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lundi 18 mars 2024

Bilan médical de la semaine du lundi 11 au dimanche 17 mars 2024 : lecture crique d'articles, télémédecine, euthanasie, vitamine D, antidépresseurs, diversification alimentaire, ECOS, encéphalite léthargique, ChatGPT

Frédéric Valletoux après avoir détruit complètement les soins primaires et les avoir fourgués aux fonds de pension.

Vous pouvez avec profit suivre sur X les fils de @RichardTalbot9 et de @mimiryudo qui vous renseigneront en direct sur, respectivement, l'avancée des négociations entre les syndicats et l'Assurance Maladie et le niveau dramatique de connaissance de l'Assurance Maladie sur les dernières données de la science.

Profane confondant la veille bibliographique avec la lecture critique d'articles.


Revue de lecture sans lecture critique d'articles.

Nous sommes envahis sur X par les personnes, associations de patients, groupes de pressions, néo-médecins et/ou épidémiologistes qui sont persuadé.e.s que la qualité naît de la quantité et que le nombre pharamineux d'études sans ou avec niveaux de preuves, d'éditoriaux, de points de vue, confirment que le Covid Long est une maladie à part entière et qu'il sera possible, avec une approche multidisciplinaire (c'est l'expression magique) de trouver la Magic Bullet qui serait en réalité un composite savant entre une explication étio-physio-pathologique unique et une réunion de consensus entre spécialistes hospitaliers.

Nous aimerions tellement croire à la Magic Bullett.

Un article passionnant sur la méthodologie de la méthodologie des essais cliniques : LA.

Et un autre sur presque le même sujet  : ICI.


Télémédecine, antibiothérapie et infections respiratoires chez les enfants entre 0 et 17 ans.

Médecin de télécabine venant de faire 8 heures de télé consultation à l'île Maurice. 

En télémédecine, les médecins traitants prescrivent moins d'antibiotiques que les médecins des sociétés de service DTC (Direct to Consumer) en cas d'infection respiratoire et il y a moins de reconsultations.

L'article est LA. C'est états-unien.

C'est critiquable méthodologiquement (cross-sectional study) à tous points de vue.

Mais cette étude ne servira à rien car les compagnies privées de télémédecine ont déjà pris le pouvoir aux US.

La France et les Français, préparez-vous.


Retour sur le SIDA : on n'est pas le cul sorti des ronces.

Voici 4 entrevues avec des chercheurs qui étaient là au tout début (le choix est bien entendu contestable mais certains sont morts et il fallait choisir) : Christine Katlama, Willy Rozenbaum, Gilles Pialoux, et Francis Barin.

C'est ICI.


Euthanasie, fin de vie, mort assistée, mort douce, mort tout court.


Sujet sensible sur lequel nous reviendrons car il s'agit d'un problème de société et d'un problème personnel pour chaque individu et pour chaque famille. La façon dont il est appréhendé à partir d'un projet de loi en préparation par les différents acteurs : profanes en bonne santé, profanes malades, profanes handicapés, professionnels de santé en général, des centres de soins palliatifs, des cancérologues, des algologues, des neurologues, des hospitaliers, des médecins des soins primaires, et cetera...




Simplifions : la supplémentation en vitamine D pendant 20 ans chez les femmes ménopausées  n'apporte rien !

Gériatre après avoir prescrit un anti-Alzheimer et de la vitamine D chez un octogénaire en troisième ligne de chimiothérapie.



Un article récent (LA) dont, voir plus haut, nous signalons avec vigueur qu'il s'agit d'une analyse post-hoc d'un essai randomisé contre placebo, montre que cela ne sert pas à grand chose. Prévention quaternaire : n'en prescrivez pas.

Les antidépresseurs sont devenus une denrée usuelle à l'égale du lait, du pain et des légumes dans les sociétés développées.







La diversification alimentaire pour les nuls


Le podcast WhyDoc fait un point déboussolant mais encore trop normatif qui se résume à :
  • chez les bobos tout est possible et rien ne se passera vraiment
  • les prescriptions normatives que j'ai entendues depuis 42 ans de médecine générale par les pédiatres, les nutritionnistes, et autres nutri-pédiatres étaient de la merdre en barre non fondée sur les preuves
  • (j'ai fait quelques critiques sur X : voir LA) : la diversification alimentaire comme le reste de la santé est à 80 % non médicale : elle dépend du niveau socio-économique et éducationnel des populations : il y a plus d'obèses nourrissons et enfants chez les CSP - que chez les CSP +
En illustration : 


Une étude a 21 fois plus de chance de trouver des résultats défavorables au Nutri-score si les auteurs déclarent un conflit (note personnelle : un lien eût été plus approprié) d'intérêts ou si l'étude a été financée par l'industrie alimentaire.


