Nous sommes convenus que la Refondation de la
Médecine générale pouvait avoir comme présupposé le questionnement de
l’Evidence Based Medicine en Médecine Générale (EBMG). Mais il ne s’agit pas
d’un système fermé ou d'un dogme parce que ce questionnement n’est probablement pas
approprié à toutes les situations de médecine générale et, plus encore, ne peut
pas être la Norme pour une médecine générale dont la caractéristique excitante et
angoissante est l’incertitude et, si l'on veut faire une comparaison avec l'Univers, et l'instabilité. La médecine générale est une construction sociale (et comme toute construction sociale elle est capable de disparaître) et les conservateurs et les révolutionnaires doivent comprendre qu'elle est contenue dans et par la société au double sens donc du verbe contenir (en faire partie et la contrôler).
Nous avons vu également que l'Etat d'Esprit était son décor, c'est à dire, en théorie, l'appréciation par le médecin généraliste du patient dans sa globalité selon le tryptique Organe / Patient / Environnement (LA).
Mais la question cruciale qui remet en cause la médecine générale (et la médecine en général) c'est l'irruption du patient en tant que sujet. Et c'est en médecine générale que le problème est le plus aigu puisque le médecin généraliste n'exerce le plus souvent pas en institution, il est chez lui, c'est à dire dans son cabinet libéral, il n'est pas protégé par des structures (les murs de l'hôpital, les jardiniers, les administrateurs, ...), il est en première ligne.
Mais la question cruciale qui remet en cause la médecine générale (et la médecine en général) c'est l'irruption du patient en tant que sujet. Et c'est en médecine générale que le problème est le plus aigu puisque le médecin généraliste n'exerce le plus souvent pas en institution, il est chez lui, c'est à dire dans son cabinet libéral, il n'est pas protégé par des structures (les murs de l'hôpital, les jardiniers, les administrateurs, ...), il est en première ligne.
A ce sujet il est possible de penser que les mouvements de jeunes (et de moins jeunes) médecins généralistes pour la construction de maisons médicales pluridisciplinaires est à la fois une crainte du néant sociétal (se retrouver seul sans béquilles : chefs, pairs, infirmières, aides-soignantes, assistantes sociales,...), une nostalgie de l'alma mater (ah, l'organisation bureaucratique bienveillante), et, pour finir, ne me lancez pas de tomates, une crainte du patient maquillée en promotion de sa santé globale.
Les Valeurs et Préférences des patients sont une des données fondamentales du questionnement EBM en médecine générale (EBMG). Une des données les plus mystérieuses, les plus décriées et les plus oubliées de ce processus.
Je vais tenter d'ouvrir des pistes pour en
éclaircir le sens. Car elles sont au centre de l'exercice de la médecine
générale (en France comme ailleurs) et au centre de la réflexion des patients sur eux-mêmes (et ce n'est pas inutile de penser qu'ils devraient y penser plus).
N'oublions pas que l'EBM, dont nous avons toujours
autant de mal à trouver une traduction exacte en français (les Québécois ont
pour une fois échoué) (ICI), est d'origine nord-américaine où les conceptions de la
médecine et de la société sont inspirées du libéralisme philosophique (et
économique). Il me paraît raisonnable de faire le point sur ce qu'on appelle le
libéralisme philosophique, le self (une partie de la doctrine libérale), l'autonomie de la pensée, et le
paternalisme en médecine (dans sa version française).
Le questionnement EBM est aussi une brèche
conceptuelle dans le traditionnel entretien singulier à la française qui admet comme normale la structure a priori asymétrique des relations entre le médecin
et « son » patient (ou l’inverse).
Un certain nombre de médecins sont d'ailleurs persuadés (les blogs médicaux sont remplis de témoignages d'incivilités) qu'ils doivent éduquer leurs patients qui ne sauraient pas, par essence, comment il faut se comporter, être respectueux, et cetera, dans un cabinet médical. Les fils de la bourgeoisie (quel est le pourcentage de doctorants en médecine nés dans la classe ouvrière ?) "éduquent" le peuple... Les médecins ne sont pas là pour éduquer les patients ou les futurs patients mais pour les informer, ce que l'on appelait jadis l'instruction.
