Chaque année revient le Téléthon.
Chaque année il est impossible d'y échapper.
Chaque année des tombereaux d'injonctions morales nous ordonnent de donner.
Chaque année le Téléthon revient comme un cauchemar moral.
Chaque année on exhibe, tels des animaux de foire, des enfants myopathes dans leurs magnifiques fauteuils roulants dernier cri avec internet, GPS, aide à la conduite et anti patinage des roues et avec la possibilité de voir France Télévision en direct.
C'est le triomphe absolu du kitsch tel qu'il a été défini par Milan Kundera dans L'insoutenable légèreté de l'être.
Le kitsch fait naître tour à tour deux larmes d'émotion. La première
larme dit: Comme c'est beau, des gosses courant sur une pelouse !
La deuxième
larme dit: Comme c'est beau d'être ému avec toute l'humanité à la vue de gosses
courant sur une pelouse !
Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est
kitsch.
Vous transformez en "des gosses myopathes souriant dans leur fauteuil roulant" et le tour est joué.
Car le Téléthon est un cauchemar kitsch et, également, un cauchemar moral.
France Télévision fait, dit-on, son boulot de service public, remplaçant la fausse téléréalité par de la vraie, c'est vendeur, coco.
Les animateurs de France Télévision et les vedettes invitées, cette année Franck Dubosc qui nourrit le Téléthon de ses navets, s'achètent une conduite en présentant l'émission au risque de perdre leur santé : ils sont sur scène pendant 30 heures à apitoyer, à s'apitoyer, hurler, faire pleurer, en se douchant dans leur loge, en mangeant des sandwichs, ils n'ont pas le temps de consommer dans leurs tavernes habituelles, vous vous rendez compte...
Les enfants brandis comme Léa, la petite battante (LA) dont on apprend que Elle a l’accent chantant des gens du Sud. Comme la plupart des filles de son âge, elle écoute Beyonce et Jenifer. Elle est une inconditionnelle de Twilight et a adoré Titanic en 3 D. . Purée, tout ça pour ça ! Comme dirait Voltaire : je me battrais pour que vous puissiez écouter Beyonce comme les autres...
Les enfants malades que l'on hisse sur scène et qui supportent leur maladie avec tant de courage comme des héros de dessins animés.
Les enfants malades que l'on hisse sur scène et qui supportent leur maladie avec tant de courage comme des héros de dessins animés.
Les spots de publicité larmoyants qui précisent que grâce à la loi Coluche, en donnant 1 euro on déduit 66 cents des impôts.
Les bénévoles qui courent, qui volent, qui sautent à la corde, qui chantent dans le froid... dans des salles polyvalentes municipales qui vont permettre au maire, au député, au conseiller général, de se faire réélire.
Les donateurs qui s'exonèrent en donnant quelques euro pour la bonne cause dans une sorte de confession publique.
Les industriels du cholestérol qui viennent montrer de gros chèques sur scène : McDo et autres bienfaiteurs de l'humanité. Mais il y a aussi Midas et Primagaz...
Les chercheurs qui trouvent.
L'AFM qui gère.
Le site du Téléthon 2012 (ICI) est un cauchemar de bons sentiments qui me rend mal à l'aise.
PS du 7 décembre 2012 : et il n'y a pas que moi qui m'interroge sur le plan moral ; voir ICI.
PS du 9 décembre 2012 : Jacques Testard et Marc Peschanski parlent de mascarade scientifique à propos des possibilités de thérapie génique : LA
PS du 7 décembre 2012 : et il n'y a pas que moi qui m'interroge sur le plan moral ; voir ICI.
PS du 9 décembre 2012 : Jacques Testard et Marc Peschanski parlent de mascarade scientifique à propos des possibilités de thérapie génique : LA
En lisant votre billet, j'ai été prise d'un fou rire que j'ai du mal à expliquer ... Peut etre parce que moi aussi je suis très mal à l'aise durant le téléthon..
RépondreSupprimerMais si les chercheurs "trouvent", n'est ce pas le principal ? Je ne sais que penser . OUI, il y a des enfants qui souffrent ..OUI, il faudrait que les chercheurs trouvent ... OUI, il faut de l'argent pour payer chercheurs et fauteuils roulants...Qu'est ce qui me gène durant le téléthon ??
DB
Aaaaahhh! Docteur du 16, tu me fais plaisir. Enfin un soignant qui ose s'élever contre la manipulation des plus vulnérables qui met au chaud les consciences et génère des sous. Tout au long de l'année, sous prétexte de témoignage, de reportage ou de coaching, les producteurs utilisent des "gens vrais" avec toutes leurs particularités, prêts à participer gratos pour avoir leur quart d'heure d'éternité, ce qui baisse considérablement les coûts de production. Le téléthon est l'apothéose.
