mardi 24 décembre 2019

Quelques conseils de prescription (2011)

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 24.

Cet article est une pépite (de 2011) signalée par l'excellent Pierre Biron (voir LA).


Voici l'abstract.



Prescrire de façon adaptée est un pré-requis pour utiliser une médication de façon sûre et appropriée. En se fondant sur les preuves et les leçons tirées d'études récentes rapportant des problèmes avec des médicaments largement utilisés, nous proposons une série de principes de façon à prescrire de façon prudente et modérée. Ces principes encouragent les praticiens à (1) penser au delà des molécules (considérer des thérapeutiques non médicamenteuses, traiter les causes sous-jacentes, et prévenir) ; (2) pratiquer une prescription plus stratégique (différer les traitements médicamenteux non urgents ; éviter des substitutions injustifiées de traitements ; être prudent avec l'usage non démontré de molécules ; et commencer un traitement une nouvelle molécule à la fois) ; (3) maintenir une vigilance renforcée vis à vis des effets indésirables (suspecter les réactions des molécules : être au courant des syndromes de sevrage et éduquer les patients à anticiper les effets) ; (4) exercer sa prudence et son scepticisme à l'égard des nouvelles molécules (rechercher des informations non biaisées ; attendre que les molécules soient commercialises depuis suffisamment longtemps ; être plus sceptique sur les critères de substitution que sur les vrais critères cliniques ;  éviter les indications élargies ; éviter la séduction de la pharmacologie moléculaire élégante ; se méfier des rapports cliniques sélectionnés) ; (5) travailler avec les patients en partageant un agenda (ne pas répondre automatiquement aux demandes de médicaments ; évoquer la non observance avant d'ajouter des médicaments au régime ; éviter de recommencer un traitement qui n'avait pas été efficace auparavant ; remplacer un traitement par des médicaments inutiles ; et respecter les réserves des patients à propos des médicaments) ; enfin (6) prendre en compte le long terme et les impacts plus larges (peser les résultats à long terme et reconnaître que les systèmes éprouvés équilibrent les avantages marginaux des nouvelles molécules).

lundi 23 décembre 2019

L'homme de l'année médicale 2019 : Peter C. Gøtzsche.

Calendrier de l'Avent médical, Jour 23.


Il a été viré de la Cochrane parce qu'il a demandé que l'organisation s'éloigne de l'industrie.
Il défend l'EBM.
Il défend l'accès par les chercheurs aux données sources des essais cliniques.
Il demande l'arrêt du dépistage organisé du cancer du sein.
Il combat la psychiatrisation médicamenteuse des états non psychiatriques.
Il dénonce les effets indésirables des psychotropes en général et des antidépresseurs et le fait que les psychiatres et l'industrie les minimisent.
Il compare le complexe médico-industriel à une Mafia. Son blog, voir ICI, s'appelle d'ailleurs :

Il a sans doute des défauts mais sa lecture est toujours revigorante.
C'est un type bien.

PS du 3/1/2020: Un article qui fait le point sur ce qui est arrivé à Peter C. Gøtzsche et comment il est allé "trop loin" (LA).

dimanche 22 décembre 2019

Quatre effets, phénomènes et paradoxes de la médecine par Peter Kleist

Calendrier de l'Avent médical de la médecine 2019, Jour 22



Cet article est lumineux, clair, éclatant et épatant : voir ICI pour sa lecture complète. Je le reproduis tel quel pour les définitions et les conclusions.


L’effet Hawthorne peut conduire à une surestimation de l’efficacité dans les groupes contrôle des essais cliniques et rendre plus difficile, voire impossible, la mise en évidence de l’efficacité d’un traitement. Des traitements standards non spécifiés dans les groupes de comparaison d’études contrôlées ou dans le cadre d’études d’observation ne sont souvent pas représentatifs d’un traitement standard dans des conditions de tous les jours.



Les études observationnelles non contrôlées avec des patients sélectionnés ayant des valeurs initiales élevées ou basses surestiment l’effet thérapeutique réel – l’inclusion d’un groupe contrôle prend ici toute son importance. Les distorsions de type «regression to the mean» peuvent alors être neutralisées par l’effet de soustraction de l’action du traitement testé et du traitement comparatif. Les améliorations observées sous placebo sont – en partie du moins – aussi dues à une régression à la moyenne. S’il existe un risque de phénomène de type «regression to the mean», l’inclusion de patients dans les études cliniques devrait être effectuée sur la base de me- sures initiales multiples.



