A la suite de la publication de réflexions sur la Santé Publique émanant du Parti Socialiste, une petite contribution (ICI) et une plus grosse (LA), je constate que le slogan nouveau de la gauche de gouvernement est, pour paraphraser Lénine : L'hospitalo-centrisme et la Prévention.
La gauche a des convictions.
Le secteur public doit être favorisé et la prévention développée.
Les propositions socialistes développées par les militants (Remettre de la gauche dans les politiques de Santé) ont été critiquées par Christian Lehman en son blog (LA) et il a centré ses critiques sur la technocratie que cela sous-tend, notamment en matière de prévention.
J'ai lu cette (petite) contribution socialiste avant d'avoir lu celle de Terra Nova. Il est assez amusant de voir, mais il est possible que certains des signataires du premier rapport aient participé au second, que les thèmes sont à peu près identiques, que les mêmes mots sont parfois employés, que les mêmes erreurs sont commises, mais que le texte "militant" est plus près du terrain, plus pratique, qu'il aborde certains problèmes comme la formation des médecins ou certains thèmes comme la politique du médicament alors que Terra Nova, dans sa tour d'ivoire, ne pouvait y penser. J'avais trouvé ce texte affreux et, en le relisant, à la suite de la production massive de 107 pages de Terra Nova, je me suis rendu compte, au delà des erreurs dénoncées par Christian Lehman, que les auteurs étaient de gentils filles et garçons avec qui il est sans doute possible de discuter.
Le rapport Terra Nova, ce même think tank (groupe de réflexion en français) qui proposait au Parti Socialiste d'abandonner les classes populaires pour prendre le pouvoir, est donc un catalogue de 107 pages intitulé sobrement "Réinventons notre système de santé. Au delà de l'individualisme et des corporatismes". Dans le supermarché de la Santé Publique ils ont fait leurs courses, ils ont entassé des concepts, des faits (plus ou moins vérifiés), compilé des données et n'ont retenu que ce qui pouvait entrer dans leur slogan de départ qui est devenu leur conclusion. Dans ce bazar de la Charité les cases "De Gauche" ont été cochées avec gourmandise tout en n'omettant pas des hardiesses de la Nouvelle gauche, celle qui croit qu'il faut introduire plus de privé dans le secteur public, c'est à dire, en l'occurrence, les méthodes du privé qui n'ont pas marché il y a 20 ans dans le privé et qui ont abouti à la crise financière, pour faire moderne, néo moderne, c'est à dire libéral, néo libéral.
Les Terra Novistes en leur pavé (pavé de bonnes intentions et qui aimerait, au delà des critiques possibles, qu'on dise de lui "Il est de gauche.") nous apprennent aussi, nous les imbéciles et les crétins qu'il existe, je cite, "Des inégalités dans la santé." La belle affaire ! Nous ne le savions pas.
Eh oui, mes amis, il est plus risqué de se couper un doigt quand on est fraiseur que quand on est cadre administratif au Ministère des RGPP et des LOLF réunies (cf. infra) ! Eh oui, chers citoyens, il y a plus d'alcoolisme et de tabagisme dans la classe ouvrière que chez les médecins généralistes. Eh oui, ignorants, le taux d'alphabétisation est plus important chez les enseignants du second degré que chez les techniciens de surface.
Au lieu de nous dire, c'est la société qui génère les inégalités, c'est l'organisation du travail qui rend les inégalités encore plus inégales, c'est l'inorganisation des transports publics qui augmentent le temps de trajet pour aller au travail, on nous dit ce sont les médecins libéraux qui n'arrivent pas à régler ces problèmes (à partir de la page 77) : les médecins libéraux, et plus particulièrement les médecins de famille (la famille, depuis Pétain, n'a pas bonne presse chez les gens de gauche), ne travaillent pas assez, ne font pas assez de gardes, n'assurent pas assez la permanence des soins, ne sont pas assez à l'écoute des populations qui souffrent, prescrivent trop de médicaments, ne collaborent pas assez avec les services hospitaliers, laissent les enfants boire du coca cola, manger dans les fast food, absorber des barres chocolatées, ... Et ainsi, passez muscade, la contre productive société ne peut même pas être modifiée par les consultations trop chères des médecins généralistes libéraux. Ceux-là mêmes qui prônent la coordination entre l'hôpital et la médecine libérale (c'est à dire la mort de cette dernière sous les coups de l'administration énarquienne) sont les mêmes qui ont pondu le plan Variole qui est devenu le plan Grippe, l'exemple le plus parfait de la non coordination, l'exemple le plus accompli de l'autoritarisme technocratique, de l'absence de démocratie, du pouvoir des experts, de la négation de la base laborieuse, des coups d'Etat réglementaires (tamiflu pour tout le monde, AMM pondues sur un coin de table), de la dictature des politiques, et j'en passe.
