jeudi 12 octobre 2017

De la vérité dans les sciences.


L'affaire Levothyrox me fait penser à ceci que j'ai puisé dans le petit livre très imparfait et parfois très critiquable d'Aurélien Barrau intitulé La Vérité dans les sciences paru chez Dunod en 2016.

Décrire le mouvement d'un corps céleste avec les équations d'Einstein à la place de celles de Newton est (dans la plupart des cas) une infime amélioration du point de vue de la précision qui était déjà excellente dans l'approximation newtonienne. Mais du point de vue de la description fondamentale du monde, c'est une révision totale et absolue, pas du tout une petite modification. Chez Newton, la Terre tourne autour du Soleil parce qu'une force l'attire et lui impose cette orbite quasi-circulaire. Chez Einstein, la Terre n'est soumise à aucune force. Elle avance en ligne droite dans l'espace courbé par la présence du soleil.

On demande aux autorités médicales, aux agences, au ministre de la santé, de nous donner des explications scientifiques appropriées et actualisées, pas des vieilles lunes de la pensée.

Aurélien Barrau écrit une page auparavant : Qui pense vraiment que quand on lâche un crayon qui tombe vers le sol quelqu'un ou quelque chose résout des équations complexes décrivant la dynamique géodésique d'une particule-test dans le tenseur métrique de Schwarzschild généré par la terre (ce que nous apprend la théorie d'Einstein) ?

Aurélien Barrau est astrophysicien.

Lui le sait.

Probablement que les agences d'astrophysique le savent également.

Mais les agences médicales sont muettes sur les effets non einsteiniens du changement de formulation de Levothyrox. 

dimanche 8 octobre 2017

Crise Levothyrox : ce que nous aurions pu apprendre.


