lundi 14 mai 2018

La médecine m'inquiète : micro f(r)ictions (99)

Le Tintoret (1519 - 1594)  - Autoportrait (1547)


99
"Madame B, cinquante-deux ans, dont tu es le médecin traitant, est venue me consulter après son passage aux urgences non programmées de la clinique pour des précordialgies atypiques... L'examen que j'ai pratiqué est normal : pression artérielle, échographie... Je note toutefois un bilan lipidique limite chez cette patiente non fumeuse. Pour ces raisons je programme une épreuve d'effort qu'elle passera à la clinique dans quelques jours."




Résumé des épisodes précédents.

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Mademoiselle A, vingt-huit ans, a perdu son bébé. Aux urgences où elle se rend on lui fait une péridurale pour « régulariser ». La péridurale, selon la patiente, ne « marche » pas. Elle commence par se faire engueuler : « Si, ça marche ! ». Bon, les douleurs qu’elle ressent sont donc factices. On l'engueule encore. On la laisse dans une salle de repos où des enfants courent dans tous les sens. Puis, quelqu’un vient la voir, de loin, et lui demande à la volée : « Vous voulez l’enterrer ou le faire incinérer ? »





vendredi 11 mai 2018

La médecine m'inquiète : micro f(r)ictions (100).





Mademoiselle A, vingt-huit ans, a perdu son bébé. Aux urgences où elle se rend on lui fait une péridurale pour « régulariser ». La péridurale, selon la patiente, ne « marche » pas. Elle commence par se faire engueuler : « Si, ça marche ! ». Bon, les douleurs qu’elle ressent sont donc factices. On l'engueule encore. On la laisse dans une salle de repos où des enfants courent dans tous les sens. Puis, quelqu’un vient la voir, de loin, et lui demande à la volée : « Vous voulez l’enterrer ou le faire incinérer ? »

(97 mots)

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dimanche 6 mai 2018

Un livre épatant pour comprendre le complexe médico-industriel US : The Danger Within Us.


RAJOUT DU 25/11/2018

LES IMPLANTS FILES : le consortium international des journalistes d'investigation a constitué une base de données sur les "incidents" survenus entre 2009 et 2017 aux Etats-Unis d'Amérique avec l'utilisation des implants médicaux : ICI.

Le livre de Jeanne Lenzer, The danger within us, est un bijou. Ecrit pour le grand public et dans un style volontiers journalistique, il raconte l'histoire d'un patient épileptique qui a lutté et a fini par survivre (mais à quel prix !) à l'industrie américaine des dispositifs médicaux non testés et non contrôlés, et l'auteure nous donne en exemple ce que peut être une santé tournée exclusivement vers le profit.

Quand vous aurez lu ce livre il vous sera difficile de regarder le site promotionnel de Cyberonics : LA  sans avoir envie de quitter l'exercice de la médecine et de vous interroger sur ce que les autres laboratoires font. Quant aux propos de cette association, elle vous achèvera : ICI

Car Jeanne Lenzer, à partir d'un cas exemplaire de patient, nous décrit non seulement les dangers de se faire implanter un VNS (Vagus Nerve Stimulator) dont l'AMM a été obtenue avec des études peu convaincantes, sauf pour les experts de la FDA (l'exposé qu'elle fait des trucages des essais, des dissimulations de données, et comment les experts passent outre), mais surtout l'incroyable façon qu'a eue Cyberonics, la société qui commercialise le stimulateur, de corrompre la FDA, de corrompre les prescripteurs, de falsifier les publications, de ne pas déclarer les effets secondaires graves qu'elle connaissait, de mettre en avant des témoignages positifs de patients en taisant les autres, et de mettre en danger la vie de ces mêmes patients avec un cynisme (le mot est faible) incroyable. Selon les données (critiquables comme toujours) des bases publiques de recueil de données (MAUDE, Manufacturer and User Facility Device Experience) le VNS aurait entraîné depuis sa commercialisation en 1997 le décès de 2000 patients (2016) au prix de 40 000 dollars le dispositif.

Le point essentiel est le suivant : le business de la santé aux US est plus important en chiffre d'affaires  que big oil, big banking, et surtout que le si célèbre complexe militaro-industriel : les dépenses liées à ce dernier étaient évaluées en 2015 à 1,3 mille milliard de dollars contre 3,2 mille milliards de dollars pour les dépenses de santé (avec des résultats déplorables en termes de santé publique).