Les rédacteurs de ces rapports n'ont jamais mis les pieds dans un cabinet de médecine générale en secteur 1, je n'ai même pas dit qu'il n'y avait aucun médecin généraliste dans les penseurs du texte, cela va de soi, la médecine générale étant, pour ces techno-politiques, une spécialité sans contenu, sans pratiques, sans réflexion, sans cursus, la poubelle pour les mal classés de l'ECN (l'examen classant national)... On va bien m'en trouver un qui a participé, un médecin généraliste croupion, un mi-temps qui fait aussi du syndicalisme ou de la politique, je prépare déjà un communiqué rectificatif... Dont acte.
Enfin, le rapport n'a pas oublié de parsemer le texte de mots valises (les technocrates cochent les petites cases en face des mots valises pour s'assurer qu'ils n'ont rien oublié) convenus : les déserts médicaux, le paiement à la performance, les soins coordonnés, la tarification à l'activité, le modèle bismarckien, le panier de soins, l'accès aux soins...
Les propositions socialistes développées par les militants (Remettre de la gauche dans les politiques de Santé) ont été critiquées par Christian Lehman en son blog (LA) et il a centré ses critiques sur la technocratie que cela sous-tend, notamment en matière de prévention.
J'ai lu cette (petite) contribution socialiste avant d'avoir lu celle de Terra Nova. Il est assez amusant de voir, mais il est possible que certains des signataires du premier rapport aient participé au second, que les thèmes sont à peu près identiques, que les mêmes mots sont parfois employés, que les mêmes erreurs sont commises, mais que le texte "militant" est plus près du terrain, plus pratique, qu'il aborde certains problèmes comme la formation des médecins ou certains thèmes comme la politique du médicament alors que Terra Nova, dans sa tour d'ivoire, ne pouvait y penser. J'avais trouvé ce texte affreux et, en le relisant, à la suite de la production massive de 107 pages de Terra Nova, je me suis rendu compte, au delà des erreurs dénoncées par Christian Lehman, que les auteurs étaient de gentils filles et garçons avec qui il est sans doute possible de discuter.
Le rapport Terra Nova, ce même think tank (groupe de réflexion en français) qui proposait au Parti Socialiste d'abandonner les classes populaires pour prendre le pouvoir, est donc un catalogue de 107 pages intitulé sobrement "Réinventons notre système de santé. Au delà de l'individualisme et des corporatismes". Dans le supermarché de la Santé Publique ils ont fait leurs courses, ils ont entassé des concepts, des faits (plus ou moins vérifiés), compilé des données et n'ont retenu que ce qui pouvait entrer dans leur slogan de départ qui est devenu leur conclusion. Dans ce bazar de la Charité les cases "De Gauche" ont été cochées avec gourmandise tout en n'omettant pas des hardiesses de la Nouvelle gauche, celle qui croit qu'il faut introduire plus de privé dans le secteur public, c'est à dire, en l'occurrence, les méthodes du privé qui n'ont pas marché il y a 20 ans dans le privé et qui ont abouti à la crise financière, pour faire moderne, néo moderne, c'est à dire libéral, néo libéral.
Les Terra Novistes en leur pavé (pavé de bonnes intentions et qui aimerait, au delà des critiques possibles, qu'on dise de lui "Il est de gauche.") nous apprennent aussi, nous les imbéciles et les crétins qu'il existe, je cite, "Des inégalités dans la santé." La belle affaire ! Nous ne le savions pas.