Nous aurions pu apprendre ceci de la crise Levothyrox qui n'est pas finie (et pardon si je me répète : voir ICI mon premier billet datant du mois d'août) et vous ne trouverez pas ici de solutions définitives, pas de vade mecum pour les patientes, pas de guide-lines pour les prescripteurs/trices, pas  de fokon yaka pour les décideurs, seulement des faits, des idées, des pistes de réflexion, des ouvertures de portes vers le Sentier de traverse, et cetera  :
  1. Le profond mépris des soignants pour les soignées (vous ne m'enlèverez pas l'idée que le fait que l'immense majorité des patients soit des femmes explique en grande partie la façon dont le corps médical a réagi -- et l'idéologie médicale est si genrée que les femmes docteures sont aussi méprisantes que leurs collègues masculins  pour les patientes qui se plaignent).
  2. Ce mépris genré (que l'on retrouve dans des pathologies dites "féminines", les femmes migraineuses, les femmes dépressives, la contraception féminine, et cetera) s'est nourri d'une grande indifférence (ceci expliquant cela) : comment prescrire les hormones thyroïdiennes, à quel moment, les interférences avec le bol alimentaire, les erreurs de dosage de la TSH, les variations inter-individuelles comme intra-individuelles, le rythme circadien, et cetera. Et, ce que les cliniciens avisés et attentifs savent depuis longtemps à condition d'interroger et d'écouter les patientes : la symptomatologie clinique peut être dissociée et/ou différée dans le temps pour chacun des signes cardinaux de l'hyper, de l'eu et de hypothyroïdie chez une même patiente. 
  3. La forte conception scientiste/mécaniciste qui règne toujours dans la médecine et qui fait fi, épidermiquement, de la Médecine par les Preuves (EBM en anglais), de la médecine centrée sur le patient et de la décision partagée.  Et ainsi la patiente traitée n'est-elle pas considérée comme un être humain, accessoirement féminin, mais comme un taux de TSH ambulant (et, épisodiquement comme des taux de T3/T4 circulants). Pourtant la TSHémie n'est qu'un (mauvais) critère de substitution comme un autre et, qui plus est : 
  4. Le dosage de la TSH fait partie des dosages les moins fiables en médecine. Non seulement parce que les critères de normalité sont très larges mais parce que les facteurs pouvant influencer ses variations sont très nombreux. Il suffit aux patientes et à leurs médecins prescripteurs de se replonger dans les dossiers pour constater les variations de la TSH que l'on constatait (en les négligeant) avant le changement de formulation. Ils seront édifiés. Voir le tableau joint en fin de billet sur l'imprécision des dosages.
  5. Le concept pharmacologique de bio-équivalence vole en éclat. La bio-équivalence n'est tout simpement pas une donnée clinique, contrairement à ce que voulaient nous faire accroire les pharmacologues et les dci-olâtres. Il est certain que deux médicaments bio-équivalents ne sont pas clinico-équivalents chez le même patient. On le savait, mais ceux qui le disaient n'étaient pas pris au sérieux sauf dans les cas de marge thérapeutique étroite.
  6. L'idéologie des génériques devient fragile : la bio équivalence sur laquelle leur efficacité clinique est fondée est battue en brèche et la notion d'excipients sans effets notoires tombe toute seule (non pour de simples raisons pharmacologiques, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, mais pour des raisons qui tiennent aux relations soignants/soignés, au consumérisme et au marketing). Mais surtout, il est désormais possible de comprendre pourquoi des citoyens malades refusent de consommer des génériques et pourquoi ils rapportent que leur consommation entraîne des effets indésirables. 
  7. Les médicaments génériques sont une catastrophe pharmaceutique, une catastrophe médicale, une catastrophe économique (contrairement à ce que l'on croit les génériques ne font pas baisser les prix), une catastrophe socio-épistémologique, une catastrophe épistémo-anthropologique, une catastrophe politique et bien entendu une catastrophe pour les patients
  8. Les praticiens prescripteurs ont découvert l'effet nocebo et l'ont attribué seulement à l'influence des media. Il ne faut pas ignorer qu'en pratique médicale courante l'effet nocebo, et pas seulement dans la pathologie thyroïdienne, est induit par le prescripteur (lire Balint, le relire, ne pas considérer qu'il n'a dit qu'une seule chose,"le meilleur médicament c'est le médecin", car il a aussi dit que c'était une croyance auto-suffisante de médecin dont il fallait se méfier car le pire médicament c'était aussi le médecin : d'où l'intérêt des groupes Balint pour analyser comment cela s'est passé). L'effet nocebo (ICI), au même titre que l'effet placebo (vous en voulez une nouvelle couche ? c'est LA), existe et ne doit pas être négligé et/ou considéré comme une "preuve" de la bêtise, de l'ignorance, de l'incompétence, de la crédulité des soigné.e.s.
  9. Les associations de patients sont comme le reste de l'humanité organisée ou non : le pire et le meilleur. Cette affaire devrait, à mon avis, leur permettre d'élargir le champ de leurs compétences... Mais aussi de réfléchir aux points suivants (je sens que je vais me prendre une volée de bois vert) : indépendance vis à vis de l'industrie ; indépendance vis à vis de l'Etat et de ses représentants ; indépendance vis à vis des experts ; posséder un solide carnet d'adresses d'experts indépendants ; ne pas croire aux sirènes de la renommée ; "faire" la littérature dans son domaine de compétence ; et cetera. Pour le reste : soutien et empathie pour les patients qui s'en remettent à eux (j'imagine que c'est déjà fait).
  10. La pharmacovigilance quantitative (le recueil sauvage des effets indésirables sans imputation) n'apportera rien sinon alimenter un bruit de fond qui gênera la pharmacologie qualitative (celle qui est passée en France à travers tous les "scandales" médicamenteux).
  11. Les autorités gouvernementales, agencielles, académiques, et cetera, ont été au dessous de tout, n'anticipant rien (voir l'affaire néozélandaise), ne comprenant rien, ignorant que la prescription de Levothyrox s'adressait à des patient.e.s qui n'étaient pas un taux de TSH ambulant (voir supra le point 3), qui avaient un.e médecin traitant et/ou un.e endocrinologue prescripteurs, qui se rendaient chez le pharmacien (et merdre pour l'écriture inclusive), qui lisaient la presse, regardaient la télévision, écoutaient la radio, qui n'étaient pas des sujets obéissants aux diktats des experts. 
  12. L'information, l'instruction, la transparence, l'humilité, le respect des autres, ne font pas partie des actions habituelles du grand mandarinat représenté par Madame Buzyn, digne marionnette automanipulée par le lobby santéo-industriel.
  13. La réintroduction de l'ancien Levothyrox sous un autre nom (Euthyrox) coexistant à la fois avec le nouveau Levothyrox et avec la nouvelle L-Thyroxin du laboratoire Henning (distribué avec notice en allemand) qui contient des excipients différents de l'ancien et du nouveau, vous me suivez ?, est une khonnerie prodigieuse qui entrera dans les annales de la bêtise crasse et absolue pimentée de consumérisme, de clientèlisme, de calculs politiciens, c'est une décision aveugle et bureaucratique.
  14. Mais, et si au bout du compte, l'affaire Levothyrox, comme me l'a glissé un collègue, FB sur la liste de discussion des lecteurs Prescrire, n'était finalement qu'une simple affaire sociologique nourrie par la rumeur, l'emballement mimétique et le complotisme ? FB ajoutait ceci : "Et ce n'est pas mépriser les patients que de le dire. Au contraire, c'est de les prendre au pied de la lettre qui me semble irrespectueux." Je ne suis pas d'accord avec cela car, et c'est un autre membre de la liste de discussion Prescrire qui le souligne, JPL, "Une pathologie (et un fait en général) peut être tout à fait réel et en même temps se voir affecté d'un phénomène d'amplification cognitive collective/culturelle/médiatique etc. " Faudrait-il résumer l'affaire comme le fait AM sur cette même liste : "Si un patient souffre après changement de formule, il n'y a que quatre explications possibles : effet direct de l'excipient, problème lié à la biodisponibilité, effet nocebo, pathologie intercurente" Tout est dans tout et réciproquement, ma brave dame. 
  15. N'oublions pas, pour finir, le disease mongering ou la fabrication des maladies  : En Nouvelle-Zélande, il y a proportionnellement 3,5 fois moins de patient.e.s traité.e.s quen France.

Les imprécisions des dosages en biologie : à droite toute pour la TSH.

Il vous reste toujours la réflexologie plantaire :



mardi 3 octobre 2017

Octobre noir.


