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jeudi 17 septembre 2015

Au coeur de la corruption.


Il n'est pas un jour où des informations ne viennent montrer, démontrer et confirmer que la corruption est au centre du système mondial de la santé.

La publication dans le British Medical Journal (on ne dira jamais assez l'importance de ce journal dont on peut critiquer ici ou là la politique éditoriale) de l'étude 329 revisitée (LA), c'est à dire rétablie dans sa véracité, est démonstrative de tout ce qui est fait (cacher, tricher, modifier, interpréter) pour promouvoir des médicaments dangereux dans le seul but de faire de l'argent.  Prenez le temps de lire des commentaires d'une grande pertinence : LA. Mais le nom des laboratoires Servier n'apparaît pas. Il s'agit de Glaxo qui a payé 3 milliards de dollars pour cette fraude alors que la molécule (la paroxétine) est toujours commercialisée... et continue d'être promue et de gagner des parts de marché.

Je pourrais aussi vous parler d'un article du JAMA qui a été publié puis rétracté alors qu'il s'agissait  de malades fictifs : les patients fantômes recherchés par les attachés de recherche clinique. Le commentaire est LA et l'article ICI. Mais le plus surprenant dans tout cela, et les défenseurs de l'industrie ne pourront manquer de s'en réjouir et de le faire savoir, c'est qu'a priori cette étude n'était pas sponsorisée et qu'elle concernait une molécule tombée dans le domaine public et valant trois francs six sous. Certains chercheurs n'ont même pas besoin qu'on les corrompe puisqu'ils sont spontanément ouverts à la corruption. Même sans les laboratoires Servier.

Les laboratoires Pfizer ne sont pas en reste (j'ai déjà raconté les histoires de ce merveilleux laboratoire) avec une affaire récente concernant la pregabaline (voir LA). Mais Pfizer est habitué à des procès retentissants avec une amende de 2,3 milliards de dollars pour bextra en 2009 (LA) ou l'utilisation d'enfants nigerians pour ses essais cliniques (ICI).



Le Manifeste des 30 (j'avais pensé de façon naïve qu'il s'agissait des 30 dernières victimes du Mediator non indemnisées par Servier) initié par Irène Frachon pour défendre les victimes du Mediator (cf. supra) mais surtout pour boycotter les laboratoires Servier et leurs dépendances (il eût d'ailleurs été pertinent de citer quels sont les laboratoires, officines, groupes, firmes, sous-groupes, sous-firmes, sous-officines, qui font partie du groupe et de donner les noms de tous les médecins qui, officiellement, ont reçu de l'argent du groupe depuis, disons, cinq ans) a été signé initialement (les 30 platinum signataires) par des gens qui ne sont pas libres de liens d'intérêt ou qui les revendiquent comme tels. Je vous rappelle mes commentaires (LA) et ceux de CMT (ICI) pour ceux qui ne seraient au courant de rien.

Ce Manifeste est, toutes chose égales par ailleurs, une entreprise (inconsciente pour les uns et consciente pour les autres) de blanchiment de l'industrie pharmaceutique sauf Servier, au même titre que Servier a tenté (avec succès en France) de blanchir le benfluorex de son péché originel fenfluraminique.

On connaît par coeur les arguments des collaborateurs universitaires ou non de big pharma. Ils ont des éléments de langage tout prêts. 
  1. Il n'y a pas de recherche en médecine sans la participation de l'industrie
  2. Si l'industrie nous demande de travailler avec elle c'est que nous sommes les meilleurs de la profession
  3. Notre parfaite connaissance de notre domaine de compétence nous permet d'influencer la recherche et ses orientations
  4. Nous sommes très mal payés et nous avons besoin de subventions pour nous déplacer dans les congrès internationaux ou nationaux
  5. Nos services sont très mal dotés et les "caisses noires" nous permettent d'acheter du matériel, voire d'informatiser notre service et/ou de permettre de subventionner de jeunes chercheurs.
  6. L'argent de l'industrie nous permet de porter la bonne parole dans les réunions de formation médicale continue
  7. Nous sommes indépendants et l'argent que nous touchons ne modifie en rien notre jugement
  8. La doctrine Bruno Lina (et désormais Arnaud Danchin) : manger à tous les rateliers garantit l'intégrité. Trop de corruption tue la corruption.
Il ne s'agit pas de condamner a priori l'industrie mais de se donner les moyens de contrôler son activité et notamment la sincérité des essais cliniques tant dans leur conception (design), dans leur mise en place et leur suivi (reporting), que pour l'analyse des résultats (open data) et que pour la rédaction des articles.
Au niveau européen (EMA), tout est fait dans l'autre sens, c'est à dire celui de la dévolution aux industriels des contrôles de leur propre activité.