Des facteurs déterminants inconnus peuvent fausser les résultats des études d’observation, en
particulier des études de cas témoins. Un nombre élevé de cas et des niveaux de signification statistiques n’offrent par ailleurs aucune protection contre les conclusions erronées. En présence d’un paradoxe de Simpson, nous ne savons en réalité pas la vérité: en effet, les analyses des sous-groupes peuvent elles-mêmes être influencées par une autre variable inconnue, qui, si l’on en tient compte, pourrait à nouveau inverser le résultat. C’est pourquoi il convient de choisir un protocole d’étude randomisé et contrôlé chaque fois que cela est possible. Dans les méta-analyses publiées, on veillera à la méthode utilisée pour calculer le NNT.



Ne faites pas aveuglément confiance aux résultats d’études utilisant des groupes contrôles historiques. Les progrès réalisés dans le diagnostic ou une augmentation artificielle de la prévalence d’une maladie peuvent simuler une amélioration du pronostic, qui ne doit pas être attribuée à une modification des standards de traitement ou à un nouveau médicament apparu sur le marché.

Il faut toujours être très prudent en lisant les études contrôlées et à fortiori les études non contrôlées (cohortes, cas-témoins, ouvertes ouvertes). Et l'effet placebo est très lié à ces paradoxes.

samedi 21 décembre 2019

Dry January, le Défi de Janvier : la santé publique Alafrançaise.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 21




Des addictologues ont décidé, malgré le refus du gouvernement et du Ministère de la santé, de lancer seuls l'opération Dry January, c'est à dire de demander aux citoyen.ne.s de ne pas boire pendant un mois entier au mois de janvier.

Qui ne pourrait souscrire à une telle initiative ?

Remplis de bonnes intentions ils veulent imiter l'expérience britannique (Voir le site ICI) qui a commencé en 2013.

Je vais donc passer pour un pisse-froid qui ne me range pas derrière la bannière étoilée des bonnes intentions... Les actions de santé publique se doivent d'être réfléchies, consensuelles, doivent interroger les différentes parties, les différents intervenant.e.s et il faut qu'elles soient susceptibles d'être efficaces.

Est-ce le cas ? 

Il faut dire que la situation est préoccupante.



Voici le site de la branche française : ICI.


Honnêtement, c'est du plus pur amateurisme. Mais le site est en travaux, sans doute. En cours de relecture, sans doute.



Nous allons analyser la maigreur de ce site.

La première page : LA.


Je cite la première règle car, ma brave dame, il y a des règles (trois) : "
  • Ne pas boire d’alcool à partir de votre heure de lever le 1er janvier… et c’est tout !"
Ben oui : c'est pas dur. Il fallait y penser plus tôt.



Et, ensuite, Mesdames Messieurs, on nous assène une histoire de "bon point" qui sort de là comme une colombe d'un chapeau de prestidigitateur comportementaliste.


Et encore, che.è.r.e.s ami.e.s buveurs/euses, on vous invite à vous inscrire, en un click, "Je relève le défi", à donner votre nom, votre e-mail, et vous pouvez lire la politique de confidentialité (ICI). On y croit grave. Non pas que je mette en doute la sincérité des animateurs de ce site mais il est possible de cracker cette liste en une seconde et demie.

Donc, je bois, et je donne mon nom, mon prénom et mon email.

Pour recevoir de la documentation.
Vous pourrez recevoir les e-mails avec les recettes, les trucs et astuces pour trouver des alternatives à la boisson, les conseils d’experts, les lieux partenaires,… mais aussi trouver du soutien et de l’aide en cas de souci !
Pourquoi ne pas la recevoir avant ?

Pourquoi relever le défi ?


La page des effets bénéfiques avancés est gratinée : LA.

Je note ceci qui est d'un niveau atterrant :
  • Une meilleure santé – puisque l’arrêt durant un mois fait un bien considérable au corps
On se croirait franchement dans un tract naturopathe.

Les outils de la campagne

Superbe : LA.

Il est même possible de charger une application en anglais. Chacun sait qu'en France la consommation excessive d'alcool concerne en majorité des Français anglophones. Il fallait y penser. Chapeau les artistes.



C'est tout.

Bon, soyons sérieux, qu'est-ce qu'est que ce binz ?

Ce n'est pas parce que les lobbys de l'alcool entravent les actions de santé publique qu'il faut faire n'importe quoi. Il vaut mieux ne rien faire que le faire mal. 
Ces actions ne peuvent réussir que si tout le monde participe. 
Qui voit le plus de personnes sur consommant de l'alcool ?
Y a-t-il une quelconque allusion aux médecins traitants ?