Jeanne Lenzer cite ceci : 20 à 30 % de ces dépenses de santé aux US seraient inutiles. Elle précise aussi (ces chiffres sont discutables, ce sont des approximations) que la médecine est aux US la troisième cause de décès (225 à 440 000 Américains par an).

Mais il s'agit surtout de l'histoire d'un patient à qui a été implanté un VNS, qui a failli y passer pour asystolie, mais qui, non seulement n'a pas été amélioré, mais a été plutôt aggravé tout en enquêtant sur la société qui commercialisait le dispositif et sur ses liens avec la FDA. Aujourd'hui, Fegan, qui était pompier paramedic, a eu sa vie détruite et, bien plus, son dispositif a migré dans la veine jugulaire et il est impossible de l'enlever ! Mais aussi : Dennis Fegan, seul, sans argent, sans soutiens, et malade, a révélé dans toute sa hideur la façon dont Cyberonics s'est comportée à son égard et comment du PDG aux employés, le bien-être des patients n'avait aucune importance sans compter comment les médecins implanteurs ont manqué de tout sens clinique, de tous sens moral, avec la complicité active de la FDA !

Denis Fegan a compris et dénoncé la façon désinvolte qu'avait et qu'a la FDA d'accorder des autorisations de mise sur le marché pour des dispositifs médicaux (non soumis à des essais de qualité) et ceci : il a appris que la Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique (2008) considérait qu'il n'était pas possible de poursuivre le fabricant (efficacité et/ou sécurité) à partir du moment où la FDA avait accordé l'autorisation.

A qui se fier ? (pp 167-8 du livre) (traduction personnelle) :

"Les médecins ne peuvent être tenus de lire et de digérer plusieurs centaines de pages des rapports de la FDA et des analyses statistiques complexes pour chacune des molécules et des dispositifs médicaux qu'ils prescrivent. Finalement ils doivent s'en remettre aux experts de la FDA pour interpréter la justesse des études financées par l'industrie. Il n'y a tout simplement pas de sources vraiment indépendantes dans la recherche US. Le financement industriel a étendu son champ d'action dans chaque secteur, depuis les journaux médicaux qui présentent et interprètent les recherches jusqu'aux aux universités et aux groupes de recherche qui conduisent les essais en passant par les associations de patients qui promeuvent de nombreux traitements et par la formation médicale continue pour les médecins sans oublier les agences qui sont supposées protéger l'intérêt public --soit le Centers for Disease Control and Prévention, le National Institutes of Health et, bien entendu, la FDA."

Jeanne Lenzer nous brosse un tableau presque apocalyptique de la situation US et nous emmène, à propos des stents cardiaques, des prothèses de hanches, des stimulateurs cardiaques, du rhBMP-2 (recombinant bone morphogenetic protein 2), des défibrillateurs défaillants, des stimulateurs du nerf vague qui entraînent plus de crises d'épilepsie qu'ils n'en évitent (et qui sont toujours commercialisés), de Essure, dans l'enfer de la dérégulation dont le premier acte fut le Bay-Dohle Act de 1980, c'est là que l'auteure situe la naissance effective du complexe médico-industriel. Mais ceci ne serait rien sans la corruption, sans la falsification des données, sans le travestissement des statistiques, sans le classement vertical des effets indésirables, surtout graves et mortels, sans la rédaction de rapports permettant de donner une autorisation de commercialisation par la FDA, autorisation, comme nous l'avons vu, qui interdit tout procès des victimes à l'égard du fabricant !

Les données concernant la corruption des prescripteurs et des décideurs est ahurissante. Jeanne Lenzer cite les firmes, Cyberonics, Medtronics, Johnson and Johnson, cite les procès, et cetera et les sommes pharamineuses qui ont été versées.

Voici ce qu'écrivait Upton Sinclair : "It is difficult to get a man to understand something when his salary depends upon his not understanding it..." (Il est difficile qu'un homme comprenne quelque chose quand son salaire dépend du fait qu'il ne le comprend pas.) Jerome Hoffman a beaucoup combattu les fausses données médicales, notamment dans l'affaire du tPA (une incroyable histoire montée contre la streptokinase), il écrit ceci :  "We cannot take money from industry with one hand and write prescriptions with the other and remains a profession." (Nous ne pouvons pas toucher de l'argent de l'industrie avec une main et de l'autre écrire des prescriptions si nous voulons rester une profession.)