Un certain nombre de médecins sont d'ailleurs persuadés (les blogs médicaux sont remplis de témoignages d'incivilités) qu'ils doivent éduquer leurs patients qui ne sauraient pas, par essence, comment il faut se comporter, être respectueux, et cetera, dans un cabinet médical. Les fils de la bourgeoisie (quel est le pourcentage de doctorants en médecine nés dans la classe ouvrière ?) "éduquent" le peuple... Les médecins ne sont pas là pour éduquer les patients ou les futurs patients mais pour les informer, ce que l'on appelait jadis l'instruction.
La conscientisation des patients, la prise en compte de leur autonomie,
Il sera utile de distinguer la notion purement kantienne de l’autonomie, de celle de John Rawls et de celle, par exemple, de Ivan Illich, ce dernier lui donnant une valeur démédicalisante alors que les tenants de Rawls en retiennent, parfois malgré eux, un sens surmédicalisant.
de leur statut d’humain rationnel et capable de décider pour eux-mêmes (la survenue de la pensée libérale en quelque sorte dans notre monde latin soumis à l’autorité naturelle de l’expertise), ont surpris beaucoup de médecins et les ont décontenancés. A l’évidence, il est nécessaire de considérer que les personnes qui consultent en nos cabinets sont effectivement des individus, des citoyens (comme dit le politiquement correct), qui pensent, qui ont un passé, un avenir, des opinions, des croyances, des ambitions, des projets de vie et des connaissances, qui ne les rendent plus aussi corvéables et malléables à merci que jadis (nous aborderons plus loin les problèmes posés par les connaissances des patients, par la science dite profane, par l’expertise non médicale et par les liens d’intérêts qui les concernent).
Il sera utile de distinguer la notion purement kantienne de l’autonomie, de celle de John Rawls et de celle, par exemple, de Ivan Illich, ce dernier lui donnant une valeur démédicalisante alors que les tenants de Rawls en retiennent, parfois malgré eux, un sens surmédicalisant.
de leur statut d’humain rationnel et capable de décider pour eux-mêmes (la survenue de la pensée libérale en quelque sorte dans notre monde latin soumis à l’autorité naturelle de l’expertise), ont surpris beaucoup de médecins et les ont décontenancés. A l’évidence, il est nécessaire de considérer que les personnes qui consultent en nos cabinets sont effectivement des individus, des citoyens (comme dit le politiquement correct), qui pensent, qui ont un passé, un avenir, des opinions, des croyances, des ambitions, des projets de vie et des connaissances, qui ne les rendent plus aussi corvéables et malléables à merci que jadis (nous aborderons plus loin les problèmes posés par les connaissances des patients, par la science dite profane, par l’expertise non médicale et par les liens d’intérêts qui les concernent).
Qu’on le veuille ou non, le désir légitime des patients de sortir de leur état d'infantilisation par le corps médical, c'est à dire leur volonté de
prendre en main leur destin par rapport au monde médical et paramédical, a
rendu circonspecte la sphère médicale et certains médecins ne sont pas prêts à recevoir des patients qui ont consulté internet avant de venir consulter (voir LA pour les autres). Mais les patients sont ambigus : pour atteindre leurs objectifs personnels ou généraux ils se servent aussi du corps médical, de certains de leurs membres, pour les instrumentaliser en les désignant comme bons médecins (parce qu'ils les écouteraient et parce qu'ils feraient ce qu'ils ont envie qu'ils fassent) et ainsi, au lieu de se démédécaliser ils se remédicalisent sans EBM et hors AMM !
Le médecin se sent perdu puisqu’on lui avait appris
qu’il était un grand homme, qu’il faisait de longues études pour pouvoir affronter la vie et la mort, qu’il allait
sauver des vies, réconforter l’humanité souffrante qui n’attendait que lui pour
revivre, et voilà qu’un vulgaire
pékin, un patient, celui qu’il n'avait vu que comme sujet lors de ses séjours dans les
hôpitaux, ah, la visite du patron !, vient lui demander des comptes, ne
croit pas ce qu’il lui dit comme parole d'Evangile (l’Etat de l’Art) et exprime sans façons ses Valeurs et ses
Préférences et, comme on l'a vu, après, oh horreur, avoir consulté Internet.
Si l’on voulait résumer cela de façon simple et
caricaturale, ce serait parler de l’affrontement de l’arrogance médicale ancienne avec le
consumérisme sociétal nouveau.
Trop facile pourtant.
