dimanche 28 août 2011

Le déshabillage des malades en médecine générale est-il toujours indispensable ?


Je me saisis de ce sujet auquel j'ai réfléchi depuis des siècles à partir d'un post publié par Fluorette dont le titre, emprunté à Mark Twain, est magnifique : La pudeur est née avec l'invention du vêtement : (ICI).
Cela me donne l'occasion de préciser ma pensée et cela m' a donné l'occasion de modifier quelques unes de mes habitudes.

Fluorette est, en gros, pour le déshabillage : qui serait contre ?
Fluorette commence par nous raconter trois types de médecins qu'elle a remplacés : celui qui ne déshabille jamais ; celle qui ne déshabille que les enfants ; celui qui fait déshabiller tout le monde. Je laisse deviner celui ou celle que Fluorette préfère. Elle cite aussi la pudeur. Et elle explique comment elle a évolué.
Mais elle oublie, à mon sens, trois aspects de la question : la médecine générale, l'adaptation aux territoires et des solutions pratiques.

Comment je fais en pratique pour les adultes (je parlerai plus loin des enfants).
Je n'ai pas de philosophie particulière.
Je ne me sens pas investi d'une mission qui serait que tout (e) malade entrant dans le cabinet doive se livrer à la médecine triomphante qui aurait tous les droits dont celui de dévêtir tout le monde. A qui appartient le corps du malade ? Je m'expliquerai sur ce point.
Je suis plus pudique avec les femmes qu'avec les hommes : ça vous étonne ? La pudeur n'est donc pas réservée aux patients, il faut le savoir. La pudeur n'est pas une relation asymétrique dans un cabinet de médecine générale : il est également possible, n'est-ce pas, que l'impudeur du médecin soit à la hauteur de sa pusillanimité. Et vice versa.
Cela dépend de la pathologie. Ou du et des motif (s) de consultation.
Cela dépend de la connaissance que l'on a du ou de la malade.
Et d'autres choses encore.

Envisageons donc les trois aspects que nous avons abordés et qui nous semblent avoir été oubliés par Fluorette.
La médecine générale : c'est une façon de pratiquer la médecine qui est non seulement transversale, examiner un (e) patient (e) pour un motif de consultation ou deux motifs ou trois ; et apprécier la situation en connaissant la famille, c'est à dire les ascendants, les descendants ; mais encore longitudinale, c'est à dire que nous avons déjà vu le patient, que nous le reverrons, que la durée fait partie de notre relation, et cetera.
L'adaptation aux territoires. Dans un cabinet de médecine générale libérale nous ne sommes pas dans une institution comme un hôpital, une clinique ou un dispensaire et il s'agit, presque, d'un lieu privé. Il existe des règles de la vraie vie qui s'appliquent ici. La règle des distances entre les individus ou périmètre de sécurité (qui n'est pas le même dans la rue, dans un ascenseur, voire de chaque côté du bureau et sur le lit d'examen) ou de convenance, par exemple. Le respect des individus en tant que personnes et non en tant que malades. Le fait que les citoyens soient malades (c'est à dire vulnérables) doit rendre le médecin, l'examinateur, encore plus attentif à ce qu'il n'outrepasse pas ses droits de médecin a priori non malade et non vulnérable. Enfin, le territoire du patient n'est pas celui du médecin et le contrat passé entre les deux intervenants (ne parlons pas de l'hôpital où il ne s'agit plus d'impudeur ou d'irrespect mais tout simplement d'effraction dans la vie privée des patients qu'ils soient en consultation ou hospitalisés). Abordons ensuite l'Evidence Based Medicine, ce qui peut se résumer à ceci, en l'occurrence : l'expérience externe (il ne paraît pas évident que des études randomisées aient testé le diagnostic de cor au pied avec trois groupes comparatifs de patients : un seul pied examiné versus deux pieds examinés versus déshabillage corps entier), l'expérience interne (la pudeur, les histoires de chasse et la pratique quotidienne) et, mon dada, les très embarrassantes valeurs et préférences des patients. Le ou la patiente ont le droit de demander de ne pas se déshabiller pour ce qui ne leur semble pas nécessaire comme le médecin a le droit de leur expliquer pourquoi il est nécessaire de le faire. Pour en rester là, l'EBM, n'oublions pas non plus que certains actes rituels de la consultation médicale n'ont pas obligatoirement une sensibilité ou une spécificité acceptable et ont parfois une valeur prédictive positive catastrophique. Nous avons déjà abordé sur ce blog le problème du Toucher Vaginal ainsi que celui du Toucher Rectal. Le médecin généraliste doit accepter son rôle, c'est à dire que maintenant qu'il a compris et appris que les examens de laboratoire ou d'imagerie effectués de façon systématique à l'hôpital pour des raisons d'exhaustivité sont le plus souvent inutiles en ville pour des raisons de rentabilité scientifique (et le médecin généraliste ne se prive pas de ne pas les demander), il doit accepter aussi que certains examens physiques qui sont effectués de façon systématique à l'hôpital (et, malheureusement, de moins en moins enseignés au lit du malade) peuvent ne pas être pratiqués en ville pour des raisons, également, de rentabilité scientifique. Ce dernier point mériterait un post entier et des explications sur l'attachement magique de la majorité des médecins à certains gestes qui sont inutiles et sans intérêt en pratique mais qui font partie du rituel de la consultation... et que peut-être les patients attendent... ou que les médecins pensent que les patients attendent...
Les solutions pratiques. La structure de mon cabinet (pour mon associée c'est un peu différent, mais ça marche aussi) fait que j'ai deux pièces : mon bureau avec mon fauteuil de chef, et des fauteuils pour malades (trois en ce moment), mon ordinateur, mon sabot de carte vitale... ; et une salle d'examen, séparée par un petit couloir, tant et si bien qu'assis derrière mon bureau! je ne vois pas ce qui se passe dans ma salle d'examen. Pour le déshabillage, c'est parfait. Une autre solution : le paravent. Il est important que le médecin, dans certains cas, ne voit pas le (la) patient (e) se déshabiller. C'est mon avis.