En conclusion de son livre Jeanne Lenzer désigne les poins cruciaux qui pourraient être améliorés. Elle plaide pour un payeur unique, elle dénonce la politique des brevets et elle demande, de façon désespérée, une réforme fondamentale de la FDA. Pour les dispositifs médicaux il faudrait exiger que la FDA impose deux essais contrôlés, que les critères de jugement soient cliniques et non fondés sur des critères de substitution choisis au gré des intérêts des fabricants, et enfin que les experts évaluateurs (cliniciens, méthodologiques et statisticiens) soient indépendants de l'industrie.

C'est Noël ?

Mon résumé est bref et ne peut rendre compte de la complexité de ce livre et de ses 396 références.

Notamment quand Jeanne Lenzer parle de Thomas McKeown (nous en avons souvent parlé ICI) et de ses données épidémiologiques ébouriffantes sur la diminution de la mortalité en Occident (92 % du déclin de la mortalité s'est fait avant 1950) . Quand elle parle de Marmot qui a étudié les facteurs de risques des employés de WhiteHall à Londres : il existe une corrélation parfaite avec la hiérarchie bureaucratique.

Il est dommage que ce livre ne soit pas traduit en français.

PS : Je renvoie à l'excellent billet de CMT sur ce blog (LA) concernant les politiques mondiales du médicament.

(Ne vous inquiétez pas, braves gens, dormez sur vos deux oreilles, Jeanne Lanzer ne parle pas de la France (1), pays qui fut celui auto-proclamé de la meilleure médecine du monde, et qui, de renoncement en aveuglement et grâce à son entrée dans le monde joyeux de la consommation et du néo libéralisme, va enfin obtenir le titre plein et entier de république bananière de première division dans le domaine de la santé.)

Notes.

(1) Malheureusement, quand elle en parle, elle idéalise un peu trop sur notre beau pays.

PS du 27 juillet 2018 : The bleeding edge (les blessures de la médecine) est paru sur Netflix : https://www.netflix.com/watch/80170862?trackId=13752289&tctx=0%2C0%2C23cd9ffcd69a5fd85f4587095637e7fc53c20ffe%3A9c347bacd3c02c97ab144db5712cbe8a695dbd80%2C%2C

dimanche 29 avril 2018

La mortalité infantile à Mantes-La-Jolie.


Petit retour sur les fondamentaux de la santé publique à l'occasion de la parution du rapport Borloo sur les quartiers prioritaires et les politiques de la ville. Quel rapport, me direz-vous ? Parce que ce rapport, s'il dresse 19 programmes d'amélioration, ne parle de la santé que du bout des lèvres. Je ne l'ai pas lu encore car, à l'heure où j'écris ces lignes, il n'est pas en ligne. Je dispose de commentaires journalistiques mais sans lien. L'article le plus documenté et sourcé est celui que j'ai lu dans le journal Le Monde : ICI.

Je cite : "SANTÉ 
Pour assurer le droit à la santé, il propose la création de 200 maisons de santé supplémentaires, comme le développement des consultations de télémédecine. "
C'est un peu court, jeune homme.

Il est admis par les épidémiologistes que les indicateurs comme la mortalité infantile, la mortalité en couche, l'espérance de vie à la naissance et l'espérance de vie à 20 ans sont des critères solides pour différencier les pays qui ont connu la transition épidémiologique (voir la figure ci-dessous pour la transition épidémiologique en France).



Je vais vous parler d'un seul point : la mortalité infantile dans les quartiers prioritaires comme symbole des difficultés rencontrées et pour laquelle on dispose de chiffres plus fiables et de facteurs de risques plus identifiés.



Nous ne discuterons pas ici de la courbe et de ce qui revient à la médecine et à la non médecine (les services sociaux, les conduites individuelles, l'environnement de la santé publique).

La mortalité infantile (rapport entre le nombre d'enfants morts avant un an sur le nombre de naissance d'enfants vivants) en France métropolitaine est de 3,3 pour 1000 naissances (j'ai consulté diverses sources qui citent des chiffres différents, allant de 3 à 3,6 selon les années, selon que l'on intègre ou non les territoires d'Outre-mer mais sans Mayotte).

