jeudi 26 juin 2008

Histoires de consultations : premier épisode

Deuil


Madame N consulte pour que je lui vérifie sa tension. Elle est souriante. Je lui demande : « Comment ça va ? ». Elle répond : « Contrairement à ce que je m’attendais, ça peut aller. Je ne sais pas pourquoi, mais ça va. » Tout à l’heure elle va pleurer devant moi. D’ailleurs, ajoute-t-elle comme pour se faire pardonner, j’ai la larme facile. Je la crois.

Madame N a perdu son mari il y a trois mois. Après deux ans de souffrance : un cancer de la prostate métastasé avec blocage du petit bassin. Elle s’est beaucoup investie et je me suis demandé à son propos, et en toute innocence, comment font les gens pour s’investir autant. Traduction en français : est-ce que je serai à la hauteur si cela m’arrivait ?

Ce n’est bien entendu pas la première fois que je la revois depuis le décès de son mari. Mais c’était en passant : elle accompagnait un de ses petits-enfants malades et nous n’avions pas eu l’occasion de « parler ».

Faut-il l’interroger ? Faut-il lui donner la possibilité de laisser « la parole s’exprimer » ? Est-ce que la patiente, pendant que je fixe le tensiomètre sur son bras, est en train de se demander s’il faut parler ou non ? Hésite-t-elle à me cacher quelque chose ? Ou, au contraire : à tout me dire ?

« Vous avez treize huit. » Elle est comme étonnée. Jamais sa pression artérielle n’a été aussi bonne. « On ne pourrait pas arrêter les médicaments ? » Cela se discute. On attendra la prochaine consultation.
« J’aimerais bien quand même que vous me prescriviez quelque chose pour dormir. Ca m’aiderait. – Que se passe-t-il ? – Je m’endors bien mais je me réveille deux heures après. Je me sens coupable… »

Nous y voilà. L’analyste rentré que je ne suis pas mais que tout le monde peut se prétendre, psychiatre, cardiologue, médecin généraliste, directeur des ressources humaines ou technicien de surface, poussé par la propagande analytique ambiante, se frotte les mains de façon non gestuelle.

« Et coupable de quoi ? – Ben, je ne sais pas, si j’avais montré mon mari à de grands professeurs sur Paris… Il s’en serait peut-être sorti… » Elle me regarde, quêtant une approbation. Se rend-elle compte qu’elle exprime une critique à mon égard : si vous en aviez fait plus, vous, son médecin traitant, il serait peut –être encore là ?

« Pourquoi vous sentiriez-vous coupable ? Depuis le début nous savions que c’était quasiment désespéré, nous en avions longuement parlé (assez longuement ?). On avait alors deux possibilités, en faire le maximum dans le style acharnement ou ne rien faire du tout et l’aider à ne pas souffrir. On a choisi la troisième solution : faire les deux en même temps. – Il n’y avait donc vraiment aucun espoir ? Parce que, à un certain moment, il allait mieux, quand même… – Il peut y avoir un répit, une rémission, et même on a déjà vu des situations s’améliorer à la grande surprise des médecins. Pas seulement à Lourdes. Mais dans le cas de votre mari la situation était perdue dès le départ. La seule question que l’on doit se poser, non, excusez-moi : un des questions que l’on peut se poser : a-t-il beaucoup souffert ? – Oui, énormément. » Et elle se met à pleurer doucement.

Je comprends ici que les objectifs n’ont pas été atteints. Le patient a souffert.

(Je réfléchis à deux choses pendant que je tends un mouchoir en papier à la femme qui pleure en face de moi : est-il possible de faire comprendre à la société que tous les hommes sont mortels ? Est-il possible, avant de mourir, de ne pas souffrir du tout ?)

Dois-je aller plus loin ? Elle m’a dit d’abord qu’elle était étonnée de sa façon de réagir (bien) puis qu’elle se sentait coupable. Par où commencer ?