"Désastreux", "carnage", "inégalitaire" : les premiers ECOS tests plongent les externes dans la tourmente. 



PU-PH pédagogiste après avoir fait passer les ECOS aux externes

C'est le titre du Quotidien du Médecin, journal sans intérêt pour sa relation des essais cliniques en raison de ses liens incestueux avec l'industrie pharmaceutique... Voir ICI jusqu'à ce que vous vous heurtiez au Mur du Paiement.

ECOS : Examens Cliniques Objectifs Structurés.


Vous connaissiez l'encéphalite léthargique ?

Moi : non.

Article passionnant de Stéphane Korsia-Meffre (LA) sur une maladie oubliée. L'auteur raconte l'affaire avec beaucoup d'intelligence car il n'oublie pas de la replacer dans le cadre de l'histoire de la médecine qui n'est pas toujours celle de la glorieuse aventure des lendemains qui chantent de la science presque infuse qui conduit à des lendemains radieux.

Le fait que nous ne sachions toujours pas quelle est son étiopathogénie devrait nous inciter à nous interroger sur la pandémie de Covid qui n'a pas livré tous ses secrets.

Dominique Dupagne, je crois, soulève l'hypothèse qu'elle ait pu inspirer Hergé pour l'album "Les 7 boules de cristal" (voir LA pour wikipedia qui montre que Hergé n'a pas réfléchi seul).



ChatGPT en majesté.


ChatGPT après une publication dans une revue Elsevier


Via @Gcaba sur X


Conclusion (provisoire et définitive pour ce billet) :

Les images récurrentes de ce billet sont liées à un clin d'oeil à @FZores et sont parties d'un tweet qui est celui-ci :

Cardiologue interventionnel après avoir posé des stents à un coronarien asymptomatique.




dimanche 9 juillet 2023

Bilan médical du lundi 3 au dimanche 9 juillet 2023 : euthanasie et Alzheimer avancé, médecine générale en Ecosse, dépistages.

 

Le service public en train de sauver la médecine générale.

249. Euthanasie en cas d'Alzheimer avancé.

Un tweet d'un gériatre des hôpitaux.


Vous pouvez suivre le fil de discussion : LA

Quelques réflexions : 

  • L'euthanasie, selon la définition historique retenue par Wikipedia (voir ICI l'article) "désigne le fait d'avoir une mort douce, qu'elle soit naturelle ou provoquée". Cette définition est surprenante.
  • Les définitions modernes de l'euthanasie sont multiples et variées. Retenons encore celle de Wikipedia : "l'euthanasie est décrite comme une pratique (action ou omission) visant à provoquer — particulièrement par un médecin ou sous son contrôle — le décès d'un individu atteint d'une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales ou physiques intolérables."
  • Dans le cas de la maladie d'Alzheimer qui nous occupe se posent les problèmes de la mémoire (la personne malade ne reconnaît pas, ici, son mari), à peine celui du consentement puisqu'il n'est pas possible de communiquer, celui des directives anticipées et comment elles sont formulées et comment elles sont interprétables, de la souffrance de la personne malade (elle ne se rappelle pas mais quel est son monde, comment vit-elle cet isolement), de la souffrance des aidants (ici encore son mari) et :
  • La position idéologique des médecins et les risques médico-légaux : l'euthanasie est actuellement considérée par assimilation comme un homicide (article 221-5 du code pénal : "Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle." Et l'on apprend dans le fil que le gériatre sus nommé est contre l'euthanasie
  • La souffrance des médecins et des personnels de soins non médecins, notamment dans UHR (unités d'hébergement renforcées)

L'avis de la famille mais plus encore des aidants familiaux est primordial s'il n'existe pas de directives anticipées ou s'il en existe.

Ma conclusion provisoire (je vous donnerai plus tard ma solution que j'espère élégante mais pas définitive) : Il n'est pas possible de demander à un soignant d'euthanasier un patient mais il est indispensable qu'un soignant puisse donner les instructions à la famille.

(PS du 15/07/2023 : L'Académie nationale de médecine se "rallie" à l'idée d'un "droit" à l'"assistance au suicide" : LA.) 


250. Médecine générale chez les British (et ici une Ecossaise écrit).




Les habitué.e.s de cet blog connaissent Margaret McCartney dont j'ai déjà commenté les livres (LA).

