mardi 24 mars 2015

Marisol Touraine en chef du lobby santéo-industriel.


Pendant que les manifestants défilaient loin de ses fenêtres, Marisol Touraine rêvait encore d'un destin national, on avait même appris qu'elle avait pensé au poste de premier ministre avant la nomination de Manuel Valls, mais sa gestion calamiteuse du dossier Loi de santé rend la chose de plus en plus improbable...


Un Ministre de la Santé sans pouvoir. 
Marisol Touraine est ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Mais quel est son véritable pouvoir ? Quelle influence peut-elle avoir sur la Santé publique ? De quelles marges de manoeuvre dispose-t-elle ? Est-il possible, hormis le sociétalisme et le clientélisme, de faire une politique de gauche en ce domaine ? On peut ergoter à l'infini sur ce qui serait de gauche et sur ce qui serait de droite en Santé publique, il vaudrait mieux se concentrer sur l'essentiel, à savoir l'évolution des désirs de soins (spontanés, stimulés ou construits) dans les pays développés, du fait que la médecine est devenue une marchandise comme une autre, mais qui en douterait encore ?, et que cette marchandisation liée à l'hypermédicalisation de la société fait qu'il n'est plus possible d'agir sinon à la marge... Les tendances constatées dans les pays développés, le modèle américain en particulier, nous amènent à douter d'une évolution humaniste et raisonnable de la santé et nous convainquent plus certainement de l'arrivée d'un modèle purement consumériste avec lequel nous serons contraints de nous adapter ou de mourir. La révolution est en marche et, comme en d'autres domaines, il sera difficile de lutter comme dans le commerce contre la grande distribution, comme dans l'industrie contre la robotisation, comme dans l'élevage contre la mise en batterie, comme dans l'alimentaire contre l'uniformisation, comme dans l'information contre le gigantisme des trusts, comme dans la finance contre les paradis fiscaux et les fonds pourris. La discussion en Santé publique n'est plus entre "libéralisme" et "socialisme" mais entre néo libéralisme de droite et néo libéralisme de gauche. Les différences sont ténues et ce ne sont pas les franchises qui vont emporter le morceau.




La Loi de santé : un fourre-tout minable et non préparé.
Marisol Touraine n'a pas d'états d'âme mais elle est d'une maladresse insigne ou d'une bêtise dans le même métal. Cependant elle est certaine de son fait. Ce qu'elle accomplit au Ministère est fondamental pour sa carrière. Etre chef, ou se croire être chef de la Santé publique en France, lui est monté à la tête.
Son cabinet et ses soutiens dans le Parti pensent que cette Loi de santé est la seule, en dehors des mesures sociétales déjà instaurées, qui pourrait valoriser le quinquennat, marquer les esprits sur le plan social et entraîner sur certains points comme le tiers payant généralisé, l'adhésion des frondeurs, de la gauche de la gauche et des écologistes.
Animée par une volonté farouche de ne pas écouter et de ne pas comprendre que prendre en grippe les professionnels, a fortiori quand on a tort, ne peut mener qu'au désastre et à des conséquences délétères dont la première serait la disparition pure et simple de la médecine générale telle que nous la connaissons actuellement. Ce dont, a priori, elle se moque complètement. Mais elle n'est pas la seule.
La médecine générale est condamnée par tous et chacune des mesures de cette Loi de santé concourt encore plus à sa perte.
Marisol Touraine est aussi très maladroite puisque, sur le sujet du tiers payant généralisé, elle arrive à se mettre à dos, les médecins qu'ils soient de droite, de gauche, du secteur 1, du secteur 2 ou d'ailleurs, les mutuelles, petites ou grandes, les assureurs, les prévoyants alors que chacun aurait pu y trouver son miel.


Marisol Touraine, bras armé du lobby santéo-industriel.
La Ministre de la santé se sent investie d'une mission alors qu'elle n'est que le bras armé du lobby santéo-industriel qui la manipule comme il a manipulé tous les ministres et sous-ministres de la santé qui l'ont précédée. La Santé publique en France est sous influence. Comme ailleurs dans le monde, sans doute, mais, comme nous sommes en France, n'est-ce pas, parlons de ce que nous connaissons un peu.
Marisol Touraine croit, à l'instar de ses prédécesseurs et prédécesseures, qu'entourée des meilleurs experts du pays (sic) elle est capable de décider par elle-même, alors qu'elle n'est que le porte-voix des intérêts financiers de ces experts, créés, élevés, nourris, chouchoutés et, finalement, humiliés, par l'argent de l'industrie pharmaceutique, des fabricants de matériel, des assureurs et des banquiers, et elle est persuadée qu'elle est capable de décider par elle-même ce qui est bon pour les médecins, ce qui est bon pour les citoyens, de ce qui est bon pour les malades, ce qui est bon pour sa réélection.



Marisol Touraine à la tête d'un système mafieux.
Qu'il s'agisse des membres de son cabinet, qu'il s'agisse des membres de la Direction Générale de la Santé, qu'il s'agisse des dirigeants des Agences gouvernementales, qu'il s'agisse des happy few qui décident du prix des médicaments, qu'il s'agisse des membres des différents Comités techniques appartenant au Haut Comité de la santé publique ou à d'autres institutions aux ordres dont le fameux Comité Technique des vaccinations, qu'il s'agisse des membres de l'Institut de veille sanitaire, qu'il s'agisse des hauts fonctionnaires des Agences régionales de Santé, qu'il s'agisse des dirigeants de la Caisse Nationale d'Asurance Maladie et de tous les autres régimes, tous ces membres, tous, sont mêlés peu ou prou à l'argent, aux influences intellectuelles, politiques et sociétales de l'industrie pharmaceutique et des fabricants de matériel. Sans oublier l'argent répandu incidemment par les industries agro-alimentaires et les trusts les commercialisant, les marchands de sodas sucrés, les vendeurs de hamburgers, les marchands de vin et d'alcool, les marchands de tabac, voire les constructeurs automobiles.
Tous les hauts fonctionnaires, tous les experts, tous les membres à vie des différents comités, tous les directeurs d'agence avec appartement et voiture de fonction, tous les grands professeurs qui parlent à la télé et à la radio, tous les petits professeurs qui en rêvent, tous les universitaires qui souhaitent être khalifes à la place du khalife, toutes les petites mains, touchent, touchent, touchent, palpent, palpent, palpent, s'empiffrent, s'indigestionnent de l'argent public et de l'argent privé, les tickets de vestiaire comme les repas de midi et du soir, les voyages dans les congrès, les hôtels de luxe ou de moins luxe, et, par l'intermédiaire des Cercles de réflexion où se côtoient les membres de tous les partis dont les moins recommandables, se prennent des décisions influant largement la Santé publique.
Ce n'est pas seulement l'argent qui a tout pourri, c'est aussi le goût du pouvoir, la reconnaissance des  pairs, l'entre soi des universitaires, la conjuration des imbéciles, le partage des prébendes et des prises d'intérêt illicites.