RépondreSupprimerLorsque je fais part de mon désaccord de sortir les enfants handicapés pour les exhiber une fois par an moyennant don et les remettre ensuite au placard, je m'entends régulièrement dire: "ce sont des enfants qui souffrent!". Peut-être souffriraient-ils moins si les écoles étaient équipées de plans inclinés, de ramassage scolaire adapté, de postes d'auxilliaires de vie.
Alors oui, je veux bien voir ces enfants, mais toute l'année, avec les miens à l'école, aux activités, en colo, dans la rue, et pas dans la télé un week-end par an, entourés de rapaces.
Vu le handicap lourd que trimballent ces enfants , il faudrait plus qu'un plan incliné et une auxiliaire de vie ,pour que leur vie ET CELLE DE LEUR parents soit allégée et heureuse .......!
RépondreSupprimerL'argent public que l'on dépense pour notre confort, il faudrait l'équivalent de peu de chose pour éviter cette abomination !
RépondreSupprimerUn rond point de moins par ci par la, une bretelle d'autoroute que l'on oublie, quelques kilomètres de goudron que l'on ne refais pas ...
Père d'un enfant polyhandicapé je n'ai jamais aimé le Téléthon et m'en tiens à distance. Mais je ne suis pas à l'aise : est-ce mon égoïsme ( la myopathie n'est pas la cause du handicap de mon enfant) qui justifie mon appréhension ? Ma pusillanimité mon manque d'esprit positif, d'entreprise qui me fait adopter cette position de retrait ?
RépondreSupprimerje suis très perplexe. Je n'ai jamais exprimé ouvertement mon opinion, mes doutes à d'autres parents. D'ailleurs quand on a un enfant très handicapé, on n'a guère le temps d'avoir des échanges avec d'autres parents eux-mêmes forts occupés... ( mais certain parents sont des exemples d'engagement exceptionnels)
Je suis impatient de lire les commentaires qui viendront compléter votre article.
En attendant laissez moi faire l'éloge d'un film formidable -j'ose le mot- : Hasta la vista. (http://www.hastalavista-lefilm.com/ ) [ je n'ai pas été voir le film Intouchables ; guère envie d'aller le voir ]
Là, c'est moi qui suit mal à l'aise en lisant ce post. En fait, j'ai essayé de lire entre vos lignes...mais je n'arrive pas exactement à savoir au final, ce qui vous anime AU FOND pour écrire ce billet.
RépondreSupprimerOK c'est kitsch, OK ça fait pleurer dans les chaumières, OK ce n'est qu'une fois par an...Doit-on pour autant être aussi vindicatif? Est-ce que les fonds récoltés, les labos de recherche financés et les découvertes fondamentales ne valent pas un peu de kitsch?
Je pense qu'on a passé le temps de cacher ces enfants et leurs familles, comme avec les trisomiques il y a 50 ans...
Je pense que ces gens qui souffrent, certes toute l'année, ont peut-être leur heure de gloire pendant un seul week-end...et si ça leur faisait du bien? Je suis parfaitement d'accord avec Armance qui dit que ces enfants devraient avoir une vie normale toute l'année...mais peut-être qu'à force, les mentalités changeront?
Si Lino Ventura n'avait pas utilisé sa notoriété et n'avait pas "sorti du placard" les enfants trisomiques, croyez-vous que certains seraient scolarisés aujourd'hui?
Les personnes atteintes de ces maladies orphelines ou génétiques (dont je fais partie) en bavent toute l'année de toute façon...alors que si un we kitsch dans l'année peut éveiller quelques consciences, construire des centres d'accueil au lieu de rond-point comme dit plus haut et ouvrir les yeux sur le handicap plutôt que tourner la tête...
Désolé de ce long com et bravo pour votre blog!
Il faut être prosaïque : de nombreux projets de recherche ont besoin de financement. L'AFM a l'avantage d'être médiatisée et se vend ainsi chaque année. Elle gère (mal selon les gens que je connais qui en font partie) tout ce budget et le réparti à des projets qui n'ont parfois qu'un loin lien avec la myopathie et c'est très bien. Elle collecte des fonds distribués à la recherche que la recherche n'aurait pas sinon car nos états ne la financent que peu.
RépondreSupprimerSi je dois me mettre en slip et danser sur une scène pour avoir un doctorant sur une thèse fondamentale payé pendant un an : je le fais demain.
Alors oui : c'est ridicule, c'est nul et je ne le regarde même pas mais je ne crache pas du tout sur cette manne financière extorquée par ce compromis. Merci.
encore merci au doc du 16.
RépondreSupprimersans oublier souffrances et luttes quotidiennes pour tous ces enfants et leur famille , j ' ai toujours considéré ce téléthon comme une hystérie collective
à l ' image de ce qu ' est devenue notre société.