Elle publie un article dans le Financial Times (LA) qui s'inscrit dans le contexte du NHS britannique mais qui va bien au-delà tant l'universalité de la crise de la médecine générale dans les pays développés est à son comble quels que soient les systèmes d'accès aux soins et de rémunération des médecins, une crise qui est aggravée (ou provoquée) par le fait que les jeunes diplômés ne s'y engagent plus et qui se traduit par un surcroit de travail pour les médecins installés et un délai d'attente augmenté pour les patients.

L'indice de satisfaction du public pour le NHS n'a jamais été aussi bas : 35 %

Elle nous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître où les médecins généralistes étaient proches des populations, connaissaient les conditions socio-économiques de l'endroit où ils étaient installés et suivaient les patients depuis le berceau jusqu'à'à la mort.

Il ne s'agit pas de dire "C'était mieux avant" mais d'affirmer qu'une telle médecine de proximité n'est plus possible : 40 % des MG qui ont abandonné l'ont fait pour cause d'épuisement professionnel ; 61 % des MG de plus de 50 ans veulent arrêter dans les 5 ans.

Les MG britanniques consultent en moyenne 50 patients par jour et exercent le plus souvent comme contractant du NHS dans des cabinets qui tiennent plus de la petite entreprise que de nos cabinets libéraux avec des médecins partenaires, des salariés professionnels de santé ou non.

L'objectif des autorités de santé est de passer ces médecins contractants au salariat.

Margaret McCartney est contre. Elle cite pourtant l'exemple danois (LA) où les salaires des MG sont supérieurs à ceux des médecins hospitaliers et où la médecine générale est le centre des soins. Nous y reviendrons un jour.

Quoi qu'il en soit Margaret McCartney est contre le salariat bien qu'il propose en théorie une charge de travail de 25 patients par jour avec un horaire hebdomadaire de 37,5 heures. Mais, selon elle, cela va coûter beaucoup d'argent et, surtout, cela inaugure le sytème de la médecine supermarché disparition des cabinets petites entreprises au profit de cabinets succursales gérés par des groupes financiers. Elle rappelle que cette médecine générale est fondée sur l'accès aux médecins, n'importe quel médecin, mais pas sur l'accès aux soins du berceau à la mort.

Les études montrent que lorsqu'un ou une patiente est suivi.e par le même médecin, l'espérance de vie est augmentée et les coûts secondaires de soins diminués. Elle insiste sur le rôle des MG pour absorber les demandes non urgentes et les demandes ne nécessitant pas un adressage, prendre en compte l'incertitude, ce qui entraîne de prendre mieux soin des patients polymorbides et, en n'adressant pas plus, de désengorger l'aval.

Les solutions qu'elle propose pour rendre la médecine générale plus attractive et moins génératrice d'épuisement au travail, sont malheureusement connues et peu révolutionnaires. On sait cela par coeur. Moins de paperasse, moins prescrire de molécules mal validées, moins prescrire de tests inutiles insuffisamment validés.

Elle est pessimiste.

Elle dit : la médecine générale n'est pas le problème mais la solution.

(Et c'est pareil à San Francisco : ICI)


Avant

1948


Après





251. Le dépistage chez des personnes non symptomatiques : une méta-analyse.

L'article est ICI.

Est-ce que le dépistage diminue la mortalité liée au dépistage ?

Dans quelques cas.

Est-ce que le dépistage diminue la mortalité globale ?

Rare ou jamais


Les donneurs de leçon (de Bordeaux)

Les détails sur Chronimed : LA


jeudi 17 mars 2016

Directives anticipées.


Un rapport de l'IGAS datant d'octobre 2015 traite du sujet des directives anticipées (ICI). Quelqu'un a attiré mon attention sur le sujet sur twitter. C'est pourquoi je vous en parle.


L’article 8 de la proposition de loi "créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie" prévoit que toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté et que ces directives sont conservées sur un registre national »
.
Je ne suis pas un spécialiste du sujet (et, comme dirait l'autre, cela va se voir) mais j'ai déjà écrit ICI sur le sujet.

L'IGAS propose que les directives anticipées soient incluses dans le Dossier Médical Partagé.

Pour ce qui est de la gestion du registre, après expertise des différents opérateurs possibles la mission considère, qu’après un complément d’analyse juridique, technique et médicale qui pourrait être confié conjointement à la CNAMTS et à l’ASIP-Santé, que le futur Dossier Médical Partagé (DMP) prévu dans le projet de loi de modernisation du système de santé devienne le lieu de conservation des directives anticipées. Son déploiement dans un délai de 18 mois à 2 ans est tout à fait compatible avec la loi, qui précise que le registre n’est qu’un des moyens de conservation. 

