jeudi 25 octobre 2012

La prévention selon la CPAM maltraite le patient (et le médecin traitant) et conduit à des examens inutiles.


J'avais déjà écrit un post sur la prévention conçue par la CPAM (ICI), prévention appelée examen périodique de santé, qui délègue à des officines privées le soin de la "pratiquer", des officines qui se moquent complètement de l'organisation du système de soins et notamment de la notion de médecin traitant, des officines qui se moquent complètement des recommandations pour prescrire des examens, font ce qu'elles veulent, quand elles veulent, au moment où elles veulent et publient des commentaires déplorables. J'avais écrit au directeur de la CPAM des Yvelines (ma naïveté me rend perplexe) qui m'avait répondu dans un style administratif d'une grande compétence qu'il ne faisait que suivre la loi et qu'il fallait que je m'adresse au médecin responsable du centre de prévention pour ce qui était de mes remarques médicales (probablement dans le but qu'un simple médecin généraliste, pas encore médecin spécialiste en médecine générale, fasse respecter la Médecine comme on dit respecter la LOI. Combien de divisions, docteurdu 16 ?).
Tout a donc continué comme avant, pourquoi se gêner ?
Il y a, certes, depuis, une publication de la Collaboration Cochrane, qui montre que les bilans de santé ne servent à rien (LA), mais les experts français ne considèrent pas que cette Collaboration puisse dire des choses intéressantes tant pour la vaccination contre la grippe (LA) que pour le dépistage du cancer du sein (ICI) et, en général, voici le mode de pensée français (au moment où on s'interroge sur l'identité nationale) :
Première version : Les Français se lancent à corps perdu dans des innovations innovantes que tout le monde nous envie, s'y perdent, s'y noient, et prennent du retard sur l'innovation innovante mondiale (Minitel puis Internet).
Deuxième version : Les Français se moquent de ce qui se fait ailleurs (c'est quand même nous les meilleurs), finissent par s'y mettre avec retard et avec beaucoup de sérieux sans tenir compte du fait que les expériences étrangères ont échoué (Capi et P4P).

