dimanche 1 février 2009

HISTOIRES DE CONSULTATION : SEPTIEME EPISODE

UNE DÉPRESSION ADMINISTRATIVE

Madame V a quarante-deux ans. Elle va mal depuis de nombreuses années en raison de problèmes familiaux : son mari, ses enfants, son boulot. Elle va mal mais elle en sort. Mais aujourd'hui la coupe est pleine. Elle pleurote dans mon cabinet. On parle, on discute, je la connais par cœur mais, bon, on ne sait jamais, a-t-elle envie de se jeter par la fenêtre ? Il ne semble pas. On va dire, pour faire plaisir à tout le monde qu'elle est déprimée. Cela ne lui convient pas tout à fait mais il est certain qu'elle présente certains traits de la dépression. Cela ne me convient pas vraiment mais je suis prêt à céder. Cela va me permettre de gagner du temps. On parle, on reparle, elle n'a pas d'idées suicidaires, elle a un peu de mal à envisager l'avenir mais n'importe qui, dans sa situation, serait un peu embêté : son mari boit (mais pas trop), ses enfants n'aiment pas beaucoup l'école et sa directrice ne l'aime pas. A cause de son mari et de ses enfants, semble-t-il. Je me dis : qu'est-ce que je ferais dans sa situation ? Eh bien, franchement, j'en aurais un peu ras le bol. Mais serais-je déprimé pour autant ?
Nous convenons donc qu'elle prendra un anxiolytique à la demande en cas de crise d'angoisse.
Arrêt de travail car elle ne supporte pas sa directrice.
Coup de fil affolé de la patiente quelques jours après : elle a été convoquée par le médecin du travail de la territoriale qui lui a demandé fortement pourquoi son médecin traitant ne lui avait pas prescrit d'antidépresseurs et pourquoi n'était-elle pas allée voir la psychologue ?
Je calme la malade et prends mon téléphone.
Le médecin du travail est une femme charmante, je la connais un peu, mais elle y tient : il serait nécessaire qu'elle voit une psychologue de secteur et elle voudrait savoir pourquoi j'attends de lui prescrire des antidépresseurs. Ma patiente ne rêvait pas.
J'essaie de lui expliquer qu'il ne s'agit pas d'une dépression vraie, que je ne vois pas l'intérêt d'aller chez une psychologue, peut-être chez un psychiatre, et encore. Et, de toute façon, vus les délais...
Le médecin du travail n'est pas contente du tout : je dois être un mauvais médecin puisque je ne prescris pas du prozac ou apparentés.
j'essaie encore de lui dire que le problème de cette femme n'est pas au prozac mais à ses conditions de vie et que je m'emploie pour qu'elle les accepte mieux. Nus faisons des efforts.
Elle n'est pas convaincue. Elle finit par me dire que cette femme travaille à la crèche, qu'elle a parlé à la directrice qui pense elle-aussi qu'elle est déprimée...
Alors, là, je lui demande si c'est son habitude de discuter médecine avec les directrices de crêche, si elle n'est pas soumise, comme tout le monde, au secret médical, et si les informations qu'elle a dû forcément laisser filtrer ne sont pas venues aux oreilles des collègues de la patiente.
Son silence est éloquent.
Je ne sais plus quoi faire mais désormais, mon objectif, mais cela l'était déjà auparavant, c'est quand même de protéger ma patiente et de faire en sorte qu'elle puisse reprendre le travail le plus rapidement possible. Comment va-t-elle avoir envie de réapparaître devant ses collègues avec un diagnostic de dépression avérée et en sachant qu'on leur a dit sur elle des choses qu'elles n'auraient pas dû savoir ?
Faut-il que je fasse un courrier au directeur de la médecin du travail ?
Je dois avant tout rassurer ma patiente.
C'est ce que je vais essayer de faire.
Tout le monde est capable de réfléchir à ce cas : cette patiente n'est manifestement pas dépressive ; l'institution a décidé qu'elle l'était ; la société pense par ailleurs que tous les dépressifs doivent aller voir un psychiatre et prendre des antidépresseurs. Les médecins du travail aussi. Faut-il, pour être vraiment dépressif, prendre des antidépresseurs ? De quoi la société a-t-elle peur ?

jeudi 29 janvier 2009

HISTOIRES DE CONSULTATION : SIXIEME EPISODE

Un clin d'oeil aux manifestations.

