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dimanche 17 juin 2012

Comment, à partir d'une réflexion sur un concept, l'inertie clinique, tenter d'augmenter la soumission ? Une contribution du docteur MG



Tout médecin généraliste est confronté chaque jour à la lutte contre la survenue de complications dans le cadre de la prise en charge des maladies chroniques.
Cette lutte quotidienne est basée sur un traitement adapté et son suivi sur le long terme.

L'adhésion des patients à leur traitement conditionne l'observance de ceux-ci aux traitements prescrits.
Depuis quelque temps l'attitude des médecins dans cette prise en charge des pathologies chroniques a été étudiée et le concept d'inertie clinique défini.
L'inertie clinique peut être définie (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/inertie) comme une immobilité dans la relation thérapeutique médecin/patient, ou, pour le dire autrement, comme le fait de ne rien changer au fil du temps dans le traitement d'un patient.
Un article de mai 2011 dans Consensus cardio pour le praticien écrit par le Professeur Serge Halimi a attiré mon attention  (http://www.consensus-online.fr/IMG/pdf/p34-36).

En médecine, il est important de se questionner en permanence.

Préoccupé comme beaucoup par la prise en charge optimale de mes patients atteints de pathologies chroniques je me suis dit que j'allais apprendre quelque chose pour l'amélioration de ma pratique. 

Première remarque sur l'auteur : le Professeur Serge Halimi, diabétologue, a déjà pas mal fait parler de lui pour ses liens avec l'industrie pharmaceutique.
Ainsi, en 2009 UFC Que Choisir avait porté plainte contre lui (et 8 autres professeurs). (http://www.atoute.org/n/breve30.html), http://www.mypharma-editions.com/industrie-pharmaceutique-lufc-que-choisir-depose-une-plainte-contre-neuf-medecins-pour-conflit-d%E2%80%99interet) pour conflit d’intérêts.
Mais ne faisons pas de procès d'intention, ne condamnons pas avant même d'avoir pris connaissance de ce qu'il écrit.

 L'accroche est d'emblée intéressante :" un concept émergent."
C'est en effet une notion récente qui augure donc des informations prometteuses. 

"Cette incitation à l’atteinte des objectifs « durs » et précis est un concept assez récent. Il découle nécessairement de l’établissement préalable de recommandations, de leur rédaction, de leur diffusion et disponibilité, de leur connaissance et appropriation par les praticiens."Ce concept d'inertie clinique n'est donc pour l'auteur rien d'autre que l'attitude consistant à ne pas atteindre les objectifs fixés dans les recommandations .
J'avoue être déçu car c'est être très partial dans son approche.

 "Ces études aboutissent ainsi à des «preuves » suffisamment robustes pour que l’on parle d’Evidence Based Medicine (EBM) ou médecine basée sur les preuves. Sont ainsi établies des « Recommandations » ou « Guidelines » qui devraient être connues de tout praticien.Ces recommandations c'est EBM (http://fr.wikipedia.org/wiki/Evidence_Based_Medicine), je suis rassuré car qui peut être en désaccord avec cette notion ?
Cependant j'ai souvenir que l'atteinte des objectifs « durs » a été évalué et que justement cette attitude était délétère c'est à dire qu'elle faisait plus de mal que de bien.  (ICI : http://docteurdu16.blogspot.com/2009/03/diabete-le-mieux-est-lennemi-du-bien.html   et LA : http://qualitysafety.bmj.com/content/16/1/6.abstract)
Alors, où sont-elles  ces « preuves suffisamment robustes » ?
Est-ce bien EBM comme annoncé ?
Aucun renvoi dans le texte sur une référence, j'aurais pourtant apprécié.

 La définition de l'inertie clinique est donc :  « non-suivi des recommandations par le médecin » 

Quelles en sont les causes ? "Il n’est pas rare de voir des spécialistes attribuer cette attitude prioritairement aux médecins généralistes, les considérant insuffisamment motivés et actifs face à des résultats n’atteignant pas les objectifs recommandés, alors qu’ils sont informés de la teneur des recommandations publiées et disponibles." Mais tout de même:"Mais les médecins généralistes ne sont pas seuls concernés. Dans le domaine du diabète ou de l’hypertension artérielle, des études montrent que certains spécialistes s’avèrent aussi insuffisamment actifs"
J'avoue que pointer ainsi du doigt une partie de la profession médicale n'est pas « sain », mais c'est, il me semble un « sport national » ( ref  http://www.atoute.org/n/article257.html).
Cependant, hors de toute polémique, il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le pourquoi de l'attitude peu motivée et peu active des médecins qu'il dénonce.