Et là, je reçois un patient d'origine africaine, Monsieur A, 46 ans, parlant difficilement le français, en France depuis quelques années, patient du cabinet depuis son arrivée en France, qui a été convié par une de ces officines, appelé pompeusement Centre d'Investigations Préventives et Cliniques (CIPC, ICI), et j'aimerais tant que l'IGAS s'intéressât à son fonctionnement, à des examens de dépistage et que je revois, inquiet, avec un compte rendu, deux prises de sang, un scanner abdominal et une cholangio - IRM... 
Pendant ce temps là le nouveau Directeur de la CPAM des Yvelines pond des circulaires à la khon pour obliger les patients à consommer du générique et pour atteindre le taux de 85 % qui lui permettra de toucher son P4P de directeur de caisse...
Reprenons les faits depuis le début.
Monsieur A, 46 ans, a été convoqué par le CIPC (C.E.S. conventionné par la Sécurité Sociale, sic) à subir un examen périodique de santé, c'est à dire des examens GRATUITS dans son centre de Mantes-La-Jolie et dans des locaux que j'imagine prêtés gratuitement (enfin, sur des fonds publics) par la ville en question. La gratuité est une notion qui laisse rêveur quand on sait qui paie (les assujettis de la CPAM) et quand on connaît le rendement de l'affaire en termes de santé publique.
Il arrive avec une grosse pochette d'examens que nous allons examiner ensemble :
  1. Il est examiné le 26 mars 2012 et reçoit un courrier daté du 30 avril 2012 signé par le Docteur  D*** qui comprend 5 pages et des résultats d'examens complémentaires.
  2. "Le bilan ci-après ne montre pas, dans son ensemble, d'anomalies remarquables"
  3.  "..." "Nous attirons votre attention sur le fait que les éléments ci-après sont à prendre en compte : - tension artérielle limite (sic) - anomalie du bilan urinaire - globules rouges limites - bilan lipidique limite - bilan hépatique limite "
Reprenons les faits un à un.
  1. "Tension artérielle limite" (la notion de "limite" est assez nouvelle et nul doute qu'il faudrait que nous analysions en détail ce qu'elle signifie. Une recherche sur PubMed a été décevante, nous l'avouons bien volontiers. S'agit-il d'une pression artérielle normale ou anormale ? ). Les chiffres sont les suivants pour la première mesure en position couchée : 146/90 à droite et 141/90 à gauche ; la deuxième mesure effectuée nous dit-on par une infirmière (mais la position n'est pas notée) au bras de référence (à droite) : 142/92, ce qui nous donne, accrochez-vous aux barrières de votre lit médicalisé, des valeurs "moyennes" au bras droit de 144 (146 + 142 / 2) / 91 (90 + 92 / 2) ! Avouons que leurs calculs sont compréhensibles ! Je ne sais pourtant pas d'où ils tirent leurs notions. Les recommandations du NICE anglais ne demandent pas de faire des moyennes mais de prendre la valeur la plus BASSE lors de mesures répétées et notamment quand une infirmière a mesuré la pression artérielle (voir ICI). Monsieur A n'a pas une pression artérielle limite, il n'est tout simplement pas hypertendu.
  2. "Anomalie du bilan urinaire". Le bilan biologique a été réalisé au laboratoire de l'IPC dont le Directeur s'appelle J-M Kirzin (pharmacien biologiste). Les dépistages urinaires sont "qualitatifs", la Bandelette Combur-7 ROCHE indique 2 pour une normalité à 0+, et le commentaire est "Leucocyturie modérée à vérifier"
  3. "Globules rouges limites". Cette expression est également on ne peut plus précise et digne d'un questionnement. Je lis 5,54 GR avec un VGM à 80 et une Hb à 14,5 g / l ????
  4. "Bilan lipidique limite". Je dois être totalement ignare chez cet homme de 46 ans non fumeur : CT = 2,1 g/l ; TG = 1,08 ; HDL = 0,5 ; LDL = 1,38. Sans commentaires. Cela dit, suivent des conseils hygiéno diététiques pour "que l'alimentation devienne plus pauvre en cholestérol et en graisses saturées".  Conseils non personnalisés puisque le patient est musulman...
  5. "Bilan hépatique limite". Nous sommes confrontés à des problèmes d'interprétation majeurs puisque les résultats sont les suivants : ALAT = 55 UI/L (N < 55) ; ASAT = 35 (N < 35) ; GGT = 75 ; "gGT modérément augmentée à surveiller" ; Phosphatase OH = 78.
On voit combien les points sur lesquels le bon docteur D*** a "attiré l'attention" sont majeurs. Mais attendez la suite.

Pendant mes vacances (il a appelé le cabinet et ne voulait consulter ni mon associée ni ma remplaçante) et le patient résidant à Paris chez sa soeur pendant ses vacances, il se rend, alerté par l'attirage d'attention du CIPS, au Centre médical Europe, 44 rue d'Amsterdam, 75009, Paris, où le patient a droit,   le 21 juillet 2012, aux examens suivants demandés par le docteur C*** : VS = 6 ; TP = 100 ; ferritine = 82. 

Le docteur C***, gastro-entérologue de son état, a aussi prescrit le 18 juillet 2012 l'ordonnance suivante : Daflon 500, Hirucrème, titanoréine suppo, aerius, dexeryl et doliprane. 

Le 20 juillet de cette an de grâce 2012 où notre Ministre Marisol Touraine "révolutionne" les honoraires, et toujours selon la prescription du bon docteur C*** consultant au 44, rue d'Amsterdam, Monsieur A, 46 ans, a droit à une échotomographie abdominale réalisée, savez-vous où ? Au 44 rue d'Amsterdam ! L'indication de cet examen : "Augmentation des Gama (sic) GT". L'examen est normal selon le bon docteur M*** : "Foie homogène de taille normale".

Notre bon patient, Monsieur A, 46 ans, revoit avec ses résultats le non moins fameux docteur C***, qui prescrit un bilan biologique qui sera fait le 26 septembre : Gamma GT = 94 ("Aspect sans grande particularité"). Il prescrit une cholangio IRM qui sera réalisée dans la foulée dans un autre centre privé et le docteur S*** conclura : "Examen sans particularité."

Et ainsi revois-je Monsieur A, 46 ans, qui aura "droit" à un dosage de GGT dans trois mois. Comment faire autrement ? A part cela, et à part un peu d'anxiété liée à cette cascade d'examens, il va bien.

