Milan Kundera
Depuis lundi, les consultations pour adultes "valent" 23 euro. Et les visites à domicile pour adultes "valent" 33 euro.
Cela n'a rien changé à ma pratique.
Les consultations ne se sont pas allongées de 4,5 %
Les visites ne se sont pas allongées de 3,15 %
Ou l'inverse.
Le contenu de ma consultation, je veux dire, n'a pas pris 4,5 % d'intelligence en plus.
(Vous vous en seriez douté...)
Je n'ai rien eu à faire pour devenir un médecin à 23. Docteur du 16 égale 23. Mon logiciel s'est mis à l'heure automatiquement. Il a calculé la valeur des autres actes à 26 et à 28 euro. Pareil pour les tiers-payants.
On vit une époque formidable.
Je ne sais pas par quel bout prendre cet euro supplémentaire.
Un euro de plus ou un euro de moins ?
Quand j'aurai vu 23 patients j'aurai gagné une consultation gratuite.
Je remercie mes syndicats qui ont fait le boulot.
Je remercie les syndicalistes qui se crèvent toute l'année pour défendre mes intérêts alors que je ne fais jamais un geste pour eux sinon mettre mon bulletin dans l'enveloppe MGFrance avec autant de conviction qu'un opposant à Ben Ali met son bulletin dans l'urne...
Je m'égare.
On me dit que l'on peut, désormais, écrire Cs au lieu de C.
Cela me fait une belle jambe.
Je vous ai déjà dit ici que je ne voulais pas être spécialiste (et quelqu'un, ailleurs, un type bien, a dit que je n'étais qu'un enfant gâté).
Je veux rester un généraliste.
D'ailleurs, moi, je n'ai pas demandé ma qualification de spécialiste en médecine générale.
Je n'ai pas envoyé une demande au Conseil de l'Ordre.
Je suis resté chez moi. Dans mon quant à moi.
Je suis resté Minimir mais qui fait le minimum.
Bon à tout, bon à rien.
Je ne fais pas de trucs spéciaux pour améliorer l'ordinaire : pas de mésothérapie, pas de naturopathie, pas d'acupuncture, pas d'homéopathie. Je suis un allopathe à la con. Mes placebo sont des placebo ordinaires. Je n'ai pas besoin de sortir mon pistolet ou mes petites aiguilles ou mes granules : je prescris des placebo éprouvés, des placebo de derrière les fagots, des placebo qui peuvent, malgré tout, être des nocebo. Mais, bon, on ne se refait pas.
Je suis un médecin généraliste qui le revendique.
Peu importe que l'EBM ou Médecine par les preuves, s'appelle désormais, c'est un copain qui me l'apprend sur son blog, la Médecine Factuelle (c'est une idée, dit-on, des Québécois, qui s'y connaissent drôlement en traduction)... La Médecine Factuelle ? La Médecine du Facteur ? Je préfèrerais, cela me rappellerait ma jeunesse, la médecine d'Actuel et du regretté Jean-François Bizot, mais je crois surtout, pour nos amis médecins spécialistes qui considèrent les médecins Généralistes comme une variété dégénérée de l'officier de santé qui déçut tant, dans la région de Rouen, la belle Emma Bovary, donc, je reviens à la surface, la Médecine Artefactuelle, celle dont les publications n'existent que dans les rêves des spécialistes universitaires en médecine générale...
Pourquoi, là je ne plaisante plus, la Médecine par les Preuves, alias l'Evidence Based Medicine, ne peut être pratiquée QUE par les médecins généralistes ? Mais parce que leur cabinet est le seul endroit où des êtres humains entrent et, même, parfois, en bonne santé.
Peu importe ce que l'on met dans l'Evidence Based Medicine, il s'agit d'un questionnement, et ce questionnement est celui du patient qui vient consulter et les réponses que le praticien peut, dans les limites de ses connaissances et de l'acceptation de son patient / malade, trouver, sont le sel de la médecine générale.
Je m'arrête car cette envolée lyrique est sans objet.
La médecine par le kitsch est pourtant, on le voit tous les jours, ce qui est le plus pratiqué par mes amis généralistes non spécialistes, mes amis généralistes spécialistes et, bien entendu, par les spécialistes de tous poils qui hantent les hôpitaux, les cliniques et les cabinets privés.
Quant à moi, je pratique bien entendu la médecine à la kitsch parce que c'est le sens de la ligne de pente la plus facile et c'est comme cela qu'à la fin de la journée, fourbu, on se dit, comme un con : J'ai servi à quelque chose.
(Le kitsch dont je parle n'a pas pour définition celle de wikipedia mais celle de Milan Kundera ; pour l'attitude kitsch du médecin, je reprendrai une phrase, certes sortie de son contexte, mais, tellement signifiante, comme disent les "modernes" : "Le besoin de kitsch de l'homme-kitsch : c'est le besoin de se regarder dans le miroir embellissant et de s'y reconnaître avec une satisfaction émue." In : L'Art du Roman, Editions Gallimard.)
Pourtant, ce cher médecin généraliste est pour moi le plus important avec l'ophtalmologue. Ce sont les seuls médecins pour lesquels, j'ai du respect, de la considération. Puis, le Mg est celui qu'on consulte en premier et le plus souvent. Il est en quelque sorte le coffret de l'histoire médicale d'une personne.
RépondreSupprimerJ'ai vu trop de spécialistes (en m'occupant de mon père) qui sont des rois de con dans leur attitude, leur comportement envers leur clientèle pour que je sympathise avec eux.
Certes, j'ai aussi rencontré des MG ou des ophtalmologues de ce gabarit, mais pour le MG c'est bien plus rare et surtout on peut aisément l'éviter (quasi impossible à faire avec un spécialiste - sauf pour l'ophtalmologue).
Bonne soirée
Esprit farceur chez l'informatique!
RépondreSupprimerEn voulant mettre le nom, le commentaire précédent fut publier anonymement.
Pitié, n'écrivez pas que la consultation du généraliste vaut 23 euros. Elle les coûte peut-être, mais elle vaut plus.
RépondreSupprimerMais qu'est-ce que vaut réellement une consultation ... elle vaut ce que la convention veut lui donner comme prix .barre. Tous les avis se défendent, mais la sécu reste encore la dernière protection , le dernier gouffre de Helm , et les MG spécialistes ou pas , MOST ou pas ; etc etc , sont les derniers chevaliers du Rohan .. Je dois faire partie de la Terre du Milieu , même si le désespoir m' envahit parfois. Amicalement
RépondreSupprimerQu'est-ce qu'un cynique ? C'est quelqu'un qui connaît le prix de tout et la valeur de rien. Oscar Wilde. L'éventail de Lady Windermere. (1892)
RépondreSupprimerL'illusion scientiste du progrès se trouve sûrement au point de renconte entre le besoin de kitch du médecin kitch (bien préférable au médecin cynique) et le besoin de réconfort du malade. Le malade se doit de croire que le médecin peut tout, pour se rassurer, le médecin ne se sent pas le droit de le décevoir, comme l'illustre cette histoire.Vraie bien sûr. Un homme discutait avec son médecin avant son opération de la prostate. Le patient, inquiet, demanda au médecin:"docteur, pensez vous qu'après l'opération, je pourrai jouer du violon?" "Bien sûr!" lui répondit le médecin,tout de suite rassurant quoique un peu interloqué.
RépondreSupprimer"Merci docteur! Grand merci! Vous ne savez pas quel plaisir vous me faites là...Toute ma vie j'ai rêvé de pouvoir jouer du violon."
[jewish joke]
CMT