Madame France Meslé est une chercheure émérite de l'INED. Son profil scientifique montre combien elle est experte. Voir ici. Elle s'y connaît, d'après ses publications dont une seule, malheureusement, est en ligne, en analyse de la mortalité.
Elle vient, sous l'autorité de l'INED (Institut National d'Etudes Démographiques), de publier un article "définitif" qui s'appelle Recul spectaculaire de la mortalité due à la grippe : le rôle de la vaccination.
Cet article est merveilleux. Il est d'ailleurs repris par la presse grand public et ses scores internet doivent être analysés avec gourmandise par les fabricants de vaccins et autres vaccinologues distingués. Je me suis permis de le lire et de l'analyser à l'aune de mes propres ressources non gouvernementales.
On dirait qu'il a été écrit sous la dictée de Roselyne Bachelot, notre grande experte scientifique, relu par InfoVac, scientifique officine payée par Big Pharma, et publié en toute coïncidence au moment du lancement de la campagne de vaccination anti grippale 2010-2011.
Notre chercheure émérite qui est une spécialiste des études de démographie et de mortalité, notamment dans le Caucase et en Ukraine et qui s'intéresse notamment aux causes de mortalité chez les très vieux, a écrit un article positif et sans retenue.
Il est vrai que nous autres médecins avons l'habitude de publications, ce qui ne garantit bien évidemment pas leur qualité, nous en avons assez parlé ici sur ce blog, dans lesquelles les références sont explicites et qui comportent un chapitre appelé "Discussion" où l'auteur indique, en faisant le plus souvent mention à d'autres publications du même type, quels sont les limites de ses propos, les insuffisances de sa méthode ou ses doutes sur les implications de ses conclusions. Ici, rien de tout cela. N'étant pas un familier des publications de l'INED, je ne jugerai pas ce point précis. Mais je remarque que les interrogations ne sont pas du fait de notre chercheure émérite.
(Les phrases en rouge sont issues de l'article auquel vous pourrez vous reporter si vous le souhaitez)
Jusqu'à la découverte et la diffusion du vaccin polyvalent, la grippe et ses complications étaient en effet une des principales causes de décès hivernales. Revenons ici sur l'histoire de son recul, bel exemple d'un succès de la prévention.
Madame Meslé, quand elle parle de prévention, ne parle bien entendu que du vaccin. Elle ne connaît pas l'histoire de l'hygiène. Elle n'a jamais lu Ivan Illich. Elle n'a jamais entendu parler de la décroissance de la mortalité par tuberculose dans les pays développés apparue avant l'arrivée de la streptomycine et bien avant l'apparition du BCG. Elle n'a pas entendu parler non plus de la décroissance colossale, comme l'atteste une célèbre publication danoise, du rhumatisme articulaire aigu et de ses complications avant l'apparition de la pénicilline (Diapositive 1). Ou, dans un autre domaine, la diminution de la mortalité cardiovasculaire avant même le traitement effectif de l'hypertension, par exemple. Madame Meslé ne lit pas. C'est son droit.
Cette baisse impressionnante de la mortalité par grippe est la conséquence directe d'une politique de prévention adaptée, fondée sur la vaccination des sujets à risque et associée à une meilleure prise en charge thérapeutique des complications.
Là, Madame Meslé touche au sublime : d'abord, elle associe de façon hasardeuse à mon avis la baisse de la mortalité par grippe à la vaccination dans un sophisme touchant : A partir de 1970, la mortalité par grippe a fait une chute spectaculaire (...) un nouveau vaccin amélioré par le mélange de diverses souches virales s'avère plus efficace dans les années 1970 (...) Il est aussi plus largement administré. Aussitôt, en France comme ailleurs, la mortalité due à la grippe s'effondre. Notre chercheure utilise des chiffres qui sont sujets à caution. On pourrait dire qu'ils sont tellement problématiques (l'InVS change d'avis allègrement en fonction de son objectif de communication : beaucoup de morts quand il faut convaincre de vacciner, peu de morts quand il s'agit de donner les résultats de la vaccination). Madame Meslé se donne également des bâtons pour se faire battre puisqu'elle "avoue" que ce n'est qu'en 1985 qu'on a commencé à proposer la vaccination gratuite aux personnes de plus de 75 ans (sic), puis aux personnes de plus de 70 ans en 1989 et de plus de 65 ans en 2000. Ainsi, mais comparaison n'est pas raison, la mortalité par grippe aurait diminué de façon considérable, selon Madame Meslé, avant la généralisation de la vaccination aux personnes dites à risques !