Monsieur S, 56 ans, est un supporter acharné de l'OM. Nul doute qu'il ne s'agit pas d'une catégorie de patients cataloguée par le census braunien mais toujours est-il que ce patient que je connais depuis mon installation, dont je suis le médecin de sa famille depuis mon installation, mais pas son médecin depuis mon installation parce qu'il travaille à la SNCF et qu'il a l'habitude d'aller voir les médecins SNCF (je passe sur ce détail anecdotique sans faire aucun commentaire sur les médecins SNCF, nous sommes à la veille d'un jour de lutte sociale et il faut aussi que les médecins serrent les rangs pour obtenir le plus vite possible des augmentations d'honoraires, donc : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, dont les médecins SNCF, dont acte), donc, ce monsieur, charmant au demeurant, qui a désormais choisi que je sois son médecin traitant depuis qu'il n'est plus contraint d'aller consulter un médecin agréé (je n'ai pas dit agrégé bien que je connaisse de nombreux médecins agrégés, voire chefs de service, qui sont médecins SNCF, dans un grand élan social, n'en doutons pas), supporter acharné de l'OM (personne n'est parfait et nul ne me reprochera de ne pas pratiquer l'empathie et encore moins la sympathie puisque je suis supporter, pas acharné du tout, du Paris Saint-Germain -- chacun ses faiblesses et c'est mieux que de prescrire du pipi de chat hors AMM à un malade qui est tout juste un patient), est malade.
Pour l'heure, rien de politiquement incorrect. Il a même une angine et, comme c'est un malin et que, bien que supporter de l'OM acharné (et il ne sait pas encore que l'OL va battre ce soir son équipe préférée lors d'un match d'un ennui profond), il ait un poil d'humour, il me lance, rigolard : "Les antibiotiques, docteur, c'est pas automatique." Je lui lance une réplique à ma façon (le genre mec qui comprend mais à qui on ne la fait pas...) puis il ajoute : "J'ai surtout une grande nouvelle à vous annoncer : je suis à la retraite depuis le premier janvier !"
Je le regarde avec sérieux et tristesse : Je crains, cher ami, que vous ne deviez changer de médecin traitant. Si vous ne pouvez conduire un train à cinquante-six ans, moi, au même âge que vous, je ne suis pas non plus capable de vous soigner..."
Il a eu beaucoup moins d'humour que pour les antibiotiques mais il a fini par rire jaune et après être sorti du cabinet, avec une ordonnance sans antibiotique, il m'a serré la main avec chaleur.
Le reverrai-je un jour ce joyeux retraité ?

dimanche 25 janvier 2009

ALLHAT : CONFLITS D'INTERET CHEZ LES CHASSEURS DE CONFLITS D'INTERETS

L'étude ALLHAT et ses (non) conséquences en termes de prescription résument de façon spectaculaire la résistance aux changements [Coch L, French JRP (1948) Overcoming resistance to change. Human Relations, Vol 11, pp 512-32] Cette notion de résistance aux changements est généralement appliquée au domaine du monde du travail mais a été souvent élargie (et galvaudée ?) à la société tout entière.
Elle a souvent permis aux innovateurs de s'auto-justifier lorsque les réformes qu'ils avaient proposées ne "marchaient" pas. Ce qui leur permettait de s'exonérer de s'interroger sur la validité intrinsèque des changements qu'ils proposaient.Dans le cas de l'étude ALLHAT il est généralement admis que la résistance aux changements (c'est à dire le non changement des habitudes de prescription de molécules dans le traitement de l'hypertension artérielle [HTA] par les médecins provient surtout des influences délétères de l'industrie pharmaceutique (Byg Pharma) et de son rôle néfaste pour promouvoir les produits les plus chers aux dépens des produits les plus anciens.

Nous avons déjà analysé l'étude sous cet angle : voir LA.

Mais nous nous attacherons ici à analyser un certains nombre de commentaires sur l'étude elle-même, notamment sur un site "indépendant" de formation médicale continue (FMC) ou, plutôt, de surveillance de l'indépendance de la FMC [http://formindep.org/Grande-etude-petites-consequences], et un certain nombre de recommandations comme celles de La Revue Prescrire "déduites" de l'étude ALLHAT dont nous avons déjà parlé sur ce blog : [http://docteurdu16.blogspot.com/search/label/HTA%20%3A%20traitement%20de%20deuxi%C3%A8me%20ligne%20selon%20La%20Revue%20Prescrire].


