Khon ou orgue à bouche. Instrument de musique thaïlandais
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La visite académique est une invention curieuse, volontiers ambiguë, qui me paraît être le type même de la fausse bonne idée ou de la vraie connerie.
De quoi s'agit-il ?
Considérant que les médecins ont la visite médicale comme principale source d'information biaisée ON a pensé que la meilleure façon de faire pour contrecarrer les influences de Big Pharma étaient de proposer, sur le même modèle, des visites médicales qui seraient, elles, indépendantes de l'industrie.
La meilleure façon de ne pas être influencée par la visite médicale est de ne pas la recevoir.
Imaginons des médecins qui continueraient de recevoir la visite médicale et qui, en plus, laisseraient les "visiteurs académiques" venir dans leur cabinet : où trouveraient-il le temps ? Comment ne se rendraient-ils pas compte de l'incompatibilité de ces pratiques ?
Mais il y a aussi un antre problème (que l'industrie pharmaceutique avait résolu depuis belle lurette) : le statut des visiteurs.
Pour Big Pharma, et sauf exceptions, la visite médicale est faite par des non professionnels de santé, il arrive qu'il y ait des médecins ou des pharmaciens visiteurs mais le laboratoire leur demande de ne rien dire, pour des raisons de statut. Il arrive aussi qu'il s'agisse d'anciennes infirmières.
Dans le cas de la visite médicale ontarienne dont on nous rebat les oreilles, il s'agit de deux pharmaciens et d'une infirmière. Vous pouvez lire l'article fondateur ICI si vous lisez l'anglais.
Dans le cas de l'expérience française, INFOPROXIMED, mise en route sous l'égide de l'HAS (cela donne froid dans le dos) et pour laquelle La Revue Prescrire a donné son aval pour des raisons que j'ignore (ICI), j'ai essayé de savoir qui faisait les dites visites, et l'information manque. S'agit-il de médecins conseils de la CPAM ? Rien n'est indiqué.
L'autre expérience française, Institut PUPPEM (LA), utilise des DAM pour faire la visite. L'institut a comme slogan : Une Visite Médicale Indépendante de l'Industrie et comme accroche : pour médicaliser la maîtrise des dépenses de médicaments.
Ainsi, pour lutter contre la visite médicale de Big Pharma, ce démarchage à domicile pour, sous le couvert d'informations, vendre des médicaments à coup d'invitations à dîner, de post-it, et, plus généralement, de bimbeloteries comme les bons sauvages en recevaient des conquistadors, on réinvente la visite médicale indépendante. Quelle aberration !
Les médecins généralistes (car, vous l'avez compris, ce sont les médecins généralistes qui sont visés, les autres, les spécialistes, libéraux ou hospitaliers, ils ne sont pas influencés par la visite médicale, ils ne mangent pas au restaurant, ils ne sont pas invités dans des congrès, la visite médicale académique ne les vise pas puisque : a) ils n'ont rien à apprendre de plus ; b) ils comprendraient immédiatement la supercherie de l'affaire en raison de la différence évidente de statut de la visite dite académique : les spécialistes veulent soit des avantages en nature, soit des visites de pairs et non des visites faites par des médecins conseils, des pharmaciens ou des infirmières... Pourquoi pas par des brancardiers ? ; c) ils sont intouchables) sont donc, comme d'habitude, pris pour des Khons (instrument de musique thaïlandais, orgue à bouche, découvert par Boris Vian quand il voulait nommer les gens qu'il n'aimait pas dans son livre fameux mais oublié "En avant la zizique et par ici les gros sous", 4,75 euro chez Amazon), des Khons majeurs ou des Khons de chez Khons car, non seulement ils ne flairent pas le piège mais, en plus, ils s'y enfoncent comme des imbéciles heureux.
Utiliser l'arme de l'adversaire pour la retourner contre lui est une idée généreuse et digne d'un bobo qui aurait découvert la pierre philosophale derrière une fiche signalétique de médicament mais il faudrait en mesurer les conséquences : à l'époque d'Internet il faut encore payer des gens sur les deniers de la collectivité pour qu'ils aillent convaincre des médecins (et pas es qualités car il ne s'agit pas d'une visite de pairs, seraient-ce des médecins conseils qui ont un rôle de surveillance et de contrôle) de mieux prescrire et à meilleur escient ; il faut envoyer des visiteurs officiels sans bonbons, sans invitations, sans fanfreluches ; il faut faire perdre du temps à des médecins déjà débordés ; il faut envoyer des infirmière pour expliquer l'intérêt de l'acide folique en prévention des anomalies de fermeture du tube neural chez le nourrisson...
De qui se moque-t-on ?
Sait-on quel est le prix d'une visite médicale ?
La visite médicale est un bon moyen de faire prescrire des médicaments mais pourrait-ce être un bon moyen de ne pas en prescrire ?
Je suis sidéré que des esprits intelligents aient pu croire à de pareilles idioties.
Commençons par former les professeurs de médecine à la thérapeutique indépendante (la Formation Académique des Académiques).
Commençons par apprendre aux professeurs comment enseigner la thérapeutique indépendante (la Formation Académique à la pédagogie académique indépendante).
Commençons par former les médecins généralistes à la Faculté (j'appellerais cela la Formation Académique indépendante) par des Académiques formés à la thérapeutique indépendante (voir plus haut) et à la pédagogie académique indépendante (voir plus haut).
Commençons par enseigner aux professeurs de médecine la lecture critique des articles (et surtout ceux qu'ils ont publiés sous leur nom sans les avoir écrits) et non de leur demander leur avis sur des articles qu'ils n'ont pas lus.