Remarques :
  1. Il faudrait aller voir un peu ce qui se passe chez CIPC
  2. Il faudrait voir ce qui se passe dans ces centres médicaux intégrés où je te passe le patient, je te le repasse, je te le renvoie et le tiroir-caisse fonctionne
  3. Tout le monde s'assoit sur le parcours de soins.

18 commentaires:

  1. Affligeant...

    Ça me fait penser que je dois avoir une bonne dizaine de lettres de la sécu, m'enjoignant affectueusement à retourner "le plus rapidement possible" l'imprimé "Suite d'Examen de Santé" (notez les majuscules), celui-là même qui nous est adressé lorsque, un de nos patients ayant bénéficié gracieusement d'examens "de prévention" dans un centre agrée de la CPAM, il aura été noté une "anomalie", comme une hypertension "limite" ou un taux de cholestérol "limite"...
    Je les stocke dans une grande enveloppe kraft...
    Que je stockerai sans doute bientôt dans le grand placard de la pièce d'à côté, celle où je vais faire mes besoins...

    Ça va me coûter cher en enveloppes kraft tout ça.

    Bonne journée !

    Frédéric

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  2. Pardon, je voulais bien sûr dire : "une pression artérielle limite".
    Je ne voudrais pas me faire taper sur les doigts par un anesthésiste de passage...

    ;)

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  3. Une question stupide (mais bon ne résident plus en France): est-on obligé d'y aller à ces convocations? Si on n'a point envie d'y aller, fera-t-on pression jusqu'on cède? Et le médecin traitant dans tout cela? Ne suffit-il pas à assumer la prise en charge de l'assuré/patient?

    Bonne journée

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  4. @ Chantal. J'avais déjà expliqué cela dans un post précédent. Le patient reçoit une convocation qui n'est pas une injonction mais qui est sous l'égide de l'Assurance Maladie. Qui pourrait résister au prestige d'un check-up contextualisé dans celui de la médecine peut tout et surtout tout prévenir. Nous avons tous les jours des patients qui, dans nos cabinets, veulent un bilan pour savoir s'ils ont un cancer... L'invitation précise que c'est gratuit et que l'on peut communiquer les examens à son médecin traitant... C'est ainsi que des patients diabétiques traités par moi apprennent qu'ils le sont. A l'origine, comme toujours, il s'agit d'une belle idée : faire profiter d'un bilan de santé à des patients qui n'ont pas les moyens d'aller chez le médecin ou qui oublient de le faire. mais c'est désormais perverti.
    Ce n'est pas obligatoire.
    Bonne journée.

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  5. Je trouve l'attitude du centre de soins très limite !

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  6. Chez moi, c'est la cpam qui "invite" les patients (âgés de 5 ans et plus) avec consult médicale après auto-questionnaire ,BU et bs de base, biométrie, audiogramme, et +/- (seulement si non fait dans l'année) bilan dentaire, ophtalmo, gyneco. +/- selon besoins du patient cs psychologue et/ou diéteticienne.
    Le tout dans les locaux de la cpam.
    Oui ça peut court-circuiter le MT, et il est vrai que les conclusions des bilans sont par trop standardisées, pouvant être source de fausse inquiétude.
    Mais cela n'a-t'il pas un intérêt pourles patients qui ne consultent jamais de mg ou d'ophtalmo?

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  7. @ Yem
    Je parlais ici et dans mon post précédent de patients dont j'étais le médecin traitant.
    Est-ce bien ? demandez-vous. Les bons sentiments, c'est bien mais il faut savoir si c'est efficace en général.
    Les patients qui ne consultent jamais de médecins, le font-ils parce qu'ils sont négligents, sans ressources ou parce qu'ils ne ressentent rien ?
    Le bilan ophtalmologique est intéressant mais iront-ils acheter des lunettes ?
    Je conteste la façon dont c'est fait.
    Je raconte mais on pourra toujours trouver l'exemple d'un patient "sauvé".
    Bonne journée.