Quelques faits (et personne ne pourra dire après : je ne savais pas ; mais comme toujours certains, qui garderont leurs postes, affirmeront : la vérité scientifique change ; les plus nombreux rétorqueront : nous nous fiions aux autorité) :


  1. Le dépistage organisé du cancer du sein ne sauve pas de vies chez les femmes de 50 à 74 ans.
  2. Plus on pratique de mammographies et plus le nombre de diagnostics de cancers du sein augmente mais la mortalité par cancer du sein est stable. 
  3. Le nombre de sur diagnostics et de sur traitements (et je rappelle que le sur traitement signifie parfois le combo complet chirurgie/radiothérapie/chimiothérapie) atteint selon les études 20 à 50 % des patientes.
  4. Avant 50 ans et en absence d'antécédents familiaux de cancer du sein, le sur diagnostic est encore plus important.
  5. En France plus de 2 millions de mammographies sont effectuées chaque année.
  6. En France il y a environ 50 000 nouveaux cas de cancers du sein diagnostiqués (allez faire un tour au point 3 pour imaginer ce que cela signifie).
  7. Madame Buzyn trouve que tout cela est très normal.
  8. Les femmes sont manipulées (voir ICI sur le blog de JB Blanc) mais puisque je suis un homme il vaut mieux que je me taise ; on leur ment, on leur fait peur, on leur fait des sur promesses.
  9. Les courses "roses" sont des opérations commerciales banales encouragées par les autorités.
  10. Les choses ne sont pas près de s'arrêter.
  11. Pour plus d'informations allez lire le site Cancer Rose.
  12. Et lisez Rachel Campergue qui a tout dit : LA.
Je me répète : le scandale du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie gratuite est cent mille fois plus important que tout ce qui a pu être décrit auparavant en médecine.
C'est un charnier.


jeudi 14 septembre 2017

Bracelets d'identité à l'hôpital.















Dédicace spéciale pour Ph Ameline.

BRACELET

J'avais ironisé il y a quelque semaines sur le port des bracelets d'identité pour les nourrissons dans les maternités (un élément du pompeux dispositif d'identitovigilance et de traçabilité intégré dans le processus qualité de tout établissement de soins désirant faire moderne). J'avais écrit en substance : "La pose de bracelets d'identité chez les nourrissons est le témoin évident de l'anonymisation définitive des patients à l'hôpital."

Que n'avais-je écrit ?

Les urgentistes (et les hospitaliers) avaient mis le paquet dans le style : Comment un crétin de généraliste peut-il nous apprendre notre métier ? C'est toujours les gens qui n'y connaissent rien qui parlent. Les bracelets d'identité sont un progrès déterminant pour la sécurité des patients.

Disais-je le contraire ?

Nos amis urgentistes avaient oublié ceci : la pose de bracelets d'identité (il faut d'ailleurs pour qu'il soit posé que le personnel soignant ou non dispose de la carte d'identité du patient, de son passeport ou d'un titre de séjour, ce qui pourrait aboutir finalement à ce que l'on s'assure qu'il ne s'agit pas de faux papiers...) est sans doute un progrès concernant la sécurité des patients (voulez-vous que je vous serve la rhétorique officielle ?, "Cette mesure s’intègre dans un dispositif bien plus large de sécurité par l’identification du patient qui concourt au bon déroulement de la prise en charge de celui-ci. Il constitue une sécurité supplémentaire mais ne se suffit pas à lui seul. Il ne remplace en aucun cas le professionnel dans sa pratique et la relation de confiance établie entre le soignant et le soigné.") mais ce n'est qu'un maigre progrès, un pis aller vis à vis de la dégradation des conditions de soins et de travail dans les hôpitaux. On pose un bracelet d'identité aux patients parce qu'il n'est plus possible aux soignants (débordés, mal payés, démotivés) de connaître les patients, de les identifier vraiment, de leur prodiguer des paroles et des soins personnalisés. L'hôpital taylorisé, industrialisé, T2Aisé est acté (comme disent les technocrates) et revenir en arrière serait un recul. On nous le dit. C'est le progrès.

Vous avez compris ?

Je retrouve le courrier d'un syndicat d'infirmiers du 22 janvier 2008 remis à Roselyne Bachelot alors que l'administration souhaitait généraliser le bracelet à tous les patients de l'hôpital Saint-Louis. J'ai trouvé le truc un peu outré, un peu j'en fais des tonnes, mais, finalement, pas mal du tout. Vous pouvez le lire ICI.

Bon, pour résumer, le bracelet c'est super chouette, ça évite de se tromper, "La petite dame du box 7, elle va mieux ?", "Le pappy dans le couloir, il est réchauffé ?". Cela ne peut plus se passer comme cela. Merci les urgentistes.

Mais réfléchir sur l'aspect éthique (on est là pour sauver des gens, hein) ou sur le bordel organisé dans les hôpitaux... Y a plus personne.



MADAME A

Madame A est puéricultrice dans une maternité. Depuis 20 ans. Elle craque depuis plusieurs mois (elle a aussi des problèmes personnels, comme on dit). La réorganisation de la maternité, la façon de rendre physiologiques les naissances, les tâches accumulées, l'injustice, la façon impersonnelle de traiter les problèmes de personnel, elle craque. Il faudrait qu'elle s'arrête mais "je ne peux pas faire cela à mes collègues".

