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jeudi 13 décembre 2012

Achille et le chirurgien. Histoire de consultation 140.


Monsieur A, 37 ans, consulte pour "j'ai la grippe".
J'ouvre le dossier et je découvre un courrier d'un chirurgien orthopédiste datant de mai dernier qui a été scanné par la secrétaire et que je n'avais pas lu. Pendant que le malade s'assied, et cetera, je lis : "... Il y avait effectivement une rupture du tendon d'Achille mais le patient n'a pas souhaité se faire opérer car il repartait pour l'étranger..."
Je ne me sens pas à l'aise d'être passé à côté du diagnostic alors que je me rappelle avoir recherché la rupture avec la méthode habituelle (patient sur le ventre, le pied dépassant du lit d'examen...)
Monsieur A est un expatrié qui travaille en Tunisie.
Retour en arrière avec reconstitution de l'historique.
  1. Au mois de mai 2012 Monsieur A arrive de Tunisie vingt jours après qu'il s'est amoché le pied en  tombant sur un chantier. Voici ce qu'il me dit (il faut toujours être prudent) : "Ils m'ont fait une radio et ils m'ont dit que c'était un claquage". Il a toujours mal. Je l'examine et je note dans le dossier "Tendinite achiléenne avec élongation du mollet." Je prescris les trucs habituels (dont une chaussure de marche, dont des conseils d'auto kinésithérapie et dont des antalgiques) et une échographie du tendon d'Achille.
  2. L'échographiste (je précise que je n'ai vu ni l'échographie ni le compte rendu de l'échographie et qu'il s'agit du verbatim du patient) dit qu'il y a une rupture du tendon d'Achille et qu'il faut aller voir le chirurgien qui, comme par hasard, consulte ce jour là (et j'ajouterai : c'est le meilleur de la clinique à mes yeux).
  3. Le patient consulte le chirurgien hors parcours de soins (cf. plus haut le courrier). Le patient me dit : "Le chirurgien m'a dit que c'était un peu tard pour opérer mais qu'il aurait fallu..."
  4. Je demande donc au malade qui est retourné travailler dans son bureau d'études tunisien et qui revient en décembre, "Comment ça va, le tendon ?" Il me regarde étonné : "Mais je n'ai plus mal. J'ai juste une petite boule derrière..." Je comprends mieux qu'il ne m'en veuille pas d'être passé à côté de la "rupture".

J'ai examiné le patient, il a effectivement tout récupéré.
Quelques enseignements ?
Le médecin traitant, même quand il se trompe, mais me suis-je trompé ?, sert à quelque chose.
Le parcours de soins (mais il s'agissait d'un cas particulier, celui d'un expatrié) est bafoué par le radiologue et, j'ajouterais, les radiologues parlent toujours trop. 
Le parcours de soins peut éviter le copinage spécialiste / spécialiste (et j'écrirai un jour un post sur le rôle délétère des hôpitaux et des cliniques sur le point du copinage et de l'absence de choix des patients).
Heureusement que le chirurgien n'a pas opéré.

(Le combat d'Ulysse et d'Ajax)