Trop facile car le consumérisme médical est avalisé par les médecins qui participent, parfois à leur corps défendant et par le biais des conférences dites de consensus, à la fabrique des maladies (disease mongering) (LA) tout en en tirant un profit intellectuel (pas seulement pécuniaire) de cette situation expertale et marchande et parce que l’arrogance est parfois l’attitude avouée et revendiquée par le patient client qui se sert du médecin en l'instrumentalisant parfois pour obtenir ce que ses Valeurs et Préférences lui dictent (en changeant de médecin si besoin).
Trop facile car le consumérisme médical est avalisé par les médecins qui participent, parfois à leur corps défendant et par le biais des conférences dites de consensus, à la fabrique des maladies (disease mongering) (LA) tout en en tirant un profit intellectuel (pas seulement pécuniaire) de cette situation expertale et marchande et parce que l’arrogance est parfois l’attitude avouée et revendiquée par le patient client qui se sert du médecin en l'instrumentalisant parfois pour obtenir ce que ses Valeurs et Préférences lui dictent (en changeant de médecin si besoin).
Les relations médecins / patients (et nous avons
décidé de ne pas entrer dans les controverses citoyens / patients / malades car
cela n’a pas de sens dans la mesure où la personne, pour des raisons qui la
regardent et qui lui ont êté soufflées par la société, consulte un médecin,
c’est à dire qu’elle pense qu’elle en tirera avantage ou soulagement) sont donc
aussi un échange, parfois une confrontation qui peut paraître asymétrique,
entre les Valeurs et les Préférences des médecins (qui ne se réduisent pas à
leurs expérience interne et externe) et celles des patients.
Les patients se sont organisés. Ils ont créé les premières associations dont le but initial était de parler de la maladie dont ils souffraient, de ne plus être seuls, de partager les problèmes qu'ils rencontraient et de trouver ensemble des solutions. Ces associations, organisées autout de leurs maladies (orphelines ou pas) ou de leurs organes malades, étaient sans argent, peu influentes, isolées, et manquaient de données scientifiques indépendantes. Elles recevaient des miettes de Big Pharma.
L'épidémie de sida a commencé en 1981, le virus a été isolé en 1983 et la première trithérapie efficace est apparue en janvier 1996. Les associations de patients, AIDS, Act Up, ont participé au processus, se sont expertisées, ont même participé à l'élaboration des protocoles d'essais cliniques. Elles se sont comportées en activistes et en groupes de pression.
Le Téléthon a aussi été un déclic en 1987. Une association de patients a eu l'aval des pouvoirs publics, sans compter l'aide gratuite de la télévision publique, pour lever des fonds et pour devenir, in fine, un véritable laboratoire pharmaceutique.
Il y eut ensuite la création d’associations de consommateurs, tels le CISS en 1996 (Collectif Interassociatif sur la Santé : LA), associations dont la devise est « Toujours plus de médecine et de sécurité" – ce qui est souvent incompatible- et qui ont adhéré aux deux Eglises soeurs, celle de Dépistologie et celle de préventologie.
Et nous sommes en plein dans l’ère des réseaux sociaux et des forums, de la médecine 2.0, de l’intelligence collective dans laquelle les acteurs traditionnels du marché (Big Pharma, Big Matériel) ont joué leur rôle habituel de sponsoring et, pour tout dire de corruption (mais je ne répèterais jamais assez que le corrompu est toujours plus coupable que le corrupteur) et dans ce nouveau paradigme sont apparues les entreprises de communications créées pour fédérer les patients consommateurs avec ses gourous, ses médecins amis (1), ses agences de publicité, ses cabinets d’avocats spécialisés, ses sites, ses campagnes (dont la plus emblématique est Octobre Rose où Estée Lauder vend sa camelote) et, la phase ultime est la Fabrique des Patients (patient mongering) qui met en avant le patient, comme les myopathes sur France Télévisions, en en faisant un témoin, un expert (qui peut mieux parler de sa maladie que celui qui en est atteint ?) et un avocat des bonnes causes (sponsorisées).
L'épidémie de sida a commencé en 1981, le virus a été isolé en 1983 et la première trithérapie efficace est apparue en janvier 1996. Les associations de patients, AIDS, Act Up, ont participé au processus, se sont expertisées, ont même participé à l'élaboration des protocoles d'essais cliniques. Elles se sont comportées en activistes et en groupes de pression.