Je passe sur les détails. Elle me raconte ceci : "Le matin, lorsque je fais la transmission, je pleure parce que je ne me rappelle même pas la tête des nourrissons dont je m'occupe. C'est terrible ce que l'on nous fait faire."

Les urgentistes (et les hospitaliers) ont raison : heureusement qu'il y a le bracelet.

Illustrations : Chatiliez Emile. La vie est un long fleuve tranquille. 1988.

jeudi 31 août 2017

Comment instrumentaliser la communication. A propos de la rougeole.

Crédit Paris-Match

Ce blog a suffisamment évoqué la question vaccinale, et notamment grâce aux articles de CMT, pour que le lecteur éclairé, le lecteur moyen ou le lecteur pressé, ne pensent pas que je puisse être considéré comme un anti vax. Ma pratique est d'ailleurs là pour le démontrer : je vaccine. Mais, pardon pour cette incise, je réfléchis aussi.

Dernière minute : on apprend dans un entretien (voir LA) qu'Agnès Buzyn (voir ICI) impose la vaccination obligatoire pour 11 vaccins au premier janvier 2018. 

Les vaccinolâtres s'inscrivent bien malgré eux dans un double contexte : celui du scientisme (il arrivera bien un jour, prétendent-ils, où le corps humain sera si connu que l'on pourra le soigner comme on soigne une machine défectueuse) et celui de l'idéologie de la médecine en tant que seul facteur de progrès de l'humanité.

Les vaccinolâtres ignorent, ou feignent d'ignorer (car tous les vaccinolâtres ne sont pas des ignorants, il y en a même qui sont de mauvaise foi), que la santé publique (et son amélioration), ne dépendent pas seulement de la médecine stricto sensu. La médecine, notamment depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (et avant tout dans les pays développés), a permis de formidables avancées en termes de mortalité infantile et d'espérance de vie à la naissance, (malheureusement l'espérance de vie en bonne santé est en stagnation et l'espérance de vie globale est en régression dans certains sous-groupes populationnels) mais ces avancées n'ont été possibles qu'en raison du développement de l'hygiène publique, des services sociaux et des efforts individuels des citoyens.

Les vaccinolâtres professionnels ont diffusé largement (et les vaccinolâtres amateurs se sont engoufrés dans la brèche pour en rajouter) une figure qui semble, pour ce qui est de la rougeole, mettre fin à toute forme de procès. Il s'agit du nombre de cas rapportés. Pas de décès.


Il existe par ailleurs des chiffres sur les autres maladies : ICI.
Pour disposer de données solides sur la rougeole, vous pouvez lire CMT ICI ou LA, par exemple.

Réfléchissons à plusieurs choses : 
  1. Ce sont des chiffres américains. Rappelons ici que les Etats-unis d'Amérique on des chiffres de mortalité infantile et d'espérance de vie catastrophiques par rapport à ceux des autres pays développés pour un coût colossal et des inégalités criantes.
  2. La courbe commence en 1945. 
  3. L'introduction de la vaccination se situe en 1963 et les chiffres baissent vraiment très peu de temps après.
  4. Cette figure ne tient compte ni des progrés de l'hygiène, ni des progrès de la médecine, ni des programmes sociaux, ni des effets indésirables.

Voici une courbe (les sources sont les mêmes) qui parle de mortalité de la rougeole, toujours aux Etats-Unis d'Amérique).



Cette perspective historique me semble éclairante. D'une part, elle relativise le rôle de la vaccination sur la mortalité de la rougeole, d'autre part, elle souligne l'importance des mesures non médicales sur la mortalité due à la rougeole.

Ainsi, si l'on voulait conclure sur la rougeole dans les pays développés, on pourrait dire que la vaccination contre la rougeole a fini le boulot des progrès de la santé publique en général. Sans plus.

Rappelons qu'en France, selon les chiffres officiels (et compte non tenu des complications non mortelles) la rougeole a été responsable de dix décès en dix ans. Et pas seulement d'enfants. Il est à remarquer, mais on me dira que c'est hors sujet, que 112 enfants de moins de 15 ans sont morts en France dans un accident de la voie publique (LA)...

Dans les pays non développés (on ne sait plus quel est le terme politiquement correct) le tout à l'égout semble au moins aussi important que la vaccination.

Je terminerai par des données que j'ai déjà fournies dans un billet ancien comparant les incidences aux Etats-Unis d'Amérique de 2 maladies, l'une liée à une maladie où un vaccin existe (l'hépatite B) et l'autre liée à une maladie où il n'y a pas de vaccin (hépatite C).



Conclusion : la santé publique est une matière complexe.
Je vous conseille d'écouter Madame Big Pharma Buzyn dans l'entretien que je vous ai cité plus haut. Elle reprend des arguments éculés et faux. C'est d'une tristesse infinie.

jeudi 24 août 2017

L'affaire Levothyrox.


A la demande de l'ANSM (voir ICI) les laboratoires Merck ont changé la formule du médicament Levothyrox.