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  8. Effectivement affligeant... Je conseillerais volontiers aux "décideurs" qui pondent ces c*** de repasser (de passer ?) leur permis (d'exercer) sur les points suivants :
    Surdiagnostic
    Surtraitement
    faux-positifs
    Etudes coût-efficacité (il paraît qu'on va s'y mettre ?)
    Serment d'Hippocrate
    Conflits d'intérêts
    Surmédicalisation de la société
    Balance bénéfices-risques
    etc.
    MG en colère
    PS : si on en croit le principe de Peter, malheureusement, c'est foutu pour eux, ils ont atteint leur niveau d'incompétence... Dommage pour les patients (et pour les personnes en bonne santé qui ne sont pas -s'agissant des "bilans de santé"- des patients...)

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  9. En plus une récente étude dont j'ai malheureusement oublié la source vient de démontrer que cela n'emmenait absolument rien en terme de mortalité et de morbidité ASMR = triple zéro, au secours l'IGAS, arrêtez les frais !!!! vite !!, si un lecteur de Docteur du 16 peut retrouver cette étude merci d'avance que je puisse en placarder les résutats dans ma salle d'attente

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  10. @Anonyme du 26 octobre 18:29 : c'est la première référence Cochrane du texte.

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  11. Oups !!! tourner 7 fois la langue ...etc ..etc et surtout relire le texte avant de réagir .. promis je ferais plus!!!. Ceci dit même si j'en suis "persuadé" par mon expérience (qui bien sûr n'a aucune valeur stat ) ces études sont peu convaincantes du fait ancienneté, biais de recrutement ..etc mais c'est sûr, elles devraient (comme pour les OGM ?) imposer de nouvelles études "indépendantes" sur l'utilité individuelle et collective de ces "examens de santé" à la "Khôn"; avec en plus les coûts à la clef, pour voir avec quelle cuiller on agrandit le fameux "trou" sécu.

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  12. Petites curiosités :
    - Monsieur A a-t-il vraiment eu un scanner abdominal et une cholangio-IRM ?
    - Monsieur A a-t-il refusé de voir votre remplaçante et votre associée parce qu'elles sont des femmes ?

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  13. @ Anonyme du 28 octobre de 13:14. Les examens, je les ai au cabinet. Deuxième question : Non.

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  14. Les examens périodiques de santé posent des questions à la croisée de plusieurs problématiques.
    Tu as posé quelques jalons et un confrère, Pascal Gilbert, en pose d’autres dans une réflexion que je trouve intéressante. http://pascalgilbert.ouvaton.org/Pdf_complements/Examen_periodique.pdf
    L’examen périodique de santé est à la fois
    1- Une relique du passé
    2- A la pointe du modernisme
    3- Un exemple de ce que peut donner le transfert en masse des missions du service public à des prestataires ou sociétés privés
    1- Une relique du passé car, comme le fait remarquer Pascal Gilbert, il peut comporter des examens qu’il appelle fossiles, comme la radio pulmonaire systématique, dont des multiples études ont fait la preuve qu’elle ne présentait pas d’intérêt dans le dépistage systématique. Néanmoins elle est demeurée longtemps comme le témoin d’une époque où la tuberculose était un fléau de santé publique. Une relique du passé également car ces examens ont été instaurés à une époque où l’accès aux soins était difficile et où l’offre n’était pas pléthorique comme elle l’est actuellement
    2- A la pointe du modernisme car le systématique est à la mode : vaccins systématiques, dépistages systématiques. Le systématique est un allié précieux du « disease mongering », car plus on cherche plus on trouve, et plus on trouve plus on traite. A la pointe du modernisme car cela s’inscrit la CROYANCE SCINETISTE DE TYPE FETICHISTE EN LA VALEUR « PER SE » DES CHIFFRES ET DE LA TECHNIQUE, croyance née avec la société industrielle. A la pointe du modernisme car le patient est invité à se transformer en client, et à croire qu’il peut magiquement prévenir la maladie.
    Si cet examen périodique représente une source de gaspillage dans notre pays, où il est fait à l’initiative d’organismes dédiés financés par l’Etat, c’est une source encore plus importante de gaspillage dans des pays où ce sont les patients- consommateurs-clients qui en ont l’initiative, comme au Canada. Si en France les dépenses inutiles pointées par PG sont de 125 millions d’euros correspondant à 600 000 examens annuels, au Canada, petit pays comparé à la France, de 34 millions d’habitants, ce sont 10,5 millions de visites qui sont effectuées pour une valeur de 2 milliards de dollars. L’auteur de cet article http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3038803/
    Fait remarquer que ces visites sont de plus particulièrement mal ciblées. Cela m’amènera à d’autres réflexions dans le petit 3. Mais, pour en terminer avec le petit 2, PG donne l’exemple du dosage des gamma GT, destinées à dépister la consommation excessive d’alcool (p5). Il fait une belle démonstration de ce que c’est qu’ un examen totalement inutile lorsqu’il est pratiqué ponctuellement en dehors d’un contexte de suivi. En effet, le bon sens populaire ignore, mais devrait apprendre, et les médecins aussi, ce qu’est une valeur prédictive positive. Celle-ci dépend des performances de l’examen pratiqué (spécificité et sensibilité) et de la prévalence (fréquence) d’une maladie dans une population. Lorsqu’un examen a une faible sensibilité (beaucoup de faux négatifs c'est-à-dire, en l’occurrence, de personnes qui ont des gamma GT élevées sans avoir une consommation excessive d’alcool) et en plus une faible prévalence, les chances pour qu’une personne soit vraiment malade lorsqu’elle présente le signe (= valeur prédictive positive) sont faibles. Ainsi, on peut évaluer qu’ une femme prise au hasard, ayant des gamma GT élevées aura une chance sur 10 de consommer de l’alcool en excès. Autant dire que l’examen ne sert à rien par soi-même. Il a seulement un intérêt dans le cadre d’un suivi.

