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dimanche 13 avril 2014

L'accès aux soins assuré pour ne rien faire. Histoire de consultation 166.


A, 13 ans, vient avec sa maman parce qu'elle a mal à la gorge.
Elle a pris rendez-vous.
Ce jour, et bien que mon ancien associé retraité soit venu m'aider comme tous les samedis, nous avons refusé du monde.

(Désolé de mélanger les sujets mais je me suis fixé, en travaillant le samedi, et peu de médecins sur zone travaillent le samedi, de ne plus donner de rendez-vous au delà de 14 H 30 tout en commençant  à 8 H 30 (journée "continue"). Je tente de m'y tenir et cela fonctionne depuis de nombreuses années.  Grosso modo je pars du cabinet vers 15 H 30 les bons jours après avoir fait la compta, télétransmis et sauvegardé). Pour mémoire, quand je me suis installé en 1979, je faisais des visites le samedi matin, entre 3 et 5 environ, et ma consultation "libre" sans rendez-vous, commençait à 13 H 30 et se terminait à 19 H alors que mon associé travaillait sur rendez-vous entre 8 H 30 et 13 H.

A a mal à la gorge et il s'agit d'une banale pharyngite.
Je pourrais poser la question à 23 euro : Mais qu'est-ce qu'elle avait à faire dans mon cabinet, un samedi matin, sur rendez-vous, alors qu'elle n'avait qu'une pharyngite ?
Attendez la suite.

A est forte. Elle présente un net surpoids.
Elle est partagée entre l'idée de maigrir et celle de ne pas y arriver.
Mais c'est autre chose qui m'intéresse.
Elle est allée aux urgences il y a deux semaines pour l'esquisse de l'esquisse d'une tentative de suicide.
Les faits sont clairs : harcèlement au collège pour des raisons non éclaircies. Les parents ont fait le nécessaire auprès de l'administration qui a tenté de se cacher derrière des On ne sait pas, On n'a rien remarqué, Pas de vagues, mais aussi ont porté plainte ce qui a fait bouger le principal du collège qui avait décidé d'enterrer l'affaire.
 Quant aux enseignants, Ils demandent une formation... Passons.
A continue de fréquenter le collège car les parents n'ont pas souhaité que ce soit elle qui parte et, surtout, parce que cette jeune fille est parfaitement intégrée, a des copines et des copains, fait du sport et que le harcèlement a cessé. Du moins d'après ce que l'on en sait.
A est donc allée aux urgences, on s'est occupé d'elle, je le répète, il s'agissait de l'esquisse de l'esquisse d'un geste automutilant, enfin, on lui a fait un pansement, et on l'a gardée pour la nuit afin qu'elle puisse voir la psychologue le lendemain.
Le lendemain, tard dans la matinée, est arrivée la diététicienne qui n'était au courant de rien et qui croyait que A avait été hospitalisée pour surpoids : elle venait établir la liste des menus pour la semaine... Ainsi la détermination de l'IMC doit-elle faire partie d'un programme spécial dans le cadre de la Politique Nationale de Santé (j'invente bien entendu) qui déclenche l'arrivée d'une diététicienne chez les ados qui ont dépassé le seuil fatidique. La maman a dit non et la diététicienne a replié ses menus et proposé un rendez-vous le mois suivant en regrettant la prime d'IMC qui venait de lui passer sous le nez ainsi qu'à tout le service... Quant à la psychologue : nada.

A est donc devant moi avec sa pharyngite, son futur paracetamol, son surpoids et l'esquisse de l'esquisse d'une tentative de suicide.
Nous parlons harcèlement et je la trouve un peu distante.
Nous parlons surpoids et nous convenons qu'elle va noter tout ce qu'elle mange pendant la semaine et qu'elle prend rendez-vous samedi prochain.
Nous essaierons également de trouver un rendez-vous chez un psy (dans cent ans) car A l'a demandé (mollement) et que cela paraît souhaitable dans le cadre des expérinces interne et externe.

Ah, encore un détail : la maman (je n'ai pas dit que je la connaissais déjà alors qu'elle était plus jeune que sa fille) me tend l'ordonnance qu'un pédiatre de l'hôpital lui a fourguée au moment de partir. Il ou elle lui  a prescrit le vaccin contre la méningite B.
La maman a dit qu'elle demanderait à son médecin traitant.

Résumé provisoire de cette affaire : le programme de lutte contre le surpoids (sic) est plus important qu'un hypothétique programme de lutte contre le mal être des adolescents ; l'accès aux soins est assuré pour les pharyngites virales un samedi matin en médecine générale ; il est plus facile d'être vu aux urgences par une diététicienne que par un psy (chiatre ou chologue) ; big vaccine offre des facilités aux pédiatres des urgences ; l'interne a pensé au vaccin mais pas à un rendez-vous avec un psy ; l'hôpital assure l'accès aux soins pour des soins que le patient ne demande pas.

Illustration : Le Carré de White (1961) : White KL, Williams TF, Greenberg BG. The ecology of medical care. N Engl J Med 1961 ; 265 : 885-92. (ICI pour des commentaires)