Voici les justifications de l'ANSM :
"Afin de garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active (lévothyroxine) tout le long de la durée de conservation du médicament, le laboratoire Merck a réalisé, à la demande de l’ANSM, une modification de la formule de Levothyrox. La substance active reste identique. Cette nouvelle formule sera mise à disposition dans les pharmacies à compter de la fin du mois de mars 2017.Ces modifications ne changent ni l’efficacité ni le profil de tolérance du médicament. Toutefois, par mesure de précaution face à toute modification, et bien que la bioéquivalence entre l’ancienne et la nouvelle formule ait été démontrée, l’ANSM préconise, pour certains patients, de réaliser un dosage de TSH quelques semaines après le début de la prise de la nouvelle formule.Par ailleurs, les couleurs des boîtes et des blisters vont être modifiées: une attention particulière des professionnels de santé et des patients devra être portée lors de la phase de transition pour éviter les erreurs.
"
Il est donc prouvé que des excipients sans effets notoires peuvent entraîner des problèmes de bio-équivalence, dans ce cas il existerait une baisse de la teneur en levothyroxine entre le moment où le médicament est commercialisé et la date de péremption.
C'est quand même une drôle de nouvelle !
La rhétorique généricante en prend un coup mais il s'agit, précisent les autorités, d'un domaine où la marge thérapeutique est étroite. Hum.
Mais surtout : la rhétorique généricante a comme leitmotiv que les excipients à effets non notoires, voire notoires, ne produisent rien et sont des lubies des patients... 
Le problème ne date pas d'aujourd'hui puisque des sociétés savantes nord-américaines avaient signalé le problème dès 2003 lors de la générication du Levothyrox outre-Atlantique (il est vrai qu'il faut toujours se méfier des sociétés savantes qui s'opposent aux génériques car elles sont souvent animées des meilleures intententions du monde, je veux dire l'argent de Big Pharma qui veut dissuader les prescripteurs d'utiliser des génériques). Je n'y avais pas attaché une importance particulière à l'époque et pour deux raisons : la première venait de ce que je croyais encore, certes avec des réticences (boîtage, aspect, goût des génériques par rapport au princeps), à la pertinence économique du concept (néo libéral, entre parenthèses, je croyais qu'il était de gôche) et la deuxième parce que je n'avais pas encore pris conscience du désatre que cette générication pouvait produire en termes de consumérisme, de banalisation du médicament, d'arrogance médicale, de mépris du patient/consommateur et de je-m'en-foutisme. 


Pour le reste, le communiqué de l'ANSM est un tissu d'affirmations toutes aussi peu fondées les unes que les autres et que les faits démentent abondamment aujourd'hui puisque les utilisateur.e.s (désolé pour cette épicènie dévastatrice) se plaignent d'effets indésirables et que les autorités conseillent de nouveaux dosages de TSH. Je rappelle simplement une phrase : "Ces modifications ne changent ni l'efficacité, ni le profil de tolérance du médicament" Qu'est-ce que l'ANSM en sait ? Il s'agit d'un discours qui amplifie la possibilité d'effets indésirables puisque comme il ne doit pas y en avoir et qu'il y en a, tout est possible : hystérie collective, complotisme, moqueries à propos des patient.e.s, culpabilisation, arrogance des prescripteur.e.s (ceux qui savent), et cetera.

Quant à ceux qui pensent (il y a quand même des inconscients) que la pharmacovigilance viendra à bout de ce problème, je rappelle que la pharmacovigilance passe à côté de tout et de l'important et ce, d'autant plus désormais, que l'agence européenne (la fameuse directive européenne) a délégué la pharmacovigilance aux industriels.

Je lis un article dans le journal Le Figaro (LA), dont un éminent expert écrit : "Excellente interview d'une patiente-experte dont le point de vue est crédibilisé par son absence de lien $$ avec le fabricant !" et dont la patiente-experte dit que c'est le seul article, je cite, "valable" sur la question (sans doute que l'absence de lien avec le fabricant ne va pas jusqu'à l'absence de lien non financier avec le journal). Il est vrai que l'on y apprend des choses surprenantes. Je vous laisse lire, cela vaut son pesant de cacahuètes.

JP Rivière fait un résumé exact et neutre de ce qui s'est passé (sans parler des génériques) : ICI.
Le pharmacien, dont on connaît les liens d'intérêts avec big pharma, écrit un truc sans intérêt mais parle de l'information des patients et en remet une couche sur l'incompétence des médecins : LA.


