mardi 16 décembre 2014

J'aurais pu faire grève du 23 au 31 décembre. Deuxième épisode (Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre).


Je vous ai expliqué pourquoi je ne ferai pas grève entre le 23 (ou le 24) et le 31 décembre (ICI).

Je vais vous donner au moins une raison pour laquelle j'aurais pu faire grève, mais pas ce genre de grève avec fermeture des cabinets sans personne à l'intérieur pour expliquer le pourquoi du comment, sans rassemblements dans la rue, sans pédagogie institutionnelle, sans dénonciation des deux plaies de la médecine, corruption et arrogance, sans défense de la médecine générale, mais surtout : sans programmes de remplacement. Je rappelle quand même que que les organisations grévistes et leur mentor caché ou présent, l'Union Française pour une Médecine Libre, dont nous avons déjà parlé sur ce blog (ICI et LA), ne sont quand même pas très clairs sur ce qu'ils veulent à défaut d'être précis sur ce qu'ils condamnent (les Agences régionales de Santé, la liberté des honoraires, la liberté de prescription -- crestor et inegy par exemple, les cliniques et hôpitaux privés et leurs dépassements -- avec mention spéciale pour les urgences et la cancérologie, tiens, tiens, le mode de nomination des PH, le secteur privé à l'hôpital public, et, en dernier lieu, la défense des patients) et on entend moins parler de la consultation portée immédiatement à 50 euro, de la condamnation des mutuelles suppôts du capitalisme international, de la lutte contre les déserts médicaux ou de la place du médecin généraliste dans le parcours de soins. Voir LA. Pour ce qui est des syndicats traditionnels, le communiqué du 27 novembre 2014 est assez (!) décevant : voir LA, un catalogue peu convaincant qui montre le blocage des propositions.


Voici donc une des raisons essentielles pour laquelle j'aurais pu faire grève :

Le Tiers Payant Intégral Généralisé.

Préambule : le Tiers Payant Intégral existe déjà chez les médecins pour une partie de la population qui en bénéficie de façon temporaire et sous condition : les 210 000 bénéficiaires de l'Aide Médicale d'Etat (AME) (voir ICI), les 6 664 000 bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle (CMU et CMU-C), les vicitimes d'Accident de travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP) pour des soins en rapport avec l'AT ou la MP et durant la période d'ouverture de leurs droits, les patients bénéficiaires d'une invalidité (LA), les patients bénéficiaires d'une Affection de Longue Durée...

Qu'en est-il ? Disons que, grosso modo, et en médecine générale, pour le reste je n'en sais rien, ça marche. Sauf, bien entendu, si les droits des patients ne sont pas ou plus à jour (les responsabilités sont partagées : patients, caisses, et, accessoirement, médecins). Et il est évident que pour des C à 23 euro les conséquences financières ne sont pas les mêmes que dans le cas  d'examens complémentaires onéreux.

N'oublions pas non plus que le Tiers Payant Intégral existe chez les pharmaciens quand les assurés sont à jour de leurs cotisations pour la délivrance des médicaments (une nombreuse littérature existe sur le sujet concernant la charge financière qu'entraîne cette mesure pour assurer le recouvrement et cette charge n'est pas concevable pour les entreprises artisanales que sont les cabinets de médecine générale). Mais aussi chez les IDE et les kinésithérapeutes.

Addendum : Que ceux qui n'ont pas connu l'époque d'avant la CMU écoutent : la facilitation du Tiers Payant Intégral Généralisé par l'introduction de la CMU a été un formidable progrès ! Des gens qui ne consultaient jamais, des enfants qu'on ne voyait pas, même pour  des rhumes, sont réapparus dans les radars.

PS : Quand je vois des anciens partisans militants de l'Option Médecin Référent (dont je fus un tiède adhérent en pratique) refuser aujourd'hui le Tiers Payant Intégral Généralisé et faire grève avec les fossoyeurs de cette option (et, bien plus, ses ennemis méprisants comme le SML ou la CSMF), j'ai le loisir de pleurer, de ricaner, de rire ou de m'attrister. Les quatre en même temps, sans doute.

Je suis contre le Tiers Payant Intégral Généralisé pour des raisons pratiques.

L'entreprise artisanale qui s'appelle cabinet médical a comme objectif essentiel de dispenser des conseils et des soins. Toutes les tâches administratives, dont je ne nie pas l'utilité pour des raisons réglementaires, viennent en plus et, le temps n'étant pas extensible, viennent en moins de notre activité de soins et de conseils.

Ainsi, je n'accepterais le Tiers Payant Intégral Généralisé que s'il existait un payeur unique, l'Assurance Maladie par exemple, qui me règlerait le prix des différents C et qui se chargerait du recouvrement auprès des Mutuelles.

Cela signifierait qu'il existerait sans doute comme aujourd'hui des délais entre la réalisation de l'acte, sa facturation et son paiement, et... des impayés (très rares et beaucoup plus rares que les patients qui ne paient pas l'AMC), mais ce qui me permettrait de n'avoir qu'un interlocuteur pour mes réclamations et non, comme proposé actuellement, des centaines de mutuelles possibles. (Des salariés de la CNAM m'ont assuré que le guichet unique était la seule solution pratique car eux-mêmes avaient du mal avec le recouvrement auprès des mutuelles ; une salariée du Trésor Public m'a affirmé qu'à Mantes le recouvrement des impayés à l'hôpital de Mantes par la puissance publique demandait d'énormes efforts avec des résultats assez peu convaincants)

L'autre aspect, et non le moindre, est celui du coût de ces mesures, que certains (UFML) valorisent à 3,5 euro par acte. Inacceptable.

Mais il est possible (voir plus haut) que le Tiers Payant Intégral facilite l'accès aux soins d'une certaine partie de la population. Ce qui n'est pas rien. Pas tant pour les consultations de médecine générale que chez les spécialistes libéraux d'organes ou pour effectuer des examens complémentaires où l'avance de frais est demandée tant à l'hôpital public (où le secteur privé prend de plus en plus de place dans l'imagerie) qu'à l'hôpital privé. 


Existe-t-il d'autres raisons que pratiques de refuser le Tiers Payant Intégral Généralisé ? Venons-en aux objections les plus fréquentes le concernant et élargissons le champ de nos interrogations.

Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le coût des soins invisible. 

Cet argument est à la fois vrai et discutable. 

Vrai, car il est toujours bon de connaître le coût d'un service ou d'un achat. Mais la situation actuelle fait que ce sont déjà les patients qui coûtent le plus cher à l'Assurance Maladie (i.e. ceux qui disposent de l'ALD par exemple) qui ne paient rien directement et qui, sondage personnel, en les interrogeant, ne sont pas au courant des dépenses que leur maladie engendre. 

Vrai, car il est clair que certains examens complémentaires sont demandés de façon routinière sans justification médicale évidente. Mais nous y reviendrons.

Vrai, car les prescripteurs, accessoirement les médecins, sont rarement au courant des coûts qu'ils génèrent en rapport avec leurs prescriptions, sauf, bien entendu s'ils en sont personnellement les bénéficiaires.

Discutable, car pour les personnes "aisées" le coût des soins est déjà invisible : les citoyens et  patients qui disposent d'une "bonne" mutuelle comme ils disent, soit ne paient déjà rien, soit sont remboursés intégralement et l'avance des frais est pour eux indolore.

Discutable, car s'il est effectivement possible d’avancer que le fait que connaître le prix des choses leur en donne de la valeur, on peut dire qu'à l’inverse l’excès de prix (relatif) de certaines choses ou de biens interdit leur accès ou leur possession à certains membres de la société (par hypothèse : ceux qui ont le moins d’argent).

Discutable, car le Tiers Payant Intégral Généralisé, va au contraire rendre visible le reste à charge puisque les patients ne paieront plus que les dépassements d'honoraires, ce qui permettra aux praticiens en secteur 2 d'être transparents et, éventuellement, d'augmenter leurs dépassements qui seront plus acceptables, dépouillés qu'ils seront de la part obligatoire.

Le Tiers Payant Intégral Généralisé ferait perdre aux patients le sens de la valeur des actes médicaux et la consultation médicale, c'est à dire l’acte médical de base, en devenant gratuit, se banaliserait.

La valeur de la consultation, ce sont les médecins qui la crée ou la constitue, c'est ce qu'ils font dans leur cabinet qui donne un contenu aux 23 euros qu'ils demandent (ou qu'ils ne demandent déjà plus). Et ce n'est pas seulement la technique qui entre en jeu mais la façon d'appréhender les symptômes et éventuellement les maladies.

Les patients ne s'y trompent pas : ils savent ce qu'ils peuvent demander à tel praticien et ce qu'ils ne peuvent pas demander à tel autre. Ce sont les médecins dans leur ensemble qui ont "valorisé" leurs actes ou "dévalorisé" leurs actes.

Il est clair qu'en cette période de suractivité des cabinets médicaux, le temps d'attente pour obtenir une consultation s'allongeant, la "gratuité" ne sera pas un facteur freinateur.