Quant au reste, la corruption généralisée de l'appareil d'Etat, il est encore possible d'agir mais il faudrait une volonté politique claire. 
La sincérité des membres des agences gouvernementales françaises est largement remise en cause quand on découvre les officiels liens d'intérêt qu'ils entretiennent avec les industriels dont il décide la commercialisation des produits, leur prix et la façon dont ils doivent être recommandés.
Mais, à moins de définir des politiques publiques de façon concertée et démocratique, volontaristes et incitatives, il ne sera plus jamais (dans un avenir prévisible) possible d'influer sur la stratégie des grands groupes pharmaceutiques dans le domaine de la recherche. 
Il ne restera aux agences gouvernementales (et les données récentes concernant l'agence américaine, la FDA, 96 % des nouvelles molécules sont approuvées en 2014, sont extrêmement alarmantes sur sa possibilité de résister aux sirènes de big pharma, voir ICI, sans compter le CDC d'Atlanta dont les prises de position ces dernières années ont toujours été en faveur de l'industrie) que le contrôle a posteriori mais les moyens de l'effectuer ne sont pas fournis.

L'étendue de la corruption initiée par le lobby santéo-industriel est telle (je n'ai pas parlé de la corruption des professeurs qui délivrent l'enseignement dans les facultés, scandale absolu) et le degré d'innocence (?) des médecins est tel que je ne vois pas d'autres solutions que le pourrissement de la situation : la médecine va sentir le pyo pour de très nombreuses années.

PS : Un article additionnel sur Johnson et Johnson dans le New York Times : "Quand le crime paie". C'est à propos du risperdal (LA)
PS 2 (23 septembre 2015) : Le cartel pharmaceutique tel le cartel de la drogue. Un reportage de Michael Che sur Commedy Central (ICI).

mardi 1 septembre 2015

Le manifeste des 30 et les conflits d'intérêt : ne pas signer est une question de cohérence. Par le docteur Claudina Michal-Teitelbaum




                                   
A la suite des commentaires que j'avais écrits lors de la publication du billet de Jean-Claude (ICI) voici un texte qui me permet d’expliquer de façon plus précise ma position au sujet du manifeste-pétition des 30 

Je ne prendrai pas de précautions oratoires excessives mais j’espère montrer que ma position n’est pas sous-tendue par un souci de me démarquer ou par une volonté de critiquer tous azimuts mais par un souci de cohérence à la fois éthique et pratique.

Le fond de mon argumentaire tient en une phrase : quand on se pose en moralisateur, la moindre des choses c’est de s’astreindre à respecter les règles qu’on voudrait imposer aux autres.

Cela n’est pas uniquement une critique à valeur « morale » car présenter des médecins assumant leurs nombreux conflits d’intérêts comme des références sur le plan moral aura nécessairement un impact en pratique sur la banalisation des conflits d’intérêts parmi les médecins. Puisque cela implique qu’on pourrait être d’une grande exigence morale, tout à fait lucide sur les médicaments, tout un acceptant un grand nombre de liens financiers avec les laboratoires pharmaceutiques. Ce qui a toutes les chances d’être faux puisque la raison pour laquelle les laboratoires entretiennent ces liens financiers est qu’ils peuvent en mesurer l’impact sur les prescriptions et le chiffre d’affaires, indépendamment de la qualité propre des médicaments.

Etes vous contre la faim dans le monde ?
C’est, à peu près, à cela que revient de s’élever contre le fait que des médecins continuent à entretenir des relations financières ou autres avec le laboratoire Servier. Mais la persistance de ces relations n’est qu’un témoignage particulier d’un phénomène beaucoup plus large et aux conséquences tout aussi délétères et plus étendues, c'est-à-dire la banalisation des relations financières des médecins (des médecins prescripteurs aussi bien que ceux des agences) avec les laboratoires pharmaceutiques générant des conflits d’intérêts de nature à brouiller le jugement des dits médecins.

Les pétitions et manifestes ne sont pas faits pour obtenir des résultats, qu’ils obtiennent très rarement, mais plutôt pour mettre en avant des idées, pour informer ou exercer une influence [1]. Une  des caractéristiques des pétitions est d’être peu impliquante, sauf, évidemment, quand on s’expose personnellement en les signant. Mais le plus souvent, comme le disait Jean-Claude, être parmi les primo-signataires ou promoteurs d’une pétition permet surtout de s’exposer à la lumière des projecteurs.
Puisque les auteurs du manifeste ont choisi d’associer, en tant que signataires vedettes, censés représenter l’esprit même du manifeste, des médecins entretenant couramment des relations avec divers industriels et qui en nient néanmoins l’influence, la question devient : y a-t-il une différence  fondamentale de nature entre Servier, ses méthodes, les conséquences de ces méthodes, et celles d’autres laboratoires avec lesquels certains des signataires vedettes entretiennent des relations assidues et lucratives quoique non déclarées dans ce manifeste ? Ma réponse est : « non », et je vais argumenter.


Tout le monde n’est pas pourri, mais tout le monde est influençable

Ca ne m’est pas agréable de prendre cette position à contre-pied de ce manifeste, d’autant qu’il y a parmi les signataires des personnes dont j’apprécie l’action et que je respecte, tels le sénateur Autain, dont le travail extraordinaire en a fait la bête noire des lobbyistes au Sénat, ou Irène Frachon qui a gardé une ligne de conduite exemplaire et a affiné son analyse au cours du temps.