La critique de Byg Pharma.
Voici ce que je lis sur le site Formindep pré-cité, c'est le début d'une phrase : "Voilà donc un essai indépendant, financé par l'argent public, à la méthodologie inattaquable,...".

  • "Essai indépendant, financé par l'argent public," : cet essai, dont le promoteur était le National Heart, Blood and Lung Institute, qui est une des agences du National Institute of health, (NHLBI is part of the National Institutes of Health (NIH), the Federal Government's primary agency for biomedical and behavioral research. NIH is a component of the U.S. Department of Health and Human Services.) peut être retrouvé en ligne[http://www.nhlbi.nih.gov/health/allhat/facts.htm], a coûté 130 millions de dollars dont 40 millions de dollars payés par Pfizer (source : New-York Times cité par Formindep : http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?_r=1&scp=1&sq=allhat&st=cse). Peut-on donc affirmer avec autant d'aplomb que l'essai était financé par l'argent public, en laissant entendre, seulement par l'argent public, alors qu'un peu plus de 30 % des fonds provenaient du premier laboratoire mondial dont le chiffre d'affaires dans l'HTA pour le produit Norvasc (amlodipine) était en 2002 de 38,1 milliards de dollars ?

  • "...à la méthodologie inattaquable," : il faut être assez innocent et peu expérimenté pour penser que la méthodologie d'un essai puisse être inattaquable ! La mise au point d'un essai clinique est une entreprise intellectuelle et scientifique qui entraîne, à tous les moments du processus, des prises de décision, des arbitrages, des choix cornéliens, quand il ne s'agit pas de choix liés à des contraintes... économiques. C'est Pfizer en particulier qui a imposé le Cardura (doxazosine) dans l'essai en augmentant sa participation financière de 100 % (cf. supra) ! Ce qui n'a pas été une initiative très heureuse ! Et ce qui montre combien les firmes peuvent s'auto-intoxiquer par tout le bien qu'elles pensent a priori de leurs produits et combien l'esprit critique est indispensable dans la prise de décision industrielle.Pourquoi, en particulier, n'avoir pas introduit un bêtabloquant comme produit de première ligne, notamment chez des patients avec au moins un facteur de risque, dont coronarien ? Les auteurs répondent : en raison des contre-indications : dont acte.
Voici un certain nombre de points qui semblent infirmer l'idée d'une méthodologie attaquable :
  1. Le recrutement des patients. Il y avait deux types de patients inclus : d'une part des patients naïfs qui n'avaient jamais reçu auparavant de médications antihypertensives, d'autre part des patients hypertendus traités qui n'avaient pas atteint les valeurs cibles. Ces patients présentaient au moins un facteur de risque associé, soit, par exemple, être fumeurs et / ou présenter un diabète sucré. Jamais dans les commentaires lus cette mention n'est rappelée.
  2. Le recrutement des patients. Les patients naïfs avaient en moyenne (SD) à l'inclusion des pressions artérielles (PA) de 156 (12) / 89 (9) mm Hg, ce qui signifie que nombre de patients inclus dans cette étude à la méthodologie inattaquable ne sont probablement pas considérés comme des hypertendus à traiter par La Revue Prescrire [Rev Prescrire 2004;24(253):601-11] mais il est vrai que je n'ai pu me procurer la distribution des patients en fonction de leurs PA... Quant aux patients déjà traités et inclus dans l'essai leurs chiffres moyens de PA étaient de 145 (16) / 83 (10) mm Hg (mêmes remarques).
  3. La randomisation. Il est assez difficile, même si la randomisation automatisée a été faite par téléphone, de croire que les médecins n'étaient pas au courant de la médications qu'ils donnaient dans la mesure où la première phase a été une phase de titration avec le dosage des produits inscrits sur le comprimé (les dosages de titration de la chlortalidone [12,5 ; 12,5 en aveugle, 25] sont différents de ceux de l'amlodipine [5, 10, 20], du lisiprinosil [10, 20 et 40 mg] et de la doxazosine). Détails, me direz-vous, mais méthodologie inattaquable : nenni.
  4. La deuxième phase de traitement : lorsque les objectifs de PA n'étaient pas atteints et que la dose maximum du premier produit avait été atteinte, les patients recevaient soit de l'atenolol (25 à 100 mg / jour), soit de la réserpine (0,05 à 0,2 mg / jour), soit de la clonidine deux fois par jour (0,1 à 0,3 par prise). On ne peut pas dire qu'il s'agisse de produits "modernes" (ces produits ne sont même pas cités par LRP dans les produits utilisables dans le traitement de l'HTA) et on peut remarquer que la chlortalidone a plutôt un effet coopératif... Quant à la troisième phase, je ne résiste pas à vous la donner en exclusivité : hydralazine (25 à 100 mg deux fois par jour). Il était cependant possible de donner les autres molécules de la première phase en fonction des circonstances cliniques...
Les Préconisations de La Revue Prescrire.
Comme nous l'écrivions le jeudi 20 mars 2008 [http://docteurdu16.blogspot.com/search/label/HTA%20%3A%20traitement%20de%20deuxi%C3%A8me%20ligne%20selon%20La%20Revue%20Prescrire] La Revue Prescrire a décidé de privilégier les monothérapies successives après échec du traitement diurétique plutôt que les bithérapies d’emblée à partir de sources qui, selon LRP, sont d’un faible niveau de preuve [Dickerson JEC et al. Optimisation of antihypertensive treatment by crossover rotation of four major classes. Lancet 1999;353:2008-13] : selon cette étude, quelle que soit la première monothérapie utilisée (diurétique, bêtabloquant, IEC ou IC) seuls 39 % des patients ont atteint l’objectif de réduction de la pression artérielle (en dessous de 140 / 90 mm Hg) sans différence entre les monothérapies tandis que 73 % des patients ont atteint l’objectif avec au moins une de ces monothérapies testées successivement pendant un mois.
La question qui se pose est la suivante : pourquoi La Revue Prescrire n'a-t-elle pas suivi les Préconisations de l'étude ALLHAT ?
"De nombreux patients hypertendus ont besoin de plus d'une molécule pour contrôler la PA de façon parfaite et les diurétiques devraient faire partie des traitements multiples."
La Revue Prescrire n'aime-t-elle pas, par principe, les associations fixes qui auraient permis d'augmenter de façon significative le nombre de patients traités par diurétiques thiazidiques ?
Enfin, il aurait été intéressant de noter qu'une étude ne durant que six ans, pouvait passer à côté de la survenue de diabètes de type II chez les patients traités par diurétiques (et qui n'apparaîtraient qu'au bout de dix ans).

