jeudi 2 octobre 2008

DEPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LES INFORMATIONS GRAND PUBLIC

Le deux octobre 2008, lors de l'émission Télé Matin, une journaliste (?), Brigitte Fanny Cohen, a fait la promotion du dépistage du cancer du sein.

On sait que le dépistage généralisé du cancer du sein par mammographie ne diminue pas la mortalité globale. Enfin, on sait : certaines personnes savent et la majorité des professionnels de santé le cachent ou se le cachent (on pourra discuter longuement du fait qu'il s'agit de mauvaise foi, d'intérêts financiers ou académiques, mais nous parierons sur une autre donnée : l'INCOMPETENCE).

Mais, comme l'a écrit La Revue Prescrire : si on devait aujourd'hui mettre en place un tel système de dépistage en France, on conseillerait de ne pas le faire. Mais, en l'état actuel des choses, ce serait non adéquat d'arrêter (pour des raisons psychologiques).
La Revue Prescrire (2007;288[octobre 2007]: 758-62) Dans la population générale sans risque particulier, avant l'âge de 50 ans, le dépistage du cancer du sein par mammographies n'apporte aucun bénéfice démontré. Entre 50 ans et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est de faible ampleur. Au-delà de l'âge de 70 ans, on ne dispose pas de données d'évaluation suffisantes pour proposer ce dépistage.

Quoi qu'il en soit, qui a-t-on décidé d'interroger ? L'inénarrable professeur David Khayat, celui qui a été viré de l'INCA (Institut national du Cancer) pour des raisons essentiellement de népotisme... Pour le remettre en selle ? Pour que sa consultation se repeuple ?

Il a pontifié sur le dépistage... On ne pouvait s'attendre ni à mieux ni à pire.

Monsieur le professeur a-t-il dit que la principale cause de diminution du nombre de diagnostics de cancers du sein a été l'arrêt (aux Etats-Unis où des données statistiques existent, car, en France les épidémiologistes en sont encore à utiliser un crayon et une gomme) probable des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause depuis plusieurs années. Moins 12 % pour les cancers du sein hormonaux dépendants. Une paille.

Quant à notre ami Didier Houssain, on attend encore un commentaire...

La journaliste (?) de Télé Matin fait le travail qu'on lui demande : croire les experts qui se prétendent indépendants et qui auto affichent leur compétence.

SECRET MEDICAL EN DANGER DANS LES STRUCTURES PUBLIQUES

SECRET MEDICAL : UNE CHIMERE

Alors que la majorité des auteurs tente d'alerter sur le problème du secret médical vis à vis des assurances privées, il est moins commun d'entendre parler des structures publiques et semi publiques.
Deux exemples (les noms et les maladies ont été changés tout comme les circonstances exactes car ce blog est public) :
Mairies : Il suffit qu'une assistante maternelle soit porteuse d'une hépatite B chronique pour que tout le personnel, les parents, les politiques, soient au courant. Une secrétaire administrative de la mairie de mon lieu d'exercice m'appelle pour me dire qu'il est "scandaleux" que l'on ne retire pas son agrément à Madame H (dont je suis le médecin traitant) sous prétexte qu'elle est peut être contagieuse.
MOI : Comment savez-vous cela ?
ELLE : Je le sais.
MOI : Vous avez des preuves ?
ELLE : Non, mais...
MOI : Premièrement, ce n'est pas à vous de vous occuper de cela, c'est au médecin du travail ; deuxièmement : je vous interdis d'en dire un seul mot, d'autant plus que ce n'est pas forcément vrai, vous m'entendez, un seul mot, à un collègue de bureau, à votre supérieur hiérarchique, à votre mari, à votre voisine, sinon vous seriez sous le coup d'une violation du secret médical.
Commentaires : L'hépatite B chronique n'est pas une maladie à déclaration obligatoire. Une secrétaire administrative ne doit pas être au courant de ce genre de choses et encore moins d'en faire état.
Education Nationale : Le CPE d'un lycée de ma ville m'appelle , en tant que médecin traitant, j'imagine, pour me demander si la maladie de Monsieur M, professeur d'anglais, est grave et si cela présente un danger pour le personnel et pour les élèves.
MOI : Comment avez-vous le culot de me poser une question pareille ?
LUI : Pour la sécurité des usagers du lycée.
MOI : Vous n'êtes pas en charge de cela. C'est le médecin scolaire ou le médecin du travail qui doit prendre des décisions. J'espère que vous n'avez pas diffusé le fait que Monsieur M est malade car vous seriez sous le coup d'une violation du secret médical. Comment l'avez-vous appris ?
Silence au bout de la ligne.
MOI : Cela m'étonnerait que ce soit Monsieur M qui vous en ait parlé.
LUI : Non, ce n'est pas lui.
MOI : J'espère que ce n'est pas en lisant le motif sur l'arrêt de travail.
Silence.
MOI : Je vous interdis d'en dire un quelconque mot autour de vous ou sinon je demanderais à l'enseignant que je vais appeler aussitôt de demander à un avocat de vous assigner en justice.
LUI : Mais...
MOI : J'espère que vous avez bien compris...
Commentaires : L'Education Nationale exige que le motif de l'arrêt soit mentionné et les enseignants donnent toutes les feuilles à l'administration. C'est ainsi que tout le lycée a appris que Monsieur M avait une maladie de Hodgkin.