« Je ne pense pas que vous devriez vous sentir coupable. Je vous ai observée et, sans vouloir vous flatter, vous avez eu une attitude formidable. Je me suis demandé si je me serais comporté comme vous… Non, non, c’est la vérité. Vous n’êtes donc coupable de rien de ce point de vue. Personne n’aurait pu se conduire mieux que vous, c’est du moins mon avis. »

Il y a quelques années j’aurais parlé autrement et me serai abstenu de commencer par donner mon avis : « Ne vous sentez-vous pas coupable d’autre chose ? – De quoi voulez-vous parler ? – Coupable de vous sentir aussi bien malgré la mort de votre mari, par exemple. » Elle m’aurait regardé surprise puis : « Je ne pensais pas pouvoir continuer à vivre aussi facilement. D’ailleurs, mes enfants semblent en être contents. Ils m’ont dit : ‘Profites-en’ et j’ai décidé d’en profiter. Mon mari, d’ailleurs, n’était pas facile. Il m’a toujours mené la vie dure, il était très jaloux et me demandait toujours ce que je faisais et l’heure à laquelle j’allais rentrer… Il était jaloux avant que je parte, pendant que j’étais partie et quand je revenais, c’était le pompon... Je dois avouer que depuis qu’il n’est plus là, quand je sors de l’aquagym deux fois par semaine, vers neuf heures et demi, je suis contente de ne pas avoir à affronter ses reproches… La vie n’a pas toujours été simple, les quatre enfants et sa jalousie maladive. » Elle ne parlera pas de l’alcool pour lequel je ne suis pas sûr qu’elle soit au courant que je sais.

Aujourd’hui je n’ai rien dit de tel. Est-ce par manque de temps ? Par sentiment de puissance par rapport à la patiente dans le style « J’ai de l’expérience », une sorte d’abus de pouvoir ? Est-ce parce que je ne crois plus aux vertus supposées de la catharsis ou de la maïeutique ? Je me suis remis à parler pour avancer ou pour affirmer mon autorité de thérapeute ou, hypothèse plus séduisante, pour ouvrir des espaces de réflexion…

« Je crois qu’il faut que vous soyez contente et non surprise du fait que vous alliez bien. Comment pensiez-vous que vous vous comporteriez ? – Je ne sais pas, plus abattue, plus atteinte. Enfin, je ne sais pas.» J’essaie de savoir si je peux lui dire ceci : « Vous savez, vos sentiments sont ambigus parce que vous êtes partagée entre le soulagement et la souffrance. Le soulagement dû au fait que votre mari ne souffre plus et la souffrance de son absence définitive. » Est-ce qu’elle aurait aimé que je lui dise cela ?

« Hier », reprend-elle, « je suis allée au cimetière. J’y vais presque tous les jours. J’ai eu une drôle d’impression… Comme si je n’avais plus besoin d’y aller. C’est le contraire de mon dernier fils, Dominique, que vous connaissez… Lui, il commence à y aller… »

Elle n’a pas encore prononcé l’expression magique « Faire son deuil », expression qui rend le thérapeute, ou prétendu tel, content que la théorie et la pratique se rencontrent de façon aussi harmonieuse et qui lui donne l’occasion de tester la force de son non verbal : la tête penchée en avant et les yeux qui se plissent d’approbation (les mains croisées ?).