On ne peut s'empêcher de faire le lien avec le post précédent sur le lobby rose.
RépondreSupprimerEncore une fois une débauche de bons sentiments qui peut nous amener très loin... dans la mauvaise direction.
Outre le fait que tout le respect que je porte aux personnes souffrant de handicap et en particulier aux enfants me fait déplorer de les voir ainsi exposés dans un show à l'américaine comme des bêtes de foire ou comme la femme à barbe je m'interroge, suite aux recherches bibliographiques que j'ai fait, sur le hiatus croissant qu'il y a entre la recherche appliquée d'une part et les besoins de santé d'autre part, mais aussi sur le hiatus entre cette recherche appliquée et la recherche fondamentale.
Ces deux hiatus ont une conséquence directe, ils rendent les découvertes de la recherche appliquée inopérantes ou de peu d'intérêt.
Encore une fois il faut aussi remarque qu'il y a très peu de recherche étiologique, sur les causes des maladies génératrices de handicap.
Et c'est vrai que la scolarisation des enfants porteurs de handicap a changé le regard sur ceux-ci bien plus efficacement que le téléthon à mon avis. Mais cela s'est fait au prix d'une forte réduction des places en institution, bien plus coûteuses, ce qui laisse des enfants impossibles à intégrer en milieu ordinaire à partir du CP en grande difficulté.
@ toutes et tous,
RépondreSupprimerje propose une solution collective :
THROW AWAY YOUR TELEVISION !!!
Frédéric
Je n'ai plus la télé depuis des années, je ne sais donc plus très bien comment ça s'y passe. En revanche, chaque année est organisée au village une journée téléthon où l'on voit beaucoup de gens venir donner du temps et de l'argent, simplement et de bonne foi.
RépondreSupprimerLe problème de la télé c'est l'effet d'estrade pour tous ceux qui se paient d'image et de mots quand bien même ils ne toucheraient pas un sou immédiatement. C'est le fait que la télé, comme l'a avoué brutalement Patrick le Lay, ne sert qu'à amener les consommateurs devant la publicité, même dans le service public. Et qu'à ma connaissance on n'arrête pas la pub pendant le téléthon.
Ensuite, bien sûr qu'on peut être géné, voire honteux, de n'accepter de voir des gens handicapés qu'à cette occasion (je ne parle pas de vous JCG), qu'on peut être géné, voire honteux, de penser que la puissance publique, c'est à dire nous, est défaillante à aider le recherche et ces familles dans leur vie de tous les jours, qu'on peut être géné de ne pas savoir si cet argent est bien affecté...
Est-il inutile de laisser une place au don volontaire, pour quoi que ce soit, même si parfois la manière n'y est pas ?
Et peut-on dire que personne n'y perdrait en supprimant l'intervention de la télé ?
La période qui précède noël est propice au soulagement de la conscience par le don, au regard des dépenses somptuaires qui vont être faites dans les semaines à venir.
RépondreSupprimerPourquoi ne pas faire une "journée du don"? Le Téléthon est censé financer la recherche sur les maladies génétiques et une aide aux patients, mais si j'ai envie de donner parce que je peux le faire, mais autant pour les gens qui vivent dehors, les patients atteints de maladies emmerdantes, les gens qui les aident, la recherche. Il serait intéressant de surfer sur la vague de l'hystérie dépensière de noël, mais dans le cadre d'une fondation qui redistribuerait ensuite.
Un article de presse il y a quelques années comparait cyniquement les fonds levés par le Sidaction et le Téléthon: les uns portent malgré eux une charge de culpabilité, les autres apitoient.
Il n'en reste pas moins que, pour beaucoup d'artistes, la participation à la foire au don est bénévole car elle a un effet publicitaire. Ne participe pas à telle action de charité qui veut.
Toute cette charité bruyante est l'arbre qui cache la forêt de notre intolérance quotidienne vis-à-vis du handicap. C'est surtout auprès de nos enfants dans les écoles qu'il faut agir pour changer un temps soit peu les mentalités.
à Coralie B: "Je pense qu'on a passé le temps de cacher ces enfants et leurs familles, comme avec les trisomiques il y a 50 ans..."
RépondreSupprimerIl est vrai qu'avec l'évaluation anténatale du risque de trisomie 21, perçu et "vendu" comme un dépistage, on risque pas de faire un "téléthon" pour trisomiques 21 puisqu'il n'y en aura bientôt plus (le CCNE a validé l'eugénisme des trisomiques, pas besoin de Téléthon là: on a plus qu' à inventer un dépistage anténatale des myopathies de D. et le tour sera joué).
J'avais le même sentiment lorsque j'avais encore la télévision. Votre post est donc très drôle.