Je pourrais aussi citer Dominique Dupagne, dont je ne partage pas la vision centrée sur le patient-roi de la médecine, patient à qui on devrait accorder tout ce qu’il demande, y compris des traitements qu’on sait inutiles ou dangereux, mais qui a fait un travail d’alerte et d’information souvent essentiel sur certaines pratiques telles que le dépistage du cancer de la prostate par le PSA, entre autres.

Contrairement à ce qu’on va certainement penser, je n’ai rien non plus contre le professeur Grimaldi qui a une réputation d’intégrité reconnue, mais je le pense sous influence. D’ailleurs, qu’il y a-t-il de plus dangereux pour la santé publique qu’un médecin malhonnête sous influence ? Un médecin honnête sous influence, bien sûr, parce qu’il saura effectuer comme nul autre ces opérations de « blanchiment de médicaments » que certaines grosses compagnies pharmaceutiques attendent des leaders d’opinion et des associations de patients sous influence.

Un livre qui prétend détenir la « vérité » sur les médicaments écrit pas des médecins hospitaliers sous influence

Jean-Claude avait déjà cité les écrits d’Hippocrate et Pindare concernant une interview d’André Grimaldi à la sortie du livre La vérité sur vos médicaments co-écrit par 32 médecins hospitaliers  dont Jean-François Bergmann et Irène Frachon. Ce livre prétend révéler LA vérité scientifique en riposte à ceux qu voudraient relativiser la valeur de la science.

Il reste qu’un jeune blogueur a fait la synthèse des avantages financiers des auteurs de ce livre, telles qu’elles figuraient sur la base des données transparence-santé : sur les 32 médecins co-auteurs du livre,  26 ont reçu des cadeaux de la part de compagnies pharmaceutiques et certains ont multiplié les conventions avec elles entre 2012 et 2014 [2]. Jean-françois Bergmann, par exemple, arrive en deuxième position pour le nombre de conventions signées, avec 54 en plus de 5074 euros de cadeaux (repas, transport, hébergement) que les laboratoires ont déclaré lui avoir versé. Pour André Grimaldi  32 convention ont été signées et 1707 euros ont été versés.

Le collectif « regards citoyens », qui a fait un formidable travail de compilation des informations sur les liens financiers entre médecins et industrie pharmaceutique [3] explique que la publication des données précises sur les conventions ont été  empêchées par une circulaire de Marisol Tourraine, la Ministre de la Santé, attaquée en justice par le Formindep devant le conseil d’Etat, qui leur a donné raison. La publication de la nature et de la valeur des conventions n’a pas été publiée néanmoins. 

Il faut savoir que les laboratoires peuvent aussi classer certains cadeaux dans la rubrique conventions, et ainsi les occulter. Les contrats, quant à eux, classés dans les conventions, peuvent atteindre 10 000 à 40 000 euros. Leur valeur viendrait s’ajouter aux 244 millions de cadeaux donnés aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014. Il est probable que la somme totale se compterait alors en milliards et permettrait de boucher en partie ou totalement le fameux « trou de la sécu ». Ou bien apporterait de quoi financer de une recherche publique indépendante.

Cet argent, qui fait partie du budget marketing des laboratoires  est le nôtre, puisque, d’une manière ou d’une autre, collectivement ou individuellement, nous payons les laboratoires. Le secteur pharmaceutique est un secteur « ultra-protégé » comme le dit Bernard Dalbergue, ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, dans le livre co-écrit avec Anne Laure-Barret, Omerta dans les labos pharmaceutiques, et il très subventionné. Il est protégé, à la fois en raison de la porosité entre personnalités politiques et dirigeants des laboratoires, parce qu’il s’agit d’un secteur économique stratégique dans la compétition économique, et parce que la santé est un bien essentiel et économiquement en perpétuelle croissance.

On eût donc souhaité que les médecins signataires, se réclamant d’une haute valeur morale, déclarassent les sommes perçues.


Irène Frachon comme fil conducteur

C’est Irène Frachon que je veux prendre comme fil conducteur. En effet, elle tient des propos tout à fait clairs et cohérents, y compris dans le livre co-signé avec A Grimaldi et JF Bergmann.
Dans une interview au journal Le Monde [4], elle prétend ne pas avoir de mérite à avoir su « rester propre » : « J’apparais comme « très propre », mais je ne l’ai pas toujours été. Ma chance est d’avoir été formée, dans les années 1990, à l’hôpital Foch [à Suresnes, Hauts-de-Seine], par la professeure Isabelle Caubarrère. Dans son service, il y avait cette règle absolue : les visiteurs médicaux n’avaient pas le droit d’entrer en contact avec les étudiants ou les médecins. Il n’y avait ni petits-déjeuners ni réunions d’équipe sponsorisées par les labos. C’est elle qui les ­recevait le samedi, sur rendez-vous, point. »

La chef de service  de cet hôpital faisait exactement ce que tous les commerciaux des laboratoires pharmaceutiques détestent : poser un cadre clair où chacun garde sa position professionnelle de chaque côté du bureau, le médecin s’occupe d’évaluer le rapport bénéfice/risque et le commercial reste à sa place de commercial qui essaye de vendre. Il n’y a aucune ambigüité. Cela ne convient, bien sûr, pas du tout aux commerciaux, dont tout le travail consiste à brouiller les frontières, les limites entre relation professionnelle et amicale, en établissant une pseudo-intimité, les limites entre travail du médecin et travail du commercial, les limites entre intégrité professionnelle et corruption.