« Vos enfants n’ont donc pas tous réagi de la même façon ? – Oh, non. Ma fille aînée, que vous ne connaissez pas, elle n’a rien laissé paraître, elle était triste mais pas effondrée, elle a à peine pleuré. – Qu’est-ce que vous en pensez ? – Pensé de quoi ? – De son attitude. »
Elle me regarde, les mains sur les genoux, gênée. Elle essuie une larme d’un revers de la main. Elle reprend : « Je n’ai rien pensé. – Je ne vous crois pas. – C’était quand même son père. – Elle lui reprochait quelque chose ? – Il a toujours été très sévère avec les enfants. Je crois qu’elle lui en voulait. – Et de quoi ? » Cette fois, je suis allé trop loin : elle se ferme. L’histoire est la suivante : pendant un moment, il a tapé sa femme et ses enfants puis il s’est arrêté. Me le dira-t-elle ? Ainsi la patiente se reproche-t-elle la façon dont elle a réagi et la façon dont sa fille aînée réagit. Comment la soulager ?
« Vous savez, je crois que tout le monde se comporte comme il peut après le décès d’un proche. Certains, que l’on croyait forts, s’effondrent. D’autres, que l’on croyait faibles, résistent. Et tout est possible entre les deux. Je dirais même plus : chacun se comporte en fonction de l’idée qu’il a de lui-même, l’idée qu’il a de ce que ses proches attendent, l’idée de ce que la société attend d’eux et, parfois, rien ne se passe comme prévu et il arrive que tout le monde déçoive tout le monde. Ce qui compte finalement pour vous c’est comment vous vous êtes comportée du vivant de votre mari. Comment vous l’avez accompagné. Mon avis est que vous avez été formidable. »

Madame N pleure à nouveau.