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  15. 3- Le troisième point s’inscrit dans le cadre d’une actualité brulante. Le dépeçage systématique du secteur public, au profit de prestataires privés. Ce dépeçage est fait au nom d’une position idéologique issue de la pensée unique plus ou moins tacite mais rappelée à longueur de journée par tous les médias (effet « lavage de cerveau » garanti) selon laquelle tout ce qui génère des dépenses publiques est inutile cher et improductif car non générateur de croissance et d’emplois et tout ce qui relève du privé est bon car générateur de croissance et d’emplois.
    On peut faire remarquer que le privé et le public ne relèvent pas de la même logique. Le service public, dans le cadre de missions prédéfinies par la loi répondant à la notion d’intérêt général, cherche à répondre à des besoins. A priori il comble donc des manques correspondant souvent à des droits fondamentaux non pourvus par le secteur marchand : manger, s’habiller, se loger, se soigner, être éduqué, se déplacer…Le secteur public n’a, par principe, pas à se soucier de rentabilité, même s’il peut se soucier d’efficacité. Son activité est nécessairement limitée par les moyens qui lui sont affectés.
    Le principe du secteur marchand est d’être rentable. Pour être rentable il doit générer du désir, c'est-à-dire des faux besoins chez des clients solvables. Le secteur marchand ne se soucie pas d’utilité, de droits, d’équité, son unique objectif est la rentabilité. Question de survie. Si on marchandise l’ensemble de la société on est sûr d’avoir énormément de superflu, des quantités d’inutile, pas mal de nuisible et très peu voire pas du tout d’indispensable. Il me semble que c’est ce qui est traité à longueur de temps dans ce blog à propos des pseudo produits miracle de l’industrie pharmaceutique qui, de manière très démonstrative, consacre une part croissante de ses budgets au marketing, c'est-à-dire à la production du désir, plutôt qu’à la production de médicaments. Il me semble aussi que c’est ce qui s’est passé avec les médecins libéraux, à cheval entre deux statuts, n’assumant ni l’un ni l’autre, est un exemple de l’incompatibilité des deux logiques.
    Le numerus clausus avait pour but de limiter l’offre et de limiter donc les dépenses. Les médecins libéraux ont compensé par un surcroît d’activité et par une concentration des cabinets dans les zones les plus rentables, là où les besoins sont faibles. Le pouvoir d’achat des médecins libéraux s’est envolé par rapport à celui des salariés. L’industrie pharmaceutique a tiré profit de cette situation où il fallait offrir du superflu pour satisfaire une clientèle solvable. A l’issue des récentes négociations les médecins ont obtenu que les honoraires soient plafonnés, symboliquement (aucune sanction effective) à 2,5 le prix de base. Pour un médecin spécialiste dont le prix de la consultation est fixé à 28 euros et qui pratique des dépassements systématiques au plafond cela signifie qu’en voyant 30 patients par jour à 70 euros avec 40% de charges il aura gagné un Smic net dans la journée. En travaillant 16 jours par mois il aura gagné 12 fois le salaire médian et environ 7 fois le salaire moyen d’un médecin de la fonction publique territoriale. Payé par la communauté au travers de la sécurité sociale ou des mutuelles. Mais chuut. Il ne faut pas le dire. Il vaudrait bien mieux pour les deniers publics, intégrer les médecins au régime général de la sécurité sociale. Ainsi ils seraient moins « inquiets pour leur avenir ».