jeudi 25 septembre 2008

EBM : LES INCERTITUDES, LES CRITIQUES ET LES RETICENCES

L’Evidence Based Medicine (EBM) : une idéologie ou une méthode ?


2) Les incertitudes, les critiques et les réticences
L’EBM, on l’a vu, c’est tenter de relever les défis de la formation continue, de l’intégration méthodique du nombre croissant des publications médicales, de l’évaluation des pratiques et de la communication avec le patient / malade.

L'EBM, c’est l’intégration à l’expertise clinique et aux valeurs du patient des meilleurs faits (ou preuves) issus de la recherche

C’est une aide à la compréhension, au diagnostic et à la décision.

C’est pourquoi s’opposer à l’EBM paraît curieux.
L' EBM, avec ses trois piliers (expertise interne, expertise externe et patient) requiert de la part du clinicien une grande exigence ce qui peut entraîner des inquiétudes chez ses tenants convaincus (pourrais-je jamais être au niveau de ces impératifs inatteignables ?) comme chez ses tenants de circonstance (comment me faire passer pour un bon ebéèmien ?) mais devrait encourager ses adversaires qui peuvent crier en montant sur la table « Vive l’EBM ! » et faire ce qu’ils veulent.
On comprend alors les inquiétudes des tenants de l’EBM mais moins de ses adversaires qui pourraient y voir une porte ouverte sur le "On fait comme d'habitude".
Tout médecin, confronté à une situation clinique et à un patient unique, devrait faire de l’EBM sans le savoir, voilà une phrase que les partisans de l’EBM n’aiment pas (car elle supprime l’exigence) et que ses détracteurs apprécient (parce qu’elle simplifie la tache).
Parce que la méthode EBM implique des contraintes. Les « scientifiques » se voient accuser de privilégier l’expertise externe (et surtout les essais contrôlés) et les artistes de privilégier l’expertise interne (l’intuition libre).

La difficulté fondamentale de l’EBM vient de ce qu’il existe une double relation asymétrique :

- entre l’expertise interne et l’expertise externe d’une part (il est toujours possible de soupçonner l’expertise externe « objective » de dominer a priori l’expertise interne « subjective » et surtout d’induire qu’il existe toujours des « preuves » applicables méconnues susceptibles d’infirmer l’expérience du praticien)

- et entre l’expert praticien et le patient / malade soigné potentiel (dont la seule expertise est sa demande, la façon dont il la vit et le contexte de ses valeurs et de ses préférences – sans compter ses agissements).

Mais le principal problème est : le médecin praticien doit arbitrer entre ces trois angles de vue afin de prendre une décision qui soit le plus en accord avec l’Etat de l’Art et celui de la société dans laquelle vit, pense et agit son patient. On le voit, la véritable asymétrie vient de ce que le praticien est juge et partie et peut se croire le maître du monde en se servant consciemment ou inconsciemment de la méthode EBM).
Dernier problème (et non des moindres) : s'il existe un consensus sur les deux premiers piliers, la partie patient / malade est extrêmement négligée par la littérature. Nous y reviendrons.
EN CONCLUSION : L'EBM définit un cadre théorique dans lequel le praticien se doit de s'intégrer pour pratiquer une médecine "moderne", c'est à dire informée et pratique. En quoi cela pourrait-il être gênant ou contraignant ? Chacun peut y voir une incitation à "mieux" diagnostiquer, prescrire, améliorer le contact avec ses malades.