En tout cas, internes et assistants travaillant dans les services des professeurs Grimaldi et Bergmann n’ont pas eu cette chance. Comme 99% des médecins hospitaliers, ils ont été soumis à la présence « amicale » constante de représentants des laboratoires qui leur ont proposé toutes sortes de services et d’avantages, et qui se sont occupés aussi de leur formation, bien entendu, comme l’expliquait un médecin souhaitant garder l’anonymat en mai 2010 sur le site du Formindep [5].

Il est tellement facile de tomber dans les filets des laboratoires ! C’est aussi ce qu’explique Irène Frachon dans cette interview. Le dispositif « d’hameçonnage » est conçu comme un engrenage qui vous avale dès que vous y mettez le doigt.  Par la valorisation de votre personne (« nous avons besoin de vous »), par l’argent facile et les divers cadeaux et avantages qu’on finit par penser devoir recevoir de plein droit, puisqu’on rend un service. Irène Frachon n’a échappé à cet engrenage que par le regard extérieur de son époux, qui lui a fait prendre conscience de la situation. Et également parce qu’elle n’avait pas été pré-conditionnée à la banalisation des conflits d’intérêts en tant qu’interne.

Dans le livre co-écrit avec A. Grimaldi elle exprime une position très claire et sans ambiguïté : « Les médecins hospitaliers ne devraient pas avoir le droit d’être consultants pour l’industrie pharmaceutique. On peut faire une exception encadrée pour la recherche clinique afin que des patients soient inclus dans des essais cliniques des industriels, mais que des médecins puissent être les VRP, aller dans leur board de consultant pour monnayer ce qui est en réalité du conseil marketing, et répandre ensuite la bonne parole en étant « ventriloques » des laboratoires (pour reprendre l’expression du Dr Bernard Dalbergue …Omerta dans les labos pharmaceutiques…) cela devrait être tout simplement interdit. »

Elle souhaite aussi que les laboratoires ne puissent pas approcher les étudiants en médecine.
Mais Irène Frachon s’est fixée comme objectif prioritaire la défense des victimes du Mediator et elle subordonne à cet objectif toute autre considération.


André Grimaldi, un médecin ambigu et sous influence


André Grimaldi n’est pas d’accord avec Irène Frachon sur le point de la nécessité de mettre fin aux conflits d’intérêts. Tout au plus demande-t-il une « transparence totale » (qu’il ne s’applique d’ailleurs pas à lui-même), et, si possible, la fin des conflits d’intérêts dans les agences de régulation [6]. Lorsqu’il est interrogé là-dessus dans une émission sur France Culture il n’est visiblement pas très à l’aise avec le sujet, et s’empresse d’en changer.

De même, je n’ai pas notion qu’André Grimaldi  se soit élevé contre le financement des associations de patients par l’industrie pharmaceutique. La Fédération des diabétiques français est la plus arrosée de toutes les associations de patients de France avec 491 000 euros reçus des laboratoires pharmaceutiques dont 144 000 de Sanofi en 2013 [6].

Pour lui l’affaire Mediator a été le coup de tonnerre dans le ciel tranquille de sa routine faite de relations avec les laboratoires, comme l’indique la liste des cadeaux et conventions dont il bénéficie sur la « base de données transparence santé ». On y apprend que de début 2012 au premier semestre 2015, il a bénéficié de 36 « cadeaux » ( repas, hébergements, invitations…) par divers laboratoires dont Sanofi, Merck, Lilly, et que, par exemple, le 19 avril 2015, Merck lui a offert un repas pour une somme de 49 euros. Il a aussi signé 51 conventions avec des laboratoires dont nous n’avons pas le détail (pratiquement une vingtaine de plus que celles relevées jusqu’au premier semestre 2014).
Compte tenu des nombreux avantages qu’il reçoit de divers laboratoires, il a grand besoin de se persuader que le cas de Servier reste une exception et que les méthodes de Servier et les dégâts provoqués sont uniques.

Sa vision peut se résumer ainsi. Les laboratoires pharmaceutiques sont source de progrès incessants  et majeurs. Même si ces laboratoires sont des brillants petits polissons et peuvent parfois chercher à élargir les indications de certains médicaments, comme le Lantus, au-delà du raisonnable (utilisé à tort dans le diabète de type 2), générant des coûts supplémentaires, tout cela ne porte pas à conséquence compte-tenu des bénéfices immenses que les laboratoires apportent aux populations. Il faut donc lutter activement contre le scepticisme et le doute qui s’emparent de certains médecins et patients par le biais de la vérité scientifique dont il est détenteur. Tout ce débat est surfait puisque la sécurité des médicaments est en constant progrès et s’est beaucoup améliorée notamment depuis l’introduction des essais randomisés. Il préconise aussi le déremboursement des médicaments inutiles de ville et l’utilisation des économies ainsi réalisées pour financer  les médicaments chers à l’hôpital. Il semble ainsi assimiler le prix élevé des médicaments à leur qualité [7].