Il est possible de poser ces questions.
  1. Fallait-il vraiment changer la formule ? 
  2. Etait-ce une demande des patient.e.s ?
  3. Etait-il judicieux de changer la formule d'un médicament qui serait prescrit, selon l'Agence, à 3 millions de personnes en France, sans informer au préalable de façon utile, appropriée, et convaincante, les prescripteurs et les utilisateurs ?
  4. Etait-il impossible de prévoir que des effets indésirables, fussent-ils mineurs, puissent apparaître avec 3 millions de patients et dans une pathologie où non seulement la marge thérapeutique est étroite mais où (cf.point 9.) les variations intraindividuelles sont très fortes avec le même médicament dans le même boîtage ? Imaginons qu'une diarrhée apparaisse chez 1 % des patients, cela signifie donc 30 000 patients se plaignant de diarrhée... Où l'Agence avait-elle la tête ? Existe-t-il des services de pharmacovigilance suffisamment armés pour traiter un tel afflux de données ? 
  5. Existait-il des données solides sur les effets indésirables rapportés avec l'ancienne formule ?
  6. Existait-il des publications sur les effets secondaires du mannitol et de l'acide citrique à doses non significatives ?
  7. Est-ce raisonnable d'attribuer des effets indésirables à un éventuel mécanisme d'action (je parle pour la patiente experte...) ?
  8. Est-il sensé d'affirmer (je parle pour une des associations de patients) que le médicament Levothyrox est devenu "dangereux" ? La pétition pour le retour à l'ancienne formule est un modèle de désinformation (voir LA) qui pourrait faire croire que les rédacteurs de l'ANSM et ceux de la pétition proviennent du même moule idéologique.
  9. Faut-il remettre en cause l'idée consensuelle (ou presque) selon laquelle les génériques ne peuvent entraîner d'effets indésirables significatifs ? Car, dans le cas de Levothyrox, la nouvelle formule est stricto sensu un princeps générique du princeps.
  10. Pourquoi, à cette occasion, ne pas avoir rappelé que la prise, l'horaire de prise, la possible interférence avec le bol alimentaire, sont des facteurs déterminants pour l'absorption et donc la bio-disponibilité de la molécule ? Et que ces modifications de prises et de bol alimentaire peuvent entraîner des variations de TSH tout en continuant de prendre le même médicament du même lot ? Les endocrinologues le savent. Les médecins généralistes le savent également.
  11. Pourquoi ne pas informer sur le fait que les indications cliniques de prescriptions rendent compte de situations extrêmement différentes ? Une substitution post thyroïdectomie chirugicale pour cancer (le sur diagnostic, le surtraitement, voir LA) n'est pas de même nature que la prescription de levothyrox au cours de l'équilibration d'un Basedow ou lors d'une dysthyroïdie liée à l'amiodarone...
  12. Quid des génériques de Levothyrox dont on sait qu'ils posent des problèmes de biodisponibilité depuis la générication aux Etats-unis d'Amérique en 2003 (cf. supra) ? On rappelle que le générique Teva a été en France retiré du marché pour des problèmes de stabilité.
  13. Pourquoi, à cette occasion, ne pas s'interroger sur le sur diagnostic et sur le sur traitement par Levothyrox ? 
  14. Pourquoi parler du rôle délétère des medias alors que les medias ne sont là qu'en bout de processus et qu'il est normal qu'ils n'en sachant pas plus que les experts de l'ANSM ?

Les experts de l'Agence auraient dû se rappeler, mais lisent-ils autre chose que la littérature qui leur brosse le poil dans le bon sens ?, qu'il y avait eu un précédent que j'ai décrit abondamment en 2010 sur ce blog : LA. Un certain nombre des faits qui sont décrits aujourd'hui était déjà expliqué (pardon pour cette auto-citation). Le texte du billet de 2010, non modifié, est en italique.

Les faits et leurs commentaires dans le BMJ.

  1. Jusqu'à 2007 les 70000 Néo-Zélandais qui avaient besoin d'un traitement hormono-substitutif par la thyroxine se voyaient prescrire de l'Eltroxin commercialisé par les laboratoires GlaxoSmithKline (GSK) et cela faisait trente ans que cela durait. GSK décide en 2007 de transférer l'usine de fabrication d'Eltroxin du Canada vers l'Allemagne. A cette occasion le contenu des excipients change et l'aspect de la nouvelle formulation n'est plus la même pour le gravage, la taille et la couleur. Selon certains rapports, disent les auteurs néo-zélandais, le goût et la vitesse de dissolution sur la langue changent aussi. Quant au principe actif, la thyroxine, il reste inchangé et continue à être fabriqué en Autriche (nous vivons une époque formidable !). La nouvelle formulation est donc désormais délivrée aux patients à partir de 2007 2008 et le taux de signalement d'effets indésirables est multiplié par 2000. Il est à signaler qu'il n'y a pas d'autre formulation proposable aux patients. On passe, disent les auteurs, de 14 notifications en 30 ans à 1400 en 18 mois. Qu'est-il arrivé ? 