RépondreSupprimerCela dit, la recherche financée par des donateurs anonymes ou gros industriels qui se rachètent une conduite mais n'en attendent aucun dividende, pourquoi pas? A l'heure ou la recherche est en grande partie financée par des labos et lobbys privés dont le seul objectif est d'en récolter les bénéfices financiers, pourquoi fustiger la recherche publique? Il me semble que le Généthon est un organisme public, non?
Il serait intéressant d’avoir un retour sur investissement du téléthon. Quelles sont les avancées de la recherche depuis sa création ?
RépondreSupprimerPar ailleurs, CMT évoque la problématique du cancer du sein. Il y a effectivement similitude dans la mise en œuvre des media et dans la réquisition consécutive de l’opinion publique, avec un aspect complètement kitsch.
Cependant le téléthon reste une activité inoffensive, en en ce sens qu’il n’attire pas le public dans le piège d’un pseudo dépistage, avec à la clé, la souffrance et la mort inutiles pour un nombre considérable de femmes.
De ce point de vue, si octobre rose pouvait se contenter de rester une sorte de « nénéthon », destiné à collecter des fonds pour la recherche contre le cancer, ce serait merveilleux. Hélas, on sait ce qu’il en est.
Brune d’Abondance
http://www.facebook.com/brune.dabondance
Merci pour ce billet. Cela fait des années que je mène une active campagne anti Téléthon car il revient, de mon point de vue d’handicapée moteur, à la solidarité nationale et non à la charité privée de financer recherche et adaptations. On me répond que, faute de, c’est toujours « mieux que rien ». Je ne suis pas d’accord, le caritatif en matière de santé, vieil héritage du catholicisme du 19ième s., est pire que tout. Ce « geste » ponctuel dédouane l’individu de ses responsabilités quotidiennes de citoyen (je vous évite le bottin des agressions subies au jour le jour en tant qu’handicapée « pas à sa place » - transports en commun, etc.), dédouane la collectivité de ses devoirs à l’égard de ceux qui sont des citoyens comme les autres – pas des bêtes de foire à exhiber au plus offrant-, ravale les personnes handicapées au statut humiliant et passif de cas sociaux (équation généralisée en France) et pire, de mendiants. Certes, tout un tas de gentils intermédiaires (animateurs, bénévoles, médecins, etc.) fait la manche à leur place (quelle générosité) mais, que voulez-vous, ils n’en auraient pas les capacités. Qu’ils en aient le désir, faudrait déjà le prouver. Et je ne parle pas, pour faire bref, des « merveilleuses avancées de la Science » justifiant tout le cirque – celles-là même, j’imagine, qui expliquent que l’on puisse, depuis plusieurs décennies, aligner des enfants dans les mêmes fauteuils roulants, confrontés aux mêmes problèmes, dans une même absence de solution thérapeutique. On peut se consoler en sachant que tout ce cirque a le mérite de fournir des emplois à quantité d’associations & structures diverses, toutes gérées bien sûr par des actifs en parfaite santé.
RépondreSupprimerMais personne n'a compris le sens profond de ce post..
RépondreSupprimerDoc du 16 veut regarder tranquillou miss france sans qu'on le fasse chier avec le programme concurrent !
Allez, bonne continuation et merci pour le politiquement incorrect, ça fait du bien.
;)
Rhaaaaaaaaa, merci!!!!
RépondreSupprimerCela fait plusieurs années que le Théléthon m'agace et m'horripile. J'en parlais autour de moi, mais on me regardais de travers. Merci à toi d'avoir écrit ce billet. Il y a tant d'autres handicaps et maladies dont on ne fait pas la publicité et qui mériteraient aussi des dons pour la recherche.
RépondreSupprimerEt puis je suis d'accord avec Armance quand elle dit " Peut-être souffriraient-ils moins si les écoles étaient équipées de plans inclinés, de ramassage scolaire adapté, de postes d'auxilliaires de vie" Si tout simplement les personnes handicapés étaient accepté comme les biens portant dans la société.
Une fois par an, j'accompagne des malades et des personnes handicapés à Lourdes, quand, je vois leur sourire et leur joie lorsqu'ils sont accueillis tel qui sont au milieu de biens portant, je me dis qu'une civilisation qui accueillerait chaque personne humaine comme elle est, n'est pas forcement une utopie.
Bon. Puisqu'il faut en venir aux souvenirs personnels...
RépondreSupprimerDans un lycée, je me souviendrai toujours de deux jeunes femmes "en situation de handicap" selon la terminologie en vigueur à la MDPH. Des réunions itératives avaient lieu, les fameux PPS (projets personnalisés de scolarisation). L'une de ces jeunes femmes était tétraplégique, en fauteuil électrique, l'autre aussi, toute tassée au fond de son fauteuil à cause d'une colonne vertébrale en forme de Z, qui se dérobait et refusait de la soutenir.