Eh oui, mes amis, il est plus risqué de se couper un doigt quand on est fraiseur que quand on est cadre administratif au Ministère des RGPP et des LOLF réunies (cf. infra) ! Eh oui, chers citoyens, il y a plus d'alcoolisme et de tabagisme dans la classe ouvrière que chez les médecins généralistes. Eh oui, ignorants, le taux d'alphabétisation est plus important chez les enseignants du second degré que chez les techniciens de surface.
Au lieu de nous dire, c'est la société qui génère les inégalités, c'est l'organisation du travail qui rend les inégalités encore plus inégales, c'est l'inorganisation des transports publics qui augmentent le temps de trajet pour aller au travail, on nous dit ce sont les médecins libéraux qui n'arrivent pas à régler ces problèmes (à partir de la page 77) : les médecins libéraux, et plus particulièrement les médecins de famille (la famille, depuis Pétain, n'a pas bonne presse chez les gens de gauche), ne travaillent pas assez, ne font pas assez de gardes, n'assurent pas assez la permanence des soins, ne sont pas assez à l'écoute des populations qui souffrent, prescrivent trop de médicaments, ne collaborent pas assez avec les services hospitaliers, laissent les enfants boire du coca cola, manger dans les fast food, absorber des barres chocolatées, ... Et ainsi, passez muscade, la contre productive société ne peut même pas être modifiée par les consultations trop chères des médecins généralistes libéraux. Ceux-là mêmes qui prônent la coordination entre l'hôpital et la médecine libérale (c'est à dire la mort de cette dernière sous les coups de l'administration énarquienne) sont les mêmes qui ont pondu le plan Variole qui est devenu le plan Grippe, l'exemple le plus parfait de la non coordination, l'exemple le plus accompli de l'autoritarisme technocratique, de l'absence de démocratie, du pouvoir des experts, de la négation de la base laborieuse, des coups d'Etat réglementaires (tamiflu pour tout le monde, AMM pondues sur un coin de table), de la dictature des politiques, et j'en passe.
Les rédacteurs de ces rapports n'ont jamais mis les pieds dans un cabinet de médecine générale en secteur 1, je n'ai même pas dit qu'il n'y avait aucun médecin généraliste dans les penseurs du texte, cela va de soi, la médecine générale étant, pour ces techno-politiques, une spécialité sans contenu, sans pratiques, sans réflexion, sans cursus, la poubelle pour les mal classés de l'ECN (l'examen classant national)... On va bien m'en trouver un qui a participé, un médecin généraliste croupion, un mi-temps qui fait aussi du syndicalisme ou de la politique, je prépare déjà un communiqué rectificatif... Dont acte.
Enfin, le rapport n'a pas oublié de parsemer le texte de mots valises (les technocrates cochent les petites cases en face des mots valises pour s'assurer qu'ils n'ont rien oublié) convenus : les déserts médicaux, le paiement à la performance, les soins coordonnés, la tarification à l'activité, le modèle bismarckien, le panier de soins, l'accès aux soins...
Le secteur public signifie bien entendu l'hôpital public et ses dépendances, c'est à dire l'administration forte de ses prérogatives régaliennes, de son bréviaire néolibéral (La Loi Organique Relative aux Lois de Finance -LOLF- de 2001 et la RGPP de 2007 LA) et de sa culture du progrès ininterrompu vers des lendemains qui chantent (secousses crypto marxistes et relents anti Lumières) et ses médecins salariés qui appliqueraient les Données de la Science en accord avec les canons de la Justice sociale et de l'Humanisme dans un monde extraordinaire où administration, médical, paramédical et personnel en général vivraient dans l'harmonie perpétuelle du Bonheur ininterrompu (défini par l'OMS).
Il a dû échapper à Terra Nova que l'hôpital public était en crise. Puisque rien ne fonctionne, prenons-en le modèle. L'hôpital public ne peut être en crise selon Terra Nova puisque l'adjectif public est à la fois le contenant et le contenu, le signifiant et le signifié de la morale de gauche. Et d'ailleurs, s'il est en crise, il y a des solutions : plus d'argent, plus de personnel, plus de normes, plus de contrôleurs de gestion, plus d'administratifs apprenant la médecine aux médecins, plus de Comités Théodule, plus de réunions de concertation, plus de réunions de pilotage, plus de cases à cocher, plus de QCM à remplir, plus de rapports à envoyer, plus de couches décisionnelles, de chefs, de sous-chefs, de superviseurs...