Le Téléthon a aussi été un déclic en 1987. Une association de patients a eu l'aval des pouvoirs publics, sans compter l'aide gratuite de la télévision publique, pour lever des fonds et pour devenir, in fine, un véritable laboratoire pharmaceutique.
Il y eut ensuite la création d’associations de consommateurs, tels le CISS en 1996 (Collectif Interassociatif sur la Santé : LA), associations dont la devise est « Toujours plus de médecine et de sécurité" – ce qui est souvent incompatible- et qui ont adhéré aux deux Eglises soeurs, celle de Dépistologie et celle de préventologie.
Et nous sommes en plein dans l’ère des réseaux sociaux et des forums, de la médecine 2.0, de l’intelligence collective dans laquelle les acteurs traditionnels du marché (Big Pharma, Big Matériel) ont joué leur rôle habituel de sponsoring et, pour tout dire de corruption (mais je ne répèterais jamais assez que le corrompu est toujours plus coupable que le corrupteur) et dans ce nouveau paradigme sont apparues les entreprises de communications créées pour fédérer les patients consommateurs avec ses gourous, ses médecins amis (1), ses agences de publicité, ses cabinets d’avocats spécialisés, ses sites, ses campagnes (dont la plus emblématique est Octobre Rose où Estée Lauder vend sa camelote) et, la phase ultime est la Fabrique des Patients (patient mongering) qui met en avant le patient, comme les myopathes sur France Télévisions, en en faisant un témoin, un expert (qui peut mieux parler de sa maladie que celui qui en est atteint ?) et un avocat des bonnes causes (sponsorisées).
Voici donc l'ébauche de l'ébauche de ce que peuvent connaître les médecins généralistes de la relation médecins / patients in et out EBMG.
Mais j'ai oublié tant de choses que les commentaires vont compléter...
J'ajoute ceci :
Mais j'ai oublié tant de choses que les commentaires vont compléter...
J'ajoute ceci :
L'entretien singulier cher à Georges Duhamel, médecin et écrivain français bien oublié de nos jours, est devenu un enjeu marchand considérable : il y a plus de deux personnes dans le cabinet (et je ne parle pas du doctorant en médecine générale), il y a la CNAM (ou son équivalent), Big Pharma, Big Junk Food, Big Tobaco, etc...
Oublions la posture analytique du médecin qui n'est plus à la mode (mais dont il aurait intérêt à prendre conscience tant elle est sous-jacente dans les relations inconscientes qui sous-tendent la consultation et tant, dans le phénomène du burn-out par exemple, les problèmes transférentiels / contre transférentiels sont souvent dominants).
Retenons la malice des médecins qui, faute de pouvoir traiter les patients, soit en raison de la résistance des douleurs physiques et morales des maladies chroniques, soit en raison du fait que les maladies de civilisation (HTA, diabète, maux de dos) ne peuvent être soignées ou prévenues qu'en changeant de paradigme civilisationnel, ont décidé de leur faire endosser les maladies et les traitements en inventant (les marketeurs ont dû s'en donner à coeur joie), l'empowerment, l'éducation thérapeutique, l'entretien motivationnel, la décision médicale partagée, les réseaux de soins et les stages d'appropriation de la maladie.
Quant à la malice des patients elle est d'instrumentaliser les médecins amis en les bombardant experts et ainsi des médecins généralistes sont-ils devenus des spécialistes mondiaux de maladies orphelines exerçant dans les beaux quartiers.
Oublions la posture analytique du médecin qui n'est plus à la mode (mais dont il aurait intérêt à prendre conscience tant elle est sous-jacente dans les relations inconscientes qui sous-tendent la consultation et tant, dans le phénomène du burn-out par exemple, les problèmes transférentiels / contre transférentiels sont souvent dominants).
Retenons la malice des médecins qui, faute de pouvoir traiter les patients, soit en raison de la résistance des douleurs physiques et morales des maladies chroniques, soit en raison du fait que les maladies de civilisation (HTA, diabète, maux de dos) ne peuvent être soignées ou prévenues qu'en changeant de paradigme civilisationnel, ont décidé de leur faire endosser les maladies et les traitements en inventant (les marketeurs ont dû s'en donner à coeur joie), l'empowerment, l'éducation thérapeutique, l'entretien motivationnel, la décision médicale partagée, les réseaux de soins et les stages d'appropriation de la maladie.
