursus scientifique est par ailleurs véritablement remarquable : philosophe vous réclamant de L'école de Francfort, vous êtes capable d'embrasser à la fois la philosophie et toutes les sciences sociales, vous avez aussi beaucoup travaillé en psychanalyse et, sans doute, seriez-vous capable de travailler dans n'importe quel domaine touchant à l'interdisciplinarité du fait social.
EP : Vous oubliez de dire que je suis germaniste et que je pourrais écrire des livres entiers sur la psychologie des médecins et des musiciens et, dans une moindre mesure des journalistes, mais surtout, et c'est ma fierté, j'interviens pour écouter, aider, conseiller des patients maltraités et mal traités par les médecins, et dans de nombreux pays.
Doc16 : Il est également frappant de constater que vos immenses connaissances médicales tranchent avec la médiocrité du discours ambiant. Je pense notamment que vous êtes devenue la spécialiste mondiale de l'endométriose comme en témoignent les commentaires et les conseils médicaux que vous prodiguez sur votre site à l'attention de toutes ces femmes qui n'ont pas eu la chance ou la clairvoyance de consulter le docteur David Redwine.
EP : Je suis contente que vous ayez remarqué cela. Après les recherches sérieuses que j'ai menées sur le sujet je suis arrivée à la conclusion que la seule solution dans l'endométriose est la chirurgie par exérèse radicale conservatrice, et aucune autre technique, de toutes les lésions en même temps. Vous pourrez lire avec profit ce que j'ai écrit et qui peut s'assimiler à un véritable Etat de l'Art.
Doc16 : Ce qui frappe également c'est que vous ayez réussi à développer une sorte d'auto-analyse médicale à propos de vous-même, grâce probablement au recul que vous avez construit par la fréquentation de la psychanalyse, et qu'ainsi vous soyez devenue une formidable auto diagnosticienne.
EP : Effectivement, me concernant, c'est moi qui ai posé tous les diagnostics et trouvé les médecins les plus susceptibles de m'orienter vers ceux capables de prendre cela en charge et j'ajoute que tous mes diagnostics ont été confirmés.
Doc16 : C'est extraordinaire. Il semblerait que, contrairement à la bien-pensance actuelle, vous éprouviez une sincère détestation pour les médecins généralistes et que vous fondiez votre sentiment sur des preuves intrinsèques fortes.
EP : Et comment ! Disons que je suis contre la médecine libérale et, plus encore, je ne supporte plus la posture victimaire et le complexe d'infériorité des médecins généralistes.
Doc16 : Il est vrai que les expériences que vous avez eues avec les nombreux médecins généralistes que vous avez consultés ont été particulièrement désastreuses.
EP : Pour ma part j'avais trouvé les spécialistes hospitaliers avant d'avoir le médecin traitant et ce sont les spécialistes hospitaliers qui gèrent, sans passer par le médecin généraliste. Il faut dire que mes soucis de santé sont très compliqués...
Doc16 : Quelle manifestation d'indépendance par rapport à l'autorité ! On sent là tout le travail que vous avez accompli sur vous-même et votre absence totale d'ego ! Vous n'aimez donc pas beaucoup les médecins libéraux et, plus encore, les médecins généralistes... au point de leur dénier le rôle de médecin traitant.
EP : Vous ne trouvez pas qu'il y a de quoi ? Mes expériences personnelles s'ajoutent à cela : erreurs médicales en série, si bien qu'après avoir changé je ne sais combien de médecins, tous plus médiocres les uns que les autres, après avoir perdu beaucoup de temps à écouter beaucoup d'inepties et à me voir prescrire n'importe quoi, j'ai dû à un moment donné les envoyer balader et me mettre à apprendre et à chercher.
Doc16 : Finalement, vous ne dites faire confiance qu'à quelques médecins choisis par vous et vous en citez deux, Claude Béraud et Marc Zaffran, dont le premier est à la retraite et le second à la retraite de la médecine générale, n'est-ce pas symptomatique d'un certain renoncement ?
EP : Je ne crois pas. Je trouve simplement qu'ils sont exceptionnels et professionnels au sens anglo-saxon,...
Doc16 : On vous sent fascinée par la médecine anglo-saxonne...
EP : Il est vrai que les valeurs éthiques anglo-saxonnes comme le shared decision-making, l'empowerment ou les patients' values and preferences mériteraient d'être transplantées et enracinées en France. Sans compter qu'un Sunshine Act à la française serait le bienvenu pour lutter contre les influences délétères de l'industrie pharmaceutique.
Doc16 : Convenons que le système de santé américain est excitant : le plus onéreux du monde, le plus inégalitaire de tous les pays développés, celui dont les indicateurs de santé publique sont les plus catastrophiques, notamment pour les plus emblématiques comme la mortalité infantile, celui des plus grandes firmes pharmaceutiques mondiales dont on dénonce à l'envi les pratiques frauduleuses... Mais revenons à vous-même, votre détachement et votre manque d'arrogance, votre souci du respect du secret professionnel, votre ouverture d'esprit, ne les avez-vous pas acquis dans la douleur ?
EP : C'est surtout ma grande culture philosophique, ma formation psychanalytique, les articles que j'ai écrits dans de grandes revues, qui m'ont façonnée, qui m'ont "blindée" et qui me permettent de dominer  toutes les petites et injustes polémiques de la blogosphère (je garde tous les textes), toutes les mesquines critiques (que je garde en réserve pour confondre leurs auteurs), tous les commentaires acides (que j'ai décidé d'un commun accord avec moi-même de ne plus publier) qui montrent combien le corps médical dans son entier résiste à mes analyses décapantes, ce qui confirme combien elles sont pertinentes. Je resterai donc à la pointe du combat des citoyens.
Doc16 : Merci encore Elena Pasca.

Le blog Pharmacritique est ICI.
Pour l'endométriose : LA.
Illustration : Max Horkheimer (au premier plan, à gauche), Theodor Adorno (au premier plan, à droite), et Jürgen Habermas en arrière plan, à droite, en1965 à Heidelberg.