Alors, on aura beau lire de la prose lénifiante sur le degré de satisfaction des médecins qui ont reçu la visite académique (c'étaient des Dow qui avaient eu leur diplôme de médecine à la fameuse université d'Oulan-Bator - Mongolie), la prose lénifiante des organismes privés promouvant la technique, la prose lénifiante de l'assurance Maladie dont le morceau actuel de bravoure est le projet Sophia dont je ne résisterais pas un jour à vous en décrire le processus ascientifique.
Donc, crachez sur la visite académique, lisez La Revue Prescrire, La Revue Médecine, le BMJ ou le NEJM, branchez-vous sur les sites et blogs que j'aime bien et portez-vous bien sans qu'une infirmière vienne vous expliquer la différence entre un sucre rapide et un sucre lent ou comment traiter le diabète en suivant les recommandations biaisées de l'HAS.
Donc, si vous ne voulez pas faire de médecine en plus, allez vous promener quand la visiteuse académique viendra vous raconter sa vie d'employée de la CPAM ou d'ex visiteuse médicale de Big Pharma reconvertie dans l'Académique.
Ils ne se rendent pas compte. Je ne suis pas snob mais ça me donne envie de déserter et d'aller passer l'automne à Pekin en regardant passer l'écume des jours. Ou alors de tuer tous ces affreux en leur arrachant le coeur puis d'aller cracher sur leurs tombes.Ils nous prennent pour des fourmis mais quand l'herbe sera rouge les morts auront tous la même peau.
RépondreSupprimerQuelle bonne idée de citer Vian! C'est vrai que les titres de ses livres ou chansons mis bout à bout comme ça on sent qu'il était habité par une certaine violence. Inspirée par le monde, sans doute.
Je n'ai pas lu "en avant la zizique"
Faire du commerce avec la misère de la médecine,comme pupmed, je crois que c'est le pompon.
Quant à utiliser les armes de l'adversaire, je crois que l'industrie pharmaceutique est passée maître en la matière.
La revue "preuves et pratiques" "revue de médecine générale basée sur es preuves", donc, EBM en est un exemple flagrant. Exemples de sujets: la dépression chez le sujet âgé. Conseils: la rechercher systématiquement (avec les critères DSMIV?) et la traiter urgemment par antidépresseurs et sans se préoccuper des effets secondaires de ces antidépresseurs (ni de leur efficacité, d'ailleurs). Cette mise au point était indispensable pour la pratique des médecins généralistes car il est très connu de par le monde que la France est terriblement en retard pour l'utilisation des antidépresseurs. Quand on sait que les généralistes avec des consultations qui durent 10 mn en moyenne, prescrivent à eux seuls 60% des psychotropes chez les ados!
Autre sujet, la contraception d'urgence. Pour diminuer le nombre d'IVG doit on questionner la qualité de la relation médecin patient? Que nenni!: il faut rendre systématique le recours à la contraception d'urgence.
Ou encore: les vaccins en gynécologie. On explique aux médecins à quel point ces vaccins sont efficaces. Et en prime, on les forme à répondre aux éventuelles objections des patients comme des vulgaires visiteurs médicaux avec des arguments flous et sans consistance, du genre: "tout ça est surveillé de très près par la pharmacovigilance".
Et tout cela se fait dans une ambiance de franche camaraderie, puisque ces sont des médecins de terrain, formés par les labos pour former les confrères, qui se prêtent au jeu et mettent les "formés" en confiance. Puisque c'est de l'EBM, nous dit-on, ce ne peut être que bien.
Ce ne sont pas des contre-visites qui pourront pallier à ça.
La gangrène est bien trop avancée. Il faudra amputer.
CMT
Précision: pour la prescription de psychotropes il s'agissait d'une enquête alsacienne à propos des enfants et ados. 60% de prescriptions par MG, 24% par l'hôpital (comprenant les CMP qui font partie du secteur hospitalier), 5% par les pédiatres. Je pense qu'il s'agissait des prescriptions initiales, sinon il y aurait un bais puisque les médecins généralistes renouvellent les prescriptions hospitalières.
RépondreSupprimerPour les publications médicales qui font référence pour les médecins.
La Commission européenne a imposé au groupe Lagardère qui contrôlait Editis de vendre 60% des parts au nom de la concurrence. Ces parts ont été achetées par Wendel Investment au nom du fond d'investissement américain Carlyle (très impliqué dans la récupération et le démantèlement d'entreprises publiques privatisées et dans la vente d'armes). Dans le Conseil d'administration de Carlyle il y a Bush et plusieurs membres de l'ancienne administration etats-unienne. Editis possède entre autres le Moniteur qui publie LE VIDAL et LE QUOTIDIEN DU MEDECIN. Ergo ces deux publications dépendent d'un groupe contrôlée par des représentants issus de l'administration ultra-conservatrice américaine.
CMT
Merci de vous intéresser au programme Sophia, et de le décortiquer un jour sur votre blog...
RépondreSupprimerOutre le caractère trompeur de sa pseudo-assise scientifique (cf. les référentiels critiquables de la HAS sur le diabète, par ex. toujours pas actualisés après le retrait de certaine glitazone...), et la mise en place d'un système de relation "médicale" directe entre l'assureur et le patient, sans passer par le médecin, avec évidemment des arrières-pensées et des conflits d'intérêt propres à un assureur-maladie, outre ceci, disais-je, il préfigure sans doute une possibilité de cadre plus général pour la prétendue "éducation thérapeutique" qui risque elle aussi d'échapper de plus en plus au médecin, qui ne deviendrait plus qu'un recruteur de patients pour de tels programmes, sans droit de regard.
J'en veux pour preuve certaines offres de formation proposées aux médecins concernant l' ETP ( = Education Thérapeutique du Patient; l'utilisation du sigle est certainement un signe de réussite de ce concept dans les milieux autorisés..)