Prenons donc des exemples pour le déshabillage.
  1. Madame A, 26 ans, première consultation, son médecin traitant est en vacances, a mal à la gorge. Je ne la fais pas se déshabiller. Je parle, je l'interroge, mais je ne la fais pas se déshabiller : ce n'est pas "ma" patiente.
  2. Monsieur B, patient du cabinet depuis 25 ans, vient pour un renouvellement d'ordonnance (désolé JFMassé d'avoir utilisé l'expression mais je n'en vois pas d'autre) (HTA, bronchite chronique obstructive) : je ne le fais pas se déshabiller. Sauf si, spontanément, ou par l'interrogatoire, nous envisageons quelque chose de nouveau. Des crampes à la marche, des douleurs abdominales, ou autres. Mais ce patient vient en gros quatre fois par an. Il a donc un dossier, un dossier dans lequel je note les gestes de prévention. L'interrogatoire me sert à vérifier qu'il continue de fumer (j'ai essayé mille fois, je lui en parle à chaque fois, j'en ai parlé à sa femme, à ses enfants : il continue), qu'il continue de trop boire (voir plus haut) et autres babioles. L'interrogatoire peut parfois être aussi impudique qu'un déshabillage : "Vous baisez combien de fois par semaine ?" Je plaisante.
  3. Madame A, 52 ans, 30 ans de cabinet, vient pour "son" diabète non insulino-dépendant. Je la vois quatre fois par an, sauf angine, bronchite ou autre... Je vérifie un certain nombre de choses par l'intermédiaire du dossier, outre le diabète, les facteurs de risque, bla bla bla, les seins, le col, tiens : arrêtons-nous sur ces derniers points. J'ai lu ici ou là, sur un commentaire de blog, qu'il fallait palper les seins et donc faire se déshabiller la patiente. Voici un des aspects longitudinaux de la médecine générale : jadis, je palpais les seins ; puis j'ai lu (c'était une étude chinoise) qu'il était plus rentable que ce soient les femmes qui s'auto palpent... puis j'ai appris que l'auto palpation entraînait un sur diagnostic ; puis j'ai appris que la palpation des seins par un médecin avant une mammographie ou dans l'intervalle (entre deux mammographies) augmentait aussi le sur diagnostic... tout comme la mammographie sauvage. Je ne palpe plus les seins que lorsque la patiente m'a informé qu'elle avait trouvé quelque chose....
  4. Madame A, 26 ans, je la connais depuis toujours et j'ai pratiqué son examen du huitième jour. Désormais elle est mariée, maman d'une enfant de 23 mois, eh bien, cet exemple me permet d'aborder trois problèmes en même temps : celui du périmètre de sécurité, celui de l'aspect longitudinal de la médecine générale et celui des enfants. Le périmètre de sécurité : il a varié avec les années : quand elle était bébé et que la considérais déjà comme une personne, j'étais très près d'elle et je regardais tout sans me gêner ; plus grande je l'examinais avec un peu plus de distance, toujours comme une personne, parfois en commençant dans les bras de sa mère ou de son père, le déshabillage se faisait progressivement et elle finissait allongée sur la table d'examen... Plus tard, jeune fille, j'ai continué de la tutoyer, je lui ai expliqué beaucoup de choses dont la contraception ; mariée, j'ai continué de la tutoyer mais quand elle vient pour un syndrome d'allure grippale, je ne la fais pas se déshabiller... Quand elle vient avec son mari, je la tutoie mais je suis plus réservé... Quand elle vient avec sa petite fille, très souvent peu collaborante, je recommence le rituel des genoux puis du déshabillage progressif. Si elle a 40° de fièvre, elle est grincheuse mais elle se laisse examiner car elle sait, malgré son peu de mois, que c'est nécessaire... et que je ne passe pas à côté d'un purpura...
  5. Madame A vient pour des varices : elle se déshabille sans que je lui demande quelque chose...
  6. Monsieur A, 87 ans, vient encore me voir au cabinet. Je l'interroge, je lui donne ses médicaments ; s'il se plaint de quelque chose qui pourrait donner droit à un déshabillage, partiel, il se déshabille ; sinon : non.
J'arrête là.
Je remercie Fluorette d'avoir soulevé ce point.
Il faut être pragmatique.
J'ai d'autres exemples dans ma musette mais je crois que ceux que j'ai cités peuvent alimenter la polémique.
A vos commentaires !