HEPATITE B ET SEP : LE VACCIN ENFIN EN CAUSE ?

ALERTE !


Nous y reviendrons quand nous aurons lu l'article princeps : dans Le Monde de ce jour (vendredi 26 septembre 2008) Paul Benkimoun signale qu'une étude française, probablement cas témoin, sur le point d'être publiée montrerait un lien entre la vaccination par le vaccin Engerix B et la survenue de sclérose en plaque (SEP) chez l'enfant.


Les lecteurs de ce blog savent combien nous émettons des doutes sur la validité de la préconisation de la vaccination universelle contre l'hépatite B (non recommandée en France malgré les efforts de l'industrie pharmaceutique et de ses agents) en raison des risques de survenue de SEP.

que la seule étude non sponsorisée par l'industrie pharmaceutique (Hernan) montrait un lien entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une SEP dans une population de professionnels de santé.
Il semble que la DGS délibère actuellement et hésite en commençant par publier un communiqué rassurant "Nous allons mesurer la portée de cette étude. Cependant, son analyse préliminaire ne remet pas en question les recommandations de vaccination. En l'état actuel, le ministère de la santé maintient donc les recommandations vaccinales". Le docteur Houssain hésite (vous pouvez faire votre choix) :
a) par ignorance
b) par intérêt académique
c) par intérêt extra académique
d) pour ne pas désespérer Billancourt
e) pour ne pas perdre la face
f) pour aucune raison.
A SUIVRE

jeudi 4 septembre 2008

MEDICALISATION DE L'INFERTILITE

Une étude décoiffante.

Des auteurs écossais ont comparé trois techniques pour obtenir des bébés chez des femmes dont le mécanisme d’infertilité était inconnu.


Critères d’inclusion : Au moins deux ans d’infertilité, perméabilité tubaire avérée, ovulation détectée, et sperme “normal”.

Méthodes : Cette étude a été menée sur trois bras parallèles avec randomisation pragmatique pendant six mois


- groupe témoin : conseils sur la nécessité d’avoir des rapports sexuels, pas de courbe de température, pas de médicaments, pas de kits pour doser la progestérone, pas de visites ou d’examens programmés


- groupe clominofène : les femmes recevaient 50 mg de clominofène entre J2 et J6 de leur cycle. Durant le premier cycle elles subissaient un scanner transvaginal et un contrôle de la progestérone. Les cycles suivants étaient suivis par un contrôle de la progestérone. On demandait aux couples d’avoir des rapports sexuels entre D12 et D18 du cycle. Si au moins trois follicules ovariens étaient détectés dans le premier cycle, le cycle était interrompu et le couple était avisé de ne plus avoir de rapports. Le cycle suivant, les femmes qui avaient été trop stimulés recevaient 25 mg de clominofène et les mêmes mesures que lors du premier cycle étaient effectuées….


- insémination intra-utérine non stimulée : on demandait aux femmes de monitorer les concentrations matinales de LH à partir du douzième jour du cycle et l’insémination était effectuée….

Résultats : 580 femmes ont été randomisés dans les trois groupes témoin (193), clominofène oral (194) ou insémination intrautérine non stimulée (193).

Les trois groupes étaient comparables.

Le nombre de naissances a été respectivement de 17 %, 14 % et 23 % (NS). Significativement plus de femmes randomisées dans les groupes 2 et 3 (repectivement 94 et 96 %) ont trouvé l’étude acceptable que celles du groupe témoin (80 %).

Conclusion : Pour les couples présentant une infertilité non expliquée, les traitements comme l’usage empirique du clominofene et l’insémination intrautérine non stimulée n’apportent pas un taux de naissances supérieur à la méthode non médicalisée.


Johnstone, S Kini, A Raja and A Templeton
McQueen, H Lyall, L Johnston, J Burrage, S Grossett, H Walton, J Lynch, A
S Bhattacharya, K Harrild, J Mollison, S Wordsworth, C Tay, A Harrold, D

Pragmatic randomised controlled trial
management for unexplained infertility:
insemination compared with expectant
Clomifene citrate or unstimulated intrauterine
BMJ 2008;337;a716

http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/aug07_2/a716

jeudi 28 août 2008

EVIDENCE BASED MEDICINE : DEFINITIONS

L’Evidence Based Medicine (EBM) : une idéologie ou une méthode ?
1) Aujourd'hui nous allons aborder les modalités théoriques de l'EBM
2) La prochaine fois : les incertitudes, les critiques et les réticences
3) Enfin : EBM et médecine générale : ICI.