Il ne s'agit pas de ma part, bien entendu, de l'esquisse d'un plaidoyer pour l'hôpital privé ou pour la clinique privée, où, me dit-on, de grands groupes ont investi de façon probablement philanthropique et où les appendices sont appendicectomisées, les vésicules vésiculectomisées et autres babioles dans le même métal, sans compter les usines à stents ou les entrepôts dédiés aux fibroscopies de tous les métaux, aux angiographies et autres scanners et IRM effectués à la chaîne...
Penser que le modèle de l'hôpital public est convaincant est pour le moins hardi. C'est plutôt la désorganisation, le manque d'implication, la dé responsabilisation, la normalisation, et, last but not least, les effets indésirables de l'hospitalisation qui sont à considérer. Tant que plus de 30 % des personnes hospitalisées auront attrapé une infection durant leur séjour...
Le secteur public a bien entendu besoin qu'on l'aide pour comprendre la contre-productivité de son organisation. Le secteur public a besoin qu'on redéfinisse ses tâches, a besoin de réfléchir à ses pratiques plutôt qu'à vouloir les étendre ailleurs sous les vocables de collaboration, de réseaux (LA), d'hospitalisation à domicile (ICI), en enrôlant les libéraux dans cette galère, médecins généralistes comme paramédicaux (LA) qui viendraient à la rescousse des premiers en diminuant le coût du travail. Terra Nova n'a pas oublié quelques phrases "sociales" dans la lignée des dispensaires de l'avant ou de l'après guerre en convoquant les médecins de PMI, les médecins scolaires et sans omettre de fustiger les médecins du travail, agents du patronat.
Il a dû échapper à Terra Nova que l'hôpital public était en crise. Puisque rien ne fonctionne, prenons-en le modèle. L'hôpital public ne peut être en crise selon Terra Nova puisque l'adjectif public est à la fois le contenant et le contenu, le signifiant et le signifié de la morale de gauche. Et d'ailleurs, s'il est en crise, il y a des solutions : plus d'argent, plus de personnel, plus de normes, plus de contrôleurs de gestion, plus d'administratifs apprenant la médecine aux médecins, plus de Comités Théodule, plus de réunions de concertation, plus de réunions de pilotage, plus de cases à cocher, plus de QCM à remplir, plus de rapports à envoyer, plus de couches décisionnelles, de chefs, de sous-chefs, de superviseurs...
Il ne s'agit pas de ma part, bien entendu, de l'esquisse d'un plaidoyer pour l'hôpital privé ou pour la clinique privée, où, me dit-on, de grands groupes ont investi de façon probablement philanthropique et où les appendices sont appendicectomisées, les vésicules vésiculectomisées et autres babioles dans le même métal, sans compter les usines à stents ou les entrepôts dédiés aux fibroscopies de tous les métaux, aux angiographies et autres scanners et IRM effectués à la chaîne...
Penser que le modèle de l'hôpital public est convaincant est pour le moins hardi. C'est plutôt la désorganisation, le manque d'implication, la dé responsabilisation, la normalisation, et, last but not least, les effets indésirables de l'hospitalisation qui sont à considérer. Tant que plus de 30 % des personnes hospitalisées auront attrapé une infection durant leur séjour...
Le secteur public a bien entendu besoin qu'on l'aide pour comprendre la contre-productivité de son organisation. Le secteur public a besoin qu'on redéfinisse ses tâches, a besoin de réfléchir à ses pratiques plutôt qu'à vouloir les étendre ailleurs sous les vocables de collaboration, de réseaux (LA), d'hospitalisation à domicile (ICI), en enrôlant les libéraux dans cette galère, médecins généralistes comme paramédicaux (LA) qui viendraient à la rescousse des premiers en diminuant le coût du travail. Terra Nova n'a pas oublié quelques phrases "sociales" dans la lignée des dispensaires de l'avant ou de l'après guerre en convoquant les médecins de PMI, les médecins scolaires et sans omettre de fustiger les médecins du travail, agents du patronat.