Le Dossier Médical Partagé est un vieux serpent de mer bureaucratique (je ne suis toujours pas spécialiste de ce truc) pour lequel je suis très sceptique pour une raison anecdotique qui s'appelle le droit à l'oubli et pour une raison essentielle qui se nomme la déliquescence professionnelle et sociétale du secret médical.

Le DMP ne devrait comporter que quelques informations, à savoir les intolérances aux médicaments, éventuellement le traitement en cours. Rien d'autre. C'est déjà pas mal. Et peut-être déjà trop.

Pour les directives anticipées, voici quelques remarques générales qui pourront passer pour des truismes mais enfiler les perles de l'évidence peut avoir un certain intérêt : 
  1. Mes directives anticipées : je désigne une personne de confiance (voir ICI), une personne qui me connaît, une personne avec qui j'ai discuté cent fois de ce problème, pour moi, pour les autres, pour des patients, pour des amis, une personne qui connaît mes incertitudes, mes certitudes, mes hésitations, mes partis-pris, mes faiblesses, mes lâchetés... Et cetera. Elle se reconnaîtra.
  2. A qui appartient la fin de vie, la mort et... la vie après la mort ? Il y a grosso modo deux conceptions mais avec d'énormes divisions de la conscience.
  3. La première conception est celle-ci : il faut coûte que coûte respecter les dernières volontés de celui qui va mourir. C'est la conception kundérienne : la fin de vie, la mort et la vie après la mort appartiennent à celui qui va mourir et ceux qui ne respectent pas ses volontés sont des traîtres. Pour mieux connaître ce point de vue, lire Les testaments trahis, un essai de Milan Kundera qui en dit plus que de nombreux traités spécialisés et qui, à mon sens, est un des plus grands livres du vingtième siècle. Pour alimenter ce point de vue et pour en dénoncer son non respect Kundera parle, entre autres, de Max Brod, l'ami de Kafka, qui, contrairement à ce que lui avait demandé son ami, n'a pas détruit une grande partie de son oeuvre, qu'il a au contraire publiée (ce qui a fait la postérité du Praguois) et qui l'a encore plus trahi en rendant Kafka semblable aux personnages de ses romans, c'est à dire en mentant sur la vraie personnalité de son ami.
  4. La deuxième conception (mais il est possible qu'il y ait autant de positions intermédiaires que d'individus -- encore que Kundera ait écrit : il y a moins d'idées que d'hommes) et aussi la moins populaire et la moins avouable : les gens qui vont mourir, les morts, la postérité des morts, appartiennent aux vivants, c'est à dire à ceux qui survivent (j'avais traité le sujet LA), c'est donc à eux de décider. Je rappelle Montaigne : "Les Essais (I,3), citant Saint Augustin (Cité de Dieu, I,12) : "Le service des funérailles, le choix de la sépulture, la pompe des obsèques sont plus une consolation pour les vivants qu'un secours pour les morts.""
Alphonse Allais


En réalité, le problème de la fin de vie est éminemment un problème sociétal (je sais, quand on a dit cela, on a tout et rien dit, mais, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas proposer une réflexion citoyenne...) et se rattache à de nombreux thèmes qui courent dans ce blog : hédonisme, droit de ne pas souffrir, immortalité, sur traitement, valeurs et préférences des patients. J'ai oublié quelque chose ?

Et les paradoxes ne manquent pas.

Il est impossible à mon sens de parler de directives anticipées sans aborder le problème de l'acharnement thérapeutique voulu par certaines familles (traitements de troisième ligne sans aucun intérêt pratique) qui seront ensuite les premières (ou non) à prôner le "débranchement".

Impossible de parler des directives anticipées sans s'occuper de ce qui se passe avant le moment où le patient ne peut faire de choix. 

Impossible de parler des directives anticipées sans parler du comportement discrétionnaire des équipes soignantes (voir LA)... Il semblerait qu'il existe des consensus locaux, des endroits où on fait ça et d'autres ou on fait ceci, indépendamment du patient et de la famille.

Impossible de parler des directives anticipées sans parler des problèmes familiaux que cela entraîne et surtout si une personne de confiance a été désignée.

Impossible de parler des directives anticipées sans évoquer des expériences nombreuses qu'ont les soignants et les familles des changements d'avis de leurs proches ou de leurs patients au cours du temps.

Rien n'est gravé dans le marbre (et encore moins dans le DMP).

En réalité, les incertitudes concernant les directives anticipées, et il semble d'après l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD ; LA), j'élargis le sujet, que 95 % des Français interrogés (sondage IFOP de 2014) seraient favorables à une loi que propose l'ADMD (et le sondage a dû être proposé par l'ADMD), je cite, visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs, d'où viennent-elles ? 