Conclusion : Mêmes les études les plus inattaquables sont discutables et une discussion avec TOUS les arguments méritent mieux qu'une mise en cause a priori de l'industrie pharmaceutique. La transparence doit s'appliquer même aux résultats qui dérangent.
Ainsi, la résistance aux changements, doit autant aux médecins qui sont gênés (à tort me semble-t-il) par les contraintes supposées des diurétiques qu'aux malades (mis au courant des effets indésirables possibles des diurétiques) qui pourraient les refuser.

mardi 20 janvier 2009

CONFLITS D'INTERETS : LA FDA NE FAIT PAS SON BOULOT

Selon un rapport des contrôleurs du Department of Health and Human Services américain [The Food and Drug Administration's Oversight of Clinical Investigators' Financial Information. Department of Health and Human Services, Office of Inspector General. January 2009. Available at http://www.oig.hhs.gov/oei/reports/oei-05-07-00730.pdf.] la FDA ne fait pas son boulot qui est de s'assurer que les recommandations fédérales exigeant des promoteurs d'essais cliniques qu'ils rassemblent les informations financières concernant les investigateurs lors de la sortie des essais et qu'ils essaient de minimiser les possibilités que les intérêts financiers modifients les résultats soient respectées.

Près de 42 % des nouvelles demandes de commercialisation d'un produit approuvées par la FDA en 2007 ne comportaient pas d'informations sur de potentiels conflits d'intérêt concernant les investigateurs susceptibles d'entraîner des biais au cours du processus d'approbation. Bien plus : dans un cinquième des cas où ces informations étaient présentes, la FDA n'est pas intervenue.

La FDA n'a pas nié les faits rapportés.