Marisol Touraine est sous influences.
Mais Marisol Touraine a aussi des préjugés : elle croit, en écoutant, en mangeant, en épargnant, en passant des soirées dans des assemblées de sachants, avec ses amis professeurs, son ami le distingué Pelloux, ses amis politiques comme les ex mutualistes de la MNEF puis de la LMDE impliqués puis relaxés dans des faits d'une grande gravité puisqu'il s'agissait ni plus ni moins de pomper l'argent des étudiants, de financer des emplois fictifs, elle croit que pour être dans le ton, il faut à la fois toucher au pouvoir, sentir le frisson des grosses sommes, montrer son attachement à l'argent, elle croit donc que seul l'hôpital public est paré de vertus.
Marisol Touraine se vautre dans ce milieu. Elle n'écoute pas la base, elle oeuvre pour le peuple, elle fait son bonheur malgré lui, elle s'entoure de conseillers croupions, de conseillers flatteurs, d'administrateurs déchus de mutuelles étudiantes corrompues, d'apparatchiks qui n'ont jamais rien fait de leurs dix doigts sinon repasser dix fois leur mastère, de conseillers hypercortiqués qui ont compris que pour flatter la ministre il fallait lui dire que le socialisme à visage humain, c'était Jules Guesde et les conseils d'administration du CAC 40, le pouvoir et la concussion, que la modernité c'était d'accepter le capitalisme tel qu'il était (on ne peut refaire le monde), donner le pouvoir à l'industrie seule capable de sauver les sociétés à condition de ne pas être controlée, donner la parole aux lobbys en faisant confiance à leur bonne foi, délivrer les clés de la société à la mondialisation financiarisée qui s'exprime désormais au niveau médical grâce à l'Organisation Mondiale de la Santé et à la fondation Bill et Melinda Gates, rêve achevé de gouvernement mondial de la santé dirigé par les grands argentiers de la planète et les grands groupes internationaux.



Marisol Touraine hait les sans dents.
La liquidation définitive de la médecine générale est des objectifs affiché de cette Loi de santé car, nous l'avons écrit plusieurs fois, et, au delà de ses défauts que j'ai largement dénoncés, la médecine générale, dans sa structure actuelle, décentralisée, incontrôlable, rebelle, irrespectueuse et parfois aussi suiviste, irresponsable, dérange car c'est elle, désormais, qui constitue le contre pouvoir contre les lobbys de la Faculté, de l'industrie, des cliniques, des marchands de vent, des ostéopathes, homéopathes, naturopathes, holopathes, c'est elle qui fait office de whistle blower, de dénonciatrice, de lanceuse d'alerte, c'est elle qui représente la common decency, qui dit ce qu'il ne faut pas dire (et je ne reprendrai pas ici les exemples nombreux depuis le fluor chez le nourrisson, les médicaments anti Alzheimer, le dosage du PSA, le dépistage organisé du cancer du sein, le vaccin anti papillomavirus)... Il est donc nécessaire de l'abattre.
Marisol Touraine, en bonne femme politique (et on n'oubliera jamais, en ces périodes de parité obligée, que les femmes sont des hommes politiques comme les autres), sait (avec Pelloux lui soufflant dans la nuque) en même temps exprimer du faux respect et de la vraie haine pour les manants et les sans dents, tous ces médecins qui n'ont pas fait carrière à la Faculté, tous ces médecins qui n'ont pas fait carrière à l'hôpital, tous ces médecins qui ont choisi le "libéral" pour gagner de l'argent sur le dos de l'humanité souffrante, tous ces médecins mal classés dans les concours de médecine, tous ces médecins qui n'ont pas su ou voulu faire carrière dans ces structures si accueillantes que sont les hôpitaux, où les meilleurs ne sont pas toujours élus ou nommés  pour cause de manque de dents pas assez longues, d'idées politiques pas assez changeantes et en raison de leur impossibilité à être des tueurs. Madame Touraine vomit le libéral généraliste, le libéral de base, celui que l'on appelle, c'est selon, le pivot, le soutier, l'OS, le bon à rien et bon à tout, le médecin généraliste, le spécialiste en médecine générale dont la tache essentielle est de besogner dans le domaine de la bobologie, discipline honteuse dénoncée à la fois par Bernard Kouchner et Emmanuel Chartier-Kastler, le libéral qui vole son argent, qui se fait payer ses études par l'Etat et qui, autre tare, ne suit pas aveuglément les directives de la DGS et de big pharma réunis.


Le soutien des arrivistes qui rêvent de pouvoir.
Mais Marisol Touraine n'est pas seule, elle s'appuie sur des aussi arrivistes qu'elle, elle a des relais puissants, les syndicats médicaux qui, tels les Curiaces arrivent au négociations en ordre dispersé en courant après les médailles, les syndicats médicaux qui, lancés dans une course effrénée au pouvoir, acceptent tout et prennent tout, qui, préoccupés seulement par des intérêts particuliers, finissent par oublier qu'ils sont médecins, mais aussi les groupes de pression qui, demandant la lune, n'auront que le doigt, mais aussi les associations de patients dont certaines se disent ouvertement associations de consommateurs (comme Que Choisir) ou qui avouent leurs liens et avec l'Etat (comme le CISS, syndicat patronal comme il en existe dans les usines) et avec big pharma (Renaloo et autres)...



Une Loi de santé calamiteuse.
Marisol Touraine est aussi inconsciente ou sotte puisqu'elle est en train de promettre sans contrepartie les données de santé individuelles aux mutuelles, aux assureurs et aux publicitaires. Confondant big data et données scientifiques, elle pense, la naïve ou l'imbécile, le doute serait-il permis ?, que la communication des données individuelles de chaque patient pourra plus faire avancer la recherche que rendre transparents les patients pour les mutualistes également assureurs et prévoyants, c'est à dire leur permettre de faire passer la France du principe assurantiel de stricte prohibition à celui du laissez faire imposant aux citoyens d'être soumis (parfois à leur insu) à des tests censés donner des indications sur leur espérance de vie et donc à moduler leurs primes d'assurance.