Quant à la malice des patients elle est d'instrumentaliser les médecins amis en les bombardant experts et ainsi des médecins généralistes sont-ils devenus des spécialistes mondiaux de maladies orphelines exerçant dans les beaux quartiers.
Avec tout ce que j'ai écrit et promis il me reste beaucoup de travail...
Notes.
(1) Les médecins amis sont des médecins qui, contrairement aux
crétins habituels qui ne savent pas quoi donner comme thérapeutique dans la
fibromyalgie par exemple, comprennent les attentes des malades, comprennent la
physiopathologie, et prescrivent les produits ad hoc, c'est à dire ceux qui sont désirés a priori par les patients et, comme on l'a vu, hors AMM et hors EBM (voir LA).
Jadis, quand nous étions externes dans les hôpitaux de l’Assistance Publique de Paris et qu’on nous enseignait, les bons jours, une médecine que nous ne pratiquerions jamais, (nous le savions mais nous n’imaginions pas que le gouffre pût être aussi profond), et que nous étions confrontés, jeunes gens idéalistes, à l’incohérence de l’organisation des soins (nous ne pensions pas ainsi, nous pensions que rien ne pouvait être pire pour un malade que le bordel de ces hôpitaux où la personne humaine n’était pas respectée, où le malade était considéré comme un objet d’examen inerte et sans pensées, les visites au lit du malade ayant toujours été pour nous un moment terrible de souffrance où nous comprîmes, pour certains, que nous n'avions rien à faire dans les hôpitaux), nous nous disions entre nous que le seul obstacle au bon fonctionnement des hôpitaux (et les administratifs ne rôdaient pas encore sous le lit des hospitalisés et dans les salles de repos), était la présence des malades. Un hôpital sans malades, voilà ce qui aurait convenu à nos maîtres et enseignants.
Image sulpicienne et anglo-saxonne de la relation médecin patiente. Crédit : ICI
texte extremement riche :bravo!trop pour etre compris et discuté en 1 passage...
RépondreSupprimerle premier petit paragraphe sur jeunes et maisons médicales me semble particulièrement juste et piquant!
je rajouterais que les mouvements actuels ne semblent pas avoir compris dans leur égotisme que notre chère ministre and co dans son impuissance intellectuelle,financière.. n'a aucune intention de s adresser à eux mais aux patients/électeurs dans ses différentes facettes et qu'ainsi le débat 1:3 payant est un excellent coup bien meilleur que précédemment sur les dépassements ou les déserts
En vous lisant je me demandais pourquoi je consulte votre blog et ce qui m'y attache tant.
RépondreSupprimerFinalement, ce qui me plait dans vos textes, c'est autant son contenu que la liberté d'expression que vous avez. Vous osez être polémique, vous osez vous engueuler, vous "colleter" avec les idées et tous vos contempteurs. Vous vous permettez d'être partial, fidèle à vos partis pris. j'y vois la grande tradition de la "disputatio" de la renaissance.
Pour en revenir à votre texte, je vais me permettre d'être moi aussi provocateur. Vous inventez le fil à couper le beurre en évoquant la question du retour du sujet dans le cadre de la consultation de médecine générale. le sujet a toujours été présent. Le médecin en a tenu plus ou moins compte, voila tout. Croyez vous que nos patients font tout ce qu'on leur dit de faire, qu'ils croient toutes nos paroles, et suivent scrupuleusement tous nos conseils?
Quand aux associations de patients, elles sont très anciennes et se créent la ou la médecine et les médecins les abandonnent.
On peut ne pas être d'accord avec le consumérisme médical de certains patients et leur adhésion aux maladies que big pharma fabrique pour que tout le monde consomme plus. La poignée de personnes qui s'opposent à ce consumérisme n'est pas grand chose en regard de la puissance des idées dominantes.
Bien à vous.
Les patients atteints d'une maladie grave et de longue durée ont un avantage sur les médecins : ils sont à temps plein sur et dans leur maladie. S'ils ont une capacité intellectuelle avec une bonne formation, même sans aucun rapport avec la médecine, ils pourront investiguer leur maladie et impressionner les médecins. Ce n'est pas une supposition, cela a été reconnu au congrès de santé publique de la Sfsp à Lille auquel j'assistais il y a 2 ans. L'expertise profane était d'ailleurs l'un des principaux thèmes de ce congrès.