Mais si nous parlons de la valeur des actes, il faudrait dire que les actes pratiqués dans les services d'urgence des hôpitaux, sauver des vies par exemple, n'ont aucune valeur puisque les patients "ne paient rien" immédiatement (même si, en l'occurrence, la société paie beaucoup : 250 euro pour une angine...).

Il est possible que cela pourrait avoir tendance à favoriser le consumérisme médical et les consultations "inutiles" ou de confort ou pour obtenir quelque chose. Mais là nous entrons dans un domaine complexe, celui de la nécessité des actes médicaux.

En revanche, la banalisation gratuite des actes inutiles et discutables existe déjà en raison de cette "gratuité" à l'intérieur des établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés... Nous y reviendrons.


Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant de son payeur, à savoir l'Assurance Maladie, quasiment un salarié, et sans les avantages du salariat.

Cet argument est assez spécieux pour un médecin généraliste en secteur 1. Car ne sommes-nous pas déjà dépendants de l'Assurance Maladie ? Comment pouvons-nous y échapper ? Nous dépendons de la solvabilité de nos patients. Notre dépendance à l'égard de notre payeur va en revanche se compliquer puisque nous allons dépendre des mutuelles pour la part AMC (voir plus haut pour les raisons de mon refus du Tiers payant Généralisé et pour la solution proposée).

Reste également le problème du paiement à l'acte et de son corollaire, le ROSP. J'ai expliqué pourquoi, malgré des réticences majeures, j'ai accepté le ROSP (voir ICI). Il est probable qu'un certain nombre de médecins, au delà des problèmes éthiques et idéologiques (voir Dominique Dupagne ICI), l'ont accepté comme complément d'honoraires (ce qui, pour moi, représente environ 4 % de mon CA). Ce ROSP est certainement l'un des dangers majeurs contre l'indépendance des médecins (les spécialistes d'organes qui sont des donneurs de leçons patentés n'ont eu de cesse que de l'obtenir dans chacune de leurs spécialités) si son importance croît dans la part du CA des médecins. ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour.


Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant des mutuelles.

Je ne reviens pas sur mon opposition au fait que la part AMC de nos actes nous soit réglé par les mutuelles et que nous devrions traiter avec des centaines de mutuelles pour obtenir satisfaction.

Un article récent de blog sur Mediapart ICI, bourré d'erreurs factuelles (comme si la CMU était financée par l'Assurance Maladie, voir LA) et, de façon démagogique, orienté uniquement sur la consultation du médecin généraliste alors qu'il s'agit d'une part faible du dispositif, m'a ouvert un horizon qui, je l'avoue, m'avait échappé : le Tiers Payant Généralisé Intégral serait une manœuvre gouvernementale pour privatiser complètement la santé en France. Il suffirait que la part AMO diminue pour que les mutuelles augmentent leur participation et deviennent le rembourseur principal et contrôlent la situation. Il est possible que cela soit vrai mais la menace ne me semble pas forte pour des raisons politiques. Mais, bien entendu, un autre aspect du plan santé est la réticulation des soins (et vous savez combien je suis opposé aux réseaux : LA) qui seraient sous la coupe des ARS et des mutuelles.

Mais, si je peux me permettre, et je ne crois pas l'avoir lu, voici trois conséquences inattendues ou collatérales de la mise en place du Tiers Payant Intégral Généralisé, la première sans doute voulue inconsciemment par les promoteurs du projet (le côté "socialiste" de l'affaire), la deuxième, plus menaçante pour l'exercice libéral mais favorable au néo libéralisme financier et la troisième, anecdotique, sans doute.

Le Tiers Payant intégral va rendre les dépassements du secteur 2 plus lisibles.

En effet, la somme payée en secteur 2 sera le dépassement d'honoraires. Le patient ne se posera plus de questions, quand il s'en posait, sur la valeur du dépassement demandé. Cette meilleure lisibilité permettra aussi aux praticiens d'augmenter facilement les honoraires du secteur 2. Quand les assurés, en outre, auront une "bonne" mutuelle, l'avance qu'ils feront leur sera complètement remboursée. A Mantes la C de base à 23 euro chez l'enfant de plus de 5 ans sera "gratuite" chez le médecin généraliste et "vaudra" 29 euro chez le pédiatre (tarif actuel = 52 euro). Ainsi, une mesure de lisibilité deviendra une possibilité de surfacturation.


Mais une des objections les plus fortes et qui n'est jamais mise en avant est celle-ci :

Le Tiers Payant Intégral Généralisé est le premier pas vers l'industrialisation complète de la médecine.

Car la mise en avant des honoraires payés aux praticiens est une astuce pour cacher le coût exorbitant des examens complémentaires, des "nouveaux" examens complémentaires "innovants" qui, tels les "nouveaux" médicaments "innovants", ne sont ni plus performants, pour certains, ni plus pertinents, pour d'autres, que les anciens, mais beaucoup plus chers et qui, surtout, sont prescrits à tort et à travers, notamment en urgentologie et en oncologie, sans que les médecins hiérarchisent selon des critères de sensibilité / spécificité très rationnels. Brigitte Dormont avait souligné dans un article paru dans Esprit (voir mon commentaire LA) que c'étaient les examens complémentaires qui coûtaient cher chez les personnes âgées, pas l'allongement de l'espérance de vie.
Ainsi le Tiers Payant Généralisé est-il l'assurance donné aux fabricants de matériel et aux administrateurs de cliniques (et d'hôpitaux, car le problème est le même) que les nouveaux scanners et autres IRM sur puissants (sic) pourront être vendus encore plus chers et rentabilisés en douceur par une inflation d'utilisation. J'ai déjà montré dans le billet précédent (LA) que les fonds de pension internationaux sont derrière, tant pour les mutuelles que pour les groupes d'hospitalisation privée, surfant sur la vague du Droit à la santé et du consumérisme (parce que je le vaux bien) pour "explorer" tout le monde et "diagnostiquer", c'est à dire sur diagnostiquer et sur traiter avec l'assentiment des agences gouvernementales et des conférences de consensus sponsorisées.
Les malades numérotés, diagnostiqués, protocolisés, étiquetés avec des bracelets aux couleurs chatoyantes, seront algorithmés et, tels du bétail, sans rien payer (enfin, il y aura encore l'impôt, et les cotisations de mutuelles), pourront être baladés d'un service à un autre, les fameux réseaux mutualistes approuvés par les ARS (mais ces réseaux existent déjà dans l'intimité des hôpitaux publics et privés -- le cabotage interne entre spécialistes de niveaux de compétence différents, et dans le copinage loco-régional des adressages au mépris des règles élémentaires de l'intérêt du malade), et "chargés" financièrement...  Les tâches considérées comme subalternes, mesurer la pression artérielle, vacciner les enfants, seront effectuées par des structures ad hoc et seront supervisées par les fonctionnaires de l'ARS qui diront la médecine sans les médecins...


Enfin, petit point dont je ne perçois pas les conséquences réelles :

Le Tiers Payant Intégral Généralisé va rendre les centres de santé inutiles et / ou les cabinets libéraux pluri disciplinaires inutiles.

Tout le monde sera logé à la même enseigne.

Dans un prochain billet, je vous parlerai des réseaux de soins et du fait que les médecins généralistes, encore une fois, sont les dindons de la farce, combien certaines spécialités ont des difficultés bien réelles et comment les ARS sont les relais de l'industrialisation de la médecine.

Ainsi aurais-je pu faire grève, mais pas cette grève, car j'ai d'autres raisons de mécontentement mais surtout celle-ci : la médecine générale est encore une fois la dernière roue du carrosse. Et j'interroge systématiquement mes patients sur ce qu'ils ressentent de ce qu'ils ont entendu et vu dans les medias sur les raisons de ce mouvement : c'est pathétique.

A suivre.

Crédit photographique : Grève des mineurs en GB (1984). The Guardian.


dimanche 7 décembre 2014

Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre. Premier épisode.

Il n'y a de richesse que d'hommes

Je suis désolé mais je ne ferai pas grève entre le 23 et le 31 décembre 2014.

Avant que je ne continue vous avez le droit de me "traiter". Je peux vous fournir une liste d'adjectifs et vous avez même le droit au choix multiple. Mais j'ai une préférence : jaune briseur de grève.

Mais ne pensez pas que je sois ravi de mon sort de médecin généraliste.

Disons que je relativise.

Et que je suis médecin généraliste dans l'âme.

Je suis, certes, médecin, mais je suis avant tout médecin généraliste car je ne connais pas de plaisir plus intense que d'exercer la médecine générale.

Est-ce du corporatisme ?