mardi 10 juin 2008

Histoires de visites à domicile : premier épisode

Hernie hiatale
Le mari et la femme sont plutôt agréables. Je me rends à leur domicile pour le mari qui vient de se casser la jambe et qui ne peut se déplacer. Mais madame a aussi envie de « consulter ».
Madame L souffre depuis des années de brûlures gastriques et de reflux qui sont liés, le gastro-entérologue l’a attesté lors d’une fibroscopie effectuée il y a quelques années, à un état pathologique somme toute très banal, une hernie hiatale, « Sans gravité » selon le compte rendu. Avant que j’arrive, c’est à dire dans les jours précédents, Madame L a déjà pris un traitement qui est considéré comme « approprié » en fonction des symptômes qu’elle décrit et des antécédents que je connais. Je la réinterroge, je lui donne des conseils alimentaires qu’elle connaît déjà par cœur, et quid ?
Une attitude fréquente chez les médecins, quand la pathologie est bénigne, quand les plaintes sont gênantes mais inintéressantes d’un point de vue scientifique est :
a) de prendre le malade pour un idiot (et, ici, il s’agit d’une malade alors que les livres de médecine sont remplis de phrases assassines pour les femmes « hystériques » -- aucun rapport avec Charcot, encore moins avec Freud : le terme est passé dans la langage courant et signifie le plus souvent une injure misogyne), c’est à dire de minimiser, de renvoyer le malade à sa propre personne (« Vous n’êtes pas malade, vous êtes une fonctionnelle », soit une folle en quelque sorte) et de lui prescrire n’importe quoi. On s’entend : des médicaments le plus souvent inoffensifs, sans effets réels, remboursés pour d’obscures raisons historiques tenant à l’époque où ces remboursements étaient obtenus en pleine ignorance ou pour faire plaisir à l’industrie pharmaceutique de l’époque, ou, parfois plus vraisemblablement, par attitude paternaliste du corps médical dans le genre « Puisque des malades souffrent de symptômes dont on ne connaît pas l’origine, dont on ne sait à quelle maladie les rattacher (c’est à dire une vraie maladie, noble, avec des conséquences et des risques), donnons leur des médicaments qui servent théoriquement – pour des raisons pharmacologiques vraies ou supposées—à soulager ces symptômes ;
b) de faire semblant de ne pas prendre la malade pour un idiot en lui prescrivant des médicaments quasiment identiques à ceux qu’il a déjà pris auparavant en arguant de leur nouveauté et de leur meilleure efficacité (cette attitude est une double imposture : vis à vis du malade à qui le médecin cache qu’il le prend pour un crétin et vis à vis du médecin lui-même qui se cache à lui-même qu’il ne sait pas quoi faire ou que le malade ne l’intéresse pas…) Le médecin pense finalement que c’est le temps qui va améliorer l’affaire et qu’il est donc nécessaire qu’il en gagne en donnant des médicaments semblables aux précédents, donc, théoriquement adaptés à la situation… ;
c) enfin, de dramatiser la situation, qui n’est pas dramatique aux yeux du médecin (mais qui pourrait cependant l’être dans certains cas très rares qui constituent le plus souvent ce que l’on appelle des « histoires de chasse ») en prescrivant des examens complémentaires sans intérêt et, parfois, coûteux dans le but, encore une fois, de gagner du temps mais aussi, prétexte scientifico-psychologique de « rassurer le patient ».
J’ai donc, par des bonnes paroles, et pour la énième fois, rassuré la patiente, joué la grande démagogie (il s’agit de symptômes gênants mais non dangereux que je vais traiter pour votre confort de vie), prescrit des médicaments pas tout à fait les mêmes mais pas tout à fait différents et, ajouté, comme pour démentir le discours que je venais de tenir sur la non dangerosité des symptômes, qu’au terme de se traitement il serait nécessaire, s’il n’y avait pas d’amélioration, de refaire une fibroscopie. J’ai donc joué sur tous les tableaux (ce qui est une façon de se valoriser par rapport au malade et, par la même occasion, de le satisfaire en proposant toutes les pistes) en étant, presque, content de moi.
Mais il est une piste que je me suis refusé d’ouvrir explicitement : celle du psychosomatique.
La théorie veut que ce genre d’attitude médicale soit le fait du médecin qui ne souhaite pas s’impliquer dans la relation médecin-malade et refuse d’aborder les causes « réelles » des maladies, à savoir les troubles du psychisme et surtout en raison du temps qu’il peut consacrer à cette relation. Je me refuse à entrer dans ce jeu. Par manque de temps, probablement, mais aussi pour ne pas céder à l’ego du thérapeute (bien que, on l’a vu plus haut, l’ego du thérapeute ne soit jamais très loin) et, surtout, aux fantasmes de l’analyse psychanalytique « sauvage ».
Madame L a cinquante-sept ans. Elle est porteuse d’une hernie hiatale qui explique, dans son esprit au moins, la symptomatologie dont elle souffre. Faut-il que je la rende encore plus malade qu’elle n’est (après tout ses aigreurs gastriques, ses remontées acides ne la gênent pas tant que cela) en la faisant entrer dans la zone de la remise en question d’elle-même et de son existence ? De quel droit ? La hernie hiatale est une maladie banale, que l’on opère parfois, que l’on opérait beaucoup il y a quelques années pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici, mais faut-il, car chacun d’entre nous, dans le cadre des pathologies bénignes, a « sa » hernie hiatale, psychanalyser ou psychiatriser ou psychologiquer la terre entière ?
Les psy diraient, à mon sujet, que je « résiste » et que refuser à « ma » malade l’aide de la révélation de l’inconscient (je fais exprès d’utiliser une expression idiote qui ne veut pas dire grand chose) est dû à mon propre refus de recourir à ces procédés à mon endroit. Peut-être.
On verra la prochaine fois que Madame L demandera de l’aide.

