jeudi 9 avril 2009

TRANSPARENCE ET CONFLITS D'INTERETS : LE JAMA INNOVE EN PIRE !

Le deuxième grand journal médical américain, le JAMA ou Journal of American Medical Association (le premier étant le NEJM ou New England Journal of Medicine), fait fort : il a décidé que si quelqu'un écrivait au journal pour signaler des possibles conflits d'intérêts concernant des auteurs de la revue il devait garder le silence jusqu'à ce que les allégations soient investiguées !
Cette décision fait suite à une lettre, publiée dans le BMJ, signalant un conflit d'intérêt majeur, non mentionné dans le JAMA, entre le premier auteur d'un article et une société commercialisant le produit testé. Les professeurs Leo et Jacasse ont envoyé ce courrier au BMJ après que le professeur Leo eut écrit une lettre au JAMA (et au New York Times) et qu'il n'eut pas reçu de réponse cinq mois après cet envoi bien qu'il ait adressé une lettre de relance et un courriel. Et ce n'est qu'ensuite qu'il a signalé les faits au BMJ qui a publié. Notons ici que le système de réponse rapide du BMJ est très simple, qu'il suffit de respecter les instructions aux auteurs pour être publié quasiment instantanément : j'en ai fait plusieurs fois l'expérience. Cela dit je n'ai jamais écrit une lettre au BMJ pour signaler un conflit d'intérêt concernant un auteur du BMJ...
Mais là où l'affaire prend de l'ampleur c'est lorsque l'on apprend qu'à la suite de l'envoi de la réponse rapide au BMJ les deux auteurs ont reçu des appels téléphoniques de menaces, des attaques personnelles et des courriels émanant de la rédaction du JAMA leur demandant de retirer leur réponse rapide du BMJ !
Cette nouvelle "péripétie" soulignant les liens de consanguinité entre les journaux médicaux et Byg Pharma que nous avons rapportés ici pour les vaccins anti grippaux a fait l'objet de commentaires peu élogieux pour le JAMA dans la presse grand public américaine. Qu'il s'agisse du Chicago Tribune qui a été le plus virulent ou du Wall Street Journal.
Comme l'a écrit Jerome Kassirer, ancien rédacteur en chef du NEJM, "Personne ne pourra empêcher un whistleblower de parler pour dénoncer." Un whistleblower est un lanceur d'alerte ou un délateur (dans cette dernière acception il s'agit d'une personne qui, étant membre d'une entreprise, en dénonce les dysfonctionnements de l'intérieur ou après l'avoir quittée).
Ce débat lancé sur des medias médicaux et grand public aux Etats-Unis souligne encore la petitesse de la France en ce domaine : il est rare que les conflits d'intérêts soient dénoncés dans la presse grand public et il est encore plus rare que la grande presse s'attaque à la presse médicale ou n'aille pas dans le sens du poil des auteurs racontant n'importe quoi par abus d'autorité. La révérence française à l'égard des pouvoirs établis va même jusqu'à la non possibilité d'obtenir un débat scientifique de bonne qualité sur des sujets sensibles comme le dépistage du cancer du sein par la mammographie, du cancer de la prostate par le dosage du PSA ou l'intérêt de vacciner les personnes âgées contre la grippe.
Un autre aspect de ce débat est aussi le manque cruel de revues françaises publiant des articles originaux de recherche.
Nous souhaiterions pouvoir disposer d'espaces de discussion fondés sur les données de la science permettant de discuter sereinement de problèmes, notamment de Santé Publique, déterminants pour la société française.
Il ne semble pas que le JAMA soit désormais en pointe.
A vos plumes !

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