Le médecin généraliste que je suis est avant tout un ignorant qui en sait moins sur le rein que le néphrologue (j'aime bien d'ailleurs lire Perruche en Automne), moins sur le coeur et les vaisseaux que le cardiologue (j'aime bien lire Grange Blanche qui a malheureusement fait une pause), moins sur l'oeil que Le rhinoceros regarde la lune, moins sur les poumons que Totomathon, ou sur la peau que La Boutonnologue, et je pourrais continuer presque à l'infini, l'infini des organes. Il est évident par ailleurs que les spécialistes qui ne blogguent pas et qui ne tweetent pas sont aussi valeureux que ceux que je viens de citer, les spécialistes d'organes à qui j'adresse des patients parce qu'ils partagent, pas tous, le choix n'est pas toujours possible, les mêmes valeurs et préférences que moi.

Les habitués de ce blog sont assez clairvoyants pour penser que je n'adresse pas un patient asthmatique chez un pneumologue parce qu'il a lu la triade Proust / Kundera / Roth, qu'il écoute régulièrement Don Juan / Jenufa / Turandot en n'omettant pas Coltrane / Don Cherry / Desmond,  et qu'il apprécie Klee / Carpaccio / Bacon, mais quand même s'il a lu Bachelard / Illich / McKeown, c'est quand même un plus.  Et s'il ne dit pas de mal de La Revue Prescrire pour des raisons sottes, ce n'est pas mal non plus.

Mais mon ignorance organique, loin de me déranger, me plaît : elle me permet de contempler l'infinie variété de mon métier et son insondable et vertigineuse diversité. Et elle me permet aussi de me réjouir de peu pratiquer des actes techniques et d'être avant tout un non manuel de la médecine.

S'il est de bon ton de dire que personne ne sait ce qu'est la médecine générale (j'ai publié là dessus) il est quand même évident que lorsque un ou plusieurs médecins généralistes qui ne se connaissaient pas auparavant se rencontrent au hasard d'une soirée ou pendant des vacances à la mer, au delà des différences individuelles, de leur appartenance ou non à un syndicat, de leurs opinions politiques ou confessionnelles, de la marque de leur maillot de bain, ils se reconnaissent immédiatement, ils savent immédiatement de quoi ils parlent, ils savent avec quoi ils se collettent tous les jours, qu'ils exercent dans les beaux quartiers ou dans les "quartiers", ils appartiennent au même monde anthropologique, ils ont en face d'eux les mêmes patients, les mêmes problèmes, les mêmes interrogations, et le même système qui est l'éléphant dans le cabinet de consultation, ils n'ont pas besoin de se présenter. Et cette intimité entre inconnus, cette proximité entre collègues, cela, aucun autre médecin (non généraliste) ne peut le ressentir.

Je voudrais dire aussi ceci : ceux qui font bouger les lignes depuis des années, ce ne sont pas les spécialistes d'organes, ce sont les médecins généralistes de base, ce sont les Christian Lehmann, les Dominique Dupagne, les Louis-Adrien Delarue, pour ne citer que les plus emblématiques (je suis en train de me faire des ennemis en ne citant pas les autres), qui ont dénoncé le fluor (pas les dentistes, pas les pédiatres), le dosage du PSA (pas les urologues), les frottis tous les ans (pas les gyn-obs), le dépistage organisé du cancer du sein (pas les radiologues, pas les gyn-obs, pas les oncologues), les anti Alzheimer (pas les neurologues, pas les gériatres), les glitazones (pas les diabétologues), les pilules de troisième et quatrième génération (pas les gynécologues, pas les dermatologues), la vaccination anti grippale et le tamiflu (pas les virologues, pas les infectiologues) et cetera, et cetera.

Disons que cette grève ne va pas servir la médecine générale et les médecins généralistes.

C'est mon corporatisme à moi. Donc, je ne la ferai pas.

Car ce mouvement est avant tout corporatiste : il mélange des chèvres et des choux et personne ne me fera croire que j'ai, en tant que médecin généraliste, les mêmes intérêts que les notaires (qui se disent "furibards", ils ont dû réunir une assemblée générale du Rotary ou du Lion's pour trouver un adjectif aussi désuet, vieilli et vieillot), les pharmaciens, les artisans taxis, les infirmiers et infirmières, les huissiers de justice, les kinésithérapeutes, j'en passe.

Car ce mouvement "libéral" dont la majorité des membres râle toute l'année contre les grèves de nantis fonctionnaires à la SNCF, à la RATP ou dans les transports aériens se met à mimer la CGT ou Sud dont les slogans habituels sont "Nous faisons chier le pauvre monde pour défendre les intérêts de tous" en fermant les cabinets pour une semaine en prétendant que c'est pour le bien de la santé publique.

Car ce mouvement composé de médecins qui ont fait dix ans d'études (quelle contrainte !) compare ses honoraires, son niveau de vie, ses habitudes sociales à ceux des coiffeurs et des plombiers dans un emballement mimétique abasourdissant alors que l'on n'a jamais vu un coiffeur ou un plombier faire grève (sinon récemment des sans papiers employés au noir dans des salons de coiffure low cost).

Car ce mouvement dont un des objectifs est de libérer le secteur 2 et de tuer les mutuelles veut nous faire croire qu'en augmentant les honoraires libres le reste à charge pour les patients ou non patients consultants va diminuer ! Est-ce que les adhérents des mutuelles ont été consultés ? Est-ce que les citoyens ont été consultés ?

Car ce mouvement, devenu par un tour de passe passe anti capitaliste quand il s'agit des Mutuelles et parlant de lutte contre les fonds de pension internationaux (i.e. sans doute les hedge funds luxembourgeois) oublie de parler, dans sa défense de l'hospitalisation privée (il n'y a plus de cliniques mais des hôpitaux privés par une sorte de renversement sémantique), des intérêts internationaux présents dans les groupes de santé avec, par exemple, l'Australien Ramsay Health Care actionnaire majoritaire de la Générale de Santé, le plus gros groupe "français"... Vous pouvez même, les gauches de la gauche du mouvement, consulter, une fois n'est pas coutume le blog de JL Mélenchon : LA.

Car ce mouvement, qui s'oppose à juste titre aux réseaux de soins mutualisés ne dit rien des réseaux de soins actuels centrés autour de l'hospitalisation privée où les spécialistes d'organes capturent les patients de ville et les rabattent sur les structures dans lesquelles ils ont des intérêts. Ce consumérisme médical est le fondement du néo libéralisme rawlsien : le citoyen patient qui a lu Doctissimo ou qui écoute son coiffeur décide de passer un examen complémentaire et le médecin prescrit. Si le médecin ne prescrit pas le patient conscient de ses droits ira en voir un autre et écrira au CISS ou à Que Choisir pour se plaindre que l'accès aux soins n'est pas assuré. Parce que j'en ai le droit et Parce que je le vaux bien.

Car ce mouvement ne prend pas en compte la montée irrépressible des associations de patients, sinon pour leur dire ce qu'elles doivent penser (voir LA), ces patients qui sont, ne l'oublions pas, le troisième élément de l'Evidence Based Medicine. Vous savez que je suis à fond pour les associations de patients (je me demande d'ailleurs pourquoi et de quel droit je serais contre) à condition qu'elles respectent une politique claire concernant leurs liens et possibles conflits d'intérêt.

Mais surtout.

Deux points constituent le centre de la crise de la médecine et Ce mouvement ne peut en parler.

La corruption généralisée.
Le gouvernement et les agences gouvernementales sont infiltrés par big pharma et big matériel et les politiques publiques, depuis les campagnes de santé publique jusqu'à la fixation du prix des médicaments, sont dominés par le lobby santéo-industriel qui a ses leviers de commande, ses obéisseurs, ses toutous, comme la DGS ou les différentes ARS.
Depuis la première année de médecine, et même avant dans les prépas, jusque dans les couloirs des hôpitaux publics et privés et ceux des cabinets médicaux libéraux big pharma et big matériel règnent en maîtres.



L'arrogance médicale.
Le rôle de la médecine dans l'amélioration de l'espérance de vie dans les pays développés et, surtout, de l'amélioration de l'espérance de vie en bonne santé, est lié aux conditions socio-économiques et aux pratiques individuelles et non, sinon dans la marge, à la médecine pure et dure.

Espérance de vie à 35 ans selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle.
Une femme cadre a une espérnce de vie de 51,7 ans à 35 ans.



Pour la suite de nos réflexions sur le Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre je parlerai plus précisément des problèmes que pose la Loi santé comme le Tiers Payant Généralisé et / ou les réseaux de soins mutualisés et sur les solutions que n'apporte pas Ce mouvement concernant les déserts médicaux, la démédicalisation nécessaire de la société, l'hospitalisation publique, le cas des spécialités d'organes qui demandent un effort particulier, et cetera.


vendredi 28 novembre 2014

Le Conseil d'Etat annule les arrêtés modifiant les modalités de remboursement du traitement de l'apnée du sommeil.

C'est la première fois que je fais cela, republier un billet paru le 18 janvier 2014, mais la décision du Conseil d'Etat (voir ICI) annulant les arrêtés du 9 janvier et du 22 octobre 2013 modifiant les modalités de remboursement par l'assurance maladie du traitement de l'apnée du sommeil est fondamentale pour les libertés publiques. Ce texte est en effet fondamental pour comprendre quels sont les enjeux sociétaux de l'affaire. Vous pourrez également relire ce que j'en écrivais (LA) et vous rappeler que le Conseil National de l'Ordre, pour des raisons économiques, n'y avait rien trouvé à y redire.