Les deux avaient un regard d'acier.
Elles étaient toutes les deux leaders de leur classe, l'une d'elles en BTS. Et à la manière dont les professeurs en parlaient on sentait bien que les autres élèves, les "valides", leur faisaient l'effet d'ampoules électriques fasse à un soleil d'été.
Total respect.
Pour répondre au billet de Céline http://celinextenso.free.fr/wordpress/?p=529 et aux propos de Sybille ici même.
J'avais observé depuis longtemps que les infirmes étaient souvent plus rayonnants que les biens portants, comme si leur infirmité les libérait d'un poids. Aux jeux paralympiques les athlètes handicapés paraissent souvent plus profondément heureux que les athlètes normaux. En 2010, une association locale de malades de la sclérose en plaques m'avait demandé d'animer un exposé sur la SEP et la vaccination hépatite B. Il régnait dans la salle une ambiance heureuse et je leur ai dit qu'ils donnaient envi d'être infirmé comme eux .
RépondreSupprimerDepuis longtemps je m'interroge : de quels poids de telles infirmités libèrent ceux qui en sont atteints ? Peut être découvrent-ils ainsi la liberté d'être eux-mêmes plutôt que d'avoir à assumer un rôle ? La réponse à cette question est importante car ce poids pourrait aussi peser sur chacun de nous. A quand un Téléthon en faveur des ''biens portants'' ?
C'est un peu idéaliste. Coupons-nous une jambe pour atteindre l'ascèse...
RépondreSupprimerQuelle curieuse opposition "athlètes handicapés" et "normaux", tout comme "infirmes" et "bien portants".
On peut être handicapé et en bonne santé.
N'atteignent les jeux paralympiques que ceux qui ont eu la chance et les conditions pour dépasser leur handicap. Tout le monde ne tire pas le bonheur d'une situation de handicap. Une de mes patientes paraplégique depuis 18 ans, fervente militante pour l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap, me disait récemment: "j'assume, je n'ai pas le choix, je plaisante souvent avec ça, mais avec des jambes qui marchent, ça serait quand même mieux".
Je ne voulais surtout pas opposer le "bon handicapé" au "mauvais handicapé" (que c'est moche de parler comme-ça,sans parler du mot "infirme" encore plus rébarbatif, à tout prendre, je préfère le très administratif, mais plus exact personne en situation de handicap).
RépondreSupprimerJe voulais seulement dire que personne n'a besoin de susciter la pitié des autres. Et qu'une personne ne devrait jamais être obligée de s'exposer au regard avide et voyeur du public pour faire valoir son bon droit. De faire le show pour qu'on lui jette quelques pièces.
L'aide aux personnes en situation de handicap ne devrait pas être le fait du prince, du bon prince, qui donne parce qu'il le veut bien, s'il le veut bien, et qu'on doit remercier en baissant les yeux.
La compensation du handicap relève du devoir de l'Etat, qui l'assume de moins en moins, à voir la MDPH aux abois, noyée sous des demandes qu'elle n'arrive plus à gérer seule, et les listes d'attente qui s'allongent, dans tous les services et institutions qui accueillent ou apportent leur aide aux enfants en situation de handicap.
Le show est de trop. Si certains souhaitent donner de leur personne et de leur temps, il existe assez d’associations pour leur permettre de le faire.
Vous avez raison armance de souligner qu'on peut être infirme et en très bonne santé, ce qui est le cas des sportifs paralympiques. Il est bien certain aussi que si on offrait la guérison à n'importe quel infirme bien peu la refuserait. De là à se mortifier volontairement pour s'élever, c'est autre chose même si certains s'y sont adonné comme le curé d'Ars mais par des souffrances réversibles. Est-il utile de mouliner les mots pour le seul plaisir de les mouliner en oubliant le sens principal du propos ?
RépondreSupprimerCe que j'ai voulu seulement apporter ici c'était l'observation que j'ai assez souvent constatée que certains handicapés (pas forcément en bonne santé car quand on a une SEP on n'est pas en bonne santé et pas forcément tous les infirmes) paraissaient plus heureux, intérieurement plus joyeux, que beaucoup de non handicapés. Ce sont des observations que j'ai faites, elles ne sont sans doute pas générales mais je ne suis sans doute pas non plus le seul à pouvoir le constater. Il y a longtemps que je m'interroge sur la raison de cela. Je n'ai pas la réponse mais je pense que la question mérite d'être posée. Il n'y a aucun idéalisme là-dedans. Au delà des mots, c'était cela mon propos. J'ai suggéré une piste.
Il y a eu Frida Kahlo l'artiste peintre mexicaine qui, à 18 ans, connu un terrible accident de bus à Mexico : une barre de maintien du bus traversa son dos pour ressortir par le vagin. Malgré de multiples opérations son désir d'enfant fut contrecarré. Elle l'a sublimé dans de nombreuses peintures qui l'ont rendu célèbre. Je n'ai jamais dit armance qu'il fallait le faire exprès...La vie s'en charge, inutile d'en rajouter !