C'est sans doute qu'il existe des points à éclaircir. Je conçois que j'obscurcis le sujet en étendant mon propos.

Je suis incapable dire ce que je ferai quand les choses se présenteront car, n'en doutons pas, les directives anticipées n'anticipent en rien la décision que peut prendre un patient de mettre fin à ses jours pour abréger ses souffrances avant qu'il ne devienne incapable de décider. Contre l'avis du corps médical, par exemple ; contre l'avis de sa famille ; ou d'une partie de sa famille. 

Pendant que j'écrivais ce billet je suis sorti prendre l'air et j'ai vu un monsieur d'une cinquantaine d'années qui accompagnait son (vieux) père manifestement dément dans les rues de Versailles : faudra-t-il que j'écrive dans mes directives anticipées qui seront intégrées à mon DMP que j'autorise "ma" personne de confiance à m'euthanasier en ce cas ne voulant ni embêter tout le monde ni me représenter en dément marchant dans les rues de Versailles ?

Voici ce que propose l'ADMP pour le point précis des directives anticipées : LA

Je lis le document avec attention et notamment ceci :


JE DEMANDE :
qu’on n’entreprenne ni ne poursuive les actes de prévention, d’investigation ou de soins qui n’auraient pour seul effet que la prolongation artificielle de ma vie (art L.1110-5 du code de la santé publique), y compris pour les affections intercurrentes.
que l’on soulage efficacement mes souffrances même si cela a pour effet secondaire d’abréger ma vie (art L. 1110-5 du code de la santé publique).
que si je suis dans un état pathologique incurable et que je suis dans des souffrances intolérables, je puisse bénéficier d’une sédation terminale, comme l’autorise l’article L. 1110-5 du code de la santé publique.
que s’il n’existe aucun espoir de retour à une vie consciente et autonome, l’on me procure une mort rapide et douce. 

Y a-t-il quelque chose de choquant ?

Faut-il une loi pour cela ? 

Finalement, ce qui me terrifie vraiment, lisant ce que je viens de lire, ce serait que l'on me désignât comme personne de confiance. J'en serais paralysé. On voit où est le problème.

jeudi 26 juin 2014

Les affaires Bonnemaison et Lambert : sociétalisation de la médecine.

Appartement au centre de Zurich utilisé par Dignitas pour recevoir les patients durant leurs dernières heures.

Je ne suis pas un spécialiste de la question des fins de vie. Je ne suis pas un expert. Je n'ai pas tout compris dans les attendus des jugements. Et d'ailleurs je m'en moque. Je suis un Français moyen qui parle sans savoir, qui s'exprime, et qui a déjà écrit un billet sur la question (ICI) où il était effectivement question d'hypnovel et où je me suis fait allumer par les commentaires car je ne connaissais rien à l'hôpital, à sa profonde humanité et aux merveilleux personnels dévoués qui s'occupent des malades 24 heures sur 24... 
Au lieu d'être un inconvénient, le fait de ne pas être un expert me semble au contraire, à la lumière d'expériences médicales accumulées au cours des ans (couchage des nourrissons, dépistage du cancer du sein par dosage du PSA (plaisanterie), antibiothérapie dans l'otite moyenne aiguë, et cetera), un avantage considérable pour m'interroger sur les affaires Lambert et Bonnemaison. 
Un collègue twittos qui se reconnaîtra et que l'on reconnaîtra a envoyé un gazouillis qui disait en substance : "Le seul tort de Vincent Lambert est de ne pas avoir croisé Bonnemaison." Voir ICI. Cette remarque est profonde et résume ce qu'il était nécessaire de savoir sur l'affaire.

Mais mon propos est autre.

Je voudrais auparavant me justifier.
Dans un souci de bienséance, et pour ne pas avoir à être taxé de je ne sais quoi par je ne sais qui, je ne suis ni un catholique intégriste, ni un musulman intégriste, ni un anti pro choix, ni un partisan de  l'acharnement thérapeutique, ni un paternaliste alapapa, ni un néolibéral, ni encore moins un libertarien, ni un partisan de la peine de mort, ni...
Et j'ajoute : il m'arrive de côtoyer des gens qui vont mourir.