Marisol Touraine mise sur les réseaux de soins gouvernés par des mutuelles, mutuelles qui en rêvent et qui en font, à l'image de Guillaume Sarkozy, président de Malakoff-Medéric, leur futur fond de commerce d'un monde paradisiaque où ce seront les mutualistes/assureurs qui choisiront les médecins pour leurs sociétaires, les cliniques où ils pourront être explorés et se faire hospitaliser et/ou opérer, tout en choisissant sans doute, et sur quels critères !, les matériels qui permettront les diagnostics et les traitements, en promettant une baisse des coûts et en conduisant les praticiens et autres professionnels de santé sur la dangereuse voie des négociations tarifaires individuelles portant à la fois sur les honoraires et sur le choix des thérapeutiques.

Marisol Touraine, en bonne socialiste qui n'a pas peur de l'argent, s'appuie aussi sur les fonds de pension qui ont investi désormais les cliniques privées devenues des usines taylorisées pour malades, des fonds de pension qui financent des instituts privés au coeur même des hôpitaux publics, qui ont désormais investi les mutuelles qui se piquent d'acheter des enseignes d'optique avant d'acheter des cliniques, des laboratoires d'analyse (une réforme rondement menée dans l'indifférence générale), des pharmacies (dont la disparition prochaine est annoncée), des cabinets médicaux, voire des dispensaires, des fonds de pension qui ont complètement perverti l'oncologie faisant croire que l'Institut Gustave Roussy était un institut public alors qu'il n'est que la pompe à phynances de big pharma, dans sa variante big onco, et ne sert qu'à promouvoir des thérapeutiques inutiles vendues à grand frais prescrites par des oncologues rapidement formés dont l'objectif principal est d'inclure des malades condamnés dans des protocoles éprouvants, inutilement douloureux, mais extraordinairement rentables pour l'industrie elle-même (qui vend très cher avec des AMM bâclées des produits à peine testés et adoubés par des commissions qui touchent aussi l'argent des industriels, et dont les études sont publiées dans des journaux sponsorisés par elle-même, des articles bidonnés et bidonnants qu'aucun comité de lecture ne relit jamais sinon pour en corriger les incongruités trop flagrantes), un IGR dont on pourrait souligner les liens avec les ARS... Et la boucle est bouclée.

Mais ne croyez pas que cette description apocalyptique soit exagérée. Elle est très en dessous de la réalité. Seule la prudence me rend circonspect. Car l'affaire Mediator dont on nous rebat les oreilles, l'affaire Mediator, modèle de la corruption d'Etat (et pour laquelle l'Etat ne sera pas inquiété), elle n'a rien changé et elle ne changera rien, ne croyez pas non plus qu'elle est unique, elle est un des éléments de la corruption mafieuse et l'affaire Mediator, elle continue encore, non avec Mediator mais avec d'autres produits, d'autres laboratoires, d'autres experts, qui agissent en ce moment sous nos yeux, et tout le monde se tait, tout le monde est aveugle, tout le monde empoche, et Marisol Touraine n'y voit que du feu (soyons aimable). Elle n'y voit que du feu car elle "croit" aux experts que le lobby santéo-industriel a nommés pour elle, elle "croit" aux explications amphigouriques des visiteurs médicaux de la mafia de big vaccin, par exemple. Je ne voudrais pas alourdir mon propos mais le fait que les seules vaccinations obligatoires en France, diphtérie, tétanos, et polio, il ne soit pas possible de les pratiquer sans rajouter d'autres vaccins, eux simplement recommandés, sinon en faisant des contorsions administratives. Est-ce normal ? Mais surtout : le sur diagnostic et le sur traitement en cancérologie mais, maintenant, dans tous les domaines thérapeutiques où il existe de prétendues thérapies ciblées, c'est le règne du sur diagnostic, des sur promesses, du sur traitement, du sur prix, qui en parle ?

La médicalisation complète de la société.
Marisol Touraine la souhaite, et elle l'associe au néo libéralisme spirituel (Chacun fait ce qu'il veut, veut, veut...) dont l'Eglise de Dépistologie est un des symboles, l'Eglise de Dépistologie qui a comme dogme que tout organe doit être exploré, que tout incidentalome est un bienfait du ciel, que toute "lésion" et/ou comportement "anormal" doivent être pris en compte au risque d'inquiéter à tort, de diagnostiquer à tort ou de sur diagnostiquer ou de sur traiter parce qu'il faut faire plaisir aux industriels de la mammographie, aux industriels de la cancérologie, aux industriels de l'hospitalologie ou de la clinicologie, aux industriels de la cardiologie qui ne peuvent envisager un patient sans le bilanter lourdement, sans le traiter lourdement... Mais Marisol Touraine est aussi la porte-parole du lobby santéo-industriel qui combat, au nom du fameux néo-libéralisme parfois libertarien, les sociétés non savantes de Préventologie : la collusion avec les lobbys n'a pas de frontière connue, pour elle.
Sa volonté d'être in, de participer au mouvement mondial de la croissance ininterrompue, ici de la médicalisation du monde, de la médicalisation des comportements (traiter les déviants), de la médicalisation de la prévention, de la généralisation du dépistage et de la non mise en oeuvre de la prévention, elle n'en connaît rien, elle est seulement un instrument bienveillant et les mafieux n'ont pas besoin de lui mettre une arme contre la tempe, elle le fait de bon coeur.

Il nous manque un Balzac pour raconter cette société et ses Illusions perdues, il nous manque un Zola pour décrire La Fortune des Rougon, un Flaubert pour rappeler les Bouvard et Pécuchet de notre époque, un Molière pour moquer les Diafoirius et les Petits Marquis que l'on voit se succéder dans les ministères, les dîners mondains et les émissions de télévision sponsorisées par les publicités autour et alentours, un Jules Romains pour nous reknockiser cette société marchande, consommatrice de soins, déjà néolibérale sur le plan philosophique (je fais ce que je veux au moment où je veux et au diable les conséquences pour les autres) et encore libérale sur le plan social (le néolibéralisme c'est pour demain et on verra ce qu'il en est des programmes sociaux, de la CMU ou du RSA), il nous manque aussi un George Bernard-Shaw qui alliait la critique sociale et sa détestation de la médecine et de certains médecins, un Thomas Bernhardt pour rendre compte de la bêtise, de l'obtusité, de la corruption implacable de nos élites et de leur insatiable envie de pouvoir et d'argent, sans compter, désormais, et nous ne sommes pas loin de l'Autriche, la ou les collusions avec l'extrême-droite. Sans oublier nos amis McKeown et Illich pour nous éclairer sur la vraie nature de ce système mafieux. Peut-être nous manque-t-il surtout Dashiel Hammett et James Elroy.