L'ère de la télé surveillance est en route. A propos de l'apnée du sommeil. Un texte du docteur Dany Baud.


Je publie un texte du docteur Dany Baud qui me paraît essentiel. Je tenterai de le commenter dans le billet suivant.

Télésurveillance obligatoire des patients atteints de Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et traités par ventilation en Pression Positive Continue (PPC).

Qu’il soit nécessaire de justifier le sentiment d’indignation suscité par une loi manifestement inique et liberticide place celui qui s’est trouvé à l’instant indigné dans une situation de totale incompréhension, doublée si ses pairs ne trouvent rien à redire, de celle de profonde solitude. C’est dans ces sentiments que m’a plongé cette décision de placer des individus dont la seule faute était d’être atteint d’une maladie chronique, sous surveillance électronique comme il est fait par le bracelet du même nom pour les délinquants. Que certains quels qu’ils soient et quelle que soit leur position sociale puissent s’arroger le droit de rentrer dans l’intimité de « la vie des autres » sous prétexte d’avancées techniques et au seul argument de prétendus avantages économiques est dans un pays démocratique comme la France parfaitement inadmissible.    

 Odieux agenda et hidden agendas

Le SAOS est une maladie caractérisée par des arrêts respiratoires au cours du sommeil responsables d’une fatigue, d’une somnolence et parfois compliquée de maladies cardiovasculaires. Ce syndrome est fréquent, il touche  2 à 5% de la population adulte en France et environ 500 000 patients sont traités par PPC (générateur de débit d’air délivrant une pression continue  aux voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un tuyau  et d’un masque adapté au nez du patient). Le traitement est assuré par des prestataires de service (les mêmes que ceux ayant en charge l’oxygénothérapie et la ventilation à domicile). Il donne lieu à une dépense importante et croissante estimée à plus de 400 millions d’euros/an, soit 40% du coût total de la liste des produits et prestations  remboursables (LPPR) pour les maladies respiratoires. L’observance des patients traités par PPC est bonne et même meilleure que l’observance médicamenteuse constatée au cours des maladies chroniques (75% versus 50%).
Jusqu’à maintenant pour bénéficier d’une prise en charge de cette PPC, le diagnostic de SAOS devait être affirmé par un enregistrement de la respiration au cours du sommeil (polysomnographie ou polygraphie ventilatoire) et le patient devait utiliser sa PPC au moins 3 heures/nuit, tracées en mémoire de machine. Le forfait facturé à la Sécurité Sociale (SS) par le prestataire est actuellement de 21 Euros/semaine  pour un prix de machine  difficile à connaître précisément car variable selon le volume acheté et négocié par ces mêmes prestataires aux fabricants  mais se situant entre 300 et 600 euros sans compter le consommable. L’achat direct de ces machines est inaccessible aux patients qui de fait sont captifs du système en place.
Le renouvellement de cette prise en charge était conditionnée à cette utilisation minimum de
3 heures par nuit et à la constatation par le médecin de l’efficacité clinique de ce traitement instrumental. En cas de défaut d’observance persistant, c’est dans le cadre de la consultation médicale que  le médecin demandait  la suspension du traitement après concertation avec son patient.
En pratique, un certain nombre de patients non revus systématiquement par leur médecin avaient une PPC dont ils ne se servaient peu. La lenteur de communication de cette information par le prestataire (autrefois tenu à 2 passages par an) et l’absence de réactivité de certains médecins faisaient que le traitement était suspendu avec retard avec pour conséquence une perte financière pour les organismes payeurs.
Pour remédier à ce problème, ces derniers ont imaginé avec les prestataires, les fabricants de matériels, les hébergeurs de données électroniques, un système de télésurveillance permettant de suivre en temps réel l’utilisation de la machine par le patient. C’est dorénavant au prestataire de suspendre le remboursement du traitement après avertissements et propositions correctives shuntant ainsi le médecin prescripteur prévenu de la procédure mais mis devant le fait accompli.
Cette mesure a fait l’objet d’un arrêté (09.01.13) précisant les modalités de la télésurveillance et les sanctions progressives en cas de défaut d’observance. Ce dernier a donné lieu à une  demande d’annulation portée par la fédération des patients insuffisants respiratoires (FFAAIR) auprès du Conseil d’Etat qui n’a pas abouti au motif que cette annulation viendrait contrarier l’activité économique des fabricants de matériel et des prestataires, dont Philips, Resmed, et le leader mondial des gaz pour l’industrie Air Liquide qui a repris ces dernières années une partie importante de la prestation notamment associative et réputée à but non lucratif. Ce premier arrêté a néanmoins été abrogé du fait que la CNIL n’avait pas  été consultée sur sa  conformité aux  lois sur l’informatique et les libertés. On notera que le fait que seul cet argument économique ait pu être avancé par les représentants du Ministère de la Santé et de l’Economie, sans qu’il n’ait jamais été question de l’intérêt des patients, est pour le moins choquant. Après que cet avis a été donné, un nouvel arrêté a été promulgué sans changement notable par rapport au premier à quelques détails techniques prés, la CNIL ne s’étant pas prononcée sur le caractère motivé ou non de celui ci. Sa mise en œuvre est aujourd’hui effective.

 Cet arrêté et son application posent des questions multiples au plan éthique, juridique et économique. Il est notamment en contradiction avec la loi de 2002 garantissant les droits des malades.
 -En effet cette télésurveillance inaugure une modification du système de remboursement des soins qui pour la première fois serait dépendant de l’observance. Réservé aux seuls patients porteurs de SAOS, il est pour eux discriminatoire, stigmatisant et inégalitaire puisque non appliqué aux autres types de prestations et aux autres malades.
 -Par ailleurs et c’est probablement la faute inexcusable de cette loi, c’est qu’elle impose au malade qu’elle brutalise en l’assimilant  à un délinquant potentiel, une sorte de bracelet électronique l’assignant à domicile ou tout au moins le géolocalisant et enregistrant les détails de ses nuits : heure de coucher, de lever, durée totale passée au lit. Ces données sont ensuite récupérées chaque jour par un hébergeur dont le rôle est de les transmettre à la SS. On imagine facilement quel usage pourrait être fait de ces informations emblématiques de la vie privée par diverses officines (assurances, employeurs, police, juges, avocats…).
 -Enfin, différents acteurs (fabricants de matériel, prestataires) viennent par cet arrêté prendre la place du médecin du patient mettant en péril la relation médecin-malade, seule garantie éthiquement fondée pour décider d’une prestation médicale et de son arrêt éventuel qu’elle soit remboursable ou non. Les précédents désastreux sur le plan sanitaire et financier de la vaccination antigrippale H1N1 organisée par le ministère de la santé  en dehors du parcours de soins habituel et de la relation de confiance entre le patient et son médecin n’a pas servi de leçon.

Faire des économies et mieux traiter les patients ?
On ne peut qu’approuver et soutenir la volonté de l’état de maîtriser les dépenses imputables au traitement du SAOS. Par contre la stratégie qu’il a mise en place pour y parvenir a de quoi surprendre. Ainsi se focalise-t-il sur l’extrême pointe émergée de l’iceberg en tentant de réduire le délai de désappareillage des patients inobservants sans s’attaquer au prix réellement exorbitant d’un traitement  qui une fois accepté et régulièrement suivi et point important, définitif, ne nécessite que peu ou pas de surveillance. Sur le plan strictement économique comme l’a souligné la FFAAIR, on comprend mal qu’on puisse espérer réduire les dépenses en ajoutant au prix de la PPC celui  de la mise en place des mouchards de télétransmission même si les prestataires se trouvent selon cette loi, obligés d’en assumer  le coût. On remarquera d’ailleurs que ces dispositifs sont fabriqués à la fois par les fabricants de machine et certains industriels exerçant aussi comme prestataire. Sans parler de son caractère humiliant et dévalorisant particulièrement mal vécu par les malades, on peut raisonnablement questionner le bien fondé d’une surveillance sur des dizaines d’années de milliers de patients parfaitement observants et corrigés par leur PPC de façon quasi immuable. Le phénomène de rente que constitue le fait de facturer à la SS plus de 1000 Euros par an pour la location d’une machine amortie de longue date et un seul passage annuel au domicile de ces patients ne semble pas avoir attiré l’attention de nos brillants économistes de la santé.
Quant à la plus value médicale d’une surveillance quotidienne pratiquement en direct  de la durée d’utilisation de la PPC  et si la CNIL en laisse la possibilité, des données que sont le degré de correction du SAOS et le niveau des fuites au masque, est dans la pratique sans réelle pertinence. Nous avons accès depuis longtemps à ces données stockées sur les cartes mémoires de ces appareils que nous analysons avec nos patients à chaque consultation. Mais en vérité, une fois trouvé le masque  adapté au visage du patient, l’habitude venant, au bout de quelques mois, 6 au maximum, ces informations n’ont ensuite que peu d’impact sur les réglages et la conduite du traitement, le patient utilisant son appareillage comme d’autres leurs lunettes. Faire penser qu’il faudrait « monitorer » et surveiller les patients souffrant de SAOS traités par PPC comme des malades de réanimation n’a tout bonnement aucun sens.
Au total, en y regardant de plus près, la raison essentielle  de la télésurveillance semble être la télésurveillance. Elle bénéficiera à l’évidence aux professionnels de ce secteur d’activité et ce n’est pas par hasard que l’on voie les grands de la téléphonie monter à l’assaut de ce marché. Elle constitue également une stratégie de «  pied dans la porte » qui ne peut que nous inquiéter pour l’avenir sur les conditions d’accès aux soins et de leur prise en charge.