jeudi 22 mai 2008

STATINES ET AFFECTIONS MUSCULAIRES CHRONIQUES

Alertez les Myocytes

Le retrait de la cérivastatine a rapidement fait long feu dans l'esprit des médecins qui se sont remis à prescrire beaucoup (trop) de statines en suivant des recommandations, certes fondées sur des études, mais des études réalisées le plus souvent dans des régions et sur des patients à très haut risque...
Une étude cas-témoins récente, réalisée dans la région toulousaine (volontiers épargnée selon l'étude MONICA par rapport au Nord de la France et de l'Europe sur le plan des complications cardiovasculaires à profil lipidique identique) montre que les affections musculaires chroniques chez les adultes de plus de 50 ans sont plus corrélées qu'attendu à la prise de statines que chez les témoins .
Les auteurs ajoutent que le rôle de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons est à éclaircir.
Increased exposure to statins in patients developing chronic muscle diseases: a 2-year retrospective study
L Sailler 1, C Pereira 1, A Bagheri 1, M Lapeyre-Mestre 1, J L Montastruc 1, P Arlet 2, E Arlet-Suau 2, E Uro-Coste 3, H Roussel 4, D Adoue 5, B Fournie 6, L Zabraniecki 6, M Laroche 7, P Cintas 8
1 University of Tolouse, Toulouse, France 2 Internal Medicine Department, Salles Le Tallec-Tapie, Pavillon Dieulafoy, CHU Purpan, Toulouse, France 3 Pathology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France 4 Direction Régionale du Service Médical, CNAMTS, Toulouse, France 5 Internal Medicine Department, Pavillon des Médecines, CHU Purpan, Toulouse, France 6 Rheumatology Department, CHU Purpan, Toulouse, France 7 Rheumatology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France 8 Neurology Department, CHU Rangueil, Toulouse, France
http://ard.bmj.com/cgi/content/full/67/5/614?ijkey=0tdJExCaCBRCg&keytype=ref&siteid=bmjjournals

Voici ce par quoi les auteurs concluent :
Les cliniciens doivent être avertis de la possibilité se myopathies inflammatoires induites par les statines et, peut-être, par les inhibiteurs de la pompe à protons même chez ceux traités depuis longtemps ; arrêter l traitement chez tous les patients porteurs d’une dermatomyosite / polymyosite et systématiquement reconsidérer la pertinence de la prescription de statines.

Que faire en pratique ?

Certains spécialistes (des experts) avaient jadis conseillé que la prescription de statines se fasse après dosage des CPK (et, éventuellement des SGOT / SGPT) pour 1) détecter les patients à CPK élevées de façon constitutionnelle (notament les habitants de l'Afrique subsaharienne) et de rares maladies musculaires préexistantes et 2) pour disposer de chiffres de base en cas d'apparition de myalgies après usage de statines.
Cette proposition n'avait pas été retenue pour, écoutez bien, ne pas alourdir le coût des statines.

Or cette étude, dont il faut reconnaître toutefois qu'elle n'est pas d'une robustesse statistique inattaquable et qui n'explique pas le rôle éventuel des inhibiteurs de la pompe à protons, montre que la pathologie musculaire chronique peut persister très longtemps après l'arrêt des statines et que dans un quart des cas de patients porteurs d'une pathologie dermatomyosite / polymyosite les statines auraient pu induire la pathologie !

lundi 5 mai 2008

Les prescriptions d'ezetimibe montent en flèche aux US, mais pas au Canada !


POURQUOI ?




On apprend d’abord que le poids du marketing mix est déterminant dans l’appréciation par les médecins de la qualité d’un produit.







Aux USA comme au Canada la promotion de l'ezetimibe a été intense chez les médecins et, bien qu’il n’y ait aucune preuve que l’ezetimibe prévienne les événements cardiovasculaires ou freine la progression de l’athérome, et donc aucune raison pour qu’il soit recommandé comme traitement de première ligne en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire, les ventes d’ezetimibe représentent aux USA et au Canada respectivement15 et 3,4 % des prescriptions d’hypolipidémiants.







Pourquoi une telle différence ? Parce qu’au Canada il n’est pas possible de faire de la publicité directe de médicaments auprès des patients !




A l’heure où se préparent à Bruxelles des manœuvres pour que l’industrie puisse contrôler l’observance des patients, il serait utile de se servir de ces données nord-américaines pour convaincre les décideurs qu’il vaudrait mieux s’abstenir d'ouvrir la porte aux industriels.

mardi 15 avril 2008

Hépatite B : interdiction professionnelle


Une jeune femme de dix-sept ans ne peut s’inscrire en Faculté de Médecine !

Actuellement, en France, et sans la moindre preuve scientifique, il est interdit de s’inscrire en Faculté de Médecine si l’on n’est pas vacciné contre l’hépatite B.