Quelle est la mortalité infantile à Mantes-La-Jolie (les mauvaises langues diront que ces mauvais résultats sont liés au fait que j'y travaille, que je suis abonné à la Revue Prescrire et que je ne dis pas amen à toutes les recommandations farfelues émanant des agences gouvernementales...) ?

Elle est de 3,2 dans les Yvelines et j'ai eu connaissance d'un chiffre plus élevé dans le Mantois (source introuvable).

Les chiffres de la Seine Saint Denis sont de 4,8 selon l'INSEE (voir le rapport de l'INSERM sur l'analyse des causes : ICI). Pour mémoire, les chiffres de Mayotte sont de 16.

J'ajoute pour ceux qui considèrent, encore, que la santé publique à la française est la meilleure du monde que la France est classée trente-huitième dans le monde sans Mayotte (ICI). Ce qui n'est pas fameux. Dans d'autres classements elle est en vingtième position, ce qui est un peu mieux : ICI.

Exerçant depuis 38 ans dans un "quartier", je ne vous parlerai que de mon expérience interne.

Quelles sont les solutions pour que les chiffres de Mantes-La-Jolie régressent à la moyenne ?

Les politiques de la ville ont proposé de nombreux facteurs explicatifs (largement analysés par les sociologues, philosophes, psychiatres et ethno-psychiatres de toutes obédiences) pour apporter des solutions : 1) l'explication culturaliste : les comportements humains, ici la grossesse et l'accouchement, seraient plus conditionnés par les cultures d'origine que par les conditionnements sociaux ; 2) l'explication socio-économique post marxiste : la pauvreté et l'exploitation capitaliste de certains sous-groupes populationnels expliqueraient les différences observées dans la société française sur les indices épidémiologiques ; 3) l'explication ethno-raciale qui constaterait à la fois  l'effet ghetto des "quartiers" et qui en tirerait des conséquences (assignation des personnes à des rôles sociétaux).

De nombreux pièges sont à éviter, me semble-t-il. Il est illusoire de croire (et la santé n'est pas le seul domaine) que l'on pourra résoudre tout de Mantes-La-Jolie, quels que soient l'argent investi et les ressources humaines mobilisées. Il existe un système social et il y aura toujours une population pauvre et marginalisée. Les discriminations, on l'a vu, sont multiples.

Je vais vous donner un exemple concret : la PMI de Mantes-La-Jolie a déménagé pour des raisons que j'ai oubliées alors que les femmes et leurs enfants pouvaient s'y rendre à pied et ils et elles doivent désormais prendre le bus pour aller en centre ville. Ce n'est pas une bonne mesure de santé publique.

Un deuxième exemple : il est pratiquement impossible pour un médecin homme de réaliser des suivis de grossesse en libéral au Val Fourré.

J'ouvre la réflexion. Il faudrait également prendre en compte l'espérance de vie à la naissance, l'espérance de vie à 20, 30 ou 40 ans ainsi que la morbidité (troubles de la gluco-régulation, hypertension artérielle, infarctus du myocarde...). Les difficultés scolaires dans les quartiers sont aussi liées aux 3 points que nous avons indiqués plus hauts et sont intriquées avec les difficultés médico-sociales.

Je pourrais également parler de mondialisation et de migration.

A Mantes-La-Jolie ou plutôt au Val Fourré les migrants de la première, de la deuxième, de la troisième génération sont volontiers d'origine marocaine, algérienne, sénégalaise, turque, malienne, mauritanienne, et cetera. Citer toutes les origines ethno-culturelles et les langues maternelles des parents/grands-parents/arrière grands-parents atteindrait la centaine.

Je vais vous donner les chiffres de mortalité infantile dans ces différents pays (voir LA pour tous les pays).
Algérie : 17
Mali : 80
Maroc : 27
Mauritanie : 65
Sénégal : 45
Tunisie : 14
Turquie : 12

Impressionnant, non ?

(Image : le groupe de rap Expression Direkt qui fut emblématique du Val Fourré et qui me marqua personnellement)

jeudi 19 avril 2018

Dédicace à Agnes Buzyn et à ses soutiens académiques et libéraux.