En guise de conclusion.
Nous sommes à la fin d'un monde.
Nous arquebouter sur nos certitudes d'hier fera que nous serons les victimes de cette révolution consumériste. Résister ou nous organiser ? Ou proposer du neuf ? C'est l'enjeu.

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Addendum.
le 3 avril 2014 : Christian Lehmann nous offre une vision socialo-mutualiste très documentée de la prise du pouvoir du lobby santéo-industriel : LA.

Addendum.
Le 3 juillet 2015, Marisol Touraine nous montre l'étendue de son ignorance. Sur les vaccins obligatoires. A partir de la minute 18 : LA.

vendredi 13 mars 2015

Je n'irai pas travailler le dimanche 15 mars. LOL. (Quelques raisons) d'aller à Denfert-Rochereau.

Pierre Laroque : 1907 - 1997. Fondateur de la Sécurité sociale.

Je vais aller dimanche 15 mars 2015 manifester contre la loi de santé.

Je manifesterai pour montrer que je ne suis pas content.

Je vous ai déjà expliqué en préambule contre qui et avec qui je vais défiler (LA).


Voici (LA) sur le site officiel du gouvernement le justificatif, je dirais, en termes marketing, l'accroche de cette loi.

Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé.

Ce préambule est à la fois un tissu de mensonges et un programme atterrant de santé publique quand on connaît les tenants et les aboutissants de tout cela (corruption, fraude, concussion, sur diagnostics, sur traitements, dépistages sauvages, prévention inexistante, prises illégales d'intérêts, pots de vin, et j'en passe).

Pour ce qui est du projet lui-même, vous le trouverez ICI.

Je fermerai donc mon cabinet ce dimanche (j'ajoute qu'il est fermé tous les dimanches pour ceux qui n'auraient pas compris).

A l'origine il y avait trois raisons essentielles pour que je refuse cette loi de santé.

Je vous les expose : 
  1. Le Tiers-Payant Généralisé. Je suis contre pour des raisons purement administratives car je ne veux pas que ma secrétaire passe son temps à récupérer des impayés ou à ne pas récupérer des impayés (je ne parle donc pas des médecins qui n'ont pas de secrétariat ou un secrétariat à mi-temps... la double peine pour eux...), je refuse cette mesure "socialiste" qui est un chiffon idéologique sur lequel est inscrit le slogan "Accès aux soins pour tout le monde" pour faire passer le reste, à savoir et surtout le fait que la médecine générale est considérée comme de la merdre en barre par des décideurs qui, ne sachant pas ce que c'est que de prendre un rendez-vous chez leur médecin traitant, pensent que les pauvres en sont privés. Pour le reste, les arguments à la khon sur le patient doit payer de sa poche, il faut responsabiliser le patient, cela va augmenter le nombre d'actes, tout ce qui est gratuit ne vaut rien, c'est du flan intégral et des arguments d'hypocrites. Les médecins et les patients sont irresponsables et on le sait depuis longtemps, les médecins en prescrivant tout et n'importe quoi à des malades (ce serait un moinre mal, à des citoyens) qui sont heureux de profiter du système par tous les bouts avec la complicité des premiers. Les médecins et les patients, dans une grande danse effrénée, font du consumérisme à tout va et participent au gâchis généralisé des ressources sans que l'on ressente la moindre amélioration sur la satisfaction de tout le monde et sur l'amélioration des indices de santé publique. L'autre argument selon lequel les honoraires ne vont plus dépendre que d'un tiers qui ne serait pas le patient pourrait effectivement être recevable si cela n'était pas déjà le cas pour environ 70 % d'entre eux... Encore qu'au bout du compte, ce soient quand même les  cotaisations qui règlent tout cela (sans compter le déficit chronique des comptes publics). Non, le problème est administratif, la multiplicité des payeurs (et la multiplicité des régimes, vache sacrée de la République), l'absence de guichet unique, et les difficultés que vont entraîner le paiement d'actes déjà insuffisamment rémunérés. Je serai donc pour quand les problèmes de paiement seront résolus, ce qui n'arrivera jamais.
  2. Les réseaux de soin organisés par les mutuelles. Je suis contre. "La loi permet donc la mise en place de réseaux de soins et autorise les mutuelles à conclure des conventions avec certains professionnels de santé, les assurés pouvant bénéficier de tarifs moins élevés et de meilleurs remboursements." Voir ICI. Nous nageons en plein délire. Les assurés des mutuelles qui, en théorie, n'avancent pas d'argent pour des examens complémentaires, vont payer moins cher. Et c'est la mutuelle qui va choisir pour le médecin traitant quels seront les médecins et les endroits où ils pourront adresser les patients. C'est la générication de la santé et de l'adressage aux spécialistes d'organes. Comment les choix seront-ils faits ? Sur quels arguments ? Sur l'épaisseur de la moquette ? Sur le nombre (non déclaré) d'infections nosocomiales ? Sur le classement du journal Le Point ? Mais il est possible également que le parcours de soin passe à la trappe : les assurés (vous avez remarqué que je n'ai parlé ni de citoyens ni de patients) liront que le docteur X est agréé Mutuelle Machin et il ira le voir in petto.  J'ai toujours été contre les réseaux de soins ou plutôt contre les soins en réseaux (voir ICI) parce que j'ai toujours pensé qu'il s'agissait de l'exportation hors les murs des pratiques et des diktats hospitaliers. Et dans ce cas il n'y avait pas d'intervenants extérieurs au monde médical. On va passer du disease-management CPAM (les khonneries à la Sophia dont l'inanité et l'inutilité sont évidentes et ont été montrées ICI par exemple) au disease-management mutualiste étendu au delà des pathologies chroniques (voir LA pour des informations en français sur le modèle). La loi de santé va formaliser dans le mauvais sens, celui du choix des non médecins (Guillaume Sarkozy, impudent capitaine de mutuelle, par exemple) pour les médecins et pour les patients. Au lieu d'un système de soins centré sur les patients (patient-centered care) cela deviendra un système de soins centré sur les mutuelles qui ne représentent que l'AMC dans le remboursement, c'est à dire très peu, et qui gèreront les choix des médecins. Le monde à l'envers. C'est ce que les Anglo-Saxons appelleraient le stakeholder-centered care. Une abomination.
  3. Le pouvoir des ARS. Désormais les ARS auront les pleins pouvoirs, aidés en cela par la représentation nationale, pour décider de l'implantation des médecins généralistes, pas des spécialistes d'organes qui sont de grandes personnes, mais aussi pour décider de l'implantation des services, des IRM (voir LA) et le reste. La rationnalisation de l'offre de soins est évidemment un objectif louable car ne rien faire signifierait laisser le marché s'auto-réguler, ce qui est une imposture libérale bien connue. Mais les ARS sont les instruments du pouvoir politique, pas les acteurs des politiques de santé, il y a bien des comités de pilotage mais ce sont des comités croupions, le décisions étant prises auparavant. Les ARS, en outre, sont un repaire d'incapables qu'il a fallu recaser à la suite des regroupements multiples, salaires élevés, postes irresponsables, incompétence notoire, voitures de fonction et appartements dans le même genre, après le démantèlement de différentes structures antérieures (comme l'ASE par exemple). On ne peut faire confiance à ces profiteurs ignares du système qui ne connaissent rien à la santé mais qui, forts des modèles économiques extérieurs, et de leurs lectures hâtives sur des expériences étrangères, se posent en experts de la réorganisation des territoires, des coeurs et des reins.
En réalité, il y a bien d'autres raisons, vous vous en doutez. Les énumérer serait fastidieux mais ferait aussi oublier qu'il nous faut d'abord proposer et ensuite négocier. Il ne faut pas que cette manifestation soit un catalogue de récriminations mais un catalogue de propositions.