  2. Les effets indésirablesLeur fréquence : les premiers effets indésirables ont été rapportés en octobre 2007, il y en avait 294 en juillet 2008 et le pic (492) a été atteint en septembre 2008 pour décroître ensuite : 177 en octobre et 21 en novembre. Il est à noter que dans les autres pays où la substitution s'était faite il avait été noté une augmentation des effets indésirables mais sans commune mesure avec ce qui se passait en Nouvelle-Zélande. Leur nature : à peu près la moitié d'entre eux (prise de poids, fatigue, myalgies, arthralgies et dépression) peuvent être rapportés à l'hypothyroïdie mais pour d'autres fréquemment rapportés, cela n'est pas le cas : conjonctivite, douleurs oculaires, maux de tête, prurit, éruptions cutanées, vision anormale ou trouble, nausées, troubles digestifs.
  3. Analyse des causesFacteurs intrinsèques. L'Agence néo-zélandaise (Medsafe) a fait procéder à de nouvelles analyses de bioéquivalence qui ont conclu à une conformité acceptable de la nouvelle formulation et au fait que les excipients contenus étaient bien ceux annoncés par la firme. Les auteurs disent ceci : 5 % des effets pouvaient en théorie être attribuables à la nouvelle formulation. Pas plus. Facteurs externes. a) La substitution de formule s'est produite à un moment où l'on accusait l'Agence néo-zélandaise gérant le budget de la santé (Pharmac) de casser les coûts. b) Des bruits sur le Web prétendaient que la nouvelle formulation était fabriquée en Inde, qu'elle contenait des OGM, et du glutamate. Le rôle d'un "champion". Un pharmacien d'une petite ville de Nouvelle-Zélande s'est fait l'avocat des patients souffrant d'effets indésirables liés à la nouvelle formulation, a été largement interrogé par les medias et a cherché à trouver un produit de substitution pour les soulager. les auteurs soulignent le rôle néfaste qu'un tel champion, professionnel de santé d'une petite ville s'opposant à Big Pharma, peut avoir in fine. Le rôle des médias. Les auteurs insistent sur la couverture journalistique de l'affaire, font des analyses géopgraphiques sur relations entre le nombre d'effets indésirables dans une région de Nouvelle-Zélande et le nombre d'articles de journaux publiés localement. Ils citent une comédie musicale à succès parlant de malfaçons de médicaments en Inde. Ils citent le web et ses rumeurs, ses fausses informations mais, paradoxalement, ne font aucune mention du quantitatif, ce qui ruinerait leurs inférences locorégionales. Le facteur patient. Les auteurs parlent de labilité émotionnelle chez les patients hypothyroïdiens et donnent des informations très mécanicistes et assez peu respectueuses des plaintes des patients.
  4. Les conclusions des auteurs : méfions-nous à l'avenir des changements de formulation et de l'introduction des génériques qui peuvent induire des peurs chez les patients qui sont coûteuses pour les gouvernements et pour les patients impliqués.
J'avais fait des commentaires sur cet article et j'avais souligné, déjà, le mépris pour les patients.

Je voudrais souligner ici le grand mépris de cet article pour les patients qui sont au mieux considérés comme des victimes et, au pire, comme des crétins. 
Cette affaire est symptomatique, me semble-t-il, du rationnalisme considéré comme une science.
On remarque ici que la globalisation des marchés est une donnée qui ne semble choquer personne. Le principe actif est fabriqué en Autriche, les comprimés sont fabriqués en Allemagne et l'on ne nous dit pas d'où vient l'encre, combien de pétrole est dépensé pour les acheminements et si les travailleurs sont des immigrés ou s'ils sont fabriqués sur place, et cetera... C'est la rationnalisation du monde au moindre coût (apparent). 
Quant à la modification des excipients, il n'est pas inconsidéré de ne pas la prendre à la légère, bien que son influence puisse être extrêment minime. Mais elle peut être à la base d'une remise à plat des conditions de prescriptions. 
D'autre part, nos universitaires néo-zélandais n'ont jamais entendu parler, ni de l'effet placebo, ni de l'effet nocebo. 
Car, inférer à partir d'études de bioéquivalence, qu'il n'est possible d'expliquer que 5 % d'effets indésirables puisque la bioéquivalence est de 5 % est assez renversant. On rappelle à ces auteurs que l'effet placebo, en moyenne, quelle que soit la pathologie, est assumé à 30 % Le fait est têtu. C'est à dire que la prescription d'une molécule active, ici la thyroxine, si elle entraîne une amélioration moyenne de 70 % des symptômes, 30 % de l'amélioration est liée à l'effet placebo. 
Et ainsi, dans notre affaire, les patients, toutes choses égales par ailleurs, ont pu voir leur capital placebo partir en fumée en raison de leur incompréhension sur le changement de formulation, ses raisons exactes, sans compter les rumeurs et les canulars et l'ambiance générale de défiance qui pouvait régner en Nouvelle-Zélande.
Nous ne disposons pas de chiffres aussi précis sur l'effet nocebo mais il n'est pas improbable de croire qu'il peut expliquer la flambée d'effets indésirables constatés après le changement de formulation, sans tenir compte des autres facteurs rapportés par les auteurs. N'oublions pas que le changement d'aspect, de goût, de vitesse de dissolution, sont des facteurs étudiés avec attention par l'industrie pharmaceutique pour mieux faire vendre ses produits et les faire mieux accepter. Il doit bien y avoir une raison. 
Les auteurs ont aussi oublié l'effet mimétique (ils ont décrit ses moyens mais pas son mécanisme) et nous leur conseillons, sur la Mimesis et le Désir Mimétique, de lire René Girard
Les auteurs ont aussi minimisé l'effet du web qui semble être un facteur déterminant dans la propagation des bruits et rumeurs, facteur désormais plus important que celui des medias traditionnels. 
Mais cet exemple d'école, tout autant que ce que je rapportais sur les Antennes Relais, rend la réflexion sur la générication de la médecine encore plus nécessaire. Nous ne pouvons faire l'économie d'un débat autre qu'idéologique sur les génériques, sur les procédures drastiques non appliquées, mais, plus généralement, sur l'inhumanisation des rapports médecins malades. 
Le malade n'est pas au centre des préoccupations du système de soins. Cet article en est le reflet.
A l'heure de la prescription en dci mise en place à la va-vite, comme tout ce que fait le gouvernement en matière de santé publique, pourquoi ne pas s'interroger sur la thyroxine néo-zélandaise ? 
Nous remercions les auteurs pour ce papier mais l'instruction n'est pas close.