Les seuls médecins compétents sont ceux qui participent aux boards de l'industrie pharmaceutique, a dit Agnes Buzyn à propos des liens d'intérêt lorsqu'elle est arrivée à la HAS.


(Les médecins ne devraient-ils pas porter des blouses qui identifient leurs sponsors et de qui ils reçoivent des pots de vin ?)

lundi 16 avril 2018

La médecine générale a été placée en soins palliatifs à domicile mais personne n'a encore dit la vérité au malade.



Je rappelle cette phrase de Jean-Pierre Dupuy (In : Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005) : Le prophète de malheur n'est pas entendu parce que sa parole, même si elle apporte un savoir ou une information, n'entre pas dans le système des croyances de ceux à qui elle s'adresse.

Nous le disons depuis des années et, désormais, il n'y a plus de doute : la médecine générale est en train de mourir et la maladie qui l'emporte n'a pas de traitement connu.

Quand nous écoutions Xavier Tarpin en 2008 (et il parlait depuis longtemps dans le désert), le visionnage récent de cette video ICI fait désormais froid dans le dos, nous nous disions que cette catastrophe démographique annoncée pourrait quand même ne pas se produire et maintenant que la catastrophe est là nous comprenons combien il était impossible de faire quelque chose.

La médecine générale est désormais entrée en douce en soins palliatifs à domicile.

Il y a pourtant des gens qui pensent qu'elle n'est presque pas malade.
D'autres pensent au contraire que son avenir est derrière elle  et qu'elle disparaîtra parce qu'elle n'a pas su s'adapter.
Certains pensent qu'elle souffre d'une maladie chronique pour la quelle un traitement miracle (-izimab) va lui permettre de sortir de son lit et de reprendre son travail.
Certains pensent que sa place est plutôt en réanimation où l'on pourra la maintenir indéfiniment sous machine pendant des années malgré la défaillance polyviscérale mais en laissant un espoir à la famille : le coma artificiel est l'avenir de la médecine générale.
D'autres sont persuadés qu'elle ne pourra jamais disparaître.

La médecine générale est entrée dans la phase des "soins palliatifs" il ne reste donc plus qu'à gérer la douleur et à assurer la fin de vie.
Personne n'ose non plus pousser la seringue pour achever le malade mais beaucoup commettent des erreurs médicales qui pourraient accélérer le décès.
Les opportunistes pensent qu'ils vont pouvoir obtenir un morceau de l'héritage.

Le vrai problème est celui-ci : ni le malade (les médecins généralistes), ni la famille (les patients), n'ont été mis au courant.

Quelque chose a raté lors de la Consultation d'annonce.

Mais y a-t-il même eu une Consultation d'annonce ?

Les "médecins de la médecine générale" sont à son chevet depuis plus de 20 ans.

Ces "médecins" sont un corps disparate et tirent à hue et à dia. Ce ne sont pas des médecins, ce sont des nettoyeurs.

Nous ne disons pas cela à la légère. Nous n'entrerons pas dans des considérations idéologiques et/ou politiques, il suffit de regarder les chiffres. Il suffit de considérer quel argent a été injecté dans les soins de ville. Une misère.

Ces médecins nettoyeurs mentent : ils se mentent à eux-mêmes, ils mentent à leurs électeurs, ils mentent à la nation, ils mentent aux malades auxquels ils ont appliqué des traitements non éprouvés, voire pire, des traitements obsolètes et dangereux.

Qui sont-ils, ces "médecins" qui font semblant de croire encore à la médecine curative, qui n'ont rien compris à la chronicité et à l'imminence de la mort, qui pensent que les méthodes cosmétiques peuvent remplacer les soins de support ?

Il y a d'abord les non médecins : les politiciens, les sociologues, les démographes, les philosophes, les énarques, les polytechniciens, les ministres de la santé, les marchands de médicaments, les marchands de prothèses médicales, les marchands de mutuelles, les marchands en général (logiciels, objets connectés, ...), les dirigeants de l'assurance maladie, les directeurs d'hôpital... J'appelle cela le complexe santéo-industriel par référence au complexe militaro-industriel. Il y a bien entendu les chefs, les complices, les exécutants et les collaborateurs.

Mais il y a aussi les simples médecins non généralistes et les médecins généralistes eux-mêmes.

Les médecins non généralistes se sont toujours servis de la médecine générale comme d'une soupape de sûreté et l'ont utilisée comme bouc-émissaire.

