dimanche 4 octobre 2009

CANCER DU SEIN : FAUT-IL EXAMINER LES SEINS AVANT LA MAMMOGRAPHIE DE DEPISTAGE ?

Le dépistage du cancer du sein est un enjeu majeur de Santé Publique mais, nous le verrons, d'une façon paradoxale. Dans ce blog, comme vous l'avez remarqué, il s'agit d'un sujet récurrent : voir ici.

Préambule.

Les campagnes de dépistage grand public actuellement en cours dans notre pays sont indécentes et ce n'est certes pas parce que des vedettes montrent complaisamment leurs seins, c'est parce qu'il s'agit d'un lavage de cerveau généralisé qui empêche les réflexions scientifiques (je suis désolé, pour le coup, d'employer un terme aussi indécent) de s'exprimer.

La propagande préventive est en marche. Je devrais dire l'hystérie préventive. Dans le temps (mais la dernière commémoration des 60 ans de la Chine communiste rend le passé extrêmement présent) on réunissait les masses dans des stades et on les faisait attendre des heures le discours du Grand Chef, désormais l'armada médiatique atteint les populations dans leur salon, dans leur salle de bains, dans leurs toilettes et on leur assène la rhétorique préventive sans qu'ils puissent se défendre.

Quand j'entends Brigitte Fanny Cohen ou Guillaume Durand plastronner sur les télévisions publiques, je ne peux m'empêcher de m'identifier à Marcello Mastroianni dans Une Journée particulière d'Ettore Scola errant comme une âme en peine non concernée pendant que les masses mussoliniennes sont au défilé.

Car, et je ne voudrais pas que mes comparaisons soient mal interprétées et que mes lecteurs prétendent que j'ai atteint le point Godwin, nous vivons, sur de nombreux points en médecine, une époque totalitaire. Et les zones de résistance sont rares. Où sont, en France, les contre-pouvoirs ? Dans le domaine du cancer du sein il n'existe certes pas de sectes anti dépistage ou de mouvements millénaristes refusant la mammographie pour des raisons éthico-religieuses qui pourraient servir de repoussoir et qui pourraient permettre de ranger les sceptiques dans le camp des obscurantistes, mais il existe une dictature de l'opinion des experts.

La consanguinité de l'expertise à la française se traduit, dans les différentes sociétés dites "savantes" par un jeu de chaises musicales où l'appât du pouvoir se dispute à l'incompétence et à l'arrogance. Il existe même une loi gauloise, qui, à l'inverse des lois non écrites ayant cours dans de nombreux pays anglo-saxons, fait de l'appartenance d'un expert à une organisation gouvernementale un gage de forts conflits d'intérêts, d'inaptitude à la discussion et d'incapacité à lire la littérature mondiale.

La presse française (et que l'on ne vienne pas verser des larmes de crocodiles sur ses colossales pertes financières) est parmi les plus bêtes du monde puisqu'elle passe la majorité de son temps à recopier les informations que les Autorités de tout poil (gouvernementales ou expertales) lui donnent à manger gratuitement (ou avec rétribution). Le publi-reportage sur le dépistage du cancer du sein sert de réflexion aux journalistes qui se prétendent rapporter des faits scientifiques.

Je voudrais rappeler ici l'argumentaire de Iona Heath qui réconforte sur l'état d'esprit des médecins généralistes.

Pré-requis.
Soulignons un des grands malentendus qui sert l'idéologie de la prévention. Un certain nombre de médecins (et pas seulement des galeux de médecins généralistes, aussi des spécialistes, surtout des radiologues, des chirurgiens et, pire que tout, des cancérologues, professeurs, Praticiens hospitaliers et autres) ne comprennent pas que le dépistage peut conduire à des catastrophes. Ecoutez-bien mes amis champions du dépistage à tout va, mes amis champions de la bonne conscience traitante, mes amis champions du paternalisme (ce qui est bon pour la prévention est bon pour le malade) : il n'est pas anodin de faire un faux diagnostic de cancer du sein, comme, je ne le nie pas, il n'est pas anodin de ne pas faire le diagnostic d'un cancer du sein. Mais, dans le premier cas, la faute est complète, et, dans le second, il est aussi possible que l'on en fasse trop car tous les cancers ne sont pas mortels.

Mais je m'égare.

Revenons à l'hécatombe des seins.

Les médecins et les patients reçoivent depuis des années des informations contradictoires sur la façon de prévenir le cancer du sein. Nous manquions, aux temps héroïques, d'études de qualité et chacun y allait de son expertise personnelle et de ses conseils au lit du malade.

Ainsi en a-t-il été de l'auto palpation des seins (qui entraîne un surcroit d'interventions inutiles), de l'échographie des seins (vaste connerie financière), des mammographies effectuées par des incapables (ça continue : l'accréditation des mammologues se faisant sur la qualité du matériel et pas sur la compétence de l'examinateur) et, maintenant de la palpation des seins avant mammographie de dépistage.

Voici l'essai qui n'est malheureusement pas disponible en ligne.

L'étude a été réalisée auprès de 290 000 femmes participant au Ontario Breast Screening Program (Canada) entre janvier 2002 et décembre 2003.
Il s'agissait de savoir si l'examen des seins avant mammographie de dépistage améliorait l'efficacité du dépistage en comparant le taux d'adressage chez le chirurgien entre les centres de mammographie le pratiquant et ceux ne les pratiquant pas.

Je vous livre les résultats à la louche : "Nous avons découvert plus de cancers et la sensibilité a été meilleure dans le groupe examen des seins plus mammographie que dans des essais communautaires classiques de prévention MAIS les bénéfices de l'examen clinique des seins doivent être pondérés par les risques et les coûts potentiels induits par la découverte de faux positifs et par l'anxiété associée aux examens additionnels effectués."

Voici un commentaire pratique : "Pour une population théorique de 10 000 femmes âgées de 50 à 69 ans l'examen clinique des seins associé contribue à la détection de 4 cancers qui n'auraient pas été diagnostiqués par la mammographie mais entraîne la "détection" de 219 faux positifs (chez 219 femmes de plus)"

La messe est dite.

Petit (dernier commentaire) : il ne s'agit pas de dire qu'il ne faut pas palper les seins des femmes, qu'il ne faut pas faire pratiquer de mammographies mais il faut 1) être un clinicien confirmé (ce que je ne suis pas en ce domaine) ; 2) connaître un mamographiste confirmé (j'ai dans mon carnet d'adresse) ; 3) connaître un oncologue intelligent et compétent (j'ai) ; et 4) connaître un chirurgien habile et compétent (j'ai).

La double lecture des mammographies par deux ânes ne rend pas la lecture meilleure.

Ainsi ai-je dit que le dépistage du cancer du sein était un problème de santé publique mais de façon paradoxale... Oui ! le paradoxe n'est pas dans l'organisation de ce dépistage mais dans la qualité des dépisteurs. Nous voulons protéger les seins non malades des femmes de l'appétit mutilant des autorités (sans compter les appétits financiers).


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