1) Les modalités théoriques



Comment traduire EBM en français : médecine par les preuves, médecine fondée sur la preuve, médecine basée sur des faits prouvés, médecine des preuves, médecine factuelle, et cetera. J’ai commencé à utiliser le terme Médecine par les Preuves mais cela me semble réducteur. Nous y reviendrons.


Comment la définir. Il existe bien entendu plusieurs définitions.

Il en est une que j’aime bien (et que j’ai adaptée) :
Intégrer l’expertise interne (l’expérience clinique du praticien) à l’expertise externe (les meilleures preuves disponibles et applicables issues de la recherche) pour mieux prendre soin d’un patient / malade qui a ses propres valeurs et préférences.
Il est possible, à ce moment, de dire qu'il s'agit plus d'une méthode que d'une idéologie.

Elle est aussi un apprentissage : Pratiquer l'EBM, selon ses promoteurs, c'est s'investir dans un processus d'apprentissage permanent centré sur la résolution de problèmes rencontrés dans notre activité clinique qui crée un besoin de repères fiables en matière de diagnostic, de pronostic, de traitement, ou d'autres domaines touchant à la santé des patients.
Ici on entre dans le plus discutable, le plus interprétable.
Elle peut devenir une idéologie si l'on considère que l'EBM se propose :

1) de transformer ces besoins d'information en questions claires auxquelles il est possible d'apporter une réponse ;
2) de rechercher, aussi efficacement que possible, les meilleurs arguments pour y répondre (qu'ils soient fournis par l'examen clinique, le diagnostic biologique, les données de la littérature ou par d'autres moyens) ;
3) d'évaluer ces arguments de manière critique aux plans de leur validité (degré de fiabilité) et de leur utilité (faisabilité pratique) ;
4) d'appliquer effectivement les conclusions dansnotre pratique ;
5) d'évaluer nos résultats ultérieurs.


Il s’agirait alors, pour l'EBM, de répondre aux défis de la formation continue, de
l’intégration méthodique du nombre croissant des publications médicales et de l’évaluation
des pratiques.
L'EBM ne serait-elle pas, alors, une nouvelle façon d'être la médecine ?

Je me suis inspiré, outre des articles de la littérature, d'une thèse de médecine de Savardhttp://www.techniques-psychotherapiques.org/documentation/ArticlesAccesLibre/DEASavard.pdf qui est consultable en ligne.

vendredi 8 août 2008

EVIDENCE BASED MEDICINE : LES FONDAMENTAUX

Chers amis,

Je vous propose la traduction d'un article "fondateur" de Sackett concernant l'EBM qui est certes une auberge espagnole mais dont il faut connaître les tenants et les aboutissants.
Certains passages peuvent paraître datés mais c'est parce que la référence est déjà ancienne (1996). Vous pouvez consulter l'original ICI.
Après avoir relu cela il est possible de parler d'EBM... Ce que nous ferons sur le plan théorique dans d'autres articles.

Docteurdu16


Editorial
Médecine par les preuves: ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas : Il s’agit d’intégrer l’expertise clinique individuelle aux meilleures preuves externes.