Je sais que j'aurais pu donner d'autres exemples mais il s'agit de cas d'espèces. Toutes les attitudes sont donc possibles dans ma pratique. Et dans la votre ?

(La naissance de Venus - Sandro Botticelli - 1486)

jeudi 25 août 2011

Douleur Zéro : une politique sociétale qui rencontre des difficultés.


Une société sans violence, une société sans injustices, une société sans douleur et sans douleurs, sans spleen, une société paradisiaque, en quelque sorte, une société immortelle, également, où la mort est vécue non seulement comme une incongruité mais aussi comme un événement évitable, voilà ce que l'arrogance médicale intériorisée par l'arrogance politique propose à notre biotope.

Je vous avais déjà entrepris (ICI) de ce que j'avais appelé avec effroi le monde indolent et anhédonique qui était désormais l'ambition eschatologique de nos sociétés et, en relisant le post, pardon pour cette immodestie, je n'ai rien à ajouter.

Mais l'actualité des opiacés me rattrape.

Un commentaire paru dans le British Medical Journal (ICI), pose des questions.
Les auteurs soulignent que la prescription des opiacés dans d'autres indications que celles du cancer a progressé considérablement dans le monde et notamment aux Etats-Unis où, en ce pays, le nombre de décès associé à leurs prescriptions est passé de 4041 en 1999 à 14459 en 2009, ce qui représente quand même environ 1000 morts par mois (LA) ! Ce qui signifie que la mortalité rapportée aux opiacés est supérieure désormais à celle du myélome, du sida ou des affections hépatiques liées à l'alcoolisme ! Ces données états-uniennes sont retrouvées également en Ontario (Canada) et en Australie (Victoria) et concernent surtout l'oxycodone. Il est intéressant de noter que les décès liés à la méthadone et à la codéine ont doublé entre 2005 et 2009 en Angleterre et au Pays de Galles alors que la mortalité liée à l'héroïne et à la morphine n'a pas changé (ICI). Quant au docteur House vous verrez ici comment il avale acétaminophène - codéine (LA).

Ce commentaire, avant que nous ne l'analysions en détail et que nous ne le commentions, pose plusieurs questions :
  1. S'agit-il d'une nouvelle offensive de Big Pharma contre les vieilles molécules afin de promouvoir des antalgiques plus chers (voir ICI un post de Marc Girard) ?
  2. S'agit-il d'un vrai problème de santé publique lié à des effets indésirables graves, une dépendance forte conduisant à des surdosages ou un mésusage?
  3. Existe-t-il des éléments convaincants sur le rapport bénéfices risques favorable ou défavorable des opiacés ?
  4. Je rappelle ici que j'étais assez dubitatif sur les "vraies" raisons du retrait du dextropropoxyphène et je n'attends rien des futures données de pharmacovigilance concernant le tramadol et autres (bien qu'il faille noter qu'un essai anglais a montré que le retrait de la molécule sus citée avait entraîné moins de décès et pas plus d'effets indésirables liés aux molécules de substitution : LA).
Donc, voici ce que racontent les auteurs (canadiens) :
Outre ce que je vous ai raconté sur l'augmentation de la mortalité liée aux opiacés, ils essaient d'analyser les raisons de la diffusion large des opiacés aux douleurs non cancéreuses. Ils retracent l'histoire des opiacés en Amérique du Nord et le fait que leurs risques ont d'abord été négligés (sirops pour la toux de Bayer) puis que leurs prescriptions ont commencé à être encadrées, avancent des incitations marketing de la part de Big Pharma (classiques incitations : minoration des effets indésirables, extension des indications, possibilité de lutter contre des addictions plus graves...). Au point que les médecins qui s'interrogent sur l'utilisation large des opiacés et sur leurs éventuels effets indésirables (et y compris l'addiction) sont considérés avec mépris comme des opiophobiques (LA).

Ensuite, ils "font la littérature" et soulignent d'abord qu'aucun essai clinique randomisé n'a fait la preuve que les opiacés, au long cours, entraînaient plus de bénéfices que de risques : à partir d'une meta-analyse (ICI) ils rapportent que les études ont été généralement faites à court terme (moins de 16 semaines), qu'aucune étude n'a été menée versus paracétamol ou AINS, et, surtout, que les études ont exclu les patients à risque d'effets indésirables sérieux et qu'en conséquence il était difficile d'en tirer des conséquences claires pour la pratique quotidienne comme écrit dans un autre article (LA)... Puis ils citent une revue Cochrane de 2009 (LA) qui conclue à l'absence de preuves pour utiliser les opiacés dans le traitement des douleurs sévères liées à des troubles ostéoarticulaires !

Enfin, ils proposent des solutions.

