Un organisme américain, USPSTF (United States Preventive Services Task Force), vient de publier un draft (projet) recommandant de ne pas doser le PSA pour dépister le cancer de la prostate chez l'homme.
Il s'agit d'une recommandation de grade D qui signifie : l'USPSTF recommande de ne pas pratiquer ce dosage. Il existe une certitude modérée à haute (vous lirez le tableau 2 du draft qui rappelle quels sont les niveaux de certitude) que ce dosage n'apporte pas un net bénéfice ou que les inconvénients l'emportent sur les avantages. L'USPSTF déconseille l'utilisation du dosage.
Vous pouvez ICI le trouver afin de vous en faire une idée et LA faire des commentaires si vous le souhaitez (on aimerait tant qu'en France ce genre de procédures soit ouvert mais ne rêvons pas : quelques années encore... ou jamais).
Je vais essayer de vous le résumer en m'aidant d'un document américain (Medscape) qui m'a facilité la tâche.
Voici, de façon préliminaire, ce qu'entend l'USPSTF par "sur diagnostic" (overdiagnosis) ou "pseudo maladie" (pseudodisease) :
- "Des preuves indiquent que les programmes de dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA entraînent la détection de nombreuses cancers de la prostate asymptomatiques.
- D'autres preuves convaincantes indiquent que la majorité des hommes chez qui sont découverts des cancers asymptomatiques de la prostate par dosage du PSA ont une tumeur qui répond aux critères histologiques du cancer de la prostate.
- Mais la tumeur, soit ne progressera pas, soit sera si indolente ou lente à se développer qu'elle n'affectera pas l'espérance de vie, soit n'entraînera pas d'effets délétères sur sa santé, et ainsi le patient mourra-t-il d'une autre cause.
- Le paragraphe 3 est la définition du sur diagnostic ou de la pseudo maladie"
A partir de cette définition on peut dire ceci : le taux de sur diagnostic augmente avec le nombre de biopsies ; une étude montre que, sans tenir compte du PSA, on trouve un cancer chez 25 % des patients à qui l'on pratique une biopsie ; le nombre de sur diagnostics augmente avec l'âge.
Les questions posées par le USPSTF étaient les suivantes :
- Est-ce que le dosage du PSA en situation de dépistage diminue la mortalité spécifique due au cancer de la prostate et / ou la mortalité toutes causes ?
- Quels sont les inconvénients du dosage du PSA en situation de dépistage ?
- Quels sont les bénéfices du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
- Quels sont les inconvénients du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
Nous avons vu que l'USPSTF décourageait le dépistage.
Je voudrais rajouter quelques éléments intéressants mais, si j'avais eu le temps, je vous aurais tout traduit :
- Le risque de faux positif après un dosage du PSA positif est de 12 à 13 %
- L'étude européenne ERSPC (dont je vous avais parlé en mal ICI) montre une diminution de la mortalité spécifique après analyse en sous-groupe chez les hommes entre 55 et 69 ans
- Le nombre de malades à traiter pour obtenir un effet indésirable (voir ICI les notions de Nombres de Malades à Traiter et le Nombre de Malades à Ne pas Traiter) est globalement de 5 pour l'incontinence urinaire et, pour les troubles de la fonction érectile respectivement de 3 pour la prostatectomie et de 7 pour la radiothérapie.
- La prostatectomie est associée à un risque mortel de 0,5 % et à un risque cardiovasculaire de 0,6 à 3 %
L'AUA (l'équivalent américain de l'AFU) a fortement réagi.
We are concerned that the Task Force's recommendation will ultimately do more harm than good to the many men at risk for prostate cancer, both here in the United States and around the world."
Ainsi que d'autres organisations comme ZERO, The project to end prastate cancer, une association fortement sponsorisée par Big Pharma et l'AUA.
"The decision of no confidence on the PSA test by the US government condemns tens of thousands of men to die,"
Mais il fallait s'y attendre.
Ce n'était donc qu'un draft mais nul doute que ce projet deviendra définitif.