Les faits importants de ce rapport sont les suivants :
  • Seulement 1 % des investigateurs (206 sur 29691) a déclaré un intérêt financier.
  • La FDA ne dispose pas de la liste complète des investigateurs cliniques et ne pratique pas des inspections sur sites pour confirmer que les informations financières soumises sont complètes, ce qui signifie qu'elle ne peut savoir si les promoteurs ont fourni des informations finacières sur tous les investigateurs.
  • Pour 42 % des demandes approuvées par la FDA, les informations financières sont manquantes, pour 23 % des demandes le certificat de déclaration est manquant et dans 28 % des demandes les sponsors "due-diligence", c'est à dire "avec un devoir élémentaire de précaution" (ou : de bonne foi).
  • La FDA ne documente pas les informations financières pour 31 % des demandes.
  • Dans 20 % des demandes où apparaissent des conflits d'intérêt financiers ni la FDA ni les promoteurs ne font quelque chose.
Rassurant, non ?

jeudi 15 janvier 2009

GLAXOSMITHKLINE SAVAIT POUR LA ROSIGLITAZONE / AVANDIA !

Le Wall Street Journal qui, comme vous le savez, est un journal gauchiste, mais, comme vous le savez aussi, préfère probablement les intérêts américains à ceux d'un groupe britannique (GSK), révèle dans son numéro du 14 janvier dernier [Mundy A, Favole J. Glaxo's emails on Avandia reveal concern. Wall Street Journal, January 14, 2009. Available at www.wsj.com.] que la firme GSK disposait des mêmes informations que les chercheurs sur les risques cardiovasculaires de leur molécule rosiglitazone / avandia.
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Nous ne rappellerons pas ici qu'un des relecteurs du New England Journal of Medicine avait prévenu GSK de l'imminente publication de la méta-analyse de Steven Nissen [Nissen SE and Wolski K. Effect of rosiglitazone on the risk of myocardial infarction and death from cardiovascular causes. N Engl J Med 2007; 357: 100. ] qui montrait que la rosiglitazone augmentait significativement le nombre des infarctus du myocarde (+ 43 %) et augmentait le risque de décès cardiovasculaire de 64 % (limite de la significativité).
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Ce relecteur, Steven Haffner, avait permis à GSK de publier précipitamment des données qui ne montraient pas les mêmes effets délétères cardiovasculaires [Home PD, Pocock SJ, Beck-Nielsen H, et al. Rosiglitazone evaluated for cardiovascular outcomes-an interim analysis. N Engl J Med 2007; 357: 28-38. ]. Par la suite on avait appris qu'Haffner avait reçu de l'argent de GSK (400 000 dollars en huit ans !) et GSK n'avait eu de cesse que les résultats de cet essai soient inclus dans la méta-analyse de Nissen...
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On sait donc maintenant que les chiffres de l'étude Nissen n'avaient pas surpris Moncef Saoui, directeur de recherche et développement chez GSK, mais que GSK reprochait à Nissen d'avoir tiré des conclusions trop hâtives.
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Mais le Wall Street Journal souligne que la FDA est également sous pression pour ce qui est de la conduite de l'affaire. En juin dernier la FDA avait décidé de laisser le produit sur le marché dans l'attente de l'analyse des nouvelles données tout en durcissant les avertissements, mais on sait maintenant qu'elle connaissait les données de Nissen un an avant leur publication !

jeudi 8 janvier 2009

LA GYNECO-OBSTETRIQUE : UNE DISCIPLINE SINISTREE ?

Les derniers chiffres concernant la (mauvaise) place de la France en Europe (sur le podium des mauvais avec la Lithuanie et les Pays-bas) pour le chiffre de la mortalité périnatale sont rapportés par l'enquête Europeristat (1) ; ils font réfléchir les Néerlandais (2) mais pas encore les Français même s'il existe un dossier de presse consultable en ligne dont les conclusions sont quand même très questionnables en termes de Santé Publique (3).


Les gynéco-obstétriciens français (GOF) auraient-ils la scoumoune ou souffriraient-ils d'un enseignement catastrophique ? La question est ouverte.



Rappelons quelques faits.


D'abord, le dossier presse de l'Inserm rapportant les résultats de l'étude Europeristat souligne combien la France est un pays sous-développé en matière d'épidémiologie (les GOF n'y sont pour rien) :
"La France est le seul pays d’Europe qui ne dispose pas de données systématiques pour
toutes les naissances ni sur l’âge gestationnel des nouveau-nés, ni sur leur poids."



On lit aussi ceci : "
La France a le taux de mortinatalité (naissances d’enfants sans vie) le plus élevé d’Europe
(9,1 pour 1000 naissances totales), ce qui s’explique en grande partie par une politique
active de dépistage des anomalies congénitales et la pratique d’interruptions médicales de
grossesse (IMG) relativement tardives."