LES TEXTES
Arrêté du 6 mars 2007 fixant les conditions d’immunisation
des personnes visées à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique
Art. 4. − Avant leur entrée en fonction, ou au moment de leur inscription dans un établissement
d’enseignement, les personnes visées à l’article 1er (cf. infra) sont tenues d’apporter la preuve qu’elles ont bénéficié des vaccinations exigées. A défaut, elles ne peuvent exercer une activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents biologiques tant que les conditions d’immunisation ne sont pas remplies.

Art. 1er. − Les obligations vaccinales des personnes visées à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique concernent toute personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de soins ou de prévention, exerce une activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents biologiques tel que le contact avec des patients, avec le corps de personnes décédées ou avec des produits biologiques soit directement (contact, projections), soit indirectement (manipulation et transport de dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques, de linge ou de déchets d’activité de soins à risque infectieux).
Le médecin du travail apprécie individuellement le risque en fonction des caractéristiques du poste et prescrit les vaccinations nécessaires.

Sans la moindre preuve scientifique : il n’existe aucune donnée française indiquant le nombre d’étudiants en médecine / médecins qui sont contaminés par an, durant leur exercice professionnel, par le virus de l’hépatite B. Pas plus qu’il n’existe de données concernant le nombre de patients / malades contaminés directement par un médecin porteur d’une hépatite B.
LES FAITS : Une jeune femme de dix-sept ans refuse de se faire vacciner contre l’hépatite B car son oncle a déclaré une SEP post vaccinale il y a quelques années (nous ne discuterons pas ici l’imputabilité du cas ; nous ne disposons pas du dossier de l’oncle).
Elle pourrait toujours s’inscrire en première année, passer le concours (le réussir ou le rater) mais elle serait rattrapée par la médecine du travail et les textes car il lui faudra bien, à un moment ou à un autre, justifier la vaccination complète et / ou un taux d’anticorps immunisant.


LES TEXTES : Le Conseil supérieur d’hygiène publique (CSHP) dans un avis du 8 mars 2002 a considéré que « lorsque la vaccination est envisagée chez une personne atteinte ou ayant une apparenté du premier degré (père, mère, frère ou sœur) porteur de sclérose en plaque (SEP), il faut évaluer au cas par cas le bénéfice individuel de la vaccination au regard du risque de contamination par le virus de l’hépatite B. » Bien plus : « Les antécédents de SEP ne constituent pas une contre-indication (circulaire DGS 97-267 du 8 avril 1997) formelle à la vaccination contre l’hépatite B et il appartient au médecin d’apprécier le risque, comme indiqué dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de certains vaccins contre l’hépatite B sous la rubrique « mise en garde – précautions d’emploi » du résumé des caractéristiques du produit.
Le CSHP, malin (et super éthique), précise également que ces mesures sont faites pour protéger les soignants et les soignés alors que nous ne disposons d’aucune donnée fiable.

Cette jeune femme est coincée.

Une seule solution : un faux certificat de vaccination complète effectuée avant treize ans.

Pourquoi faudrait-il en arriver là ?

Elle ne "fera" donc pas médecine.

dimanche 30 mars 2008

EZETIMIBE : SUITE ET FIN ?

Nous avons déjà communiqué en janvier 2008 sur l'ezetimibe dans l'essai Enhance : Ezetimibe : une enquête du Congrès étatsunien oblige à publier une étude négative


Désormais nous pouvons juger sur pièce car l'article est paru.
Kastelein JJP, Akdim F, Stroes ESG, et al. Simvastatin with or without ezetimibe in familial hypercholesterolemia. N Engl J Med 2008;358:1431-1443

Plutôt que de paraphraser l'essai, voici deux commentaires du New England Journal of Medicine dans le même numéro :

1) Does ENHANCE Diminish Confidence in Lowering LDL or in Ezetimibe?
Par B. Greg Brown, M.D., Ph.D., and Allen J. Taylor, M.D.