Comment réécrire la Loi Santé ? J'entends bien les slogans "No Négos" mais est-ce bien raisonnable alors que le corps médical et les professions de santé en général tirent à hue et à dia dans des directions parfois opposées ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste salarié qui travaille à mi-temps ou à temps partiel en PMI et le radiologue interventionnel qui travaille dans plusieurs cliniques à la fois ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste rural qui fait lui-même les points de suture et le médecin généraliste urbain dont le SAMU est distant de quelques minutes ? Quel est le point commun entre l'ophtalmologiste libéral en secteur 2 et le psychiatre libéral en secteur 1 ? Mais je pourrais multiplier les exemples à l'infini. Dire que la FHF (Fédération Hospitalière de France) ne cesse de casser du sucre sur les libéraux qui seraient à l'origine de l'engorgement des urgences, dire que le toujours médiatique Patrick Pelloux, dire que les cliniques privées sont déjà sous la coupe des fonds de pension, dire que les mutuelles, dire que... Si je voulais faire de la démagogie je dirais que le seul point commun c'est le patient. Mais où est le patient ? Est-il visible ? Ou n'est-il qu'un enjeu économique et de pouvoir de plus ? Ou n'est-il qu'un instrument au service de tous ?

Le slogan "No Négos" est un slogan creux car les grandes avancées sociales (il en est même qui souhaitent des accords de Grenelle...) ont été obtenues, certes par la revendication, mais, plus encore, par la négociation.

Quant aux états-généraux de la médecine proposés par d'autres ou les mêmes, ceux qui ne sont pas capables de lire la lettre d'un correspondant jusqu'au bout ou d'écouter leur patient jusqu'au bout de ses plaintes, ils voudraient une grande messe, j'imagine le bordel, et on pourrait réunir ce petit monde jusqu'à la fin de la présence de médecins généralistes authentiques dans le paysage médical français, que certains se battraient encore pour être sur la photo.

Car la plus grosse urgence, c'est la disparition programmée de la médecine générale et de certaines spécialités.

Où sont les propositions pour que la médecine générale ne disparaissent pas ? Où sont les propositions pour que plus de 17 % de médecins généralistes formés s'installent en libéral ? A part le C à 50 euro ?

Nous le verrons la prochaine fois.

Illustration : Pierre Laroque (voir ICI pour quelques éléments le concernant).

jeudi 12 mars 2015

Je n'irai pas au cabinet le dimanche 15 mars (LOL) et je serai à Denfert. Préambule.


Je vais aller dimanche manifester contre la loi de santé que vous pouvez consulter ICI mais j'ai hésité et j'hésite encore.

Préambule.

Cela fait au moins trois siècles et demi que je ne suis pas descendu dans la rue. J'ai été immunisé dans les années soixante et soixante-dix contre les mouvements de foule protestataires qui étaient surtout des selfies (pardon pour l'anachronisme) politico-moraux.

Parce que je ne suis pas content du tour général pris par la santé publique en France (désolé pour la grandiloquence).

Le problème vient de ce que je vais manifester (avec) beucoup de gens que je n'aime pas ou que je voudrais pas fréquenter professionnellement. Je pourrais les citer en détail et énumérer les erreurs qu'ils ont commises dans la gestion de nos métiers mais à quoi bon ressasser et à quoi bon me faire penser à mes propres insuffisances, à mon désengagement progressif lié à ma divergence presque totale vis à vis de la pensée ou des pensées dominantes dans mon milieu professionnel ? Car je suis autant coupable que les dirigeants syndicaux qui ont pactisé avec le diable depuis une quarantaine d'années : je les ai laissé faire.
Je vais (aussi) manifester avec des gens qui croient pouvoir réinventer le monde (à défaut de pouvoir le réenchanter) en faisant des propositions irréelles, irréalistes, corporatistes, et, pour tout dire, démagogiques (le C à 50 euro par exemple, comme il y a quelques années les communistes voulaient doubler le smic, bla bla bla) et qui croient, les braves gens, à l'autorégulation d'une profession qui n'a jamais su se penser. ces libéraux devraient se rappeler Adam-Smith et d'autres qui pensaient que le prix des choses reflétait ce qu'elles valaient réellement. Peut-être que le contenu de nos C "vaut" 23 euro. Peut-être.
Je vais aussi manifester avec des confrères et consoeurs qui se rendent compte que le monde les a dépassés, que la société n'a plus besoin d'eux en tant qu'experts ou que professionnels ou qu'artisans du corps humain mais qu'elle est en train de les utiliser pour assouvir ses rêves eschatologiques de vie éternelle, d'existence sans douleurs, de soumission des désirs à la technique, de division de la conscience sans réflexion éthique, d'asservissement du corps humain au bien être intégral...


Les mêmes confrères et consoeurs qui investissent dans les fonds de pension s'étonnent que des fonds de pension investissent dans la médecine (et notamment dans les médicaments, les matériels et... les cliniques privées). Les mêmes qui sont libéraux dans leurs pratiques bancaires, patrimoniales ou fiscales s'insurgent contre la financiarisation de leur métier.