PS. Sur les mots ''infirme'' ou ''situation de handicap'' ça me rappelle ''les vieux'' qui sont devenus des ''personnes âgées'' ou la ''bonne'' qui est devenue ''personnel de maison'' etc. Cette évolution du vocabulaire est sans doute liée au fait que l'usage arrive à ''charger'' un mot d'émotions et que le seul fait de prononcer le mot est censé envoyer en même temps certaines émotions. Alors on remplace par une expression neutre de ce point de vue. Mais elle n'est neutre que parce qu'elle n'a pas été utilisée. A terme elle peut se charger à son tour. Ceci dit on n'est pas obligé non plus de rester dans les émotions ou de juger une idée à travers des mots que l'usage a pu charger d'émotions. Pour moi, le mot infirme est aussi neutre qu'handicapé ou en situation de...
PS Cela me rappelle aussi la discussion à propos de la dyslexie. Il y a les cerveaux gauche dominant qui sont dans les mots et les cerveaux droits dominants qui sont dans l'image et l'idée. Si chacun comprenait ses limites, et donc son handicap et l'acceptait ce serait plus facile...Nous avons tous des handicaps.
A BG
RépondreSupprimerce n'est pas une question de politiquement correct, comme vous semblez le penser, mais une question de conceptualisation et d'évolution historique et de la loi.
Le mot infirme renvoie vers l’acception la plus ancienne et la plus négative, celle de la personne disgraciée qui était exclue socialement et qui ne pouvait survivre que grâce à la charité publique.
Au fur et à mesure que la société s'est civilisée, elle a collectivement accepté d'assumer la responsabilité des plus vulnérables. On est passé de la notion d'infirme à celle de handicapé et puis de personne en situation de handicap, utilisée dans la loi du 7 février 2005.
Ce terme n'est pas une figure de style, puisqu'il renvoie directement aux notions d'accessibilité (aux lieux publics, aux transports, aux apprentissages...) d'autonomie et à celle du droit à compensation.
L'idée étant que la personne souffrant d'un handicap doit avoir, comme tout citoyen, accès aux mêmes services et aux mêmes droits que tout citoyen.
L'idée est aussi que c'est l'Etat qui se charge de cela et que la personne souffrant d'un handicap n'a pas à mendier. En ce sens le téléthon est une sorte de retour en arrière vers le temps où la charité était le principal moyen de subsistance pour toutes ces personnes.
Bien entendu que les mots renvoient à des émotions. Et ils ont aussi un sens, une histoire qu'on ne peut pas simplement ignorer.
à BG:
RépondreSupprimerune des définitions médicales du handicap: le désavantage. La personne handicapée doit mobiliser plus de temps et d'énergie pour pouvoir parvenir (ou pas)à faire la même chose que les autres.
Dans votre vision du vécu "plus heureux" de certaines personnes handicapées, il y a un biais de recrutement: ce sont ceux qui ont réussi à accepter leur handicap qui ont une vie sociale plus active. Les autres sont en difficulté et ne sont justement pas visibles.
D'autre part, Frida Kahlo a peint de belles toiles, elle n'en a pas moins souffert toute sa vie...
Quand un cheval est face à un obstacle il peut le franchir aisément, le refuser, s'empaler sur l'obstacle...Il en va de même avec celui qui est confronté à une limitation physique importante quel que soit le nom qu'on lui donne, infirmité, handicap ou situation de handicap...Face à cette problématique chacun va produire une réaction sans doute très variable selon les individus. C'est de cette réaction dont j'avais voulu parler. Il y a certainement beaucoup d'observations intéressantes à faire dans cette direction.
RépondreSupprimerIl y a quelques années j'ai eu la chance d'animer 4 conférences (Grenoble, Angers, Niort, Lisieux) sur la vaccination hépatite B pour le compte d'un collectif Art et Vaccinations qui à chaque fois présentait pendant une semaine des œuvres réalisées par des personnes se considérant comme victimes de la vaccination hépatite B (SEP en particulier) et qui cherchaient à dépasser leur état à travers une création artistique. Cela m'a permis de rencontrer beaucoup de ces personnes, elles m'ont toujours fortement impressionné ainsi que leurs œuvres. Comme Frida Kahlo même si le potentiel technique était moindre.