Pour l'instant le clinicien avisé peut adopter la stratégie prudente suivante (qui est la même que celle recommandée par L'American College of Cardiology en janvier dernier) : Premièrement, atteindre les cibles de LDL et HDL cjholesterol (ou le ration cholesterol total / HDL cholesterol) en utilisant les statines et, en plus, les molécules qui ont montré des effets bénéfiques cliniques en association (acide nicotinique, fibrates, et résine échangeuse d'ions) et leur tolérance ; Deuxièmement, utiliser l'ezetimibe chez les patients qui, en dépit de l'utillisation des thérapies précitées, n'atteignent pas les cibles individuelles fixées ; et troisièmement, attendre des études éclairantes.

2) Cholesterol Lowering and Ezetimibe
Par Jeffrey M. Drazen, M.D., John A. Jarcho, M.D., Stephen Morrissey, Ph.D., and Gregory D. Curfman, M.D.

Jusqu'à ce qu'une nouvelle étude soit disponible (ezetimibe : 2011) il semble prudent d'encourager les patients dont le niveau de LDL cholesterol reste élevé en dépit d'un traitement utilisant des doses optimales de statine, de redoubler leurs efforts de contrôle diététique et d'exercice physique régulier. Acide nicotinique, fibrates et résines devraient être prises en compte quand régime alimentaire, exercice physique, et statines n'ont pas atteint leurs objectifs et réserver ezetimibe aux patients qui ne tolèrent pas les traitements précédents.
Qui pourrait dire mieux ?
JCG : Il est probable que nous traitons TROP les malades dyslipidémiques en France (ce n'est pas ce que disent les experts) pour une raison essentielle : les études de morbi-mortalité ont été le plus souvent effectuées dans des populations à TRES HAUT risque cardiovasculaire (la Scandinavie pour l'étude simvastatine 4S, l'Ecosse pour la pravastatine et WOSCOP) et sans tenir compte des données de MONICA sur le gradient de risque entre le Nord (élevé) et le Sud (plus faible). Retenons notre main avant de nous être assurés que le risque en vaut la chandelle et que les patients suivent les conseils (certes pénibles) que nous leur avons donnés sur le régime alimentaire et l'activité physique.

Revenus des Médecins Généralistes anglais


Les MG anglais qui travaillent en solo gagnent en moyenne 168 240 euro par an, soit environ 33135 euro de plus que ceux travaillant en cabinets de groupe selon un rapport officiel récent.
Bien plus, les revenus moyens des GP ont doublé en valeur réelle depuis 20 ans !
Encore mieux : Les chiffres montrent que les revenus des médecins augmentent à mesure que le MG vieillit jusqu’à l’âge de 60 ans avec un revenu moyen de 150155 euro dans le groupe d'âge 50-59 ans.
Commentaires :
1) Les médecins français favorables à l'abandon du paiement à l'acte devraient exulter quand on sait que pour les MG français l'excédent moyen de CA est, selon des sources AGA concernant les revenus de 2006, de 76711 euro. Cependant, il serait illusoire de croire que, du jour au lendemain, on augmenterait d'autant les revenus des médecins français parce qu'on changerait de système de paiement.
2) Le rapport précise également de grandes différences selon le lieu d'exercice et la taille des list-sizes (bémol pour les égalitaristes qui souhaiteraient qu'il n'y eût plus de concurrence entre les médecins)
3) Les syndicats médicaux français devraient, eux, s'interroger sur leurs actions depuis 20 ans : les revenus des MG français sont très nettement en dessous de ceux de leurs confrères britanniques. D'après les chiffres de mon AGA (agaps) seuls les anesthésistes et les orthodontistes ont un excédent de CA supérieur à celui d'un MG exerçant seul (respectivement 180519 euro et 180670 euro).

Ce message a été rédigé à partir d'un article paru dans le BMJ

GPs working in singlehanded practices earn most
Adrian O’Dowd


http://www.bmj.com/cgi/content/full/336/7646/686-b