 "Les limites du concept : vraie et fausse inertie
. Cette attitude peut aussi résulter d’un choix plus délibéré du praticien pour diverses raisons." A bon quand même !!!!!Mais c'est un peu « court »



"La faute aux recommandations ?"
Enfin elles vont être étudiées avec un regard critique et peut être même remises en cause ?Eh bien non,  juste la forme est critiquée, pas le fond:"En somme, nombre de recommandations sont trop complexes ou à l’inverse trop générales pour être applicables au plus grand nombre ou laissent de côté nombre de situations particulières, quoique non rares, qui ne sont pas abordées, du moins pas suffisamment détaillées."
Cela aurait été surprenant car il est à noter que le Pr Halimi faisait parti du collège d'expert de l'HAS responsable des recommandations pour le traitement du diabète de type 2, recommandations qui ont été abrogées par le Conseil d'état (le 27 avril 2011) sur plainte du Formindep pour cause de conflits d’intérêts.
Cependant il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le fond des recommandations qui n'étant pas conformes aux dernières données de la science, pourraient expliquer au moins en partie la faible motivation d'une partie des médecins à ne pas les appliquer.

Quelles solutions propose donc le Pr Halimi pour réduire l'inertie clinique et donc améliorer le suivi des recommandations pourtant pour le moins problématiques ?

"Des solutions concrètes à l’inertie clinique ?"

1) " Les recommandations :.....  la participation à leur rédaction des omnipraticiens (voire de paramédicaux) aux côtés d’experts de spécialité est indispensable."
 Pourquoi faire une telle différence entre les professionnels de santé. Le système des « experts » qui prévalait jusqu'à présent est donc perfectible ? Ou est-ce « démagogique » ? Je laisse chacun se faire son opinion.


2) " La FMC : on reste, en France, dans l’attente d’une FMC organisée et financée par des fonds publics, si l’on tient à s’affranchir de l’influence supposée « perverse » des firmes pharmaceutiques. Pour ma part, diffuser un message sain dans le cadre d’une réunion sponsorisée par une firme pharmaceutique ne m’a jamais posé le moindre problème."
J'adore cette phrase. A elle seule , elle résume bien l'état d'esprit de l'auteur.


3) "L’organisation des soins est certainement en mesure de pallier, pour partie, cette difficulté d’appropriation des bonnes pratiques grâce à un travail en groupe sur des situations cliniques spécifiques. Ce travail « en réseau » (formation, coordination) est sûrement un facteur de réussite." Là je renvoie au billet du docteurdu16 qui fait parfaitement le point sur cette problématique   http://docteurdu16.blogspot.com/2012/06/les-reseaux-une-mode-qui-mennuie.html


4) " Les innovations thérapeutiques : n’en sous-estimons pas les contributions"
La aussi , les choses sont claires: l'auteur n'oublie pas ses « chers partenaires de l'industrie pharmaceutique ».


5)" Enfin, l’impact des paramédicaux est de plus en plus évalué."



Je vous fais grâce de la conclusion.
En tout cas la mienne est qu'un article comme celui là est symptomatique de l'état catastrophique de notre système de santé.
Le pire, je crois, est qu'un Professeur de médecine puisse écrire de telle chose en affirmant qu'il n'a aucun état d'âme, alors que justement il devrait en avoir en tant que médecin et par la fonction d'enseignant qu'il occupe.
Cet article est par ailleurs particulièrement problématique sur le fond car au lieu d'inciter les médecins à s'interroger sur leurs pratiques, à remettre en question en permanence leurs connaissances pour les actualiser, il incite à une seule chose : suivre des recommandations élaborées par les « experts ».
Quand on sait l'influence de l'industrie pharmaceutique à tous les niveaux de responsabilité de notre système de santé, développer de telles positions dans cet article,  ne cherche qu'à renforcer ce qui se faisait jusqu'à présent.
Or l'affaire récente du Médiator nous a montré de façon criante qu'il est urgent que les médecins  ne se laissent plus dicter leurs conduites thérapeutiques par ces experts manipulés par l'industrie pharmaceutique.

Cependant, on ne s'étonnera donc pas des propos rapportés récemment sur un forum de réflexion de nos pratiques , par une consœur au sortir d'une réunion :
"...aucun des médecins présents ne savait que l'HAS ne recommande pas de dépistage (dosage des PSA ) !!!! pour tous, la question de l'intérêt du dépistage ne se pose pas.
La première (et seule) réaction qu'ils ont eu quand je les ai informés de la position de l'HAS c'est "ce n'est pas normal, ça a du être truqué, la CPAM ne veut probablement pas payer pour le dépistage, les salauds" …

Ainsi, même quand la HAS prend des positions conformes aux données de la science (ce qui n'est pas le cas pour toutes les recommandations comme nous l'avons vu plus haut), beaucoup de médecins restant sous influence n'ont plus la capacité de faire la part entre « le bon grain et l’ivraie »

Docteur MG

Illustration : Sur l'image du haut on voit une bille s'éloigner en ligne droite depuis le centre d'un disque en rotation vers la bordure, c'est le point de vue d'un observateur extérieur. Sur celle du bas, on note la trajectoire parcourue par cette même bille sur le disque, c'est le point de vue du repère en rotation.