Pour finir, cette loi est emblématique des  politiques nouvelles qui ont déjà atteint de multiples secteurs de la société et qui s’en prennent aujourd’hui à la médecine. Elles sont la conséquence de  la dérive technico-scientiste caractérisant les utopies totalitaires qui finalement sont au service de l’argent et de ses représentants que sont l’industrie et la grande distribution. Leurs élaborations et applications reposent en partie sur des fonctionnaires zélés dont le sentiment de toute puissance n’a d’égal que l’opacité des fonctionnements. Elle est  relayée sur le terrain par des experts que des intérêts particuliers poussent à entretenir le mythe du progrès.
Aussi aujourd’hui pour penser la médecine, il est préférable de sortir de son champ. Les travaux des philosophes qui nous sont proches comme Michel Foucaud montrant  que la traçabilité est devenue la forme moderne de la punition, devraient aider à voir l’évidence  des caractères liberticide et inacceptable de certaines lois comme celle qui fait l’objet de cette protestation. De même ceux de Jocelyne Porcher sur la mécanisation et l’industrialisation de l’élevage des animaux associant réglementations barbares, novlangue « ad nauseam », maltraitance généralisée et burn out des professionnels, nous offrent un nouveau cadre de réflexions d’une pertinence aussi inattendue qu’essentielle. Comme d’autres dans d’autres secteurs, nous, médecins, allons vers une médecine hors sol et délocalisable où la relation médecin malade ne sera plus qu’une double exclusion. En vérité nous sommes passés du temps des lumières à celui des projecteurs ; on ne regarde que ce qui est montré et se retourner vers la source lumineuse nous éblouit ou nous aveugle.

Docteur Dany Baud, pneumologue, chef de Service au Centre Hospitalier Spécialisé en Pneumologie de Chevilly Larue, membre et ancien responsable du groupe Education Thérapeutique au sein de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF)

(Illustration : Le siège de la National Security Agency dans le Maryland (USA))

dimanche 23 novembre 2014

Haut Conseil de la santé publique, vaccination anti grippale : addendum désespérant.


Mon dernier billet (voir LA) analysant le rapport du groupe de travail du Haut conseil de santé publique (HCSP) sur l'intérêt de la vaccination anti grippale chez les seniors et les personnels de santé rédigé à la suite de la saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) disait ceci : 
  1. La DGS pose les "vraies" questions (nous avons quand même des doutes sur la naïveté de cette saisine en raison des relations incestueuses qui existent au sein des différentes agences gouvernementales) à défaut d'attendre les "vraies" réponses (une interprétation "malicieuse" est plus vraisemblable : cf. infra)
  2. Le groupe de travail du HCSP est complètement infiltré par les industriels du vaccin (Big vaccine) et personne n'y trouve à redire : méthode française de corruption.
  3. L'efficacité de la vaccination anti grippale n'est pas prouvée scientifiquement dans les deux situations interrogées
  4. Les experts ont l'intime conviction que la vaccination est efficace en ces deux situations et, par une sorte de retournement de la preuve, ils exigent des preuves de non efficacité pour changer d'avis
  5. Les experts payés par Big vaccine n'ont rien fait depuis 40 ans sinon des études bidons et bidonnées et demandent désormais à l'Etat de s'y coller (en sachant que cela ne sera pas fait)
  6. Je suis passé à côté des "vraies" intentions de la DGS et du HCSP

Et voilà que CMT commente (et c'est moi qui grasseye).


"J’aimerais préciser que quand je disais que bientôt la question de l’efficacité des vaccins ne serait plus d’actualité, car la coercition imposerait les vaccins à tous indépendamment de leur utilité, ce n’était pas juste histoire de parler.

En effet, les nouvelles politiques vaccinales qui seront annoncées aux populations dans les mois qui viennent vont probablement mettre en œuvre un ensemble de mesures cohérentes qui rendront très difficile à la population d’échapper à une vaccination, et aux médecins de refuser de vacciner.

Ces nouvelles politiques ont été imaginées, conçues et imposées dans la discrétion par Daniel Floret, président du Comité technique de vaccination, dont on connaît les conflits d’intérêts avec Big Pharma.

Les mesures pourront être, avec des variantes, du type de celles-ci, annoncées par Daniel Floret lui-même :
- traçabilité des recommandations des médecins et du refus des patients
- ces recommandations doivent mettre en avant l’intérêt des vaccins et le risque d’une non vaccination
élargissement des personnels paramédicaux pouvant vacciner (infirmières, sages-femmes, pharmaciens)
- vaccination dans les écoles
prise en charge totale de la vaccination par l’Etat (et non plus à posteriori par la sécurité sociale)

La vaccination dans les écoles pourrait se faire à l’insu des parents, comme cela se pratique au Canada à partir de 14 ans. Il y a d’ailleurs un cas qui a fait beaucoup de bruit outre-atlantique. Celui d’une adolescente, Anabelle Morin, vaccinée à l’école par le Gardasil à l’insu de ses parents, et qui a présenté un premier malaise à la suite du premier vaccin, puis, est décédée (décès inexpliqué) à la suite du deuxième vaccin le 9 décembre 2008. Les parents n’ont donc fait le rapprochement entre malaises et vaccination qu’après coup.

Le système pressenti, proche de l’idéal pour Daniel Floret, serait un système à l’anglaise, où les médecins ne vaccinent pratiquement plus, mais émettent un avis une fois pour toutes sur d’éventuelles contre-indications, et où les nourrissons sont vaccinés ensuite à la chaîne par des infirmières et de même pour les enfants et adolescents dans les écoles. Cela permet, bien sûr, d’atteindre des taux de couverture vaccinale très élevés, indépendamment de l’intérêt du vaccin. Daniel Floret appelle aussi de ses vœux la coercition à l’américaine, où la plupart des vaccins s’imposent du fait qu’ils sont obligatoires pour la scolarisation des enfants.

Un point clé, pour Daniel Floret, est de trouver un mot qui voudrait dire obligation sans être le mot obligation (qui renvoie vers des obligations légales d’indemnisation de la part de l’Etat en cas d’effet indésirable grave, donc un nouveau terme aurait l’avantage de permettre d’échapper à cette obligation de l’Etat) et qui serait alors appliqué à l’ensemble des vaccins anciennement ou nouvellement inscrits dans le calendrier vaccinal .

Si on appliquait l’ensemble des mesures envisagées il deviendrait pratiquement impossible pour les médecins de refuser de faire un vaccin , et pour les patients de ne pas l’accepter. Alors que refuser un vaccin qu’on n’estime pas utile pour soi ou son enfant peut relever actuellement d’une décision individuelle prise dans la sérénité, cela pourrait devenir un acte militant à part entière. Ce qui signifie que la plupart des gens accepteraient de se faire vacciner par tel vaccin qu’ils estimeraient pourtant inutile, uniquement pour éviter les conséquences légales d’un défaut de vaccination. 



Ces commentaires sont éclairants. Et ce, d'autant plus, que j'avais oublié les derniers paragraphes du rapport.

il est licite d’envisager une stratégie complémentaire visant à la protection indirecte des sujets les plus à risque de complications par la vaccination des enfants. Dans l’attente des résultats de l’expérience récemment mise en place au Royaume-Uni, le HCSP souligne qu’une telle stratégie nécessitera : 
une mise à disposition du vaccin grippal vivant nasal, dont la meilleure efficacité a été établie chez l’enfant, et dont on continue à déplorer la non-disponibilité en médecine de ville en France ; 
une étude d’acceptabilité de cette stratégie auprès des professionnels de santé et du grand public, étude indépendante à réaliser dès maintenant ; 
l’obtention d’une couverture vaccinale élevée et qu’en conséquence cette stratégie ne pourra être mise en place en l'absence ds mesures d'accompagnement qui permettent de l'obtenir.

Et nous pouvons rajouter ceci : l'enjeu sera le prix (remboursé) du vaccin nasal pour administration pédiatrique  (Fluenz tetra Nasal spray Suspension, souches vivantes atténuées, actuellement recommandé sous certaines conditions par le Comité Technique des vaccinations, sous officine de Big vaccine) qui est en cours d'examen. Ainsi, un des freins à l'utilisation chez l'enfant, la "piqûre", pourrait être levée et l'objectif subsidiaire, le critère de substitution à la puissance cube, la couverture vaccinale, pourrait être amélioré.