La prévention est l'autre pilier de cette politique de gauche avec dans le rétroviseur la vision archétypale des dispensaires ouvriers, des idées toutes faites comme Prévenir c'est guérir, Il vaut mieux prévenir que soigner, Dépister c'est gagner du temps. Ce que nous lisons entre les pages 17 et 48 ne laissent pas de nous ennuyer. Tous les poncifs défilent : les trois niveaux de prévention, les maladies environnementales, les dégâts de l'obésité, les bilans de santé, le plan cancer, la coordination, l'intensification du dépistage, le tabagisme, l'alcoolisme... On rêve en lisant qu'il faut rapprocher les PMI de la médecine scolaire, c'est à dire rapprocher le rien quantitatif avec le rien quantitatif de deux institutions à la dérive. Déléguer des tâches de santé publique aux enseignants : sur quels critères ? Sur quelle formation ? L'école n'arrive pas à apprendre à lire et à écrire aux enfants des cités et on va lui demander, en plus, de les former à l'hygiène et à la santé, sans compter l'éducation sexuelle ! La prévention en milieu scolaire, c'est aussi les menus dans les cantines, c'est aussi des toilettes propres dans les établissements d'enseignement, c'est aussi... La prévention, c'est bien, voilà, c'est dit, pourtant on ne trouve rien dans ce rapport sur les résultats des campagnes de prévention, le rapport coût-efficacité et le rapport coût-utilité, rien sur le sur diagnostic, rien sur le sur traitement, rien sur le disease mongering, rien sur la sécurité sanitaire, et cetera. Ce sont les médecins de famille qui pourraient assurer ces tâches de prévention (et qui les assurent le plus souvent) mais ils vont disparaître. La prévention est une vaste entreprise morale et technocratique et on devrait toujours se rappeler, pardon si je me répète, cela fait partie de mes idées fixes, la fameuse, la trop fameuse, phrase de David Sackett : "La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations."
Plus généralement, la seule idée un peu neuve que le PS avait mise en avant et qui aurait permis une réflexion générale sur les soins, l'idée du CARE (voir ICI et LA quelques prémisses et mille excuses pour le post que je n'ai toujours pas écrit sur ce que je considère être une des grandes avancées réflexives dans le domaine de la santé depuis de nombreuses années, mais, c'est promis, je vais m'y coller), elle a été enterrée sous les coups de boutoir des marxistes qui considèrent que le Care est une joyeuse plaisanterie de dame patronnesse, des opposants à toute forme d'idée qu'il existe un patriarcat dévastateur dans l'organisation sociale (les mêmes ou les héritiers de ceux qui pensaient, après la parution du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, qu'il s'agissait d'une manoeuvre de diversion bourgeoise, la domination des femmes étant une simple conséquence du capitalisme), des machistes ordinaires et des partisans de l'ignorance du travail invisible des femmes et de la non écoute de la voix inattendue des femmes.
Là où nous abordons le sublime, c'est lorsque dans une envolée lyrique dont les Think Tanks doivent avoir le secret, Terra Nova nous propose page 98 des solutions "Pour un Etat sanitaire plus démocratique." Les propositions 27, 28 et 29 sont croquignolesques : Cela commence mal quand je lis la proposition 28 : "Renforcer les compétences des Agences régionales de Santé dans le domaine ambulatoire". Les habitués de ce blog savent comment les ARS conçoivent la démocratie (ICI) et combien son chef a une façon à lui d'exercer la démocratie avec ses personnels (LA). Mais ce n'est pas tout. La proposition 27 me rend rêveur quant aux capacités de l'Etat, vous savez l'Etat de canicule, l'Etat de grippe, l'Etat des Experts, l'Etat de Mediator, de gérer l'ambulatoire. "Transférer l'administration du secteur ambulatoire de l'assurance maladie vers l'Etat, tant à l'échelon national que régional". Sans oublier la proposition 28 "Créer une Agence exécutive de l'organisation des soins au sein du ministère de la santé", ce qui signifie en bon français organisationnel augmenter le nombre de couches entre les gens de terrain, les rameurs généralistes, pour améliorer l'exécution (mais Terra Nova avait déjà créé une autre Agence, Proposition 14).