Ainsi, comme toujours chez nous, quand ça va pas, c'est parce qu'on fait mieux que les autres.


Enfin, le dossier de presse, ajoute : "Sur les autres indicateurs de santé, la France est bien placée en Europe, mais ne se trouve jamais parmi les cinq pays ayant les meilleurs résultats" : mortalité néonatale (décès dans les 27 premiers jours après la naissance), prématurité (8ème sur 25), et ratio de mortalité maternelle.


D'autres éléments sont relevés : 5 % des femmes (européennes) qui viennent d'accoucher étaient traitées pour infertilité (la France se distinguant par une plus forte proportion de grossesses obtenues par inducteurs de l'ovulation utilisés seuls), 95 % des femmes françaises (à l'instar des italiennes et des Finlandaises) sont prises en charge dès le premier trimestre (même si l'on peut se demander si cette prise en charge, en raison des lois sociales, est plus administrative que médicale !), le taux de césarienne atteint 20 % en France, ce qui situe la France au treizième rang européen mais qui, comparé aux autres données, ne semble pas justifier une telle attitude. En France la proportion de naissances dans des maternités de 3000 accouchements ou plus est très faible (8 %) par rapport à ce qu’on observe par exemple en Ecosse (77 %), en République d’Irlande (60 %), en Finlande (46 %) et en Suède (46 %). Enfin, la proportion de femmes qui fument en France est de 22 % alors qu'elle varie entre 5 et 7 % dans les pays où les femmes fument le moins... Quant à l'allaitement, il n'est que de 62 % en France, ce qui est faible par rapport à certains pays.


Commentaires (docteurdu16) : ces faits posent un certain nombre de questions : la France est-elle vraiment le pays de la meilleure médecine du monde ? les accouchements aux champs sont-ils aussi écologiques que l'on veut bien le dire ? quid des statistiques sur les immigrées de première et de deuxième génération qui sont interdites en France mais consultables, avec profit, aux Pays-Bas ? Que faire ? Comment articuler la ville avec l'hôpital ? les obstétriciens ne trouvent-ils pas plus lucratifs de faire de la stérilité plutôt que de l'accouchement ?


Mais revenons à nos moutons : les gynéco-obstétriciens sont-ils en déshérence ?


Quelques casseroles :


  1. L'affaire du distylbène : dès 1971 un gynécologue américain fait le lien entre distylbène et cancer du vagin à cellules claires. Cette année là le produit est interdit aux Etats-Unis. Les GOF, plus malins que leurs confrères américains, continuent d'en prescrire dans l'indication "Risque de grossesse prématurée" et le produit n'est interdit en France qu'en 1977. Dans cette affaire on retrouve les mêmes protagonistes que dans les affaires qui suivront : la firme UCB qui ment, qui cache, qui détruit ; les Autorités sanitaires incompétentes et sous influence, les GOF qui se taisent, n'entendent pas, ne voient pas et ce autant par ignorance que par arrogance académique et financière.
  2. Le Traitement Hormonal Substitutif (THS) : toutes les études anglo-saxonnes montrent que le THS augmente le risque de cancer du sein. Mais aussi le risque de faux positifs à la mammographie qui, lui, n'augmente pas le nombre de cancers du sein mais le nombre d'interventions inutiles (biopsies, chirurgie...) et le stress des femmes mammographiées. Mais les GOF persistent en affirmant que ce ne sont pas les mêmes hormones, qu'elles ne sont pas administrées par les mêmes voies et que, donc, elles ne peuvent être assimilées aux vilaines hormones anglosaxonnes. Néanmoins les avocats des GOF leur disent d'arrêter. Mais des Français remplis de conflits d'intérêts continuent de publier pour dire tout ce que les femmes perdent à ne pas recevoir un THS en sous tendant des bonnes raisons éminemment féministes.
  3. Le nombre d'IVG en France (environ 200 000). Bien entendu qu'il n'est pas possible d'attribuer aux seuls GOF la persistance du nombre élevé d'IVG en France. Les autres médecins, les pouvoirs publics, les instances de santé publique, la société dite civile, sont également en cause. Et ce chiffre élevé ne diminue pas beaucoup plus dans les autres pays. Cela dit il est quand même possible de souligner un certain nombre de faits : le manque d'information sexuelle (je n'ai pas dit éducation sexuelle) dans les écoles, dans les collèges, et dans les lycées ; la prescription plus récente de pilules non remboursées contenant du désogestrel dont aucune étude ne montre ni la supériorité ni l'innocuité par rapport au levonorgestrel remboursé ; le manque d'informations lors de la délivrance de la pilule contraceptive (et j'avoue : les médecins généralistes sont aussi coupables) de la possible utilisation de la pilule du lendemain et dans quelles conditions le faire... Cela dit, les conditions dans lesquelles se pratique l'IVG en France, de plus en plus de difficultés, accueil "moyen", paiement d'honoraires supplémentaires, devraient inciter les femmes à prendre plus de précautions : la mauvaise volonté des GOF n'y fait rien : les femmes veulent avorter.
  4. Gardasil et les frottis du col vaginal. Cette histoire est complexe. Il semble que la majorité des GOF se soit engouffrée dans l'idéologie Gardasil sans se poser beaucoup de questions. Des non gynécologues ont pourtant écrit, ce qui aurait dû flatter l'ego de cette profession, que les frottis sont plus efficaces que le gardasil. Mais non ! Les GOF sont pour. Il est vrai qu'ils croyaient tellement peu à la valeur de leurs frottis que lorsqu'il a été décidé, sur la foi d'essais cliniques avérés qu'un frottis tous les deux ans suffisait, ils ont poussé des cris d'orfraie : les femmes françaises allaient ne plus être suivies !
  5. Le dépistage du cancer du sein. Non contents de ne pas savoir que le dépistage systématique du cancer du sein par la pratique de la mammographie a un intérêt limité (et notamment pas de diminution de la mortalité globale) les GOF en font plus ! Et pratiquent le dépistage sauvage, dès 40 ans, dans leurs cabinets. Qui pourrait leur reprocher, pensent-ils en toute sincérité, de faire de la prévention, la BA reconnue de la médecine moderne qui-fait-gagner-de- l'argent-et-qui sauve-des-vies ?