Malheureusement toutes ces affirmations sont fausses. Cela a été montré par diverses personnes et de divers points de vue.

En 2005 la revue Prescrire avait analysé 3096 médicaments introduits sur le marché français pendant 24 ans entre 1981 et 2005 : seulement 7 (0,23% ou un sur 529) avaient représenté un progrès majeur, 77 (un sur 40), un progrès substantiel, et environ 70% des médicaments n’apportaient rien voire étaient même dangereux pour certains. La revue constatait également une dégradation constante dans le temps de la qualité des nouveaux médicaments [8]. D’autres, comme Bernard Dalbergue, ont constaté cette même dégradation de l’intérieur : mise en coupe réglée des services « recherche » et « marketing » au bénéfice du service des ventes pour qui tous les coups tordus étaient bons pour dégager des marges. Cela s’est traduit, sur le terrain,  par la conviction que la puissance de la stratégie marketing pouvait faire de n’importe quel  médicament un blockbuster, ce qui a été démontré à plusieurs reprises avec une accélération au cours des dernières années, et par l’établissement du primat du marketing sur la recherche.

Par ailleurs, les essais contrôlés randomisés ne résolvent rien puisque les agences exigent au plus deux essais randomisés positifs pour accorder une autorisation de mise sur le marché à un médicament et que les laboratoires ont pris la liberté de ne pas publier les essais négatifs, tout en considérant que les données des essais leur appartiennent et en refusant de les communiquer aux chercheurs. Il est également très aisé de biaiser un essai. Il existe quantité de méthodes comme de sélectionner des patients jeunes et résistants, changer les critères de jugement en cours de route, faire des essais suffisamment courts pour que le défaut d’efficacité n’apparaisse pas, occulter les effets indésirables etc.

Etrangement,  ou logiquement, André Grimaldi, prend la défense de l’Avandia® ou rosiglitazone, un antidiabétique de GSK qui a été retiré du marché en raison de ses effets indésirables cardiaques en 2010 : « Ce qui est scandaleux, c’est qu’on apprend la publication de cette étude par les banques, puis par médias, pas par les agences ou les associations professionnelles. Ça me rappelle l’affaire de l’Avandia de GSK : en 2006, cet autre médicament pour le diabète, a été torpillé par un article l’accusant d’augmenter les risques d’infarctus. L’affaire vient de se conclure par un non-lieu pour le labo, mais les médias n’ont pas repris l’information et en attendant, le médicament a été mis au tapis au profit de ses concurrents. »  [9] . C’est étonnant comme point de vue pour un médecin.

En réalité GSK a plaidé coupable devant la justice américaine, y compris pour des charges criminelles, c'est-à-dire pour avoir provoqué le décès de patients en occultant ou falsifiant certaines informations [10].  Au total GSK s’est engagé à verser 3 Mds de dollars aux victimes et à la justice en 2012.La récente remise en cause des problèmes de sécurité de ce médicament ne s’oppose pas à ce jugement. La FDA a accepté de revoir le statut de l’Avandia sur la seule base d’une étude menée par le laboratoire, pourtant accusé de falsifications de données, alors que ces résultats s’opposent aux résultats de plusieurs dizaines d’autres études. Il semble que l’étude prise en compte par la FDA soit l’étude RECORD, c'est-à-dire la même étude, financée par le laboratoires, qui avait été reconnue comme de mauvaise qualité et falsifiée [11]. Les conflits d’intérêts sont également omniprésents au sein de la FDA.

John Buse, un professeur de médecine spécialisé dans le diabète (Caroline du Nord), avait fait des études pour le compte du laboratoire Smith Kline sur l’Avandia. En 1999 il avait exposé, lors d’un congrès, son inquiétude au sujet des graves risques cardiaques que faisait courir ce médicament. Il avait alors subi des pressions de la part de sa hiérarchie, sur l’incitation de cadres de GSK, pour se taire.  Steven Nissen, qui avait publié une méta-analyse montrant les risques cardiaques de l’Avandia, reçut la visite de plusieurs cadres de GSK, tentant de faire pression sur lui pour qu’il ne publie pas son étude.
Très récemment, encore, GSK avait « oublié » de signaler des dizaines d’effets indésirables graves et un décès de nourrisson concernant son vaccin contre le rotavirus, le Rotarix°. Occulter des effets indésirables c’est ce que les laboratoires appellent « aveugler » les agences [12]. 
Les méthodes de GSK n’ont, en réalité, rien à envier à celles de Servier.


Jean-François Bergmann a laissé passer le Vioxx et n’a pas vu les effets indésirables du Mediator

Jean-François Bergmann, d’abord, dont l’incompétence et les conflits d’intérêts ont motivé sa « démission » forcée de la vice-présidence de la commission d’AMM en décembre 2012 après dix ans à ce poste.
De fait on peut dire que JF Bergmann a eu beaucoup de chance  d’échapper à une mise en examen. Il est probable qu’il doive cette chance à ses talents de comédien car il a pris garde de faire profil bas et de dire combien il regrettait de n’avoir rien vu (« je m’en veux »).