Les grandes absences de ce rapport qui s'appelle on le rappelle "Réinventons notre système de santé" : l'infiltration de l'appareil d'Etat par Big Pharma, le rôle néfaste des Agences, un système d'épidémiovigilance étique (à défaut d'être éthique), l'absence d'enseignement de la médecine de famille et, plus généralement, une nécessaire réforme des études de médecine, moins de QCM, plus de philosophie...
Enfin, quels sont les modèles proposés ? Les Français ont souvent tendance à appliquer les méthodes des autres lorsqu'elles ne fonctionnent plus (cf. le Paiement à la Performance, le P4P anglais) et Terra Nova de nous citer les HMO américaines, quelle nouveauté, le système anglais (où il n'y a QUE des médecins de famille et où le délai pour se faire opérer une hanche arthrosique à l'hôpital est de l'ordre de plusieurs années) et les modèles néerlandais et suédois (très en vogue, ce dernier) où la médecine de famille est en première ligne et où les ressources sont prioritairement allouées à la médecine de famille (soins primaires).
Nous en tirons plusieurs conclusions : premièrement, les socialistes, quelles que soient les obédiences, considèrent que l'hôpital est la source de tous les biens ; deuxièmement, que la médecine moderne doit être centrée sur de grosses structures, seules capables de gérer les inégalités de la société ; troisièmement que la prévention viendra à bout des maladies. Qu'il est loin le temps où la gauche lisait Ivan Illich... Qu'il est loin le temps où la gauche lira Carol Gilligan et Joan Tronto...
Amen.
J'avais oublié de vous donner des informations sur les "partenaires", oh que le terme est mignon, de Terra Nova, la Fondation Progressiste (sic). Renversant : LA.
(Photographie : David Sackett, né en 1934, pour lequel vous trouverez quelques informations sur le site de son université - ICI - et trois lignes sur Wikipedia, lui qui est un des plus grands penseurs de la médecine, je pèse mes mots... LA ; lire ICI un de ses textes fondateurs)
PS du 18/09/12 : un rapport de l'Inspection Générale des Finances souligne la gabegie dans les Agences gouvernementales, leur gestion calamiteuse, et le fait qu'elles soient en doublon. ICI
D’accord avec toi. Et avec l’analyse de Christian Lehmann.
RépondreSupprimerUne formatrice chevronnée en Santé publique nous avait dit : « Si vous voulez connaître les priorités en santé publique n’écoutez pas les discours des politiques, intéressez vous au vote des budgets ».
Comme toi et CL le remarquez finement, faute d’évoquer des aspects cruciaux, le texte n’est qu’une accumulation de vœux pieux.
La T2A, par exemple, comme l’analysent tous les rapports récents, a contribué à enrichir les cliniques privées propriété, de plus en plus souvent, de groupes financiers, et à endetter l’hôpital public, c'est-à-dire à le rendre dépendant de ces mêmes groupes. De même pour la carte blanche octroyée aux labos pour influencer les médecins à l’hôpital et les politiques d’achat des pharmacies hospitalières. C’est un désastre financier et un désastre en termes de qualité des soins.
De la même manière, ce club très sélect où siègent d’éminents personnages qui peuvent cumuler les casquettes, ses membres faisant parfois à la fois partie de ce comité et de la DGS (direction générale de la santé) donc du ministère, club très sélect où se négocient, entre amis, les prix des médicaments, j’ai nommé le CEPS (Comité Economique des Produits de Santé), ce club très sélect n’est même pas mentionné dans le document. Pourtant les petits arrangements entre amis qui s’y pratiquent de longue date entre membres de ce comité et représentants de l’industrie pharmaceutique sont la source directe du gaspillage de plusieurs milliards d’euros annuels en médicaments n’apportant pas de bénéfice à la santé publique mais générant des effets secondaires inédits. Ceci était pointé par le rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale de novembre 2011. Terra Nova suggère timidement de renforcer les contrôles pour les nouveaux médicaments alors qu’un grand ménage permettrait d’éponger en un clin d’œil le déficit de la sécurité sociale sans aucun inconvénient pour la santé publique.