Bon, à trop vouloir prouver...



Références -


(1) http://www.europeristat.com/


(2) Sheldon T. Perinatal mortality in Netherlands third worst in Europe. BMJ 2008;337:a3118 http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec23_1/a3118


(3) Dossier de presse Inserm http://www.europeristat.com/bm.doc/france-highlights.pdf

vendredi 2 janvier 2009

Histoires de consultations : cinquième épisode

Vérité en deçà, vérité au delà

Je travaille le mercredi trente-et-un pour des raisons qui m'échappent. D'autres confrères sur zone (le Val Fourré) travaillent également mais certains sont partis en vacances sans prévenir personne et en laissant des messages pour le moins peu confraternels (mon nom est cité) sur leur répondeur.
Bon.
J'essaie d'assumer.
Il n'y a pas tant de monde que cela.
Mes patients, dans l'ensemble, sont hyper gentils : "Nous sommes désolés de vous déranger, nous ne savions pas si vous travailliez aujourd'hui, nous sommes contents de vous voir, pouvez-vous nous recevoir ?" C'est la tonalité sympathique que j'aime.
Un patient d'un autre cabinet : "Je suis malade (il a un rhume)... J'ai besoin d'un arrêt de travail... Daté de lundi (29) (?) et jusqu'à la fin de la semaine." Moi : "Ce n'est pas comme cela que je travaille. Pas d'arrêt de travail antidaté. Une semaine pour un rhume, ça me paraît beaucoup." Lui : "Mais vous êtes là pour soigner les gens, vous êtes le service public, j'ai besoin d'un justificatif pour mon employeur..." Je ne sais pas si je lui explique ou si je le mets à la porte. "Pour moi, vous n'êtes pas malade, vous me mettez devant le fait accompli. Je ne peux faire un faux administratif." Il n'est pas content et il reprend ses billes.
Une autre patiente d'un autre cabinet : "Docteur, il me faut une ordonnance..." Moi : "Ce matin, c'est sur rendez-vous, vous repasserez cet après-midi. - Mais c'est juste une ordonnance - Je ne vous connais pas. - Je ne suis pas là cet après-midi... - Je travaille ce matin sur rendez-vous..." Elle s'enfuit en claquant la porte et en criant : "Vous n'êtes pas un médecin, vous devez rendre service !..."
Nous sommes dans le même système de santé, le même paiement à l'acte et les patients sont différents. Peut-être que mes patients font pareil chez les confrères... Qui pensent la même chose que ce que je pense d'eux.