Le problème vient de ce que je vais (aussi) manifester contre des gens qui sont les instruments serviles de la mondialisation de la médecine et qui, au lieu de réfléchir aux adaptations qui pourraient permettre de rendre le système plus acceptable, croient que la seule façon d'être moderne c'est de céder aux sirènes du libéralisme. Le changement de ministre de la santé (et il faut dire que notre ministre de la santé est particulièrement inadaptée à l'empathie, à la réflexion, au dialogue et à la compréhension) ne produirait rien de bien nouveau car la mondialisation est actée dans nos métiers et parce que les fonctionnaires de l'Etat, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont paralysés par l'envie de bien faire, c'est à dire de faire entrer définitivement la médecine dans l'ère post moderne : financiarisation, paiement à la performance, normalisation des pratiques, consumérisme, médicalisation complète de la société, hyperspécialisation (alias taylorisation) des médecins, patients en batterie comme dans les fermes industrielles, protocolisation des soins, corruption généralisée depuis les décideurs jusqu'aux professionnels de santé de base, et cetera. Sans oublier le rêve des big data qui pourraient améliorer la santé en divulguant les données individuelles de chacun pour le bien être de l'humanité tout entière. Sans oublier le rêve génétique de la médecine individuelle, une vaste arnaque...

L'évolution mondiale de la médecine est celui de l'industrie dans les années soixante-dix et il va y avoir de la casse. 
Cela vaut-il donc le coup de manifester ?
Je suis parmi les défenseurs de la médecine générale, celle dont tout le monde se fout mais qui fait l'objet de déclarations enflammées et sans suite, et que faut-il pour que le système de santé résiste ? Des artisans, des petits entrepreneurs, des artistes de la relation médecin patient ou médecin malade, des indépendants... mais aussi des hommes et des femmes qui sont conscients qu'ils ne sont plus de ce monde.
C'est la médecine générale qui sauvera le système mais une médecine générale fière, inventive, libre, propositionnelle.


Je vais manifester dimanche (je ne sais d'ailleurs pas sous quelle bannière car j'ai compris que personne ne se mélangerait, que chaque syndicat comptera ses troupes, chaque groupe de pression aura son coin, chaque métier, même) mais je sais que le rouleau compresseur de la mondialisation est en train d'écraser l'artisanat de nos cabinets. Je me ferai écraser par les chenilles des chars mais j'aurais été là.

Inutile ? Sans doute pas si les négociateurs négocient.

Cela dit, et pour conclure ce préambule par une note plus optimiste : il est donc nécessaire de négocier, de négocier pied à pied, de négocier chaque détail, chaque point, chaque virgule, pour que les technocrates "modernes" et libéraux plient sur un certain nombre de points .

Pour finir, je vous proposerai dans les deux jours qui viennent deux chapitres importants : les "vraies" raisons de ma manifestation (LA) et "mes" modestes propositions pour améliorer le système.

A bientôt.

jeudi 5 mars 2015

Grippe de complaisance, syndrome grippal like, les virus sont casse-pieds. Histoire de consultation 181.


Nous sommes en pleine polémique sur le nombre de morts dus à la grippe saisonnière. Les agences gouvernementales parlent d'un excès de mortalité de 8000. On se croirait revenus au bon vieux temps de Roselyne Bachelot (mais ses conseilleurs de l'époque conseillent toujours aujourd'hui dans une suite jamais achevée qui s'appellerait "La conjuration des imbéciles"). Quant au triste Patrick Pelloux, il en profite, à partir d'un chiffre erroné, pour critiquer le système de santé (rien que cela).

***********

A est âgé de 4 ans et des brouettes. Il vient consulter avec sa maman après que mon associée l'a vu il y a quatre jours. "Il a toujours de la fièvre. 39. Avec le doliprane, ça baisse et ça repart." Je lis dans le dossier ce qu'a écrit mon associée : "Probable syndrome grippal. Doliprane. DRP (1). Hélicidine."
Je réinterroge. La fièvre est constante, baissant avec le paracetamol et remontant au bout de 3 heures. A tousse, mais sans plus, son nez coule, mais sans plus. Je l'examine. Rien de rien sinon une pharyngite, un mouchage postérieur, quelques ronchus bilatéraux, une toux volontiers "laryngée" (j'ai entendu), une toux volontiers nocturne et matinale, pas de signes digestifs sinon une inappétence, un ventre souple, une nuque dans le même métal. Pas de signes urinaires. La bandelette est normale.
Je rassure. Je ne prescris rien d'autre. Je confirme le syndrome grippal like.
Au septième jour après la première consultation A revient avec sa maman. Rien de nouveau et rien de moins.
La maman, 32 ans, est devenue un peu vindicative. Je sens que sa confiance est ébranlée. Quant à moi qui réexamine le petit A, charmant, qui se laisse faire, et qui, hormis la fièvre et quelques céphalées, supporte tout cela avec calme (il est tout juste un peu trop calme), je suis pour le moins embêté.
Il est des cas où l'expérience rassure et d'autres cas où l'expérience rend prudent.
Nous sommes un mercredi après-midi et je ne travaille pas le lendemain.
Je me tâte.
J'écris un courrier pour les urgences pédiatriques. Je précise tout. Je précise également que je préfèrerais que les examens que j'aurais volontiers demandés en ville (NFS, CRP et clichés pulmonaires), il serait sans doute plus facile de les faire à l'hôpital (je m'attends à des critiques).
La maman est soulagée.
Le vendredi la maman vient au cabinet sans son enfant me dire ceci :"J'ai été reçue par une jeune médecin qui m'a demandé pourquoi mon médecin avait envoyé A aux urgences, elle n'a pas été aimable avec vous, ce qui m'a choqué, comment une jeune comme cela peut critiquer notre médecin de famille ?, elle a dit qu'elle avait trouvé une otite, mais elle n'a pas donné d'antibiotiques.... - Et le bilan ? - Elle m'a donné des ordonnances. - Et A ? - Il a toujours de la fièvre."
Je suis embêté d'être passé à côté d'une otite et je me rappelle bien, c'est même écrit dans l'ordo, que les tympans étaient normaux... Bon (2). "J'aimerais quand même que vous revoyiez A".
Elle repasse une heure après et je regarde son oreille otitique. Nada, rien, quedalle, que couic. La jeune médecin des urgences... (3)
Je pars en vacances.
A mon retour, dans la masse de courrier, une sérologie grippale négative pour A.
J'ouvre son dossier : radiographies pulmonaires : ITN (4) et la numération ne montre pas d'hyperleucytose à polynucléaires et la CRP est à 10. Mais l'enfant n'est pas revenu consulter au cabinet.
Je téléphone à la maman. A est à l'école, plus de fièvre mais il toussotte encore.
Morale : le syndrome grippal like était franchement like, l'otite était je ne sais où, les syndromes viraux peuvent durer une dizaine de jours.