(Karl R POPPER - 1902 - 1994)
Pour le papier officiel dans annals of internal medicine c'est là : http://www.annals.org/content/early/2011/10/07/0003-4819-155-11-201112060-00375.1?erp
RépondreSupprimerAttention ne confondons pas dépistage de masse organisé et dépistage individuel. Les recommendations américaines concernent le dépistage de masse organisé. L'utilisation des PSA en dépistge individuel au cas par cas n'est pas concerné par ces recommendations. En France les autorités ont exactement la même position qu'aux USA.
RépondreSupprimerVous pouvez voir mon post à ce sujet:
http://philippehavinh.wordpress.com/2011/10/08/prostate-cancer/
Evidemment ces recommendations seront à mettre à jour lorsque de nouveaux traitements sans complications seront disponibles comme la cryothérapie intra capsulaire ultra focale; voir ce lien:
http://www.youtube.com/watch?v=gvhLwo9SD10
Il semble que cette technique soit un intermédiaire entre le traitement radical et la surveillance active.
cordialement.
@ Ha-Vinh
RépondreSupprimerJe ne peux qu'être en désaccord avec vous.
En désaccord profond.
Je comprends la distinction dépistage organisé dépistage individuel, je comprends aussi qu'il s'agit d'une argutie et d'un raisonnement fallacieux.
L'Etat de l'Art est défini par le résultat d'études contrôlées. Si elle ne sont pas positives, faire des cas particuliers, dire, moi, le grand docteur X, je suis plus fort que les études contrôlées, mon expérience interne (non influencée bien entendu par l'AFU, l'AUA, les marchands de PSA, les marchands d'antiandrogènes, les marchands de chirurgie, les marchands de radiothérapie, moi je vais fire du dépistage individuel dans mon cabinet, c'est du flouage...
Quant aux nouvelles techniques, cela fait des siècles que l'on en parle. Et comme dit l'autre : elles ne marchent qu'entre les mains de leurs propagandistes.
Je suis déçu par vos arguments.
En toute confraternité.
Les PSA existent et "they are here to stay". Il y aura toujours un médecin pour les prescrire et un patient pour les demander. C'est ce que j'appelle le dépistage individuel. Nous avons le choix entre soit "en finir une dernière fois avec le PSA pour dépister le cancer de la prostate" soit améliorer les réponses à un dépistage positif. Je trouve que dans ce sens la cryothérapie ultrafocale est une bonne démarche puisqu'elle cherche à minimiser les effets indésirables du traitement.
RépondreSupprimerhttp://philippehavinh.wordpress.com/2011/10/25/minimally-invasive-treatment-of-prostate-cancer/
@ Ha-Vinh
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord.
Le dépistage individuel diminue très fort dans mon cabinet.
J'essaie d'informer les patients.
Pourquoi se laisser déborder par la publicité mensongère ?
Donnons-nous rendez-vous dans quelques années pour la cryothérapie. Vous serez surpris qu'on n'en parlera plus sinon pour extorquer de l'argent à de riches patients.
J'ai connu des patients (riches) allant voir Patrick Walsh qui opérait en préservant les bandelettes et en rendant les hommes poins impuissants : c'était du flan.
Le jour où le PSA sera déremboursé en situation de dépistage, ce sera comme les phlébotoniques, on en verra moins.
Ne cédons pas.
A Philippe Ha Vinh,
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec JCG.
Ce qui a été fait peut toujours être défait.
Il s'agit de mettre la science au service du plus grand nombre.
Et l'intérêt du plus grand nombre ne compte pas pour du beurre.
Il faut mettre à jour les impostures et la pseudo rationalité scientiste.
cf le texte de Jean Bricmont:
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1408
Cela prendra le temps qu'il faudra.
Le principal grief fait au PSA en dépistage est que le traitement proposé est mutilant. D'après moi la solution au problème est dans la recherche de traitements non mutilants. Lorsque les médecins auront ce traitement à proposer à leur patient plus personne ne critiquera le PSA. Ne nous trompons pas de cible.
RépondreSupprimerA Ha Vinh,
RépondreSupprimerJe ne crois pas que nous nous trompons.
Le hic de votre raisonnement est que le problème du dosage du PSA n'est pas un petit incident dans un monde parfait.