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  16. Le cas des assurances de santé privées aux Etats Unis est aussi emblématique. Des soins très chers, des exigences de rentabilité croissantes, une absence de bénéfices pour la population car les soins techniques sont concentrés sur des populations rentables celles-ci ayant trop d’inutile et de nuisible tandis qu’une large frange de la population n’a pas accès à l’indispensable.
    L’exemple de New York et de sa tentative pour réguler la sélection des clients des assureurs de santé est très parlant. La compétition ne joue pas et en réalité et toute tentative de régulation se solde par une correction des tarifs et des coûts à la hausse comme cela été le cas. Le gouverneur de l’état de New York ayant tenté de limiter la sélection des patients par les assureurs privés dans les années 90, comme l’explique cet article du Wall Street Journal de 2009 http://online.wsj.com/article/SB10001424052748703746604574461482860007734.html il a limité les primes imposées par les assureurs aux patients les plus « à risque » (financier ou du fait de la pathologie) et les a obligé à leur vendre des assurances (refus de vente puni par la loi) . On peut dire qu’il a ainsi cherché à plier des assureurs privés à une logique qui est celle du secteur public.
    Le résultat a été in fine, une surcompensation des contraintes par ces assureurs privés, qui, non limités par la demande, la santé étant un besoin et non un luxe, ont augmenté leurs primes de manière exponentielle faisant de l’Etat de New York l’un des plus chers pour les assurés. Le coût d’une assurance santé est de l’ordre de 9000 dollars par an pour un individu et de 26 000 pour une famille. Tandis que le même pourcentage de la population que dans le reste des Etats Unis n’est pas couvert, de l’ordre de 15% (ne pas être couvert aux Etats Unis, signifie qu’on peut mourir dans la rue la gueule ouverte). S’agissant du Wall Street Journal, le journaliste arrive à la conclusion qu’il faut déréguler.
    J’arrive à la conclusion qu’il faut que les besoins fondamentaux soient couverts par des services publics et non par des prestataires privés. Cela coûte moins cher à la population et est infiniment plus équitable et efficace en termes de santé publique.

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  17. Bonjour,
    Je suis moi même médecin généraliste et effectivement je trouvais l utilité des centres d examens de santé assez limitée par le passé .
    Mon épouse ( elle aussi Medecin généraliste , travaille depuis quelques mois dans un de çes fameux " centre d examen de santé ".
    Je me rend compte que cela peut être utile pour des patients n ayant pas de mutuelle et n ayant pas de droit cmu ( il y en a de plus en plus...), ces derniers rechignant à effectuer des actes de prévention ( bio ) quand tout va bien. Elle est étonnée par ce que les patients lui racontent : ils voient le médecin une et seule fois et du coup , peut être , perdent une certaine pudeur acquise avec leur médecin préfèré ( notamment sur les pb sexuel). Enfin sur le plan dépistage pur , elle est quand même tombée Sur quels truc rigolos ( FA, k langue , k thyroïde ...).
    Pensons qu en libéral il n y a pas que des gens sérieux : il y a encore malheureusement qques confrère qui se fient seulement au cholestérol T et non au ldl.

    Effectivement un examen de santé pour un patient bien suivi par son médecin , c est peut être inutile , par contre pour des patients "défavorisés" ou assez nomade , cela peut être intéressant, le ciblage doit être améliorer .

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  18. @ Nicolas :

    Se "fier" à la fraction LDL du cholestérol plutôt qu'au cholestérol total ne me semble pas être un critère très pertinent de "sérieux", mon cher confrère.

    Pourriez vous préciser un peu votre pensée ?...

    Cordialement,

    Frédéric

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