Conclusion (provisoire) :

Sans vouloir jouer les prophètes de malheur, la stratégie menée par l'Etat (visiteur médical officiel de Big vaccine) s'inscrit dans une double démarche : élimination des médecins et infantilisation du citoyen.



Illustration 1 : Daniel Floret en majesté. Alias Louis XIV
Illustration 2 : Abattoir industriel sur un site écolo : LA
Illustration 3 : Voir ICI un site avec beaucoup de dessins amusants.

jeudi 20 novembre 2014

Grippe : le HCSP extrapole et indique au doigt mouillé 2000 morts évités par an par la vaccination chez les personnes âgées.


Le HCSP, organe central de Big vaccine.


Le dernier rapport du HCSP (Haut conseil de la santé publique), voir ICI, sur L'efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière chez les personnes âgées et les professionnels de santé est à la fois un modèle de désinformation et un argumentaire transparent sur la stratégie de l'industrie du vaccin (big vaccine) pour les prochaines années. Il met également en exergue l'état de la corruption de l'Etat dans le domaine de la Santé publique puisque le gouvernement et les agences gouvernementales sont non seulement infiltrés mais sciemment remplis d'experts dont les liens avec les fabricants de vaccins sont patents et dont ils ne se cachent même pas puisqu'ils sont persuadés qu'il s'agit d'une reconnaissance de leur expertise. Il est vrai que des affaires récentes ont rappelé s'il en était besoin que la politique de fixation des prix des médicaments comme la gestion des campagnes de santé publique étaient décidées dans des antichambres ministérielles et durant de discrets repas où sont présents les représentants de big pharma.


Ce texte a été rédigé à la suite d'une saisine du HCSP par la DGS (Direction générale de la santé). Le texte de la saisine montre que la DGS, que l'on avait connue beaucoup moins inspirée en d'autres circonstances, a tout compris sur le manque de preuves d'efficacité de la vaccination anti grippale chez les seniors et sur son manque d'impact chez les professionnels de santé dans la protection des patients à risques. Ainsi, avec une fausse innocence, la DGS demande à l'organe central de big vaccine, i.e. le HCSP, de remettre en cause la politique vaccinale en sachant que le dit HCSP réussira l'exploit de mentir et de produire un texte préconisant au contraire une intensification de la vaccination anti grippale. Voici une partie de ce que dit la DGS :

Le CDC d'Atlanta, dans son point hebdomadaire du 22 février 2013, estime à 56 % l'efficacité globale du vaccin en population (47 % pour le A(H3N2), 67 % pour les B) mais l'efficacité observée chez les personnes âgées de 65 ans et plus n'est pas significative (27 % avec un intervalle de confiance de -31 % - 59%). Au Danemark , où la saison 2012/2013 a été dominée par le virus A(H3N2), l'efficacité vaccinale chez les personnes âgées de 65 ans et plus a été estimée à 69 % pour les virus de type B et non significative pour les virus de type A -11% (-41% -14%).

La réponse du groupe de travail est un modèle de servitude volontaire, un modèle d'irresponsabilité et un modèle, enfin, d'incompétence. Mais la naïveté de ce texte nous renseigne de façon limpide sur la stratégie actuelle de l'industrie des vaccins (Big vaccine) au niveau mondial.

Je rappelle également que le comptage des morts de la grippe est soumis à caution et que les chiffres officiels tous âges confondus étaient de 151 morts pour la saison 2010 - 2011 (voir LA)

Analyse du rapport du HCSP.

L'état des lieux du chapitre 1 est étique.

Le paragraphe 1.1 nous indique qu'il n'existe pas de données solides (aucun chiffre fourni) sur la morbi-mortalité liée à la grippe saisonnière en France ! Nous avons droit à des estimations pifologiques sur le nombre de patients passés aux urgences, sur les consultations chez le médecin généraliste et sur le pourcentage de certificats de décès mentionnant la grippe chez les personnes âgées de 65 ans et plus.

Le chapitre 2 concerne la vaccination des personnes âgées. 

Voici ce que nous apprenons :
La réponse immunitaire est faible chez les personnes âgées et nous n'avons aucun moyen technique de l'améliorer (La conclusion du paragraphe 2.1).
Le paragraphe 2.2 analyse l'acceptabilité de la vaccination contre la grippe par les personnes âgées et conclut que les études menées pour convaincre les patients de se faire vacciner ont globalement échoué. 

Le paragraphe 2.3 entre enfin dans le vif du sujet puisqu'il analyse l'efficacité de la vaccination anti grippale chez les seniors. 

Nous apprenons en chemin que "Les recommandations vaccinales ayant été faites en l’absence d’études randomisées démontrant l’efficacité de la vaccination chez les personnes âgées de plus de 65 ans, c’est a posteriori que l’on a tenté de justifier ces recommandations en s’appuyant sur des méta-analyses et des études de cohorte. " Et ceci encore : "En outre, depuis 1980, aux Etats-Unis, la mortalité liée à la grippe n’a pas sensiblement diminuée alors que la couverture vaccinale des personnes âgées est passée de 15 à 65 %"

Nos auteurs, loin de se décourager, ont donc décidé de rééxaminer l'efficacité de la vaccination anti grippale à l'aune des dernières méta-analyses et des études de cohorte.

La méta-analyse Cochrane est rapportée ainsi :"La conclusion des auteurs est que les données disponibles sont de mauvaise qualité et ne permettent pas de conclure quant à la tolérance et à l’efficacité de la vaccination antigrippale chez les personnes âgées de 65 ans et plus." Mais nos experts gouvernementaux ont trouvé une analyse critique de la méta-analyse Cochrane qui fournit des conclusions différentes : "efficacité vaccinale de 30 % vis-à-vis de la prévention des complications létales et non létales de la grippe, de 40 % pour la prévention de la grippe clinique, de 50 % vis-à-vis de la grippe confirmée virologiquement et de 60 % vis-à-vis de la prévention de l’infection grippale biologique." L'article critique de Cochrane a été publié dans la revue Vaccine (ICI) qui a comme rédacteur en chef un certain Gregory A. Poland dont les liens avec l'industrie des vaccins sont évidents (voir LA).

Quant aux études de cohorte (paragraphe 2.3.2), elles majorent artificiellement, en raison de biais de sélection, les résultats de la vaccination (qui ne sont pas très fameux) et ne sont donc pas interprétables.

C'est alors qu'au paragraphe 2.3.3 nos auteurs sortent une arme fatale de leur chapeau : "La méthode dite de « différence sur la différence » appliquée sur la cohorte de la « Kaiser Permanente » en Californie est la plus séduisante". Ils décrivent l'objet puis s'empressent de l'appliquer (paragraphe 2.3.4) aux données françaises (c'est l'InVS qui s'y colle), enfin, si l'on peut dire. Nous sommes en plein délire méthodologique : "Les données utilisées ont été le nombre hebdomadaire de décès observés de personnes âgées de 65 ans et plus survenus en France, entre juillet 2000 et mai 2009 (Source : CépiDC), l’efficacité du vaccin contre les décès toute cause estimée à 4,6 % [IC 95% : 0,7- 8,3] par l’équipe américaine et une couverture vaccinale estimée à 63 % en moyenne sur la période d'étude (sources : Cnam-TS et GEIG)". Et voilà, passez muscade : les chiffres du CépiDC sont connus pour être assez peu fiables, les données américaines applicables à la France sont une extrapolation hardie et le fichier de l'assurance maladie est une vaste rigolade puisque fondé sur la délivrance du vaccin et non sur sa réalisation.
En conclusion (page 18), rien n'est sûr mais "En voiture Simone".

Après avoir lu cette première partie  rapport je suis effondré du fait qu'une des signataires de l'article Isabelle Bonmarin, et je le précise, je ne la connais ni des lèvres ni des dents, ait été invitée dans tous les medias pour affirmer que plus de 2000 morts sont évités chaque année chez les personnes âgées grâce à la vaccination anti grippale.

Le chapitre 3 concerne la vaccination des personnels de santé (pages 22 et suivantes).