En 1976 j'ai rencontré à l'assemblée générale d'une association une femme dont le fils avait été une victime très grave de la vaccination antivariolique. Avec, entre autres, 4 crises d'épilepsie par jour elle avait dû abandonner son métier pour s'occuper à plein temps, 24 heures sur 24, de son fils pendant 20 ans jusqu'à sa mort. Il n'existait aucun centre pour prendre en charge son enfant et à cette époque la loi était que la vaccination étant obligatoire c'étaient les familles et non l’État qui devaient assumer les conséquences. Ce cas fut d'ailleurs l'un des cas qui permis à la législation d'évoluer en faisant voter une loi rendant l’État responsable. Mais ce fut une très longue et très difficile bataille menée par le docteur Arbeltier qui fut longtemps député. Cette femme, qui ne fut qu'une ''victime'' indirecte de la vaccination, m'a paru extraordinaire, visiblement profondément transformée par l'épreuve qu'elle avait vécue avec son fils.
Personne ne souhaite être confronté à une très dure épreuve sur une longue durée mais, quand cela arrive, l'exemple de certains montre que même abandonné par la société il est encore possible de trouver en soi des ressources qui sans cela seraient restées ignorées. Il y a en cela quelque chose qui me fascine et qui reste encore pour moi un mystère. C'est ce à quoi je voulais faire allusion et ça n'a vraiment rien à voir avec du politiquement correct ni que je voudrais dire qu'il faudrait que la société les abandonne afin de leur permettre... Une fois de plus, une discussion sur des mots permet d'occulter un phénomène qui me fait penser à l'aimantation où toutes les énergies vont dans le même sens à l'inverse d'une barre non aimantée où les énergies se dispersent en tout sens. Et dans notre discussion on se disperse en tout sens …
A Armance : sur un tel sujet je ne fais pas de statistiques et le biais de recrutement me paraît bien inadapté. Je pense qu'il y a un phénomène intéressant à étudier. Bien sûr que Frida Kahlo a souffert toute sa vie et c'est justement la nécessité absolue de mobiliser toute son énergie pour survivre qui pourrait créer cette ''aimantation'' qui n'apparait pas chez nous autres. Je m'intéresse à un phénomène humain apparaissant dans certains cas, pas à une situation sociale. Cette "aimantation" semble créer une sorte de "bonheur intérieur" qui n'est pas une vision de ma part mais ce que ces personnes vivent comme certaines ont témoigné publiquement au cours de mes conférences.
@ tous
RépondreSupprimerVous déviez.
Dire que les myopathes sont plus heureux que les autres (ou dire le contraire) est aussi "douteux" que jouer sur leur malheur. Le problème est surtout que faire monter les myopathes sur une estrade avec comme marionnettistes Franck Dubosc et Sophie Davant est une ignominie. Ce n'est pas de la visibilité mais du voyeurisme.
Il y a quand même des scientifiques qui parlent de mascarade comme Jacques Testard et Marc Peshanski, mascarade sur les possibilités de la thérapie génique, notamment. Voir ici : http://m.alterinfo.net/La-grande-escroquerie-du-Telethon-Le-professeur-Testard-denonce-une-mystification_a26750.html
C'est accablant de voir que l'on tente de rendre coupables les pauvres gens qui, au RMI ou au RSA, ne donneraient pas pour une grande cause sentimentale.
Bonne journée.
Cette discussion vient de me faire penser à l'analogie de situation entre ce que s'impose un yogi et ce que la vie impose à certains handicapés. Le yogi s'impose une importante limitation motrice avec la fameuse posture en lotus où les jambes sont verrouillées pendant des heures chaque jour. De plus il peut aussi s'imposer l'abstinence sexuelle. L'objectif poursuivi est simple à comprendre dans son principe : quand l'énergie ne peut plus s'exprimer par le mouvement et la sexualité elle va chercher une porte de sortie. Le yogi espère alors que l'énergie montera (kundalini) pour lui permettre d'atteindre le nirvana. Que ce soit possible ou pas n'est pas le problème ici, le fait est que cette recherche, qu'elle soit ou non une illusion, est pratiquée depuis longtemps en Inde par exemple. On retrouve aussi le rôle du parasympathique (le frein) et du sympathique (l'accélérateur), l'objectif du yoga étant d'accentuer l'action du parasympathique.
RépondreSupprimerAvec un autre vocabulaire et une autre technique on retrouve des choses analogues dans d'autres traditions et en particulier chez les mystiques chrétiens. Pour exprimer ce qu'ils ressentent, certains disent qu'ils ont rencontré Dieu. Au delà du vocabulaire à connotation religieuse ou pas on peut retrouver une certaine correspondance entre les uns et les autres.
Il faut reconnaître qu'un handicapé peut se retrouver dans la situation non réversible du yogi avec à la fois une incapacité motrice et une limitation sexuelle. Que faire alors de l'énergie qui ne trouve pas l'usage habituel ? Pourquoi ne pas envisager, à un moindre degré, un processus proche mais plus partiel de ce que des yogis disent depuis longtemps avoir réussi à atteindre ? Ce qui pourrait expliquer cet sorte de bonheur intérieur que certains handicapés manifestent visiblement, du moins c'est ce que je pense avoir observé parfois et qui m'interpelle depuis des dizaines d'années.