Mais c'est une, parmi les manifestations innombrables, de plus en plus nombreuses, d'une perversion de la médecine mise au service d'intérêts particuliers.
Il y a une perte de sens.
Alors il ne s'agit pas de rafistoler par ci par là à coups de technique mais de redonner son sens à la pratique de la médecine.
Et je crois que le sens de la médecine est de s'appuyer sur une conception rigoureuse et humble de la science pour offrir au patient les meilleures garanties que les actes médicaux lui apporteront des bénéfices réels et non imaginaires.
La médecine ce n'est pas du commerce. On n'est pas là pour vendre du rêve.
@ Ha-Vinh
RépondreSupprimerJe crois que le problème du PSA, ce n'est pas le fait que les traitements soient mutilants... Le problème du PSA, je résume, c'est celui des surdiagnostics. Indépendamment du fait que ce test est peu spécifique...
Voilà le vrai problème, à mon sens.
Si nous faisons une comparaison avec le sein la disparition du Halstedt n'a pas rendu les surdiagnostics de cancer moins nombreux et a même contribué à banaliser la mammographie (on ne vous enlèvera pas tout, Madame...).
Je crois que c'est un débat majeur et il faudrait que nous puissions en parler à tête reposée et sans polémiques.
Bien à vous.
A Philippe Ha-Vinh: le grief fait au dosage de PSA n'est pas "que le traitement est mutilant", il est que ce ne semble pas être un test fiable pour discriminer un cancer d'un autre et décider d'un traitement qui risque d'être plus mutilant que la maladie qu'il veut traiter hors risque léthal certain.
RépondreSupprimerLe problème qui se pose aux médecins est finalement de savoir si toute cellule cancéreuse trouvée dans un organe est un cancer léthal qui justifie toute mesure et ses conséquences nous assurant (?) de la disparition desdites cellules. Il est également de nous assurer que les tests de dépistage que nous employons sont suffisamment fiables et discriminants pour considérer les risques de sur-diagnostic comme epsilon (le patient epsilon appréciera).
Nous devons prendre, avec nos patients, des décisions qui, d'abord et surtout, engagent leurs vies mais aussi, et ensuite, la collectivité, vous êtes bien placé pour le savoir. Tout ça n'est pas simple ni facile.
Je suis troublé par deux choses. D'abord ce que j'ai lu sur les risque de sur-diagnostic des cancers du sein et la notion de cancers in-situ (merci JCG et CMT). Ensuite par le problème que l'on crée au médecin traitant et au patient quand on est dans l'entre-deux: cancer ou pas cancer, faut y aller ou pas. Quel prix à payer dans les deux cas, angoisse dans l'un, mutilations dans l'autre (et la question était-ce bien nécessaire). Cette dernière question ressort avec le cas d'une patiente à qui l'on a annoncé après contrôle anapath d'un extemporané considéré comme bénin qu'elle portait des ilôts de carcinôme de bas grade dans sa parotide. Deux écoles chez les ORL : tout enlever en faisant sauter le facial sur une femme de 45 ans, ou attendre et voir avec une IRM/ trimestre. Allez vivre avec ça !
voici ce que dit un urologue de la Mayo Clinic Arizona ayant fait la moitié de sa carrière avant l'aire du PSA:
RépondreSupprimer"Depuis le PSA il ne voit plus de patients avec des cancers obstructifs des voies urinaires et les patients avec des douleurs diffuses dûes aux métastases osseuses sont devenus rares et il est moins fréquent de devoir faire des décompressions chirurgicales pour éviter une paraplégie. Il en conclut qu'il faut s'intéresser également à la qualité de vie et non seulement à la mortalité dans les études comparatives.
Il conclut également que si le dépistage est abandonné complètement se sera le retour au toucher rectal diagnostiquant de dangereux cancers trop tard.
Il déclare comme conflit d'intéret le fait d'être urologue."