Mon propos est le suivant : par un injuste retour des choses, et après que les médecins n'ont eu de cesse de médicaliser la société (et jadis on disait médicaliser la vie), c'est la société qui sociétalise la médecine.
Les médecins sont devenus, à l'insu de leur plein gré, des outils sociétaux au service de l'opinion publique et, surtout, de l'opinion privée. Qu'une technique existe et les médecins sont sommés de l'utiliser au risque de passer pour des conservateurs, des pisse-froid, des paternalistes, des réactionnaires, au risque, aussi, d'être traînés devant les tribunaux.
Par un tour de passe passe ironique de l'histoire, mais de plus savants que moi sauront retrouver des exemples antérieurs, la gauche morale a enfilé les habits de la droite libertarienne. Mais n'en parlons pas, c'est tabou. Il y a eu une étape préalable, le passage par le libéralisme et par le néo libéralisme. Remarquons au passage que les bons esprits de la gauche morale (nous entendons ici la gauche de la gauche, Dieu reconnaîtra les siens) ne voient aucune différence entre libéralisme et néo libéralisme (qu'ils aillent faire un tour sociétal dans les pays néo libéraux et libéraux et ils comprendront les "subtilités" de l'affaire par rapport à la législation du travail par exemple) et qu'il en est même qui confondent conservatisme et libéralisme (et néolibéralisme puisqu'ils ne savent pas en faire la distinction), ce qui est assez gratiné.

La sociétalisation de la médecine fait des médecins les outils des désirs sociétaux (et l'histoire nous dira s'ils étaient fous ou non), ces désirs qui sont instrumentalisés ou justifiés par la philosophie des Droits : "J'ai le droit de..." Et gare à ceux qui ne s'y conforment pas. Le slogan de mai 68 "Tout est possible et sans tabou" est devenu le leitmotiv des sociétés "avancées" qui disposent des techniques ad hoc. La médecine ne peut plus raisonner pour elle-même (on me dit dans l'oreillette que ce n'est pas envisageable) et doit, technicienne, se plier aux bons vouloirs de l'opinion publique.
Les médecins ont toujours fait partie intégrante de la société (quand ils ne l'ont pas organisée) et depuis les temps immémoriaux des chamans, et ont toujours voulu lui plaire (pour en vivre par exemple) mais ils sont parfois passés par des extrêmes (nous allons atteindre, très chers amis, le point Godwin et le point Stalwind -- marque déposée docteurdu16--), Mengele, la psychiatrie soviétique, les injections léthales dans l'administration de la peine de mort, des extrêmes qui existent toujours aujourd'hui : essais cliniques sur des enfants et des femmes du Tiers-monde, trafics d'organes, et cetera.
Puisque la greffe d'un sixième orteil sur le pied dominant améliore de 12 % les temps au 50 kilomètres marche et qu'une clinique costaricienne la pratique à San José il est scandaleux, prétendent les théoriciens des Droits, qu'aucune clinique française ne la pratique, qu'elle ne soit pas remboursée par la CPAM, et qu'elle soit considérée comme de la médecine améliorative susceptible d'être assimilée à du "dopage". 

Revenons aux cas Bonnemaison / Lambert.
Que viennent faire les médecins dans cette histoire ? 
Dans le cas Lambert les médecins et une partie de la famille du patient considèrent qu'il s'agit d'acharnement thérapeutique et les parents, semble-t-il, s'opposent à l'arrêt des soins. Peut-on, doit-on obliger en conscience des médecins et des équipes soignantes à garder en vie végétative un patient qui, selon les médecins, souffre quand même et qui ne sortira jamais, en l'état actuel des prévisions de la science, de son état ? Les médecins et les équipes soignantes n'ont-ils pas, eux aussi, une conscience qu'il est nécesssaire de respecter ? La conscience médicale et soignante doit-elle être considérée comme quantité négligeable et doit-on contraindre des médecins à pratiquer des actes qu'ils réprouvent ? Est-on au courant du fait qu'agir contre sa conscience peut entraîner des dégâts considérables ? Même en cas de décision de justice. Sociétalisation de la médecine, dis-je, et même sociétalisation à géographie variable : le dépaysement de Vincent Lambert à Bayonne aurait peut-être réglé le problème...
Dans le cas Bonnemaison que l'on a décrit comme "assassin par compassion" il semble que son instrumentalisation (les acclamations de la salle d'audience à l'annonce de l'acquittement en témoignent) par les associations ne fasse aucun doute. Je ne dirai rien de ce que j'ai pu percevoir de la personnalité de Bonnemaison (son changement de coupe de cheveux avant et après est assez stupéfiant) et des raisons qui l'ont poussé à pousser la seringue mais, je l'avais déjà signalé ailleurs (LA), les Bonnemaison aux mains propres ne sont pas rares dans les centres hospitaliers mais on n'en parle pas, on le tait. Et là, a contrario, il s'agit de la pratique des médecins, forcément inexplicable car non expliquée parfois aux patients et aux familles, qui se substitue à la conscience des patients et des familles. Médicalisation de la vie et ici de la mort par des équipes soignantes comme pendant de la sociétalisation de la médecine à qui l'on demande de se plier aux désirs de la société. Eût-il fallu que Bonnemaison confie hypnovel et/ou Norcuron à la famille pour qu'elle accomplisse le geste d'amour  et de compassion ? 