Ceci dit, je n'ai jamais voulu dire que les handicapés étaient plus heureux que les autres ni brandir des affirmations générales et définitives. Mais la nature de l'être humain permet peut-être des processus que nous ignorons quand il connait des limitations, qu'elles soient imposées ou qu'il se les impose. Cette démarche n'a rien à voir avec cataloguer des catégories de personnes avec des pancartes. Mais cette discussion m'a stimulé dans mon interrogation pour voir la correspondance yogi-handicapé à laquelle je n'avais jamais pensé.
A JCG
RépondreSupprimermerci de recentrer le débat sur le fond.
Jacques Testard est fondateur et administrateur de la Fondation Sciences citoyennes, dont je suis accessoirement membre également, et dont la philosophie peut-être résumée par sa phrase; "garder la science dans les limites de la dignité humaine".
J'ai appris, aux informations, que le Généthon flambant neuf allait recruter de nombreux patients, enthousiasmés à l'idée de participer aux essais cliniques.
Christian Vélot, chercheur et biologiste, membre de la fondation sciences citoyennes et du CRIIGEN (Centre de recherche et d'information indépendant sur le génie génétique), a écrit un article, où il donne un exemple de supposée thérapie génique, dont le prix annoncé est de 1,2 millions d'euros par patient, quoique les essais n'aient pas été concluants.
http://sciencescitoyennes.org/
C'est un aspect du problème: l'appropriation par des sociétés privées de brevets obtenus grâce à la générosité publique et à la recherche publique. C'est une constante.
Mais le plus préoccupant est que des personnes, des personnes malades, vont été recrutées en nombre pour des essais cliniques alors que le principe même de la possibilité d'une thérapie génique par des cellules qui sont des OGM est très contestable et contesté, y compris par ceux qui ont travaillé dessus http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-nobel-de-medecine--trois-questions-au-pr-marc-peschanski-8366.asp?1=1 mais aussi par des fondations s'occupant de recherche et qui réclament une attitude plus responsable, moins de spectacle, moins de simplisme et plus de sérieux à ce sujet,comme la fondation Jerôme Lejeune http://www.fondationlejeune.org/index.php?option=com_content&task=view&id=247.
Le problème est la conception même de la science à la base de cet approche, comme l'expliquent Chrisian Vélot ou Gilles Eric Seralini : le génome n'est pas un mécano ou un je de légo où on pourrait remplacer des pièces sans avoir d'effet sur l'ensemble. Le vivant est un peu plus complexe.
Encore une fois on est dans le scientisme avec le téléthon, pas dans la science.
@Armance: le handicap est plus dans l'appréciation d'autrui qui touche la personne dite handicapée qu'elle-même peut le ressentir. Déjà vouloir définir, cataloguer une personne handicapé est une insulte. Pour certains le fait de porter des lunettes est vécu comme un handicap, l'est-ce vraiment? Oú commence le désavantage? entendre moins que la moyenne ou plus? Voir plus ou moins que la moyenne? Boiter est-il un handicap (pour la personne elle-même ou plutôt pour l'entourage)?
RépondreSupprimerje m#explique: il y a des années, suite à une fracture du genou subissant des crises de douleurs me rendant la marche plus que hasardeuse. A l'époque j'avais un travail et j'avais le choix entre me rendre à mon travail avec ma béquille pour soulager l’appui ou ne pas aller travailler. J'ai choisi la béquille et eu la remarque de ma supérieur (une entreprise travaillant dans le domaine du social): "c'est inacceptable, il faut faire quelque chose". eh oui, avec la béquille, je marchait un peu plus doucement en boitant en plus. Je ne me trouvais point handicapé dans ma vie jusqu'au moment de ces mots. Ensuite, j'ai préféré bloquer mon genou en cas de crise et surtout m'habituer aux douleurs que de reprendre publiquement ma béquille.
Ce sont les "bien portants" avec leur regard, leurs mots qui blessent même ceux qui n'ont pas grand chose et pourtant restent un peu marquer à vie, d'un accident tout bête de la circulation.
@BG votre commentaire du 09/12 autour de minuit, je l'approuve. On accommode avec sa "bobologie", on s’accommode à soigner et s'occuper de son père comme d'un enfant (vers la fin, le diabète est une sale maladie), on doit s#accommoder pour ne pas se noyer sous les épreuves de la vie, du regard et l'attitude des autres. Il faut se concentrer et savoir ce qui est important pour soi-même et ceux qui dépendent de vous. Les leçons de morales théoriques sont beau, mais en pratique ne tiennent peu la route.
Bonne soirée