JF Bergmann et sa compétence
Sa cécité concernant le Mediator a persisté pendant les dix années passées en tant que vice-président de la commission des autorisations de mise sur le marché de l’AFSSAPS, puis ANSM.

Tout en se présentant comme un éminent pharmacologue, ayant formé à lui tout seul la moitié du personnel de l’ANSM, il affirme que la raison principale de son absence de réaction, alors même qu’on lui signalait régulièrement des cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en lien avec le Médiator  était que « le laboratoire n'a jamais admis la similitude pharmacologique entre l'isoméride et le benfluorex. ».
En tant que responsable et éminent pharmacologue il disposait pourtant de quelques petits indices qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille :

  1. Le benfluorex avait pour suffixe « orex » qui est le suffixe des coupe-faims, même si le laboratoire Servier le présentait comme un antidiabétique afin d’obtenir son AMM
  2. Il était le troisième médicament de la même famille, celle des fenfluramines, à avoir été accusé de provoquer des effets indésirables cardiaques et le deuxième à avoir provoqué un effet indésirable bien spécifique et reconnaissable, difficile à « rater » l’hypertension artérielle pulmonaire ou HTAP. A propos de cet effet indésirable il dit, avec pas mal de cynisme dans l’article : « Je m'en veux de ne pas avoir senti tout ça, en 2007, et appelé à une grande étude prospective. Il fallait du nez : à ce compte, pourquoi ne pas croiser la consommation de Toblerone et les entorses de chevilles ? »
  3. Pourtant, la première fenfluramine à avoir été retirée du marché pour avoir provoqué des HTAP était l’aminorex, un anorexigène, retiré du marché américain en1968. La deuxième était l’Isoméride ou dexfenfluarmine, dont la licence a été retirée en  septembre 1997 par la FDA aux Etats-UNis après qu’une troisième équipe de médecins, celle de la clinique Mayo, eut dénoncé publiquement des cas inquiétants de valvulopathies chez les patients prenant ce médicament.
  4. Le benfluorex, pour sa part, a un métabolite commun avec l’Isoméride, ce qu’un éminent pharmacologue ne pouvait ignorer {13]( Le méta­bo­lite actif prin­ci­pal du ben­fluo­rex, comme des autres fen­flu­ra­mi­nes, est la 3-tri­fluo­ro­mé­thyl amphé­ta­mine ou nor­fen­flu­ra­mine, l’amine de base qui a servi au déve­lop­pe­ment des autres com­po­sés. Le ben­fluo­rex lui-même est, par exem­ple, com­plè­te­ment méta­bo­lisé et n’est pas détec­ta­ble dans le plasma)
  5. En 1996, alors que JF Bergmann siégeait à la commission de la transparence, Lucien Abenhaim et coll publiaient dans le New England journal of medecine un article qui a fait beacuoup de bruit, confirmant la relation entre dérivés de la fenfluramine et HTAP [14]
Ajoutons que l'isoméride était un produit Servier.

JF Bergmann côté conflits d’intérêts : cas personnel et positionnement

Une recherche sur la base de données transparence santé permet de constater que JF Bergmann totalise 70 conventions entre janvier 2012 et le premier semestre 2015.

D’autre part, dans  un autre article on apprend que, tout en ayant des fonctions de régulation des médicaments au sein de cette commission qui avait des pouvoirs quasi discrétionnaires en matière de mise sur le marché de médicaments et de modification de mise sur le marché, JF Bergmann travaillait pour de nombreux laboratoires [15]. Qu’il a aussi fait placer son beau frère, Joseph Emmerich [16], à la tête d’un service très important de l’ANSM, ce qui a permis au dit Joseph, aussi blanc que son beau-frère Jean-François en matière de conflits d’intérêts, d’accéder aussi à la commission des médicaments à usage humain (CHMP) de l’agence européenne du médicament qui donne des avis sur la mise sur le marché des médicaments au niveau européen.

JF Bergmann a trouvé entretemps un emploi qu’on peut penser très bien rémunéré chez Prioritis [17] où son profil d’ancien membre de la commission d’AMM est bien mis en avant, ce qui est normal, puisque cette société a pour clients les compagnies pharmaceutiques, et pour activité le conseil stratégique et la constitution de dossiers pour les médicaments qui vont être évalués par les autorités régulatrices. C'est-à-dire qu’elle contribue à l’ « enfumage » dont JF Bergmann dit avoir été victime pendant qu’il occupait le poste de vice-président de la commission d’AMM.

Sur son positionnement vis-à-vis des conflits d’intérêts.