Soupape de sûreté sociale.

Les médecins généralistes sont en première ligne pour entendre les plaintes des patients, leurs souffrances, leurs demandes, leurs résignations, leurs envies de faire grève de la société. Il sont là aussi pour remettre les travailleurs au travail, un travail, enfin, un salariat, qui serait neutre, c'est à dire que les textes de la sécurité sociale ne font pas de différences entre un cadre dirigeant et un maçon (peut-il reprendre n'importe quel travail ?), même si, l'indécence a des limites, les durées d'arrêt de travail proposées par l'Assurance maladie pour des lombalgies sont différentes selon que le travail est pénible ou non... Il y a donc la loi et il y a les flics contrôleurs (dont des médecins) qui contrôlent que le contrôle social est bien fait. (Je reviendrai sur ce sujet dans un billet mais j'ai lu des propos "pleins de bon sens" d'un médecin conseil sur twitter qui s'indignait que des médecins généralistes puissent prescrire des arrêts de travail à des patients souffrant à cause d'une mauvaise organisation du travail dans l'entreprise due à des patrons indélicats ; il disait : "Ce n'est pas à l'Assurance maladie de payer !" Mais, cher confrère, je n'en ai rien à cirer des causes sociales de la souffrance de mon patient, j'ai un malade qui souffre et qui s'adresse à moi pour que je le soulage, je l'arrête donc puisqu'un retour au travail signifierait une aggravation de son état. Faudrait-il que j'attende que les patrons deviennent parfaits ou que l'inspection du travail sévisse ou que les médecins du travail interviennent ?

La médecine générale comme bouc-émissaire.

Toutes les réformes des études médicales ont oublié que des médecins pouvaient ne pas être des spécialistes hospitaliers et/ou libéraux. (L'apparition des départements de médecine générale dans les facultés de médecine a été une ouverture notable mais il s'agissait d'un protocole de troisième ligne, un protocole compassionnel pour ne pas baisser les bras).

La médecine générale, au delà des mots (Kundera : avalanche de sentiments et sécheresse du coeur) paternalistes (le plus beau métier du monde) et condescendants (je n'aimerais pas faire le métier qu'ils font), est la basse-fosse de la médecine, c'est l'endroit où l'on ramasse les poubelles de la santé publique (1), où l'on nettoie les chiottes de la société, où l'on n'a droit qu'à des reproches et à des critiques.

La Ministre de la santé veut réorganiser la médecine libérale en ne l'ayant jamais pratiquée et surtout comprise. Si les hôpitaux sont en déficit, c'est à cause des médecins généralistes, si les urgences sont engorgées, c'est toujours à cause d'eux. Les universitaires ayant raté l'organisation hospitalière veulent réformer ce qu'ils ne pratiquent pas.

Au delà d'un banal ostracisme à l'égard de la médecine générale, il existe un racisme fort à l'égard des médecins généralistes. Ce sont les sous-doués de la médecine, ce sont ceux qui ont échoué aux concours, ce sont ceux qui ne se sont pas bien classés à l'Examen classant national (désolé, il y a des exceptions mais ces exceptions, non seulement confirment la règle mais enfoncent encore plus ceux qui ont choisi ce métier. Il existe aussi une forme de racisme subtil : non seulement les médecins généralistes sont une race inférieure dans le groupe des médecins mais, en plus, tout le monde leur assigne des rôles. Les personnes qui ne l'ont jamais exercée savent ce qui est bon pour elle : "Y a bon banania" pour la médecine générale.

Assignation des rôles.

Et plus on leur assigne des rôles, prévenir, dépister, surtout les rares maladies, lutter contre les aberrations de la santé publique, le tout sucre sur les écrans, le tout sucre dans les boutiques, le tout gras dans les restaurants de junk food, et plus leur nombre diminue. Nous sommes en plein dans la fable des rameurs de Dominique Dupagne : plus on a besoin de personnel et moins on a de gens opérationnels. Plus le nombre des travailleurs effectifs est faible et plus on leur demande de choses à faire et plus on les accusera de ne pas les avoir faites.