Il est construit et rédigé dans le même métal.
Paragraphe 3.1 : au doigt mouillé les soignants présentent un sur risque d'attraper la grippe. Voici une phrase qui aurait un zéro à l'ECN :"Il a en effet été démontré que la vaccination des soignants diminuait le nombre d’infections grippales documentées, de syndromes grippaux et réduisait l’absentéisme, quoique dans des proportions pas toujours significatives selon les études."
Les auteurs experts parlent vaguement des grippes nosocomiales.
Puis du taux de vaccination des soignants.
Des déterminants de la vaccination des soignants.
Du caractère obligatoire de la vaccination des soignants selon les pays.
Bla bla.
Et ils s'intéressent enfin à la question de la saisine (paragraphe 3.6) : Vaccination contre la grippe du personnel de soins pour protéger les patients fragiles.
"En conclusion, les études concernant l’efficacité de la vaccination des soignants pour protéger les patients sont peu nombreuses, difficiles à réaliser et entachées de nombreux biais. La majorité des résultats sont en faveur d’un effet protecteur mais le niveau de preuve est faible. "
Fermez le ban.
Ah, non : le chapitre 4. concernant la tolérance de la vaccination anti grippale est rassurant. Tout baigne. Je vous renvoie aux différents articles de Marc Girard sur la façon dont la pharmacovigilance est menée avec les vaccins en général : LA)

Le rapport du HCSP répond mal aux questions pertinentes posées par la DGS.
Isabelle Bonmarin en dit plus que ne le dit le rapport mais elle est payée pour cela.

Rappelons-nous cette phrase conclusive du rapport : La politique de vaccination contre la grippe des personnes âgées a été mise en place sans qu’il existe d’éléments scientifiques robustes démontrant l’efficacité des vaccins grippaux dans ce groupe de population .



Résumé de l'argumentaire de Big vaccine pour promouvoir la vaccination anti grippale :

  1. Les vaccins (ce pluriel est voulu) sont efficaces et sûrs et en particuliers les vaccins anti grippaux. Personne ne peut le nier et quiconque émet l'esquisse de l'esquisse d'un doute est à ranger dans la catégorie détestable et rétrograde des anti vaccinalistes.
  2. Les preuves d'efficacité manquent pour la vaccination des personnes âgées de 65 ans et plus et pour celle des personnels de santé dans le but de protéger les patients fragiles et c'est dû à la mauvaise qualité des essais.
  3. Puisque les essais de cohorte sont inconclusifs et que les méta analyses sont dans le même métal, il est nécessaire de mettre en place des essais comparatifs versus placebo qui devraient être financés par des organismes publics.
  4. Mais la mise en place d'essais randomisés de ce type est contraire à l'éthique puisque les vaccins sont efficaces. Ainsi, ce que préconise le plan cancer dans des pathologies autrement plus préoccupantes que la grippe saisonnière, la protocolisation extensive des malades dans des essais cliniques versus placebo ou non (j'ai déjà dit mon désaccord sur cette généralisation mais pas sur le principe), n'est pas éthiquement acceptable pour Big vaccine.
  5. Pendant les travaux, la vente continue. Et non seulement la vente continue mais le marketing de la vente, à savoir les études de marché et les campagnes de publicité sont facturés aux agences gouvernementales et aux ministères de la santé qui doivent trouver les meilleurs moyens a) de populariser la vaccination auprès de la population (le taux de vaccination étant devenu le substitut du substitut des critères d'efficacité des vaccins - soit le taux d'anticorps), b) d'écrire des articles justifiant la faible efficacité des vaccins acceptable et suffisante comme argument de vacciner, et rendant recommandable, voire obligatoire, comme préalable à toute production de preuves
  6. En revanche des essais vaccins vs vaccins adjuvés sont eux envisageables : on ne peut prouver l'efficacité vs placebo et on pense pouvoir le faire avec deux principes actifs.
  7. Depuis 40 ans qu'existe la vaccination anti grippale les industriels n'ont pas été capables de mettre en place des essais concluants (ou ils ont mis à la poubelle les essais négatifs) et comptent désormais, pendant qu'ils continuent de vendre des vaccins non généricables, sur l'Etat pour venir à leur secours non seulement pour prouver l'efficacité de leur camelote mais pour que les campagnes de santé publique vaccinales destinées à vendre leur camelote soient financées par le contribuable.


L'indépendance des experts.

Nous avons déjà largement parlé sur ce blog de la façon dont se constituait l'expertise et notamment d'un phénomène particulier que l'on appelle en anglais l'expert mongering ou en français la fabrication des experts (ICI).
Nous avons consulté les Déclarations personnelles d'intérêt (dpi) de chacun des membres de ce groupe de travail (quand elles existent et certaines datent de 2012) et avons mentionné en italique les organismes avec lesquels chacun reçoit des avantages pécuniaires et / ou intellectuels (dans les 5 ans précédant la dpi.

Abbrviations : CTV (Comité technique des vaccinations) ; CSMT (Commission spécialisée des maladies transmissibles) ; CSSP (Commission spécialisée de sécurité des patients).


Dominique InVS GERES SPILF Abiteboule (HCSP et CTV) (médecin du travail)
Brigitte OMS (global advisory committee on vaccine safety) AVIESAN (IMMI) ORVACS Sanofi Pasteur (2) Congrès (3) Autran (HCSP et CTV) (professeur, PUPH en immunologie, responsable du département d'immunologie et chef du pôle de biologie médicale et de pathologie à l'APHP)
Agathe CCTIRS Congrès (1) Billemette de Villemeur (HCSP et CTV) (médecin conseiller technique du recteur (38) - Education nationale et médecin épidémiologiste expert au CCTIRS)
Thierry Blanchon (réseau sentinelles)
Isabelle Reivac HRPV (oseltamivir) ; congrès : JNI (3) Ricai GEIG Bonmarin (InVS)
Christian GEIG Wyeth/Pfizer Basilea Pharmaceutica Biofortis Janssen GSK Theravectis Sanofi Pasteur MSD  Congrès (25 avec des financements divers : Janssen (2), Gilead (6), Sanofi Pasteur MSD, Novartis, BMS, MSD (3), Thermofisher brahms (2), Pfizer (6), Astellas (2), Abbvie) et de nombreuses réunions AREMIT pour 6 laboratoires différents Chidiac (HCSP et CSMT) (PU-PH - Association de chimiothérapie anti infectieuse - Collège universitaire des maladies infectieuses et tropicales - Virage santé - SPILF - AREMIT)
Emmanuel ANSP Debost (HCSP et CSMT) (médecin généraliste, GROG*)
Daniel ACTIV ACTIV (Infovac) Groupe d'étude en préventologie Biomérieux/Fondation Mérieux   (2) INSERM ANRS Wyeth Floret (HCSP et CTV)(professeur des universités retraité)
Gaëtan Sanofi Pasteur MSD (6) Pfizer (3) Biomérieux (1) ViFORPharma (1) Astra Zeneca (1) Gavazzi (HCSP et CMVI) (PU-PH)
Jean-François Cellestis (1) Qiagen (1) Gehanno (HCSP et CSSP) (PU-PH à Rouen et médecin chef à la SNCF à Paris)
Alexis Jacquet (évaluateur à l'ANSM)
Corinne Le Goaster (Secrétariat Général HCSP, chargée de mission)
Bruno Conseiller scientifique : ECDC Roche (2) Novartis MedImmune GSK BMS Biocryst GEIG ESWI ; Sanofi Pasteur (2) Roche Argène/Mérieux (2) InGen ; articles et congrès financés par : GSK Sanofi Pasteur Roche (3) GEIG (2) ESWI ; activités d'enseignement : Roche (2) Lina (Centre National de Référence des virus influenzae) (Professeur des universités)
Isabelle Morer (ANSM)
Anne Mosnier (GROG*)
Elisabeth ANSM Groupe d'étude en préventologie Nicand (HCSP et CTV) (médecin biologiste chef de service à l'hôpital du Val de grâce puis à Pau - médecin centre de vaccinations internationales, Ministère de la Défense)
Henri Sophia, Fondation d'entreprise Genevrier Fond de dotation Gilead Collège National des Généralistes Enseignants Pfizer (4) Partouche (HCSP et CTV) (médecin généraliste - professeur associé en médecine générale - Institut Curie)
Hélène  Argène (2) Biomérieux (2) Congrès (Gratz, Ricai x n, 9 sans noms des payeurs des frais de déplacement) Peigue-Lafeuille (HCSP et CSMT) (PU-PH chef de service de microbiologie)
Sylvie GEIG CLCG IMMI (6) ANSES (2) ECDC (3) EISS LEEM Welcome trust Danone ISARIC InVS (2) ANSM ISIRV WHO (8) AP-HP PHRC GSK (4) GROG* NVI RIM (2) Biomérieux Biofortis Roche Congrès (48 avec transports "offerts") Brevet GSK vaccin Van der Werf (CNR des virus influenzae) (chef de service Institut Pasteur, vice-présidente des GROG*)

* financé en partie par Sanofi pasteur MSD Abbott Roche Argène GSK

Et après cela nos experts diront que les essais corrects n'ont pas été faits et qu'il faudrait que ce fût la puissance publique qui les payât.
Que les experts excusent le fait que je sois passé à côté de financements auxquels ils avaient droit es qualités.

Pour ceux qui pensent que les controverses ne sont que françaises :


Magnique billet de M McCartney : http://www.bmj.com/content/349/bmj.g6182


PS : J'ai ajouté un Addendum à ce billet : ICI
PS2 : François Pesty écrit la même chose sur l'hépatologie en France sur le site du Formindep : LA




dimanche 16 novembre 2014

Sérendipité du suivi des patients. Histoire de consultation 179.