La médecine par les preuves, dont les origines philosophiques remontent au milieu du dix-neuvième siècle à Paris et encore plus tôt, reste un sujet chaud pour les cliniciens, les professionnels de la santé publique, les payeurs, les planificateurs et le public. Il existe actuellement de nombreuses séances de travail consacrées à sa pratique et à son enseignement ; des programmes d’entraînement pour étudiants (1) et non diplômés (2) l’intègrent (3) (ou pondèrent la façon de l’utiliser) ; des centres britanniques de médecine par les preuves ont été fondés ou plannifiés en médecine d’adulte, pédiatrie, chirurgie, pathologie, pharmacologie clinique, soins infirmiers, médecine générale et chirurgie dentaire ; la Collaboration Cochrane et le Centre britannique de York pour le recensement et la diffusion [ndt : NHS Centre for Reviews and Dissemination de l'Université d'York (Angleterre). Cette institution rassemble, évalue et diffuse en permanence des travaux scientifiques sur les mesures technologiques et organisationnelles du système de santé. Site : http://www.york.ac.uk/inst/crd/] fournissent des revues systématiques des effets des soins de santé ; de nouveaux journaux de médecine par les preuves vont être lancés ; et c’est devenu un sujet commun dans les media grands publics. Mais l’enthousiasme a été contrebalancé par des réactions négatives (4, 5, 6). La critique a tout dit : la médecine par les preuves pouvait être d’un côté une vieille barbe et à l’extrême une dangereuse innovation perpétrée par des arrogants pour aider les coupeurs de crédits et pour supprimer la liberté des cliniciens. Comme l’EBM continue d’évoluer et de s’adapter, il est maintenant utile de reconsidérer la discussion sur ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
La médecine par les preuves est l’usage consciencieux, explicite et judicieux des meilleures preuves existantes pour prendre des décisions concernant la prise en charge d’un patient. La pratique de la médecine par les preuves signifie intégrer l’expertise clinique personnelle aux meilleures preuves cliniques externes obtenues par recherche systématique. Par expertise clinique personnelle nous entendons la compétence et le jugement que chaque clinicien acquiert à travers son expérience et sa pratique clinique. Une amélioration de l’expertise se mesure de différentes manières mais essentiellement par plus de diagnostics effectifs et efficients et dans un meilleur usage raisonné et compassionnel des situations difficiles, des droits et des préférences des patients dans le choix clinique décisionnel les concernant. Par meilleures preuves cliniques externes disponibles nous entendons des recherches cliniques pertinentes, souvent issues des sciences médicales fondamentales, mais essentiellement à partir de recherches cliniques centrées sur le patient comme la pertinence et la précision de tests diagnostiques (incluant l’examen clinique), la puissance de marqueurs pronostiques et l’efficacité et la sécurité des thérapeutiques et des procédures de réhabilitation et de prévention. Les preuves cliniques externes invalident à la fois les tests diagnostiques et les traitements précédemment acceptés et les remplacent par de nouveaux qui sont plus robustes, plus appropriés, plus efficaces et sûrs.
Les bons médecins utilisent à la fois l’expertise clinique personnelle et les meilleures preuves externes disponibles et l’un sans l’autre est insuffisant. Sans expertise clinique la pratique risque d’être tyrannisée par la preuve, car même une preuve externe excellente peut être inapplicable ou inappropriée pour un patient donné. Sans les meilleures preuves existantes la pratique risque de devenir dépassée au détriment des patients.
La description de ce qu’est la médecine par les preuves aide à clarifier ce qu’elle n’est pas. La médecine par les preuves n’est ni vieille ni impossible à exercer. L’argument selon lequel « chacun l’exerce déjà » tombe derrière la réalité des variations importantes existant à la fois dans l’intégration des valeurs du patient dans notre conduite clinique (7) et dans les taux d’intervention des cliniciens à l’égard de leurs patients (8). Les difficultés que rencontrent les cliniciens à se tenir au courant des avancées médicales rapportées par les journaux de soins primaires sont évidentes quand on compare le temps requis pour lire (pour la médecine générale : 19 articles par jour, 365 jours par an (9)) avec le temps disponible (moins d’une heure par semaine pour les consultants britanniques, même dans un questionnaire déclaratif (10)).
L’argument selon lequel la médecine par les preuves peut seulement être conçue depuis des tours d’ivoire et des fauteuils est contredit par des expériences de soin clinique où déjà des équipes cliniques hospitalières en médecine générale (11), psychiatrie et chirurgie assurent des soins issus de la médecine par les preuves à une majorité de leurs patients. Ces études montrent que des cliniciens occupés qui consacrent leur rare temps de lecture à des recherches sélectives, efficaces, conduites par le patient, à l’évaluation et l’incorporation des meilleures preuves disponibles peuvent pratiquer la médecine par les preuves.
La médecine par les preuves n’est pas un livre de recettes médicales. Parce qu’elle nécessite une approche par le haut qui intègre les meilleures preuves cliniques externes avec l’expertise clinique individuelle et le choix des patients, elle ne peut conduire à une approche servile et automatique des soins de chaque patient. Les preuves cliniques externes peuvent informer mais ne jamais remplacer l’expertise clinique individuelle et c’est cette expertise qui décide si les preuves cliniques externes sont applicables à un patient particulier et, si c’est le cas, comment elles doivent être intégrées dans la décision clinique. De la même façon, toute recommandation externe doit être intégrée à l’expertise clinique individuelle pour décider si elle correspond à l’état clinique du patient, sa situation et ses préférences et, ainsi, si elle doit être appliquée. Les cliniciens qui craignent les recettes tombant d’en haut devraient retrouver les avocats de la médecine par les preuves en les accompagnant sur les barricades.
Certains craignent que la médecine par les preuves soit détournée par les payeurs et les décideurs pour couper les crédits de la santé. Cela ne serait pas seulement un mauvais usage de la médecine par les preuves mais suggérerait une méconnaissance fondamentale de ses conséquences financières. Les médecins pratiquant la médecine par les preuves identifieront et appliqueront les interventions les plus efficaces pour optimiser la qualité et la quantité de vie de chacun de leurs patients ; cela pourrait élever plus que diminuer le coût des soins.