JF Bergmann assure qu’ils n’ont aucune influence sur les décisions prises dans les commissions. On ne peut pas dire que ce fut le cas pour le Rédux, version américaine de l’Isoméride dont Servier avait cédé la licence pour les Etats Unis à Wyeth. En effet, après un premier refus par une commission de mettre ce médicament sur le marché en 1995, un point de procédure fut invoqué par la hiérarchie de la FDA, au sein de laquelle se trouvait un medecin ayant travaillé pour Wyeth sur un autre anorexigène, Michael Weintraub, pour que se réunisse une deuxième commission recomposée qui donne, cette fois le feu vert. J’ai déjà dit que cette AMM fut retirée en 1997 en raison des effets indésirables du médicament.
JF Bergmann affirme aussi cumuler les conflits d’intérêts et en être fier.
Je pense que, d’un point de vue moral, qui est le cœur de la pétition, on a déjà connu des niveaux d’exigence plus élevés.

En conclusion, pour moi ne pas signer ce Manifeste des 30 est une question de cohérence. Je pense que les laboratoires Servier ne sont pas une exception. Il est probable que le Vioxx ait provoqué autant de morts ou plus en quelques années que le Mediator en 30 ans. Seulement, dans le cas du Mediator, la persévérance d’Irène Frachon, des coups de chance et des coups de force, ont empêché les autorités d’enterrer l’affaire comme elles tentaient de le faire.

Faire du Mediator et de Servier un cas à part et demander à des médecins perclus de conflits d’intérêts qu’ils ne renient pas de faire la morale à leurs confrères, revient à banaliser les conflits d’intérêts dans la communauté médicale. Cela comporte beaucoup plus de risques que d’avantages.


Notes

[8] Innovation en panne et prises de risques (en PDF)
[12] http://docteurdu16.blogspot.fr/2015/03/marisol-touraine-en-chef-du-lobby.html cf commentaire du premier avril « petit topo sur le vaccin contre le Rotavirus.




jeudi 27 août 2015

Le manifeste des 30.


Les pétitions comme les manifestes ont rarement pour but de défendre des victimes mais plus souvent   comme objectif de faire mousser les signataires. Il y a des exceptions que les historiens ne manqueront pas de citer pour montrer qu'ils sont au fait de l'exhibitionnisme hystérique qui est le nec plus ultra ou, plus précisément, le sommet des élégances en cette décennie de téléréalité.

Comme d'habitude en ce blog je vous propose d'abord de lire le fameux Manifeste des 30 : ICI.

Le texte est d'une rare naïveté, le contenu juridique en est pauvre et le prêchi prêcha moralisateur est d'un ridicule achevé. Mais, après tout, les bons sentiments ne faisant pas de la bonne littérature, il n'y a pas de raison pour qu'ils fassent de la bonne médecine ou de la bonne justice. J'ai retenu ceci : boycottons Servier.

Mais je commence par la fin et vous ne pouvez comprendre si vous ne saisissez pas d'emblée que ce texte est d'autant plus extravagant, il aurait pu être signé par le docteur Branchard ou le docteur Martin, braves médecins généralistes d'une province éloignée n'ayant jamais prescrit ne serait-ce une seule fois un comprimé de Mediator, ne recevant pas la visite médicale et dont les seuls congrès auxquels ils auraient participé auraient été celui des pêcheurs à la mouche, pour l'un, et celui des fans de Barbaby, pour l'autre, non, ce Manifeste est d'autant plus "étonnant" que certains des signataires sont des membres éminents de l'intelligentsia médicale, des membres incontournables de la parole divine et mandarinale, celle que l'on entend partout, de RTL à France-Culture en passant par France Inter et Radio Courtoisie, mais surtout de certains "vrais" gens qui ont tenu les rênes du pouvoir médical et touché les bénéfices, qu'ils fussent académiques ou pécuniaires, du lobby santéo-industriel. 

Ce que je vais dire signifie sans doute pour vous que je touche de l'argent de Servier, de Euthérapie ou de Biogaran ou que je me tamponne des victimes du Mediator comme de la moindre narcolepsie sous Pandemrix, mais vous auriez tort de le penser.

Ainsi, et je ne parlerai pas ici des philosophes et des personnalités engagées (sic) qui ont signé, je parlerai des médecins que je connais un peu pour les fréquenter, les lire et... supporter parfois leurs médiocres arguments et leurs contradictions. 

Commençons par le commencement : ce Manifeste, sans doute parce qu'il est pluridisciplinaire, s'extrait d'obligations légales pour les médecins (pour les philosophes et les personnalités engagées je ne connais pas la réglementation), à savoir, puisqu'ils parlent de médecine, de médicament et de firme pharmaceutique, ils se doivent de déclarer leurs liens d'intérêts (article L.4113-13 du Code de la santé publique). Que nenni, ils ne le font pas. Nous le ferons donc pour eux. Et comme ce Manifeste est signé par le président du Formindep dont on connaît la virulence en général et à juste titre à l'égard des liens et conflits d'intérêts (pour la différence ne pas demander aux mandarins), on se pose des questions existentielles sur la division de la conscience et sur cette entreprise de blanchiment.

Continuons en disant qu'il y a sans doutes des gens "bien" qui signent le Manifeste mais que le voisinage nauséabond de certains altère leur naïve bonté.