Voici une courbe qui corrobore ce que je dis, bien que nous soyons très dubitatif sur la qualité des données, celles-là émanant du GROG, organisme sponsorisé presque à cent pour cent par Big Pharma et par les les Institutions Sanitaires Gouvernementales.
Ensuite, Madame Meslé nous embarque dans des considérations sur les groupes d'âge dans un méli-mélo embarrassé et elle arrive à parler de l'épidémie de grippe espagnole touchant particulièrement les jeunes sans aborder la question de l'époque, de la guerre, de la promiscuité, des conditions d'hygiène déplorables et j'en passe...
Enfin, elle parle de la dernière épidémie sans nous dire que, grâce à Madame Bachelot, à Bruno Lina, à François Bricaire, à Antoine Flahault, qu'ils soient vénérés ces experts transparents comme de l'eau de Roche, 7 % seulement de la population française a été vaccinée... Sans expliquer non plus comment des chiffres de 5 à 7000 décès par an dus à la grippe saisonnière clamés par nos Autorités avec un taux de couverture vaccinale des plus de 65 ans (...) parmi les plus élevés d'Europe, nous sommes passés, à partir du moment où on commençait à vraiment compter les morts (et tout en sachant que l'hystérie ambiante a conduit à attribuer par excès des décès dus à la grippe sans qu'aucune analyse sérologique n'ait été faite) à 312 avec un des plus faibles taux de vaccination depuis des années. C'est bien entendu dû à la faible virulence de la souche qui nous avait été annoncée catastrophique : cf. supra les experts).
Madame Meslé a réussi l'incroyable : ne pas parler de l'amélioration de l'hygiène, ne pas parler du rôle majeur de l'antibiothérapie dans le traitement des complications de la grippe, ne pas parler de l'efficacité modeste des vaccins anti grippe chez les personnes de plus de 65 ans (il faudrait que nous nous cotisions pour qu'elle puisse avoir accès à Internet et lire les publications de la Collaboration Cochrane) et de leur inintérêt total chez les enfants en bonne santé.
Madame France Meslé conclut de façon grandiloquente : De ce point de vue, l'alerte de 2009-2010 a pu servir de répétition générale.
J'aurai désormais beaucoup de mal à lire les publications de l'INED sans me demander si ce qui est dit est vrai ou manipulé. Comme on dit à propos des journalistes et comme on pourra désormais le dire à propos des démographes : nous les apprécions quand ils parlent de sujets que nous ne connaissons pas et ils deviennent illisibles quand ils traitent de sujets qui nous sont familiers.
Incroyable... L'INED vient de répondre en un seul article à toutes les questions que nous nous posions tous depuis longtemps : mortalité réelle de la grippe, efficacité de la protection vaccinale... Je tire mon chapeau.
RépondreSupprimerAvec la campagne de l'an passé où on parlait de pandemie (qui heureusement n'a pas eu lieu, du moins pas en Europe), je pense que la campagne actuelle (ou future) a perdu toute crédibilité pour être pris au sérieux. Là, le risque sera grand qu'un jour une grippe, tel celle de 1918, vienne et plus personne ne croira aux mises en garde. Un peu comme le berger qui cria souvent au loup et plus personne ne le cru quand il fut là. En tout cas, moi je ne me ferais pas vacciner, mon médecin le voudrais.
RépondreSupprimerMerci pour tous ces renseignements, au moins on peut prendre une décision sans avoir de mauvaise conscience (vu la pression des campagnes). Bonne journée
Merci pour cette analyse critique.