La médecine par les preuves, ce n’est pas seulement les essais randomisés et les méta-analyses. Elle inclut la recherche des meilleures preuves externes avec lesquelles on peut répondre à nos interrogations cliniques. Pour déterminer la pertinence d’un test diagnostique nous devons trouver les études transversales appropriées incluant des patients suspects cliniquement de correspondre au problème recherché, pas un essai randomisé. Pour une question pronostique, nous avons besoin d’études appropriées de suivi de patients analysés à un moment commun et précoce de leur maladie. Et parfois les preuves dont nous avons besoin viendront des sciences fondamentales comme la génétique ou l’immunologie. C’est lorsque nous nous posons des questions sur les traitements que nous essaierons d’éviter les approches non expérimentales puisqu’elles conduisent fréquemment à de fausses conclusions concernant l’efficacité. Parce que les essais randomisés et principalement les revues systématiques de nombreux essais randomisés sont probablement plus informatifs et moins susceptibles de nous induire en erreur, ils sont devenus le « «gold standard » pour juger si un traitement fait plus de bien que de mal. Cependant, certaines questions relatives au traitement ne requièrent pas d’essais randomisés (succès pour différentes situations fatales) ou ne peuvent attendre que les essais soient conduits. Et si aucun essai randomisé n’a été mis en œuvre pour la situation de notre patient nous devons suivre la piste de la prochaine meilleure preuve externe et travailler pour elle.
En dépit de ses origines anciennes la médecine par les preuves est une discipline relativement jeune dont les impacts positifs commencent seulement à être validés (12, 13) et qui continuera à évoluer. Cette évolution sera améliorée car de nombreuses formations pour étudiants et médecins, et dans le cadre de la formation médicale continue, l’adoptent et l’adaptent pour les besoins de chacun. Ces programmes et leur évaluation fourniront de plus amples informations et une meilleure compréhension de ce que la médecine par les preuves est et n’est pas.

David L Sackett, William M C Rosenberg, J A Muir Gray, R Brian Haynes, W Scott Richardson
Professor NHS Research and Development Centre for Evidence Based Medicine, Oxford Radcliffe NHS Trust, Oxford OX3 9DU
Clinical tutor in medicine Nuffield Department of Clinical Medicine, University of Oxford, Oxford
Director of research and development Anglia and Oxford Regional Health Authority, Milton Keynes
Professor of medicine and clinical epidemiology McMaster University, Hamilton, Ontario Canada Clinical associate professor of medicine University of Rochester School of Medicine and Dentistry, Rochester, New York, USA
Références :
8)
House of Commons Health Committee. Priority setting in the NHS: purchasing. First report sessions 1994-95. London: HMSO, 1995. (HC 134-1.)
10)
Sackett DL. Surveys of self-reported reading times of consultants in Oxford, Birmingham, Milton-Keynes, Bristol, Leicester, and Glasgow. In: Rosenberg WMC, Richardson WS, Haynes RB, Sackett DL. Evidence-based medicine. London: Churchill Livingstone (in press).
12)
Bennett RJ, Sackett DL, Haynes RB, Neufeld VR. A controlled trial of teaching critical appraisal of the clinical literature to medical students. JAMA 1987;257:2451-4. [Abstract]
13)
Shin JH, Flaynes RB, Johnston ME. Effect of problem-based, self-directed undergraduate education on life-long learning. Can Med Assoc J 1993;148:969-76. [Abstract]