Le top des tops des signataires est sans doute Jean-François Bergmann. Homme bon que nous avons reconnu brillant dans l'affaire des traitements hyper chers et peu efficaces de l'hépatite C et qui fut, vous pouvez écarquiller les yeux, vice président de la commission de la transparence entre 1996 et 2001 puis président de la commission d'AMM de 2001 à 2011 ! En lisant cet entretien reproduit par le journal L'Express (LA) on reste pantois devant tant d'arrogance, de candeur et de "Je suis responsable mais pas coupable". Quand on regarde l'histoire des agences françaises on est stupéfait de constater que ses membres étaient tous éminents, compétents et non corrompus et, qu'en raison de ces qualités reconnues par tous, ils n'ont cessé de se tromper et de favoriser les industriels en laissant passer des produits douteux. Si vous voulez plus d'informations sur ce lanceur d'alerte qui a mis 16 ans à perdre son poste, à renoncer à ses avantages et a, à force de courage, bravé l'interdiction professionnelle, pour finir par pantoufler dans l'industrie (ICI), le blog Hippocrate et Pindare, en fin de billet, vous informera mieux : LA. On hésite, pour parler de cet homme, entre les termes incompétence et corruption.

Il y a aussi André Grimaldi. Il est diabétologue, il a beaucoup travaillé avec un autre groupe français Sanofi, concurrent de Servier en ce domaine, et, bien entendu, pas de lien d'intérêt déclaré. Lui, c'est un gars de gauche, le mandarin de gauche, donc, qui, sur France-Culture, trouve normal de travailler avec l'industrie, ce qui est loin d'être une tare, mais ne reconnaît pas que cela puisse l'influencer, ça, c'est moins bon. Le commentaire de CMT (ICI) enfonce le mandarin qui défendait Lantus et Avandia... contre les méchants. Quant à ses prises de position à l'égard des statines, elles feraient frémir un membre même le plus attentionné du Formindep. Toujours est-il qu'un mandarin de gauche payé par Sanofi propose le boycott des produits d'un concurrent...

François Chast fait aussi partie de la fine équipe, celle à qui le livre d'Even et Debré a porté ombrage (et, entre parenthèses, le Formindep l'a porté aux nues, ce livre, LA) et qui n'a pas supporté la gloire médiatique de ces deux mandarins chenus et, surtout, le tirages du dit livre... Chast, en bon commentateur d'études qu'il ne connaît qu'en seconde main, a des arguments très forts sur les vaccins, les génériques, et... le mediator (et je vous laisse méditer sur cette phrase, à la fois une accusation forte et une preuve flagrante d'incompétence : "Dès 1976, la direction du médicament au ministère de la Santé avait pointé le fait que c’était une amphétamine."). Il est heureux que Lucien Abenhaim n'ait pas signé ce manifeste. Et pourquoi pas Even ou Debré ? 

Dans le menu fretin il y a aussi l'inénarrable Gérard Bapt. Celui qui s'est autoproclamé lanceur d'alerte universel et qui n'a eu de cesse, quand la vertu l'a poussé à devenir chevalier blanc (à moins que cela ne fût l'inverse), de caviarder sa biographie afin de supprimer sa participation à un cercle de réflexion (non, ce n'est pas le Club de l'Horloge), le cercle Hippocrate, largement financé par les laboratoires pharmaceutiques (dont GSK et Sanofi) (ICI) et de faire aussi oublier ses liens particuliers avec Sanofi (LA).

Je pourrais parler d'Israël Nisand, pape strasbourgeois omnipotent de la gynéco-obstétrique, dont les liens d'intérêt avec les industriels de la pilule contraceptive sont connus (LA), qui n'a jamais signé de manifeste en faveur des victimes des pilules de troisième et quatrième génération pour lesquelles il était très chaud, qui impose la pilule contragestive pour des IVG tardives aux consultantes de son hôpital, et qui a fait des déclarations bruyantes sur la nécessité de la contraception involontaire chez les femmes.

Défendre les victimes du Mediator est une belle cause et le docteur Irène Frachon en a fait sa raison de vivre (je rappelle ici qu'en tout et pour tout elle est citée 12 fois dans Pubmed - LA -, ce qui ne témoigne pas d'une activité de recherche inouïe. ERRATUM : un commentaire signale qu'il y a 35 publications, voir ICI,  dont 7 en premier auteur, ce qui ne change pas grand chose) mais tous les moyens ne sont pas bons.

Défendre les victimes du Mediator, les quelques et trop nombreuses victimes du Mediator, est respectable. Faire croire que les laboratoires Servier, entreprise familiale non cotée en bourse, sont les seuls à utiliser des méthodes détestables dans l'industrie pharmaceutique alors que l'actualité récente est remplie de victimes beaucoup plus nombreuses émanant de grands groupes internationaux, est fallacieux.

Mais on ne m'enlèvera pas de l'idée que le procès Mediator a été mal engagé juridiquement et qu'il fallait, contre les avocats expérimentés de Servier, envoyer du lourd à l'abordage.

Boycotter Servier ? Certes, mais pourquoi pas Pfizer, et MSD, et Glaxo ?

Illustration : Réunion du concile de Trente à l'église Santa Maria Maggiore.