En France, comme d'habitude, on ne sait rien. Circulez, y a rien à voir. Quant aux débats démocratiques, je ne parle pas des poussées d'urticaire sous forme de commentaires, ils n'en sont pas à l'esquisse de l'esquisse d'un commencement. Où publierait-on des débats contradictoires de type socratique avec un modérateur pour rappeler qu'il faut citer quand on affirme.
La sécurité sanitaire est une affaire trop importante pour la laisser au vulgum pecus.
On interdit les sirops chez les enfants de moins de deux ans avec autant de preuves qu'un article original dans le Quotidien du Médecin.
On interdit bientôt le noctran et la mépronizine pour des raisons qui tiennent d'une part à la détestation des autorités et des médecins bien pensants pour les hypnotiques et autres anxiolytiques (qui doivent être remplacés par le dialogue, l'entretien face face et les bonnes paroles moralisatrices) et d'autre part à une toxicomanie et à un mésusage connus depuis des lustres : combien de morts ? Il est clair que la consommation de produits sûrs comme le zolpidem et le zopiclone ne vont pas en être affectés.
On n'a pas interdit le mediator puis on l'a interdit sans que les pharmacovigilants puissent dire un mot mais il est vrai que leur mutisme original aurait paru plus assourdissant s'ils avaient parlé après : ce sont les mêmes.
On n'interdit pas le Pandemrix, produit de la recherche Daniel Floret...

Revenons à nos douleurs : il est nécessaire de réaffirmer que la vie peut rencontrer la douleur et que la douleur n'est pas toujours soluble dans la médecine.
La politique Douleur Zéro peut aussi conduire à des naufrages et à la négation de l'individu qui ne serait pas apte à vivre en souffrant, qui ne serait pas digne de vivre en souffrant et dont la seule issue à cette déchéance, la perte de l'autonomie et la vulnérabilité extrême, serait la mort rapide euthanasiée ou pas.

(Lucas Cranagh l'ancien - Adam et Eve : 1528. Crédit : repro.tableaux.com)

samedi 20 août 2011

A la Réunion : Hugues Raybaud bosse juste !



Ce n'est pas un scoop mais la lettre d'informations Santé Réunion (ICI) pilotée par Hugues Raybaud montre que la qualité paie.
De nombreuses actions ont été menées depuis l'Océan Indien contre des dérives du système (la grippe H1N1) ou du dépistage inapproprié (cancer de la prostate, cancer du sein) et le ton était juste. Mais de très nombreux sujets de la médecine sont abordés, sans oeillères et sans a priori, me semble-t-il.
On aimerait que la Métropole fût au niveau.
Je ne parle pas non plus de la revue de presse, souvent anglo-saxonne, qui résonne et raisonne bien, et qui me fait penser, en la lisant, que j'ai du retard pour mes propres lectures.
Je vous conseille vivement de vous y abonner.
C'est un plaisir de l'ouvrir dans sa boîte à lettre.
Un tout petit bémol : le chapeau présentant un article (les commentaires) est souvent bref et peu critique (il arrive qu'on ne sache pas ce qu'Hugues Raybaud pense vraiment de ce qu'il nous offre) et oublie parfois de resituer le niveau de liens ou conflits d'intérêt des auteurs.
Enfin, je suis parfois en désaccord, mais cela vaut mieux : il est toujours nécessaire de lire ce que les autres qui ne pensent pas comme nous affirment ou tentent de démontrer. C'est stimulant. Cela permet même de changer d'avis, ce qui est la chose la plus roborative de l'existence.
Pour conclure : les généralistes assument, travaillent, commentent, se mouillent et ne se contentent pas de suivre ou de ronchonner dans leur coin.
Longue vie à Santé Réunion !

(Crédit photographique : http://ile-de-la-reunion.info/blog/sommaire)

jeudi 18 août 2011

Cancer du colon : le chirurgien compte !


Les problèmes posés par le dépistage du cancer du colon par hemoccult sont connus. Je ne vous ferai pas l'injure de les rappeler et notamment le fait qu'à l'échelle d'une population cible, ce qui compte c'est le nombre de patients ciblés qui pratiquent effectivement le test, qui rend compte de l'efficacité du dépistage (plus de 50 % en l'occurrence).
Je précise encore que les patients qui viennent consulter à mon cabinet ont "droit" à une proposition de ma part à pratiquer eux-mêmes l'hemoccult : je suis pour (sans être très excité).
Mais j'ai toujours prétendu, et ce n'est pas seulement dans le cadre du cancer du colon, que dans le cadre du cancer du colon les résultats étaient fortement opérateurs - dépendants. J'ajouterai aussi que les résultats de la chirurgie sont également équipes - dépendants (environnement hospitalier, qualité des soins pré et post op, et cetera).

Un article publié dans le British Medical Journal (ICI) vient opportunément le rappeler.