Enfin, certaines expressions, résument toute l’ambivalence des membres de Terra Nova. Lorsqu’ils disent, par exemple, qu’investir dans la santé des jeunes est « rentable » et qu’ils parlent, dans d’autres documents, de « capital santé ». Cela montre qu’ils ont totalement intégré les logiques qui sont à l’origine de toutes les dérives qu’ils prétendent dénoncer. Les personnes ne seraient pas des citoyens, intéressées au bien commun, dont elles seront bénéficiaires autant qu’elles en feront bénéficier des tiers, mais des individus égoïstes en compétition permanente les uns avec les autres pour préserver un « capital » fini qu’il faut faire fructifier et rentabiliser.
Ces concepts laissent de côté tout un pan de l’humanité qui nous constitue et qui se retrouve dans le « care » et qui se traduit par le besoin d’être utile à autrui et de donner un sens autre que quantitatif à notre investissement personnel.
Et ces concepts, partie intégrante de la pensée unique néolibérale, contribuent à la destruction progressive de la démocratie qui ne peut exister que dans le débat et dans le conflit entre idées et intérêts contradictoires portés par des groupes porteurs non seulement d’intérêts mais de valeurs, et non des individus isolés, des consommateurs se battant pour augmenter leur « capital ». Cf à cet égard le professeur en sciences politiques de Berkeley, Wendy Brown.
revoir ceci a retro, lire C. Lehman et Docdu16 là dessus permet une forme de conclusion: depuis 2004, la clique à Douste et la réforme "médecin traitant", on savait que la droite comptait enterrer le premiers recours (la MG en particulier). Cette fois, à lire la gauche (celle qui avait inventé le certes non révolutionnaire mais innovateur "médecin référent"), on se dit que celle-ci compte, quant à elle, organiser les obsèques. La médecine générale est effectivement en train de mourir définitivement.
RépondreSupprimert lambert
@ Anonyme: en Allemagne c'est le gouvenement de gauche qui a evndu son systhèm de santé aux investisseurs, au model à la USA! Personne ne dit rien, tous souffrent et acceptent l'idée que les soins ne sont pas pour tous, ainsi que certains jeune politiciens ont émis l'idée que certains traitement ne devraient plus etre permis, octroyé à des gens à partir d'un certain âgé car seulement facteur de charge, inutile pour la société et l'économie! L'Humanité est bien malade, voire mourante et personne ne lutte pour sa survie, son retablissement - sauf dans de beaux discours vide de tout sens ou disant justement le contraire de ce que les mots définissent habituellement! Dommage qu'il n'y a plus d'auteurs comme Zola ou Voltaire pour crier fort contre l'Injustice et le Scandale.
RépondreSupprimerBonne soirée à tous
Je ne sais pas si la médecine de premier recours est en train de mourir. Le fait est qu'elle en prend bien le chemin et que si on voulait leur couper la tête les MG l'ont mis sur le billot en acceptant la P4P.
RépondreSupprimerC'est la pire forme de subordination, l’aliénation de l'indépendance du médecin en matière de prescription, contraire au code de déontologie et obtenue à peu de frais en promettant une hypothétique prime soumise à l'arbitraire de l'administration.
Je suis pourtant persuadée que la médecine de premier recours est le seul rempart contre l'irruption de l'arbitraire et l'évolution vers une médecine à l'américaine aussi coûteuse qu'inefficace et iatrogénique.
C'est ce que prépare Terra Nova en voulant accroître le rôle de l'hôpital dans le suivi des malades chroniques .
L'argument central est l'augmentation des pathologies chroniques. En oubliant que cette augmentation est très largement artificielle. Une revue de santé publique américaine estimait, en 2005 que l'abaissement des seuils définissant l'hypertension artérielle avait augmenté le nombre de patients américains traités de 23 millions (diviser grossièrement par 5 pour avoir l'équivalent en France). Et l'abaissement du seuil de l'hypercholestérolémie avait accru le nombre de patients traités par statines, et la modification des seuils de l'hyperglycémie a accru le nombre d'américains traités de 12 millions.