Le succès de la combinaison augmentin/tamiflu chez cet enfant (utilisation de placebos impurs) eût été, à la sérologie près, une victoire de la médecine moderne contre l'ignorance.




Notes.
(1) Désinfection rhinopharyngée.
(2) Je me rappelle cette histoire : un de mes fils (il avait 4 ans) appelle de sa chambre à 11 heures du soir. "Papa, j'ai mal à l'oreille." Il est apyrétique. Je regarde son oreille : rien. Je lui donne du paracetamol, on le recouche, et on va se coucher. Quatre heures du matin : pleurs. "Papa, j'ai mal à l'oreille." Je râle, je me lève, je reprends mon otoscope et je trouve une magnifique otite phlycténulaire. J'imagine si j'avais vu l'enfant quatre heures après qu'un autre médecin était passé   sans remarquer une otite aussi typique... Passons. 
(3) L'autre interprétation : la maman de A m'a menti. Il n'y a jamais eu d'otite. Le saurais-je un jour ?...
(4) ITN = Image thoracique normale



Illustration : livre de 1946
Illustration : la tombe du père de Franck Underwood sur laquelle Kevin Spacey est en train d'uriner. House of Cards, saison 3, épisode 1.

mardi 17 février 2015

Y a-t-il assez d'IRM en France ?


Les radiologues pleurent sur l'accès aux IRM : ICI.

Les communiqués répétés des radiologues insistent sur la médecine à deux vitesses (cette expression valise est souvent tellement inappropriée...) en raison du manque d'IRM en France par rapport à la moyenne européenne. Voir ICI : en cliquant sur les graphes vous pouvez obtenir un agrandissement.



Quel est le deuxième pays d'Europe qui possède le plus d'IRM par tête d'habitants en 2011 ?
Réponse : la Grèce (21,8/1M) avec une moyenne européenne de 8,1
Quel est le pays d'Europe qui pratique le plus d'IRM par tête d'habitants ?
La Grèce.

Quel est le pays d'Europe qui possède le plus de scanners par tête d'habitants ?
L'Islande. Cela ne vous rappelle pas quelque chose, ce pays dominé par les banques...
Et la Grèce, bonne fille, pratique plus de scanners par tête d'habitants que les Etats-Unis d'Amérique, pays de la gabegie médicale.

Ce que je voulais dire, et c'est sans doute démagogique, que le nombre d'IRM n'est lié ni à l'excellence du système de santé, ni au PIB mais aux intérêts financiers des fabriquants d'IRM qui polluent la classe politique et le système des rétrocommissions.

Ce que je voulais dire c'est qu'au lieu de se plaindre urbi et orbi, les radiologues (et nous n'oublions pas, encore de la démagogie, que ce sont les médecins libéraux dont le Bénéfice Net Contrôlé est le de loin le plus coquet) devraient mettre les pieds dans le plat : si les délais d'obtention d'une IRM sont longs, c'est peut-être dû au nombre insuffisant d'IRM (ce dont, vous l'avez compris, je doute, mais cela dépend du marché, je veux dire des endroits du territoire), mais c'est surtout dû à l'excès de demandes d'IRM dans des indications inappropriées, pour des raisons inavouables ou pour "rassurer" le patient.

Les radiologues doivent donc mieux informer.
Les radiologues doivent aussi nous dire où il vaut mieux faire un IRM et dans quelle indication et où non.
Les radiologues doivent pouvoir refuser un examen qui ne leur paraît pas approprié.
Ce n'est bien entendu pas possible.

Il y a donc pénurie d'IRM en France.

Je vous conseille d'aller visite le site de la Société Française de Radiologie qui s'appelle "Guide du bon usage de l'imagerie radiologique" (je remercie Michel Arnould de me l'avoir fait connaître) : LA.
On peut critiquer ici et là les commentaires cliniques qui montrent que l'on est en présence de non cliniciens mais le trou entre la théorie et la pratique est ahurissant.

Ce guide est un modèle de dissonnance cognitive.

La solution passera, comme toujours en médecine raisonnable et raisonnée, par le refus des examens inutiles, c'est à dire le choix des indications.

Mais ces campagnes sur le manque d'IRM en France sont à situer dans le cadre du dogme de l'Eglise de Dépistologie, c'est à dire toujours plus. Les autorités réglementaires américaines ont autorisé récemment le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs par scanners. On sait que le nombre de cancers du sein est corrélé, par pays, au nombre de mammographes, sans qu'il y ait un rapport évident avec la mortalité.

Je n'exagère pas.
Je ne propose pas la frugalité.
Je propose une sortie par le haut.

PS du 26 janvier 2016. Voici le classement mondial de la corruption selon Transparency International (il faut s'en méfier comme de tous les classements) : ICI. La comparaison mérite le regard.

PS du 14 janvier 2020 : les excès d'implantations des scanners coronaires. ICI


jeudi 12 février 2015

Jon Stewart s'en va et la corruption en médecine est toujours niée.



Bonjour.
Jon Stewart s'en va après 17 ans de bons et loyaux services sur Comedy Central.
Voir ICI l'annonce de son départ. Et pour ceux qui ne le connaissaient pas bien un résumé succinct et gentillet de sa carrière : LA.


L'autre soir nous avons appris dans un film de Romain Icard sur la Cinq (Médicaments sous influence, LA, en replay jusqu'au 17 février 2015) ce que personne ne savait, à savoir que big pharma (alias la grande industrie pharmaceutique qui innove et qui trouve les médicaments miracles) trichait.

Personne ne le savait, personne ne le sait et personne ne veut le savoir.




Je voudrais dire aussi, car j'ai entendu des propos déplaisants à son égard, que Bernard Dalbergue, l'ex dirigeant de Merck, est un type courageux, qui s'est fait virer pour avoir dénoncé ce qu'il a dénoncé et il est respectable car peu de gens ont osé sacrifier leur carrière pour des dénonciations qui font pschitt le plus souvent.

On a donc appris dans cette émission qu'à la FDA l'expert qui évaluait le dossier Vioxx était un "honoré" de Merck (le laboratoire qui commercialise le dit produit).
On a appris qu'à la FDA le fonctionnaire évaluateur qui a constitué le dossier Vioxx qui a été soumis ensuite à l'expertise de l'expert dont on vient de parler dans le paragraphe précédent a été embauché ensuite (deux jours après sa démission de la FDA) par Merck.

Mais, nous a dit le fonctionnaire français qui dirige l'agence qui évalue les médicaments en France, cela ne se passe pas comme cela.
Non !