Madame A, 64 ans, est diabétique non insulino-dépendante, hypertendue, dyslipidémique et en surpoids. On peut même dire qu'elle est une diabétique pas bien équilibrée selon les canons de la médecine réglementaire puisque son HbA1C est à 8,2 (et que nous n'arrivons pas à faire baisser depuis des années malgré une pression artérielle, un LDL cholestérol, une fonction rénale et une rétine aux taquets). 

Les recommandations recommandent une HbA1C aux alentours de 7 (j'ai toujours aimé l'expression "aux alentours" issue de la Revue Prescrire).

Pourquoi cette patiente n'est-elle pas bien équilibrée sur le critère de substitution HbA1C ? 

Vous avez plusieurs options : c'est la faute du médecin qui la suit (le docteur du 16 depuis une une bonne vingtaine d'années), c'est la faute de la patiente, c'est de la faute de la société, ou vous mélangez le tout.

Nous étions convenus qu'elle se fasse opérer du genou (prothèse totale) en raison de lésions arthrosiques majeures très invalidantes pour une femme qui a la responsabilité de sa famille (mère, petits-enfants, arrière petits-enfants).
Je la revois l'autre jour au décours de son intervention (qui s'est "bien" passée), de son séjour en centre de rééducation (qui s'est bien passé à quelques détails près), de son retour à domicile (qui s'est mal passé car elle n'a pu continuer la rééducation, aucun kinésithérapeute ne voulant ou ne pouvant ou les deux se déplacer à domicile). 
J'ajoute que cette patiente a déménagé et habite désormais à plus de 20 kilomètres de mon cabinet et qu'au lieu de me contacter elle a essayé de se débrouiller toute seule, "pour ne pas me déranger".
Quoi qu'il en soit, je la reçois, l'examine et me rend compte qu'elle n'a pas récupéré une flexion complète mais, bien plus, que sans exercices, elle a régressé depuis sa sortie du centre de rééducation. Je lui prescris des séances de kinésithérapie (elle pourra s'y rendre car elle conduit désormais) et lui donne des conseils d'auto rééducation.

Mais voici l'affaire.
Durant son séjour au centre de rééducation, les médecins, à juste titre, ont trouvé que ses objectifs d'équilibration diabétique n'étaient pas atteints. Ils ont changé son traitement. Ce qu'elle n'a pas supporté (non désir de changer, effets indésirables, refus de se faire piquer). Elle leur a dit expressément qu'elle ne voulait pas continuer. Ils ont insisté. Ils l'ont menacée d'appeler son médecin traitant (ce qu'ils n'ont pas fait) pour l'obliger à l'observance (une nouvelle cause nationale ?). Tant et si bien qu'elle a refusé de se faire piquer (un nouveau médicament qui n'est pas de l'insuline), a fait semblant de prendre ses nouveaux médicaments et a continué à prendre en cachette ceux qu'elle prenait avant (metformine et glibenclamide) que lui rapportait l'une de ses petites-filles.
Une performance.
Plus de trois semaines après la sortie du centre je n'ai toujours pas reçu de compte rendu mais le compte rendu opératoire est arrivé.
Elle m'a dit également qu'on lui avait conseillé de demander à son médecin traitant de lui prescrire un lecteur de glycémie afin de mieux contrôler son diabète (je rappelle ici, et malgré les scandaleuses campagnes de publicité grand public que l'on entend actuellement pour inciter les diabétiques tout venant de demander à leur médecin de leur prescrire des lecteurs de glycémie, que les lecteurs de glycémie sont réservés aux diabétiques utilisant l'insuline -- voir ICI-- et que non seulement c'est hors nomenclature mais qu'en plus aucun essai n'a montré un quelconque avantage à se servir de ce type d'appareil pour équilibrer un diabète).

Nous sommes convenus avec la patiente de doser son HbA1C avant que je ne lui represcrive ses médicaments, le dernier dosage remonte à mi août, et, au dernier moment, avant qu'elle ne quitte le cabinet, je découvre ceci : durant son séjour de 3 semaines au centre de rééducation elle a perdu 8 kilos ! "La nourriture était tellement mauvaise."
Ainsi apprends-je par la bande que le fait de ne pas manger fait maigrir... que la patiente, ce que je savais, ne "faisait pas de régime" alors qu'elle "prétendait" faire des efforts (ce qui était sans doute vrai)... que la nourriture n'est pas très bonne dans certains établissements mais que cela sert de révélateur de la malbouffe généralisée qui règne à l'extérieur.



Le culte des indicateurs et des critères de substitution (ici l'HbA1C) conduit à l'"innovation" : de nouveaux médicaments non éprouvés et chers sont prescrits pour remplacer des médicaments peu efficaces mais connus. 
Sans doute en toute indépendance de big pharma.
Le rêve des lobbys agro-alimentaire et santéo-industriel (ce sont souvent les mêmes), c'est une HbA1C "convenable" obtenue grâce à des médicaments coûteux prescrits à des personnes qui continuent de manger "normalement", c'est à dire en consommant (trop) de la nourriture à la mode. 
Les campagnes de dépistage du diabète sont un épisode de plus de l'hypocrisie ambiante : le tout coca et le tout McDo sont favorisés par la pub, le tout dépistage est favorisé par la pub, le tout traitement est favorisé par big pharma, et, en bout de chaîne, les médecins (mais bien entendu les médecins généralistes en premier lieu) sont désignés comme coupables du non dépistage (voire peut-être de la non prévention).
Les patients ont, heureusement, une histoire personnelle, mentent à leur médecin, s'en sentent parfois coupables, n'"observent pas" et gardent leur libre-arbitre tout en étant bombardés de publicités délétères et de conseils fallacieux. 
Les médecins, eux, n'écoutent pas assez leurs patients, et il arrive qu'ils soient à la fois trop intrusifs (de quoi je me mêle) ou pas assez (vous auriez pu le savoir avant). Où placer le curseur ? 

Quant à la médecine générale, c'est quand même compliqué. Nous croyons gérer et le patient s'échappe, nous croyons être au courant et le patient a ses propres vues sur la question (qui est aussi sa question), nous avons des "certitudes" qui se traduisent par des "aux alentours de 7", nous avons l'illusion également de pouvoir faire son bonheur malgré lui... Nous sommes dans le règne de l'incertitude. C'est ce qui me plaît dans la médecine générale. Le danger essentiel de notre métier vient de ce que tout dans notre attitude, le verbal comme le non verbal, la prescription comme la non prescription, l'adressage comme le non adressage, la bonne comme la mauvaise conscience, est potentiellement source de dégâts collatéraux ou de bénéfices imprévisibles qui affectent la vie et l'entourage de nos patients et malades. Parfois pour de longues années.



jeudi 6 novembre 2014

Les diagnostics par excès et les examens complémentaires dangereux. Histoire de consultation 178.


Madame A, 67 ans, est allée passer quelques jours chez son fils dans l'Allier. Je connais cette patiente depuis mon installation, soit 1979.
Madame A est diabétique insulino-dépendante, hypertendue et dyslipidémique.
Son fils l'a emmenée chez son médecin traitant pour des sensations bizarres de l'hémiface gauche et il a diagnostiqué une paralysie faciale périphérique a frigore. Il lui a prescrit une corticothérapie (40 mg de prednisolone pendant plusieurs jours, je n'ai rien demandé de plus).
Elle vient me voir, affolée, avec les résultats du scanner. Elle me demande si c'est grave. Elle a peur d'avoir un alzheimer.
Retour en arrière.
Les sensations bizarres de l'hémiface gauche ont peu évolué sous corticothérapie, elle est revenue à Mantes et comme sa belle-fille est infirmière en neurologie à l'hôpital elle lui a obtenu très rapidement un rendez-vous avec une neurologue.
J'ai le courrier sous les yeux : "... il ne s'agit donc pas d'une paralysie faciale périphérique mais de paresthésies dans le territoire de la branche cervico-faciale... et j'ai demandé, en raison de l'inquiétude de la patiente, un scanner pour la rassurer complètement..."
Indépendamment du fait que la corticothérapie a complètement déséquilibré le diabète que nous avions eu beaucoup de mal à stabilier durant les mois précédents et que les paresthésies ont complètement disparu, la patiente me montre le compte rendu du scanner qui parle, outre du fait que tout est normal, de plaques amyloïdes (avec cette phrase lapidaire : à confronter aux données de la clinique).
Elle est allée faire un tour sur internet et, ajouté au fait qu'elle a oublié la semaine dernière où elle avait posé ses clés de maison au moment de partir à Auchan, elle est persuadée qu'elle a un alzheimer et elle me demande de lui faire une lettre pour aller passer un test au centre de mémoire de l'hôpital.

Je lui ai fait la scène du deux.

J'espère l'avoir rassurée mais ce n'est pas gagné.

Illustration : Vincent Van Gogh. Autoportrait à l'oreille bandée (1889)