Quant à ces autres pathologies chroniques que sont les cancers, ils sont très largement dominés par les cancers dont le dépistage systématique est largement contestable et contesté puisque d'après l'observatoire européen du cancer les cancers de la prostate, par exemple, représentent 34% des cancers de l'homme (qqs 65000 sur 189 000) mais 11% des décès. Il en est de même pour le cancer du sein chez la femme qui représente 35% des cancer dépistés (qqs 50 000) mais 19% des décès (qqs 11 000).
M'est avis que les médecins généralistes devraient se battre pour obtenir un paiement en partie par capitation pour pouvoir suivre ce type de patients et faire de la prévention et devraient se battre pour jouer un rôle plus important dans la formation initiale et continue. Terrain que les labos se sont employés à occuper depuis longtemps car ils en connaissent l'importance stratégique.
Pour l'allusion au plan variole devenu plan grippe (j'aborde le thème traité par ce biais), j'ai entendu Didier Houssin alors qu'il intervenait au colloque sur les vaccinations organisé par des parlementaires le 4 mai 2011, dire que l'expérience de la vaccination contre le H1N1 nous oblige à revoir notre plan variole qui prévoyait de vacciner toute la population en 14 jours … On ne pouvait pas le savoir sans ça ?
RépondreSupprimerCe n'est d'ailleurs pas le seul problème ! Il y aurait des choses à dire aux conséquences énormes sur ce plan variole et sur toute l'affaire de la vaccination antivariolique depuis son origine jusqu'au plan variole en passant par la campagne d'éradication qui illustrent parfaitement ce qui se produit aujourd'hui, ou plutôt à préparé ce qu'on observe maintenant.
Pour résumer : il fallait cacher, ou du moins ne jamais reconnaître des faits pourtant bien documentables dans le seul but de ne pas nuire à la bonne réputation du produit utilisé. Cette attitude a débuté à très grande échelle avec la vaccination antivariolique et c'est elle qui a permis d'institutionaliser cette attitude et de la faire accepter à gauche comme à droite.
J'ai fait une compilation de textes de cette époque [1]. On y découvre que pour les experts, la cause de toutes les épidémies était...''le génie épidémique'' !!! Cent ans plus tard, l'OMS, pour expliquer les épidémies ''explosives, inattendues et sans précédent'' observées au Bihar en 1973-74 ne fera pas beaucoup mieux [2]. Il ne fallait pas reconnaître que c'était la rencontre du virus de la variole et de la vaccine qui était ''explosive'', annulant l'immunité acquise par des vaccinations précédentes ou par la variole elle-même. On pouvait le savoir dès 1870. C'était d'ailleurs la rumeur publique parfaitement fondée sans doute mais que les experts de l'époque s'appliquaient à railler. Il n'y a rien de changé aujourd'hui.
C'est, à mon sens, le problème majeur en médecine : la très grande difficulté à faire reconnaître un fait, une propriété d'un produit quand il est utilisé d'une certaine façon, si cela dérange. L'affirmation d'une autorité tient lieu de preuve scientifique. Pourtant, les expérimentations animales commencent à le mettre en évidence pour la vaccination antivariolique [3]. Mais un tel entêtement a couté extrêmement cher aux populations [2] et la leçon n'est toujours pas apprise.
Pendant la guerre de 1914 il était expliqué aux parisiens, pour ne pas les troubler, que les obus allemands faisaient pschitt comme de l'eau. Eh oui, en 1914 les allemands tiraient avec des canons à eau !!! Mais que faire si les populations ont envi d'y croire ?
[1]
http://p5.storage.canalblog.com/56/75/310209/68965169.pdf
[2] http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2012/02/03/23430717.html
[3] http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2012/01/03/23148650.html
Ja préfère toujours les remèdes naturels et la médecine douche quand cela est possible, sinon on va dans nos cher hôpitaux ou de gentil médecin nous attendent et traitent nos maux avec leurs moyens (qui diminuent).
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