Il y a aussi Janvier Sobre, une "initiative citoyenne" : LA.

On comprend que ce truc ne sert à rien.
Une réflexion : "Oui, mais si on empêchait une seule personne de boire, ce ne serait pas déjà bien ?" Oui. Une efficience maximum.
Si, cela sert à mettre en avant les organisateurs pour qu'ils soient vus, c'est la technique bien connue de l'annonce, la technique bien connue de la vitrinification des actions, dont le Ministère de la santé, les ARS et la CPAM sont les champions.

Une mascarade.

Et, en plus, ils n'ont même pas les outils pour mesurer leurs actions. Pas un même un critère de substitution pour pouvoir faire les malins après.


Ma déclaration d'intérêts :

1) Selon le décret 2012-745 du 9/5/12 : je n'ai pas de liens avec les industriels de la santé
2) Pas plus de liens d'intérêts avec les alcooliers, producteurs, industriels, vendeurs et revendeurs de substances alcoolisées
3) Mon score AUDIT (LA) est de 3

PS du 21 janvier 2020 : on va s'intéresser à la nébuleuse #DryJanuary et à ses liens éventuels avec Big Pharma

PS du 29 novembre 2021 : les addictologues ne sont pas non plus d'accord, voir LA



vendredi 20 décembre 2019

Bad Pharma.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 20



Ben Goldacre est un auteur prolifique, il se trouve que je ne l'ai jamais cité ici.



J'ai lu Bad Pharma il y a déjà un certain temps et malgré ce que je savais, j'ai été estomaqué. Cette avalanche de faits, d'évidences, cette accumulation de malversations, de tricheries, de maquillage des données, de dissimulations de data est incroyable et invraisemblable... Et réelle. Si vous voulez savoir comment Big Pharma manipule l'EBM : vous êtes servis.


Vous pouvez l'écouter ICI, c'est tremendous and amazing. Il parle aussi vite qu'Eminem chante. Cela dure 15 minutes et c'est époustouflant.

Comme le disait Popper, quand vous aimez trop quelqu'un, méfiez-vous en.

Mais ne vous en méfiez pas trop : c'est brillant.

Le livre n'est pas traduit en français, ce qui montre l'inintérêt de la France pour ce qui combat la fausse science et la corruption.




jeudi 19 décembre 2019

La consultation d'annonce ne devrait pas être réservée à l'oncologie.

Calendrier de l'Avent médical 2019, Jour 19.




Comme dirait l'autre, il s'agit de "mentir vrai" pour ce qui est des deux cas cliniques (toutes les permutations sont possibles, femme/homme, diagnostic/non diagnostic, circonstances fraies/fausses, à vos calculettes).

Passons sur le fait qu'on ne dit pas consultation d'annonce, mais dispositif d'annonce (voir LA). Voici une publication oncologique datant de 2010 qui rend compte a priori de la lourdeur du dispositif. Et, le plus beau dans l'affaire : le retour vers le médecin traitant (1). Un poème.

Je pourrais en faire des tonnes sur ce que disent les patients de la façon dont s'est passée leur consultation d'annonce en oncologie. une autre fois.

J'ajoute que la consultation/le dispositif d'annonce sont aussi préconisées en cardiologie. Je trouve ICI un papier dans un site dédié aux infirmières...

Commençons par le début.

Cas 1 (il y a au moins 5 ans).

Acte I
Mademoiselle A vient au cabinet avec un test urinaire de grossesse positif.
Elle veut une prise de sang pour confirmer : je lui blablate ce que tout le monde sait et dit.
Elle connaît parfaitement la date de ses dernières règles.
Je lui imprime son calendrier de grossesse avec les dates.
Je lui communique l'adresse du site du CRAT.
Je lui explique que je ne "suis" plus les grossesses parce que : bla bla bla. Nous parlons de qui la suivra et où (elle a déjà choisi et, entre nous, cela n'aurait pas été mon choix).
Interrogatoire.
Pesée, mesure de la pression artérielle.
Prescription du bilan habituel (cf. les référentiels). Conseil pour l'endroit où faire pratiquer la première échographie (tous les radiologues ne sont pas généricables) mais elle s'était déjà renseignée et elle avait fait le même choix.
(Je connais cette jeune femme depuis l'âge de 8 jours, je connais son copain, je connais ses frères et soeurs, je connais ses neveux, je connais sa mère,....)
On cause (alimentation, bla bla bla). J'écris à la main les conseils diététiques et les interdits (2).
La consultation est longue et je dépasse largement le quart d'heure convenu.
Rendez-vous pris pour la semaine prochaine.
Acte II
Elle revient avec les résultats. Tout est nickel.
Elle est soulagée parce qu'il y avait des trucs en gras sur les bilans. J'explique blablate bla le problème des bornes.
Au moment de partir, la consultation est beaucoup plus rapide que la dernière fois, elle a quelque chose à me dire.
" Vous savez, docteurdu16, la dernière fois, vous m'avez expédiée...
- Ah...
- Vous ne vous êtes pas rendu compte de ce que cela représentait pour moi d'être enceinte, cela me faisait entrer dans un nouveau monde inconnu... Vous auriez dû m'expliquer un peu plus..."
Acte III.
Elle est enceinte de son deuxième bébé et je lui rappelle la conversation que nous avons eue sur le sujet : elle ne se rappelle plus.