Avant de vous parler de cette étude (anglaise), trois points qui me sont très chers et qui concernent l'adressage des patients :
  1. On ne prescrit pas un chirurgien en DCI (dénomination commune internationale) ; il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la qualité (supposée ou réelle du chirurgien, supposée ou réelle de la structure) quand on adresse un patient suspect de cancer du colon ; il n'est pas non plus possible de prescrire un oncologue en DCI (mais c'est un autre problème que nous pourrons aborder un autre jour et qui tient compte de la qualité des équipes et de leurs valeurs et préférences)
  2. Dans l'adressage d'un patient à un chirurgien les liens et les conflits d'intérêt sont majeurs (pour ceux qui ne sont pas habitués à cette notion, ils peuvent lire CECI) ; je voudrais donner quelques exemples : le lieu d'exercice a un impact fort à la fois d'un point de vue topographique (de très grande agglomération à village isolé ; de CHU (s) à hôpitaux généraux ; de pléthore à désert médicaux) et institutionnel (le gastroentérologue de l'hôpital X ou de la clinique Y se doit d'adresser au chirurgien de l'hôpital X ou de la clinique Y quelles que soient ses réticences professionnelles ou ) ; les liens d'intérêts : nous avons déjà parlé des contraintes institutionnelles, n'y revenons pas ; mais il existe aussi le copinage, le à toi à moi, les amis politiques, les amis syndicaux, les amis du Rotary, les copains du golf, du tennis, du foot ou de la pétanque, les collègues, les organisateurs de FMC sponsorisées ou non, la contrainte loco-régionale liée simplement au terroir, à l'anti parisianisme ; mais aussi les liens financiers, les retours sur investissement, les caisses de champagne ; et enfin les liens tissés par Big Pharma : la visiteuse qui serait la femme du médecin ou la femme d'un collègue, ou le week-end au golf, le repas au deux étoiles Michelin du coin...
  3. Les dépassements d'honoraires posent de sérieux problèmes d'égalité des soins : certains malades ne peuvent les assumer et / ou décident par principe de ne pas les accepter ; les médecins adresseurs, quelles que soient leurs réticences idéologiques ou politiques ou sociales, finissent par confier des patients à certains chirurgiens malgré le niveau de leurs dépassements ; ou ne le font pas et envoient des patients là où ils n'adresseraient pas leur femme ou leur mari (mais peut-être leur future ex-femme ou leur futur ex-mari...)
Tout cela pour vous dire que l'adressage d'un patient porteur d'un cancer du colon, quelle que soit sa localisation, pose des problèmes pratiques et éthiques considérables. Car le cancer du colon est susceptible de stratégies complexes : chirurgie première ou radiothérapie première, chirurgie traditionnelle ou coelioscopique, anus ou non à la peau, chimiothérapie post op... Il est donc nécessaire de disposer d'une bonne équipe, d'un bon chirurgien, d'un bon gastro-entérologue, d'un bon oncologue, d'un bon centre de radiothérapie et d'un médecin traitant qui est exclu de toutes les décisions par principe et / ou qui ne délègue pas systématiquement pour cause d'encombrement de sa consultation ou d'incompétence prétexte à ne pas continuer de prendre en charge "son" patient.

Je me rends compte que je ne vous ai pas encore parlé de l'étude....
Mais est-ce que cela a une quelconque importance maintenant que vous savez pourquoi j'ai choisi de vous parler du choix des correspondants dans le cas du cancer du colon ? Oui ! C'est important car dans ce cas précis il est rare que la balance bénéfices / risques prise en compte par les auteurs tienne compte aussi du résultat ou des conséquences opératoires du dépistage !
Dans cet essai le taux de réintervention non programmé a été retenu.
Il s'agit en chirurgie d'un bon indicateur (négatif) et particulièrement approprié dans le cas de la chirurgie colorectale qui est fréquente et où les complications sont nombreuses (dont une réintervention dans les 30 jours à cause, par exemple d'infection, de saignement, de blessure ou d'occlusion) ; les commentateurs indiquent que c'est un critère de qualité de technique chirurgicale pure mais il est possible de penser que d'autres facteurs entrent en jeu (qualité des équipes, écologie des services, et cetera) ; mais aussi : stratégie thérapeutique mal choisie, bilan pré opératoire incomplet ou mal fait, manque de coordination des équipes... Par ailleurs, d'autres facteurs de complications sont identifiés comme facteurs indépendants de réintervention (comorbidité, état de déprivation sociale, sexe, site anatomique de la lésion) mais ils sont communs à tous les centres (sauf si certains centres choisissent certains malades et en récusent d'autres...), et, enfin, il est possible que le délai d'adressage par le médecin généraliste ou le délai de prise en charge par le centre (nous sommes en Angleterre) ou le fait que la prise en charge se fasse en urgence ou non, influencent les statistiques... mais ces facteurs ont été pris en compte par l'étude... donc...
Voici ce qui a été constaté.
Il existe des différences de taux de réintervention allant de trois à cinq fois, même dans les grands centres et pour des chirurgiens opérant beaucoup. Pourquoi ? A qui cela est dû ?
Je m'arrête là.
Je répète ceci : adresser ses patients en aveugle est une mauvaise démarche ; nous n'avons parfois pas le choix (urgence) ou parce que les valeurs et les préférences des patients nous y contraignent ou parce que la localisation géographique est problématique ou parce que nos intérêts inconscients nous y invitent ou parce que, de guerre lasse, nous adressons à quelqu'un que nous n'apprécions pas professionnellement ou parce que la CNAM nous y contraint (exemple récent d'un patient que j'avais adressé à Paris pour une écho-endoscopie vatérienne pour laquelle on m'avait demandé pourquoi je n'avais pas adressé au plus près, plus près qui ne le faisait pas) ou parce que le secteur 2 devient impossible à assumer pour les patients...