Ce que je voulais souligner : les médecins font désormais partie de la "boîte à outils" sociétale. Ceux qui en profitent feront de l'argent. Les autres souffriront.

PS. On remarquera que les infirmières et aides-soignantes sont condamnées et les médecins acquittés. Vous avez le droit à plusieurs grilles d'interprétations : marxiste, genriste, sexuelle, autre...

Illustration venant de LA.
Dignitas, CH : ICI.

PS du premier juillet 2014 : Judge Marie (LA) justifie en droit Bonnemaison. Je lui réponds.
PS du trente-et-un octobre 2015 : le docteur Bonnemaison a fait une tentative de suicide et se trouve entre la vie et la mort (selon la presse : ICI).


dimanche 24 février 2013

Euthanasie active. Histoire de consultation 144.


Madame A, 55 ans, revient de Bordeaux où sa mère vient de mourir à l'hôpital. Elle est choquée. Elle tente de ne pas le montrer, du moins au début, elle consulte pour vérifier que son hypertension est contrôlée par le traitement qui lui est prescrit, mais, qui ne serait pas choqué par la mort de sa mère à l'hôpital ?
Je la laisse parler.
Je ne connaissais pas l'histoire et elle commence par me raconter les faits médicaux. C'est un cancer du poumon opéré. Qui a métastasé. Au cerveau, notamment, mais pas seulement.
Ce qui la choque (la consultation, la dernière des rendez-vous, aura pris du temps car elle a du mal à savoir ce qui est ou non important, en raison bien entendu de son implication) c'est que les médecins ont été à la fois terriblement optimistes, c'est à dire terriblement interventionnistes, voire jusqu'au boutistes, puis incroyablement défaitistes. Elle s'est sentie exclue de ces deux attitudes. Ou en décalage.
Je crois, en l'écoutant, qu'elle s'est sentie déphasée.
Il y a d'abord eu les premiers médecins qui ont laissé entendre qu'il n'y avait plus rien à faire (c'était dans un hôpital général). Puis la recherche d'un hôpital plus spécialisé (un CHU de Bordeaux) où les médecins ont dit qu'il y avait quelque chose à faire. Grâce à la pose d'un stent la maman de la patiente a gagné trois mois en très bonne santé. Puis le stent s'est bouché, retour d'abord à l'hôpital général où les médecins qui avaient annoncé que tout était fichu ont laissé entendre "qu'ils lui avaient bien dit que c'était fichu" et la dame de penser "avec trois mois en très bonne santé", puis il y a eu un nouveau transfert au CHU où les médecins ont dit qu'il fallait changer le stent, ce qui a été fait, mais avec de moins bons résultats. La maman a finalement vécu cinq jours après l'intervention mais dans de mauvaises conditions.
Mais le plus choquant arrive : la malade, la veille du décès, entre dans la chambre de sa mère et une infirmière lui apprend qu'on lui a donné un peu de morphine pour qu'elle ne souffre pas. Puis, en douce, une autre infirmière lui dit que, malgré la faiblesse des doses, il sera difficile de lui parler à nouveau. Et la patiente meurt le lendemain au petit matin. La fille demande à l'infirmière : "Mais elle souffrait tant que cela ?" Et elle : "Ce matin elle nous a dit qu'elle en avait assez."
Stupeur.
"Ce matin" me dit ma patiente "j'ai dit à mon mari que j'en avais assez de ces allers et retours à l'hôpital, je ne me suis pas méfiée, et il m'a planté un couteau dans le ventre pour me soulager."
Je la regarde. J'essaie de ne rien dire. Je pense qu'elle a raison d'être choquée.
"J'avais encore des choses à dire à ma mère. Ils ne m'ont pas demandé mon avis. Ils ont pris une décision hâtive. Ce n'est pas bien. Jamais elle ne m'avait dit qu'elle en avait assez. Je ne sais si elle voulait combattre ou non, si elle y croyait encore, si elle avait seulement envie de se laisser glisser, elle avait de grosses difficultés respiratoires, de l'eau dans la poumons, il lui arrivait de suffoquer, mais jamais, au grand jamais, elle ne m'a parlé d'abandonner, jamais elle ne m'a dit, ma petite fille je n'en peux plus, j'en ai marre de la vie, je ne veux plus lutter, mes derniers instants sont arrivés, je voulais vous dire que je vous aime, et cetera... et là, des inconnus, des personnes qui ne la connaissaient pas, qui ne connaissaient pas sa vie, qui ne connaissaient pas ses rapports avec ses enfants, avec moi, avec la vie, qui ne connaissaient ni ses croyances philosophiques, qui en aurait parlé avec elle ?, ni sa conception de l'existence, des inconnus, donc, ont décidé pour elle, ont décidé pour moi et je n'ai jamais pu lui reparler, je n'ai jamais pu l'entendre répondre à mes questions ou exprimer une demande... Je suis terrifiée. Je ne dors plus, je me réveille la nuit en sueurs, je fais des cauchemars, je vois la seringue qui s'enfonce dans le bras de ma mère qui lui dit c'est fini, qui lui dit 'puisque vous en avez marre, il faut en terminer avec la vie...', c'est quand même incroyable, mais pour qui se sont-ils pris ?, pour qui se prennent-ils ?, pour le bon Dieu... est-ce que le bon Dieu serait même capable de cela ?... "