RépondreSupprimerCet article de l'INED tombe bien à point pour faire croire aux patients et aux médecins que, malgré la déconfiture de l'épisode de la grippe pandémique le vaccin contre la grippe aurait fait historiquement la preuve de son efficacité. Cela a tout l'air d'une manoeuvre téléguidée. Je ne sais pas d'où sort ce chiffre de 5000 à 7000 décès annuels dus à la grippe. En 2005 l'épidémie de grippe, d'après l'INVS, avait provoqué quelques 200 décès "rapportés", 95% chez les plus de 65 ans. Mais en réalité ces estimations sont totalement aléatoires car elles se fondent sur les causes inscrites sur les certificats de décès.Autrement dit sur une impression clinique.D'autre part, si on appliquait le même raisonnement aux décès suite à un syndrome grippal que celui que l'AFSSAPS et l'EMEA appliquent aux décès suite à la vaccination on pourrait dire que s'il est vrai que ces décès sont bien liés chronologiquement à la grippe pour autant ce lien est purement fortuit et qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre ces deux évènements.
CMT
Vos billets posent des questions on ne peut plus pertinentes. Celui-ci doit être le troisième que nous reprenons en lien sur la page Facebook de "La piqûre de trop?" A ce propos, l'une des nos lectrices a comparé votre contribution sur cet édifiant rapport de l'INED avec un article paru le même jour sur le même sujet dans le quotidien "sérieux" de Suisse romande (pas de "people", un layout bien austère) (http://letemps.ch/Page/Uuid/58617970-cc09-11df-93e5-9b7e6e2d72b8/Le_vaccin_anti-grippe_d%C3%A9cri%C3%A9_mais_efficace). Elle a fort justement relevé que vous, vous aviez fait le travail de vérification auquel tout journaliste devrait procéder lorsqu'il traite un sujet de ce genre (qui me dit ça? quels sont ses intérêts? d'où sort-il ses chiffres et ses infos?). Ces questions, vous vous les êtes posées, vous avez enquêté, alors que le professionnel du titre helvétique s'est contenté de paraphraser les propos de l'auteure sans se poser la seule question qui compte: à qui ça profite? Les journalistes n'ont de cesse de souligner leurs "compétences" et leur "profesionnalisme" par rapport aux "fourre-tout des blogs": nous avons ici un exemple du caractère pour le moins contestable de ces prétentions. Mais pour l'industrie phramaceutique, c'est évidemment formidable: faire un peu de PR, c'est beaucoup moins cher que de la pub - surtout quand on est certain d'être repris sans résistance, un à un, dans les pages rédactionnelles des journaux.
RépondreSupprimerContinuez! Les citoyens et les patients ont besoin de voix comme la vôtre s'ils veulent encore pouvoir prendre leurs décisions de manière libre et éclairée.
J'ai pris le temps de lire plus en détail l'article et je suis étonnée. C'est une suite d'affirmations vagues et non vérifiées de quelqu'un qui visiblement brode et ne connait pas le sujet. C'est digne d'un mauvais devoir d'élève du collège. L'efficacité du vaccin contre la grippe n'est pas la conclusion d'un raisonnement étayé mais le postulat de l'article. Et si on peut comprendre qu'une sociologue épidémiologiste ne maîtrise pas la médecine, on peut moins comprendre qu'elle ne tienne aucun compte de la vraisemblance de ses propos au regard de la chronologie. Visiblement cette dame n'est pas du tout gênée par le fait que la diminution régulière de la mortalité attribuée à la grippe ait débuté bien avant la diffusion du vaccin contre la grippe. Ni apr le fait qu'elle était parallèle à l'élévation du niveau de vie pendant les "trente glorieuses". Elle devrait en conclure que la baisse de la mortalité n'a rien à voir avec le vaccin.Or elle tire la conclusion inverse.
RépondreSupprimerJe croyais que l'INED était un institut sérieux. Comment comprendre que non seulement ils publient un tel article mais qu'ils aillent jusqu'à le mettre en page d'accueil?
Décidément les divers parachutages, pantouflages et pantouflages inversés nuisent beaucoup à la qualité de nos publications scientifiques.
Il n'est qu'à voir la dégradation de la qualité des publications de l'INVS depuis que Françoise Weber en est directrice. François Weber dont la carrière "scientifique" s'est construite au sein de l'industrie de pharmaceutique. Ce qui est sans doute un gage de qualité pour Xavier Bertrand qui l'a embauchée comme conseillère avant qu'elle soit nommée à la direction de l'INVS
http://212.234.146.165/presse/2007/communiques/nomination_weber_041207/index.html
CMT
"Recul spectaculaire de la mortalité due à la grippe : le rôle de la vaccination."
RépondreSupprimer->
inexistant!
:(