(Chirurgiens en train d'opérer - Crédit photographique : wikipedia)

Petite histoire pour la route (Coluche) : Pourquoi les chirurgiens portent-ils des masques ? Pour ne pas être reconnus !

mardi 16 août 2011

Louis-Adrien Delarue dénonce les compromissions systémiques des Agences Gouvernementales et fait l'honneur de la médecine générale.


La thèse de Louis-Adrien Delarue (LAD) est un coup de tonnerre dans le monde bien en place du système de santé français.
Commencez par la lire : ICI.
Ou alors, pour vous donner envie de la lire, car une thèse de médecine, c'est peut-être dans votre souvenir aussi excitant qu'une FMC organisée par un laboratoire pour promouvoir la prescription d'un produit inutile dans une indication inutile, ou cela vous rappelle la vôtre, de thèse, aussi épatante qu'un article de Gérard Kouchner dans le Quotidien du Médecin et qui, en plus, vous a demandé un effort considérable et une honte bue pour la façon dont vous l'avez rédigée...
La thèse de LAD est d'abord une thèse courageuse.
Courageuse, car le fait de choisir un tel sujet aurait dû susciter des réticences à l'Université de Poitiers où elle a été acceptée dans son principe et soutenue.
Courageuse, car la façon de traiter le sujet a été pour le moins "directe" et non conventionnelle : LAD a mis les pieds dans le plat.
Courageuse, car l'auteur n'hésite pas à dire ce que beaucoup pensent tout bas sans le formuler de façon aussi convaincante.

Si la thèse n'était que courageuse elle passerait pourtant à côté de sa qualité primordiale. Car la caractéristique essentielle de la thèse de LAD est qu'elle est compétente. La compétence est une donnée fondamentale de la médecine. La compétence, c'est une attitude, quelque chose qui ne se décrète pas, c'est une vision portée par les autres, c'est une façon de se comporter, techniquement et relationnellement. Mais je m'arrête là : je n'ai jamais vu LAD, je ne connais que sa prose par mails interposés. C'est une impression de ma part.

La thèse de LAD est donc compétente car elle apporte des informations décisives.
Que ce soit un thésard qui en remette aux grands patrons, aux grands fonctionnaires (on dit "hauts fonctionnaires", pardon), à ceux qui écrivent des rapports pour le gouvernement, ou pour la CNAM, ou pour l'AFFSAPS, ou pour l'IGAS : chapeau !
Car LAD ne dénonce pas seulement, il expose des faits, donne des exemples, fournit des preuves. Et ces données évidentes, de nombreuses personnes les ont exposées ici ou là, sous le masque de l'anti capitalisme ou des bonnes intentions, mais la thèse de LAD n'expose que des faits déjà connus de beaucoup et qu'ils rassemblent.

La thèse de LAD est aussi une percée phénoménale contre l'académisme universitaire.
L'académisme universitaire qui se retranche derrière la méritocratie de ses diplômes mais pas la véritable méritocratie, celle qui se mérite à chaque instant.
L'académisme universitaire qui défend ses privilèges moraux et financiers et qui a cessé de s'interroger (mais vous me direz qu'il y a des exceptions, certes, il y a des exceptions, et heureusement, et fort nombreuses) sur ses pratiques.
Elle montre également et paradoxalement l'ouverture des universitaires de Poitiers qui ont accepté qu'elle soit écrite et soutenue bien qu'ils ne soient pas d'accord, a priori, ni avec ses tenants ni avec ses aboutissants ou qu'ils n'en comprennent pas les enjeux réels.

Cette thèse est donc une brèche.
Si j'en parle ici, c'est pour la populariser.
J'aimerais que tous les bloggers médicaux et non médicaux puissent la diffuser, l'expliquer, l'amplifier et la rendre indispensable à toute réflexion future sur la Santé Publique en France.