Je ne suis pas un spécialiste des questions de fin de vie. Avant que de commencer à écrire cette histoire de consultation j'aurais dû m'informer plus avant sur les termes exacts de la loi Leonetti (ICI), sur les propositions de ceux qui veulent légiférer sur l'euthanasie, sur ceux qui sont déçus qu'on ne le fasse pas, sur les avis et futurs avis du Comité Consultatif National d'Ethique (LA) mais mon expérience interne, cet exemple comme deux autres que je vais vous détailler brièvement, me font dire que l'euthanasie active est courante dans les établissements de soins et à l'insu du plein gré de tout le monde.

Il y a donc une profonde hypocrisie sociétale : dans les faits "on", c'est à dire l'institution médico-hospitalière constituée en norme (locale ?, locorégionale ?, nationale ?, politique ?, confessionnelle ?, idéologique ?, bobooïque ?), décide de ce qui doit être fait et non fait sur de simples constatations, sur de vagues impressions, sur des propos de fin de nuit en établissement hospitalier, entre le bassin et la distribution des médicaments, entre la toilette et le bruit des sabots dans les couloirs, sans demander l'avis ni du malade (dans le cas que j'ai décrit) et encore moins (si c'est possible) de la famille du malade, des personnels hospitaliers constitués en démocratie d'opinion, en web 1.0 de l'hôpital, qui décident (dans la salle de soins l'interne ou le senior ou le chef de clinique ou le chef de service, allez savoir, il passe parfois, qui jette à la cantonade un 'Madame A, elle est fichue' et tout le monde de prendre des mines et de préparer le geste qui tue pour soulager des souffrances terrestres une malade condamnée... qui a dit l'autre matin qu'elle en avait assez de mal dormir), des personnels hospitaliers qui ne reverront jamais la famille, avec qui ils ne discuteront plus, dont ils ne connaîtront pas le destin ou la "vraie" vie à l'extérieur de l'hôpital...

Je parle avec Madame A et nous reprenons un à un les éléments de cette discussion et j'essaie de distinguer ce qui touche à l'information elle-même sur le pronostic de la maladie dont sa mère souffrait, le déphasage entre ce qu'elle a perçu et ce que voulaient dire les "soignants", de son désarroi, du fait qu'elle se raccrochait au moindre sourire de la moindre agent hospitalière, au moindre rictus de la moindre aide-soignante, au moindre clignement des yeux du moindre médecin pour se faire une opinion, j'essaie de distinguer le reste, c'est à dire le pronostic lui-même et la désinvolture de l'équipe soignante quand il s'est agi de prendre la décision activiste de l'euthanasie sans le dire...
Une euthanasie médiatisée avec des débats sans fin et des décisions privées et minables prises dans le dos des patients et des familles. Du bla bla pour amuser la galerie.

(Deux autres exemples : la famille s'aperçoit qu'un patch a été collé sur la peau  du patient sans que personne n'ait été informé ; une autre famille s'entend dire que de l'hypnovel a été administré et aucun dialogue, aucune discussion n'a précédé ce geste. La politique du fait accompli, comme si la morale hospitalière se substituait à la morale privée des familles, une sorte de prise de pouvoir sauvage. Au nom de quoi ? Ainsi, des familles demandent et en sont pas écoutées et d'autres ne demandent rien et sont privées de leur réflexion.)

L'arrogance de l'Institution qui dit la morale pour les autres.

(Précisions importantes : il ne s'agit pas d'un hôpital de Bordeaux ; il ne s'agit pas d'un service de pneumologie ; il s'agit d'une famille)

PS du 19 mai 2013 : une famille porte plainte : LA