Murray S. Feldstein M.D. Phoenix Arizona, lire son commentaire ici:
http://www.annals.org/content/early/2011/10/07/0003-4819-155-11-201112060-00375.1/reply#annintmed_el_127349
En tant que médecin praticien, et patient potentiel, j'accepterais mal l'idée de rendre un homme impuissant et incontinent sans être certain que je lui évite pire. L'avis de ce confrère est recevable mais pas assez argumenté. Il faut qu'il nous dise le poids de ces cancers dangereux qu'il soulage face à celui de l'ensemble et du nombre, sincèrement évalué (?), de patients souffrant d'un sur-diagnostic.
RépondreSupprimerComment penseriez-vous si vous étiez patient ? Comment se fonderait votre confiance en celui qui vous envoie là-dedans ?
Et si vous êtes le médecin impliqué, comment fondez-vous la confiance que vous avez dans votre CAT devant celle que vous accorde le patient ?
Je comprend bien que cet urologue a une conviction. Elle est peut-être fondée, je n'ai pas encore lu l'article, mais j'espère qu'elle est plus argumentée et rationnelle que simplement "avant et après PSA".
Le commentaire de l'urologue de la mayo n'a rien de scientifique, c'est une impression sur 30 ans de pratique. Peut être comme il a vieilli, il ne prend plus d'astreinte et ne voit plus les petit vieux avec des ADK de la prostate en globe... Mon explication est aussi scientifique que la sienne.
RépondreSupprimerJe ne crois pas que le futur challenge soit thérapeutique, l'industrie a renoncé. Le véritable graal pour les chercheurs dans le domaine c'est d'identifié un biomarqueur identifiant les cancers à potentiel évolutif. Un en cours d'évaluation est la sarcosine: http://kystes.blog.lemonde.fr/2009/02/13/il-est-partout/
C'est logique, un nouveau marqueur à faire en complément du PSA, c'est peut être l'avenir pour les patients. Nous verrons.
@kyste: je pense que les deux fronts doivent être entretenus:
RépondreSupprimer1)amélioration de l'acceptabilité du traitement (eg: cryothérapie focale)
2)amélioration de la spécificité du dépistage (eg: sarcosine)
Or
1)La cryothérapie ne peut se faire sans le PSA.
2)La sarcosine n'est indiquée qu'en complément du PSA, l'indication du dosage de la sarcosine dans les urines étant justement une élévation du PSA:
http://www.nature.com/pcan/journal/v13/n1/full/pcan200931a.html
Donc renoncer au PSA c'est quasiment renoncer à ces deux possibilités de recherche.
Maintenant peut être faut-il que les patients qui veulent doser leur PSA en dépistage individuel acceptent d'entrer dans des protocoles de recherche car je suis bien d'accord que la situation actuelle à grande échelle (quasi dépistage de masse) n'est pas satisfaisante.
Je pense que les patients acceptent déjà bien trop d'entrer dans des protocoles de recherche et qu'il faut peut-être arrêter surtout de courir après les molécules ou les examens paraclinques miraculeux et s'occuper un peu des patients pour eux-mêmes.
RépondreSupprimer250 000 patients représentant 8% des patients hospitaliers (? cela paraît énorme) auraient participé à des essais cliniques en 2010. Fortement incités par des médecins hospitaliers rémunérés de 1500 à 5000 euros par patient recruté par les laboratoires qui mettent en place ces essais cliniques. Tandis que les hôpitaux publics où se déroulent ces essais ferment les yeux car une partie de plus en plus importante de leur budget de fonctionnement dépend du fait qu'ils savent se montrer très compréhensifs vis à vis de telles pratiques.
Pour autant, la qualité et le niveau de sécurité des nouveaux médicaments ou tests proposés ne cesse de baisser.
Les laboratoires ne seront jamais à court de nouvelles molécules miracle. Mais qui régule tout ça?
L'attractivité de la France pour les essais cliniques serait en train de diminuer bien que la seule modification récente de la législation vise à faciliter les essais cliniques et non à les contrôler.
Cf les préoccupations du LEEM au sujet des essais cliniques qui ne sont qu'un tremplin pour la commercialisation de produits de mauvaise qualité à coups de conflits d'intérêt et de marketing
http://pharmactuposition.blogspot.com/2011/05/attractivite-essais-cliniques-france.html