A mon sens, la thèse de LAD montre surtout que la vérité sur la médecine ne peut plus venir de l'Université toute seule comme le croient encore le pouvoir politique et ses experts inamovibles.
Elle montre que les universitaires, pas tous, bien entendu, on va me citer x ou y, z ou w, ont perdu le sens commun. Ils ont oublié dans quel monde ils vivaient. Ils ne perçoivent la Santé publique que comme un monde institutionnalisé s'arrêtant à la porte de leur institution, un monde partagé entre institution et media où les valeurs et préférences des citoyens sont à entendre par démagogie mais pas à écouter pour prise en compte sinon pour application. Ce n'est pas une déconnexion des élites mais une déconnexion des institutionnels vis à vis de ce qui vit en dehors de l'institution. Le phénomène est connu, décrit, répertorié, dénoncé mais il explose dans cette thèse.
La thèse montre que la vérité sur la médecine doit venir aussi et surtout des médecins généralistes et, ici, le fait qu'il s'agisse d'un doctorant en médecine générale, au milieu du gué, en quelque sorte, à cheval entre l'hôpital dont il est chassé et la médecine générale à laquelle il n'a pas été formé, est symptomatique également de notre propre sclérose et de notre incapacité à nous sortir de nos querelles intestines de médecins généralistes qui, au sein de leur position d'infériorité académique, ont cherché à se faire des positions de "bons" médecins généralistes, de donneurs d'alerte ou de whistle blowers (dénonciateurs du système)...

LAD a donc osé.
LAD a donc écrit et bien.
LAD est l'avenir de la médecine générale, une médecine générale qui publie, une médecine générale qui ne fait pas que récriminer, une médecine générale qui ne fait pas que dénoncer, une médecine générale qui affirme son identité et ses pratiques.

Je ne me fais pourtant pas dire ce que je ne veux pas dire : loin de moi l'idée d'idéaliser les pratiques de la médecine générale (voire ses agissements), loin de moi l'idée d'idéaliser les médecins généralistes qui ont cependant l'excuse de ne pas avoir été formés par leurs "maîtres" à la profession qu'ils allaient exercer (mais tout le monde le sait et tout continue comme avant et ne cesse même de s'amplifier), loin de moi de penser que les compromissions des médecins généralistes et de la médecine générale sont moins condamnables que celles des universitaires et des spécialistes libéraux...
Mais que les médecins généralistes qui réfléchissent, qui lisent, qui publient, qui tentent de respecter les équilibres fondamentaux de leur profession (dans le cadre, par exemple, de la Médecine par les Preuves), osent.
Osez dire, tel LAD, que les Agences Gouvernementales ne font pas leur boulot.
Osez dire, tel untel et untel, que les recommandations concernant la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ne sont pas fondées scientifiquement, que l'utilisation du tamiflu hors AMM est une vaste rigolade, que le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate est plus néfaste que bénéfique, que l'utilisation des statines en prévention primaire est d'une inutilité criante, que les traitements dits préventifs de l'ostéoporose sont peu fondés et risqués, que la baisse à tout prix de l'HbA1C chez le diabétique est néfaste, que l'aspirine chez le diabétique n'est pas d'une évidence absolue...
La liste serait encore longue.
N'attendons pas de l'Université, celle qui ne nous a pas formés, qu'elle se remette en question et qu'elle chasse d'elle-même les marchands du Temple, prenons-nous en mains mais ne cédons pas à l'ivresse de notre nouveau pouvoir, continuons de mener nos combats contre nous-mêmes, aussi.
Lisez donc la thèse de Louis-Adrien Delarue.
Elle s'intitule :
Les Recommandations pour la Pratique Clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle ? A propos de trois classes thérapeutiques.
Les trois classes thérapeutiques sont les anti alzheimer, les antidiabétiques dont surtout les glitazones, les AINS dont surtout les coxibs. Elles ont conduit à 4 recommandations "gouvernementales".

Je voudrais souligner trois points fondamentaux qui paraissent majeurs dans cette thèse :

Aucune des quatre Recommandations pour la Pratique Clinique choisies pour cette thèse n’est conforme aux données acquises de la science.


Bon nombre des experts sont en situation de conflits d’intérêts majeurs et les autorités sanitaires dont ils dépendent, ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d’indépendance qu’elles s’étaient fixées ou que la loi leur impose.


Il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l’industrie pharmaceutique.


Bonne lecture.

(PS : je me réserve la possibilité, privée, de faire quelques commentaires critiques sur cette thèse)

(François Marie Arouet, dit Voltaire. Crédit photographique : Wikipedia)

lundi 15 août 2011

J'aime bien le blog de Richard Lehman et je commente un de ses commentaires sur le dépistage du cancer du colon chez les personnes âgées.