Cas 2 (novembre 2017)

Acte I et II et III
Je diagnostique chez Monsieur A, 66 ans, qui est venu me voir pour un rhume banal qui aurait très bien pu "passer" avec quelques mouchoirs non remboursés par l'Assurance maladie, une hypertension artérielle. Bref, il est hypertendu. Il a eu droit à un interrogatoire serré, à des mesures répétées de la pression artérielle, à une prise de sang, et il a acheté, sur mes conseils, un appareil automatique de tension qui confirme qu'il est hypertendu et que les valeurs qu'il trouve chez lui sont à la hauteur de celles que je mesure à mon cabinet.
Je lui prescris un traitement qui s'avère non efficace, un autre traitement qui s'avère inefficace puis une combinaison de deux traitements qui est modérément efficace mais acceptable. Je ne cite pas les classes pharmacologiques car cela n'a rien à voir avec mon propos et cela pourrait susciter des commentaires sans fin. Disons qu'il n'y avait pas de bêtabloquants.
Je lui demande de repasser un mois après.
Acte IV
Il n'est pas content. Sa pression baisse peu, il oublie de prendre ses médicaments, ce qui le met dans une rage folle contre lui-même et il me dit ceci : "Docteur, vous vous êtes foutu de moi. Vous m'avez dit sans une once d'émotion, à moi qui n'ai jamais pris un médicament de ma vie, que j'étais hypertendu et, au lieu de me rassurer, vous m'avez collé la pétoche... Vous m'avez fait entrer dans le monde de la maladie, et, à mon âge, dans le monde de la vieillesse, vous auriez pu prendre plus de gants..."

Conclusion : Dire à quelqu'un qu'il ou elle change de condition de façon provisoire (une grossesse) ou qu'il ou elle entre dans une condition chronique (être hypertendu) ou que l'une devient maman (ce qui n'est pas rien) et l'autre, à son idée, devient vieux, n'est pas anodin. Il faut en tenir compte quand nous annonçons à quelqu'un qu'il "a" quelque chose.


(1) Qui connaît le mieux a priori un.e patient.e ? Sa mère, sa voisine de palier, sa femme/mari, ses collègues, sa maîtresse/amant, ses enfants, l'oncologue  ou le médecin traitant ?
(2) Je reviendrai un jour sur ces interdits qui sont devenus effrayants, je vous entends déjà, un cas par an, cela vaut le coup... Je fais le job. Sans conviction.


mercredi 18 décembre 2019

Comment faire (sagement) carrière en médecine.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 18


Adam Cifu, MD. Professor of Medicine, Internal Medicine, Primary Care



CHOIX DE CARRIERE

  • Choisissez le métier qui promet la meilleure équipe de collègues.
  • Choisissez le meilleur métier plutôt que le mieux payé.
  • Soyez honnête avec vous-même en vous demandant si vous serez heureux avec les exigences du métier et les demandes des patients.
  • Ne croyez pas que vos nouveaux employeurs changeront le métier qu'ils vous offrent pour celui que vous désirez.
  • Au début de votre carrière, dites oui à tout ; plus tard dites non à tout sauf pour les choses que vous désirez vraiment faire.
  • Méfiez-vous des "promotions" qui vous éloigneront  de ce que vous aimez faire.
  • Payez pour (investissez pour) élever sérieusement vos enfants.
  • Essayez de vivre et de travailler près des écoles de vos enfants et de minimiser vos déplacements.
  • Fixez un rendez-vous le soir (et même un rendez-vous de petit-déjeuner) chaque semaine avec vos enfants.
Adam Cifu. Voir ICI son pedigree universitaire.
Adam Cifu est aussi sur twitter : @adamcifu