En France Vioxx n'a provoqué aucun décès (contre 30 000 attribués aux Etats-unis).
Les Français étaient génétiquement protégés contre les influences néfastes de Vioxx.

Cela ne se passe pas comme cela en France.
Pour les vaccins, c'est pourtant ainsi depuis des années.



La Direction Générale de la Santé prend des décisions après interrogation du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) qui réunit une sous section le Comité Technique des Vaccinations (CTV) dont tous les membres reçoivent au moins de l'argent (ne parlons pas des bénéfices indirects : promotion académique, conférences, valorisation de l'ego) des industriels qui commercialisent les vaccins.
Ah, le CTV est présidé par Daniel Floret, professeur à la retraite, honoré de l'industrie des vaccins, qui est en poste depuis des siècles et qui, du haut de son intelligence hors pair, fait la pluie et le beau temps dans le monde des vaccins.
Pour ce qui est de l'inventaire de la corruption du milieu vaccinal, voici un billet éclairant (c'est moi qui l'ai écrit) : LA.



Le film de la 5 parlait longuement du gardasil.
Quand on regarde les liens / conflits d'intérêts des membres des commissions gouvernementales vaccinales on se rend compte que le gardasil est en pointe pour les pots de vin.
Cela vous étonne ?

Et pour couronner le tout, nous apprenons grâce à Hervé Maisonneuve en son blog (LA), le lendemain du jour où nous n'avons pas appris la corruption merckienne aux Etats-Unis (pas en France, pas en France) que, je cite Maisonneuve, "La FDA vient de publier un rapport ... écrit par des juristes universitaires..." et que dit ce rapport selon le titre du billet ? Que "Les conflits d'intérêt des experts n'influencent pas les décisions de la FDA..." et il ajoute, notre naïf, "Faut-il encore les déclarer aux revues ?"

NON !



Savez-vous, chers amis naïfs, quels sont les sponsors de la Fondation d'où est issu le rapport "blanchissant" le sponsoring ? Et je vous promets, naïf également que je suis, qu'en commençant à écrire ce billet, je ne le savais pas. Regardez cette page : LA.

Il y a Merck and co., Inc.

Pour ceux qui n'aiment pas l'investigation ou qui sont feignants de nature, Merck and co., Inc, c'est pareil que Merck qui a commercialisé Vioxx. Vous avez saisi le rapport ?



Donc, Hervé Maisonneuve applique ses propres conclusions à la question qu'il a posée, c'est à dire qu'il ne mentionne pas le fait que les "juristes universitaires", il faut dire que cela fait chicos comme expression, surtout des juristes universitaires états-uniens, c'est à dire qu'il ne mentionne pas que le rapport émane d'une organisation, Law and Economics Center, qui est entre autres sponsorisée par le principal corrupteur historique de la FDA !

Voici les conclusions maisonneuviennes :





  • Ce rapport ne trouve aucune preuve montrant que les conflits impactent les décisions de vote des comités d’experts
  • Les décisions des comités d’experts avec des membres ayant des conflits – et les votes par leurs membres – pour recommander des médicaments sont plus cohérents avec les décisions finales de la FDA et les prévisions des marchés financiers que les décisions des comités et des membres sans conflits



  • Limiter la participation des membres ayant des conflits peut diminuer la qualité des comités d’experts

  • Et passez muscade. On remarquera au passage que le mot patient a disparu des radars.

    La corruption en médecine est une réalité.
    Ce qui est choquant n'est pas qu'elle existe (comme on dit : Elle existera toujours) c'est qu'on fasse semblant de croire qu'elle n'existe pas et, par conséquent, qu'on ne fasse rien pour la combattre.

    N'oublions pas que 70 % des médecins reçoivent encore la visite médicale et que 99 % d'entre eux pensent qu'elle ne les influence pas, c'est à dire que Merck and co., Inc, en envoyant ses délégués à l'information médicale (c'est le terme, ne rions pas) chez les médecins imperméables, fait de la philanthropie pure et simple...



    Merci Jon.
    Le combat qu'il a mené contre Fox News, qui le mènera en France contre Le Généraliste, Le Quotidien du Médecin, Univadis (qui est une division de Merck and co., Inc), le JIM, et cetera ?

    Quand je vois que les mouvements protestataires médicaux utilisent les canaux pourris et sponsorisés sans se rendre compte...

    Merci Jon.




    mardi 3 février 2015

    Un PSA venu de nulle part. Histoire de consultation 180.


    Monsieur A, 73 ans, est hypertendu et, accessoirement dyslipidémique. Il est traité par lisinopril 20 mg et pravastatine 20 mg depuis une vingtaine d'années (par le docteur du 16).
    Il est venu avec sa femme, Madame A, 71 ans, qui a déjà "fait" un infarctus et qui souffre de deux ou trois trucs dans le même métal (HTA, diabète de type 2, dyslipidémie).
    Un de leur fils est médecin hospitalier.



    Monsieur A en fin de consultation : "N'oubliez pas le bilan annuel."
    J'avais oublié.
    J'écris donc "Evaluation d'une anomalie lipidique, créatininémie (poids = 83 kilos), glycémie à jeun".
    Lui : "N'oubliez pas le PSA".
    Moi : "A quoi cela peut-il bien servir ?"
    Madame A : "Nous savons que vous êtes contre mais nous aimerions savoir."
    Moi : "Vous voulez que je recommence à vous dire pourquoi le dosage du PSA en général et en particulier chez un homme de votre âge dont l'espérance de vie, grosso modo (là, je m'avance) est d'environ une quinzaine d'années, ne présente pas un intérêt évident quand on analyse le rapport bénéfices / risques ?"
    Ils attendent que je refasse complètement le boulot.
    J'explique, je réexplique, et je m'ennuie comme quelqu'un qui répète presque toujours la même chose et qui finit par se demander si l'autoritarisme, le paternalisme, l'avis d'expert, l'autorité de la chose jugée, le mieux disant médical et tout ce que vous pouvez imaginer, ne seraient pas mieux que les valeurs et préférences des patients...
    Je refais donc le boulot (vous pouvez consulter sur ce blog le libellé Cancer de la prostate (28 occurrences) ou le libellé PSA (10 occurrences).
    J'ai convaincu Monsieur qui reformule qu'il n'a pas envie des complications, du suivi, de l'attente des résultats, dans le désordre.
    Un PSA prescrit par un collègue était à 1,25 (pour une normalité inférieure à 4) il y a environ deux ans.
    Mais Madame A :"Je préfèrerais que vous le prescriviez et nous ne tiendrons pas compte du résultat".