Richard Lehman est boulimique. Voici qu'il publie le 15 août 2011 de nombreux commentaires (qu'il faudrait commenter en détail et qu'il ne faut surtout pas prendre pour argent comptant : l'ami Richard a le droit de se tromper, a le droit d'avoir des avis, a le droit d'avoir des a priori, a le droit d'être aveugle ou hémiplégique ou des préférences, ce serait quand même casse-pied un type froid qui serait abstinent, et cetera, et cetera...) à propos de 15 articles qu'il a lus dans différentes revues de bonne qualité (ICI).
Je ne le connais ni des lèvres ni des dents, je ne sais pas quel est le poids de son âge, je n'ai même pas essayé de connaître ses liens ou ses conflits d'intérêt, j'aime bien le lire, un point c'est tout.
Comme je suis encore en vacances, je commenterai peu ce qu'il a écrit et qui concerne pêle-mêle : les antibiotiques, la ménopause, l'insuffisance rénale, la poésie, l'apnée du sommeil, le rivaroxaban, le sida, les laxatifs, les hépatites, le tabac, la mélatonine, les conflits d'intérêt, les adolescents fébriles, et la plante du jour.
Ouf !
Vous lirez donc.
Je ne vous parlerai donc que du dépistage du cancer du colon par recherche de sang dans les selles.
C'est une étude américaine dont vous trouverez l'abstract (LA). Aux US le taux de coloscopie est faible après test positif chez les personnes âgées, ce qui est lié à un manque de suivi, notamment chez les Veterans.
212 patients de plus de 70 ans dont le test de recherche de sang dans les selles était positif ont été suivis pendant 7 ans. Ils ont été classés en 3 catégories d'espérance de vie (EV) : bonne, moyenne et mauvaise en fonction des pathologies coexistantes.
56 % des patients (118 sur 212) ont subi une coloscopie avec pour résultat la découverte de 34 adénomes significatifs et de 6 cancers. 10 % de ces patients (12 sur 118) ont eu une complication sévère due à la coloscopie ou au traitement du cancer.
46 % des patients qui n'ont pas subi de coloscopie (43 sur 94) sont morts pour une autre cause que digestive dans les 5 ans contre 3 qui sont morts de cancer du colon dans la même période.
87 % des patients classés dans le groupe "mauvaise EV" (26 sur 30) contre 70 % des patients du groupe "moyenne EV" (92 sur 131) et 65 % des patients du groupe "mauvaise EV" (35 sur 51) n'ont pas tiré bénéfice de la coloscopie (p = 0,48).
Les auteurs en concluent que le dépistage du cancer du colon doit être plus volontiers centré sur les patients âgés en bonne santé.
Et notre ami Richard Lehman commente : "Je ne sais pas ce que l'on peut en tirer pour le système anglais mais cela souligne le fait... (je résume) qu'un système robuste de suivi est nécessaire pour ne pas manquer des cancers et que cela confirme mes sentiments que la recherche de sang fécal est une façon infecte (lousy) de dépister le cancer du colon en mobilisant des ressources diagnostiques importantes et en faisant plus de mal que de bien."
Je rappelle ici : 1) que je fais pratiquer l'hemoccult à mes patients convoqués par la CNAM par l'intermédiaire de l'ADMY ; 2) que le dépistage du cancer du colon par hemoccult est organisé en France pour les personnes âgées de 50 à 74 ans ; 3) que la prévention est un art difficile qui exige de la réflexion sur les moyens à mettre en place, sur la façon de suivre les patients, sur la pondération du rapport bénéfices / risques et sur les moyens d'apprécier l'impact de ces actions sur la Santé publique.

Je vous parlerai un autre jour, à propos de ce blog, de l'insuffisance rénale chronique et de sa détection en médecine générale.

PS - Un article de Welch publié le 4 mai 2016 dans le New England Journal of Medicine : LA.

(Richard Lehman - Crédit photographique : BMJ Group).

jeudi 4 août 2011

Paracétamol : les Etats-Uniens n'en font-ils pas (un peu) trop ?


La firme Johnson & Johnson qui commercialise le Tylenol Extra Fort (1000 mg par comprimé d'acétaminophène (merci les commentateurs, heureusement que je ne me modère pas, confondre paracétamol et chloraminophène...), (alias paracétamol en dci) annonce que le conditionnement va désormais être limité à 6 g par boîte au lieu de 8 g et qu'un nouveau libellé apparaîtra dans les boîtes cet automne pour limiter les surdosages.
La firme annonce également qu'elle conseillera en 2012 une dose maximale de 3 g par jour de paracétamol pour se conformer aux instructions formulées en 2009 par un groupe de travail de la FDA (ICI) en raison des risques d'atteintes hépatiques.

Plusieurs interrogations :
  1. Pourquoi la firme Johnson et Johnson a-t-elle mis autant de temps à se conformer aux recommandations de ce groupe de travail même si l'on sait que la FDA n'avait pas repris les recommandations à son compte ?
  2. S'agit-il d'une opération marketing pour permettre le lancement d'une nouvelle molécule ou d'une nouvelle association de molécules nouvelles ou anciennes, plus chères et moins éprouvées sur le plan du rapport bénéfices / risques ?
  3. S'agit-il d'une simple crainte de procès ?
Toujours est-il que le paracétamol a entraîné aux EU 153 décès en 2008 dont 30 non intentionnels.

Faut-il donc que les citoyens lambda qui se suicident au paracétamol dictent leur loi aux citoyens qui ne mésusent pas le paracétamol ou qui sont au courant des doses à ne pas dépasser ?
Et que l'on ne vienne pas nous parler du principe de précaution en médecine puisque le principe de précaution ne peut s'appliquer que lorsque l'on ne sait pas, pas lorsque l'on sait. Rappelons le bel aphorisme de Jean-Pierre Dupuy : le principe de précaution ne peut s'appliquer à lui-même.

Il serait étonnant que plusieurs dizaines de molécules n'aient pas entraîné plus de 153 morts aux EU d'Amérique en 2008.

(Paracétamol en 3D : source wikipedia)