Et nous en revenons au racisme social : les nouveaux médecins généralistes sont des feignants, ils refusent de travailler dur, ils refusent de travailler longtemps, ils refusent de prendre des gardes. Et à la misogynie pure : si la médecine ne fonctionne pas c'est parce que la profession s'est féminisée : non seulement les jeunes femmes sont des feignantes mais elles voudraient aussi s'occuper de leur famille !

On leur créée des maisons de santé pluridisciplinaire et ils ne veulent pas y aller. Quels ingrats. Et nous qui leur payons leurs études.

Toute nouvelle mesure ira désormais à l'encontre du confort de vie de la médecine générale en soins palliatifs.

C'était ma conclusion définitive.



Notes.
(1) Pour ceux qui ne connaissent pas la différence entre santé publique et médecine il n'y a plus qu'à tirer l'échelle...


dimanche 1 avril 2018

Un collectif de médecin demande l'interdiction professionnelle de tous les médecins qui n'appliquent pas la science...



Interdire de pratiquer l'homéopathie (et la mésothérapie et l'acupuncture et l'auriculothérapie et l'ostéopathie et la chiropraxie et...) dans les cabinets médicaux, interdire d'exercice ceux qui les manient et dérembourser les séances comme les produits, nous paraît ne pas suffire.

Il faut désormais, afin de promouvoir la médecine scientifique, celle qui sauve des vies, interdire d'exercice les médecins qui utilisent des pratiques non fondées sur des preuves.

Il faut désormais, afin de respecter l'intégrité morale des malades, interdire d'exercice les médecins qui prescrivent un traitement sans avoir expliqué au patient les tenants et les aboutissants de ce traitement.

Il faut désormais, dans le cadre d'une démarche éthique, interdire d'exercice les médecins qui  prescrivent des examens complémentaires dont ils ne sauront pas comment interpréter les résultats et dont ils ignoreront quels peuvent en être les conséquences réelles pour le patient en termes d'orientations diagnostique et thérapeutique et si le patient en profitera sur les plans de l'espérance de vie, de l'espérance de vie en bonne santé et de la qualité de vie.

Il faut désormais, dans le cadre de l'Evidence Based Medicine, interdire d'exercice les médecins qui prescrivent des examens complémentaires, des traitements, des conseils de vie sans être au courant des dernières données de la science, sans être capables intellectuellement, physiquement et matériellement de les appliquer au mieux lors de leur exercice quotidien, et sans avoir informé leurs patients des résultats de ces essais et des doutes sur leur efficacité réelle.

Il faut désormais, dans le cadre de la lutte contre la corruption, frapper d'interdiction professionnelle tous les médecins qui, de près ou de loin, sont payés monétairement et intellectuellement par l'industrie pharmaceutique et par l'industrie des matériels et qui utilisent ces paiements non dans l'intérêt de la science mais dans l'intérêt des dites industries pharmaceutique et des matériels.

Mais ces interdictions ne doivent pas s'appliquer seulement aux praticiens qui pratiquent la médecine, elles doivent aussi viser les non praticiens qui s'occupent de santé publique et qui promeuvent des campagnes de dépistage et/ou de prévention non fondées sur les preuves, qui s'occupent de santé publique et qui promeuvent des matériels, des pratiques dont on ne connaît pas la validité intrinsèque ou qui répandent des informations dont le seul but est d'effrayer les populations et/ou de rendre fréquente une maladie rare.

Ce programme de salubrité publique ne peut se fonder sur l'éthique individuelle des médecins qui sont des hommes et des femmes comme les autres. Il sera donc nécessaire de créer un Comité de Scientificité publique dont les pouvoirs, étendus, et la justice, discrétionnaire, se substituera à toutes les instances existantes.

Nous demandons donc la dissolution immédiate du Conseil national de l'Ordre des médecins qui, en l'état, est incapable de faire appliquer de telles mesures.

Nous demandons la dissolution immédiate des sociétés savantes qui promeuvent des recommandations qui ne respectent pas les données de la science.

Nous demandons la dissolution immédiate des agences gouvernementales dont l'expérience a montré qu'elles étaient incapables de faire appliquer de telles mesures.

Nous demandons la disparition du Ministère de la santé et de la Direction générale de la santé dont l'incompétence notoire pour faire appliquer ces interdictions est prouvée scientifiquement.

Enfin, il nous paraît de salubrité publique d'interdire d'exercice les médecins blogueurs qui ne défendent pas notre position.

PS :