Il est donc attristant de constater que des excipients sans effets notoires puissent provoquer des effets indésirables que les autorités pharmacovigilantes vont rapidement classer, comme ils classent les effets indésirables non sévères et non rapportables à un mécanisme d'action (classement vertical) et cette situation va entraîner une réaction en chaîne : 
  1. Comme les effets indésirables sont "impossibles", ils n'existent pas. 
  2. Comme les effets indésirables n'existent pas ils sont d'origine fantasmatique et hystérique (cela tombe bien la majorité des patients prenant Levothyrox sont des patientes).
  3. Les patient.e.s sont coupables.
  4. Les patients.e.s sont des nul.le.s
  5. Les prescripteurs (médecins) ont toujours raison même quand ils ne connaissent pas le sujet et, surtout, quand ils le connaissent.
  6. Les agences gouvernementales ont toujours raison et ne remettent jamais en cause leurs affirmations.
  7. Les associations de patients ne sont pas infaillibles, ne représentent parfois qu'elles-mêmes, et se tirent la bourre entre elles. 
Il serait donc temps que :
  1. Les autorités sachent que la médecine étant devenue consumériste il faut se mettre à l'heure du consumérisme.
  2. Les prescripteurs sachent que les patients ne sont pas des veaux et qu'il ne suffit pas de dire, "le principe actif est le même" pour que l'efficacité soit la même quel.le que soit le/la patient.e
  3. Les patients sachent qu'il n'existe pas de corrélation directe entre un taux de TSH et le bien-être d'un individu fût-il malade.
PS du 12 septembre 2017 : lire absolument le billet de Dominique Dupagne sur la bio-équivalence : ICI.

mercredi 26 juillet 2017

Vinay Prasad sur les débats qui animent twitter


Vinay Prasad fait un travail magnifique d'éclaircissement sur un certain nombre de faits qui agitent les sphères de l'oncologie, du dépistage, des traitements, du coût des traitements. Je ne le connais pas personnellement mais je lis ce qu'il écrit (il écrit beaucoup). Il nous enthousiasme sur le niveau de réflexion que des médecins, dans leur propre spécialité, ici l'hématologie et l'oncologie, peuvent atteindre  dans un système de santé aussi étranger au nôtre que celui des Etats-unis et nous déprime quant à l'absence de médecins critiques dans notre propre pays. @VinayPrasad82 pour le suivre sur twitter.




Voici la traduction d'un tweet qui m'avait bien plu. 

Le dépistage des cancers n'a jamais démontré sauver des vies, ce qui signifie améliorer la mortalité globale, et a des conséquences néfastes majeures incluant des faux positifs et des sur diagnostics et nous devons le juger par des preuves provenant d'essais randomisés. Voir ICI pour l'article original (sur abonnement) et LA pour un commentaire. [1]


Le coût des médicaments est hors de contrôle, il n'est pas régi par les forces traditionnelles du marché, il est mauvais pour les patients et la société, et des réformes sont nécessaires (LA).

La FDA états-unienne a assoupli les standards d'autorisation de mise sur le marché fondée sur des critères de substitution (ce qui, en soi, n'est pas la fin du monde) mais en les couplant avec l'abandon des études marketing post commercialisation, ce qui est mauvais pour les patients (ICI). [2]

Le financement de la recherche est majoritairement non fondé sur les preuves et arrose de façon disproportionnée les mêmes fausses  idées et les mêmes personnes (LA). [3]

L'oncologie de précision et les autres "traitements personnalisés" paraissent magnifiques mais manquent de données robustes issues d'essais randomisés.  Le seul essai dont nous disposons est négatif ( LA). [4]

Les nouvelles molécules sont souvent annoncées comme des miracles mais la réalité est typiquement qu'il y a un certain nombre de réserves majeures, de distorsions dans le protocole, des biais et des manipulations derrière tout cela (ICILA, et encore LA). [5]

Les conflits d'intérêts sont vraiment un problème. 


Notes.

[1] Rappelons qu'en France les résistances sont fortes et que l'INCa a exercé des pressions intolérables pour que l'on n'abandonne pas en rase campagne le dépistage organisé du cancer du sein.
[2] les études post marketing (après commercialisation) ne paraissent pas devoir être très conclusives puisqu'elles sont menées dans l'immense majorité des cas par l'industrie pharmaceutique voir ICI ; mais, pire encore, quand les études post commercialisation montrent des résultas négatifs, les produits ne sont pas retirés du marché.
[3] Les recherches sont menées en fonction des marchés porteurs (nombre de patients putatifs élevé) et/ou dans des marchés de niche où le faible nombre de patients traités sera dans un premier compensé par des prix très élevés et dans un second par une extension des indications (alias saucissonnage). Voir à ce sujet l'excellente communication de Marc-André Gagnon lors des Pilules Prescrire 2015 : ICI.
[4] L'oncologie de précision est pourtant considéré comme l'avenir de l'oncologie par tous les experts mais les experts sont surtout payés par l'industrie pour des opérations promotionnelles justifiant a priori une efficacité non démontrée et l'obtention de prix faramineux.
[5] Big Onco organise une messe annuelle sous le patronage de l'ASCO durant laquelle elle fait du pré marketing à base d'abstracts aux résultats rarement confirmés, de communications tronquées et truquées à laquelle est convié le gratin des oncologues et le gratin des journalistes internationaux.