RépondreSupprimerCela pourrait faire penser à ces équipes de foot de 6ième division qui affrontent les pros en Coupe de France sur un seul match. Il leur arrive de gagner car ils jouent LE match de leur vie.
De plus, leur action peut contribuer à combler un manque auprès des autres malades. A une assemblée générale d'une association locale de malades atteints de sclérose en plaques j'avais fait un exposé sur la vaccination hépatite B et la SEP. J'avais été très impressionné par l'ambiance qui régnait parmi eux. Je leur ai dit qu'à les voir on avait (presque...) envie de tomber malade comme eux afin de leur ressembler.
"et, pour finir, ne me lancez pas de tomates, une crainte du patient maquillée en promotion de sa santé globale.
RépondreSupprimer"
J'aime beaucoup cette réflexion, et effectivement, la question vaut d'être posée.
D'accord avec dr Bill pour la liberté d'expression, le courage de dire etc je suis accro comme lui.
RépondreSupprimerPetit commentaire néanmoins de patiente: -vous dites plus d'une fois que le patient instrumentalise le médecin....et il me semble que oui, certes, comme une revanche à ce qui se fait massivement. C'est à dire l'instrumentalisation du patient par Bigdoctor. le patient traque le bon médecin qui n'est pas forcement celui que vous choisiriez et moi non plus par méconnaissance...ou disons car le patient "croit" en la médecine telle que celle-ci se propose au grand public. Toute puissante, efficace, moderne et pleine de promesses. Ses échecs sont considérés comme de l'incompétence parce qu'elle dit qu'elle peut tout faire. Comme on veut supprimer tout ce qui serait de l'ordre de la non-maîtrise dès qu'il se passe quelque chose de non prévu on cherche des coupables, d'un côté comme de l'autre. Un patient se bousille tout seul car il ne mange pas ses fruits et légumes et prend l'ascenseur, un médecin se plante car la consultation n'a pas pris 20 mns. Je sens une sorte d'opposition médecins-patients comme si nous ne faisions pas partie de la même société et nous en faisons partie.
Nous sommes bien plus ignorants, naïfs et bernés que vous sembleriez le penser. D'où ma question. Le corrompu serait plus coupable que le corrupteur? Avant de me lancer dans ce que je crois comprendre...Pourriez vous brièvement m'expliquer?
@ m bronner
RépondreSupprimerPar où commencer ?
Bien entendu que les médecins instrumentalisent les malades. C'est un fait acquis. Ou leur mentent. Par ignorance, par roublardise, par intérêt, pour leur bien, par arrogance... Choisissez ce que vous plaît le plus.
Mais les malades ont toujours instrumentalisé les médecins en raison du lien d'intérêt majeur du médecin : il doit gagner sa vie et le client pourrait être roi... pour qu'il en gagne plus...
Le médecin mondain est le type même du médecin instrumentalisé. Je développe ?
Enfin, bien entendu, le corrompu est plus à blâmer que le corrupteur car le corrompu peut toujours dire non au corrupteur qui lui demande de dire oui.
Bonne soirée.
pour dr du 16
RépondreSupprimerNon, ne développez pas pour le médecin mondain. J'ai compris; bien que le mot "instrumentalisé" ne me semble pas totalement adapté. Car il y a dans ce mot là quelque chose qui impliquerait comme une inconscience de l'instrumentalisé et là...ça peut se discuter. En revanche, c'est vrai, je vous l'accorde, je ne vois pas par quel autre mot je pourrais remplacer "instrumentalisé".
Il reste que j'ai perçu une forme d'évolution des mentalités. Il y a quelques années encore, le patient dans son ensemble pensait que le médecin agissait pour un bien commun, ou le bien de son patient, qu'il était motivé dans son travail par une vague idée de "vocation" et on enlevait sciemment ce petit détail du paiement qui salissait d'une certaine façon la beauté du geste. Du coup quand les médecins revendiquaient une augmentation du C, le patient se sentait presque trahi: -Ah, c'est donc pour l'argent...
Oui, aussi, il faut bien vivre autrement qu'en étant payé de reconnaissance, d'une douzaine d'oeufs et d'un lapin ou de la promesse d'une vie éternelle. Maintenant que le patient se considère comme un client ou un "ayant droit" le rapport au médecin glisse lentement vers autre chose.
C'est là aussi que se situe l'ambivalence de ce rôle donné au mg. Mais je reste très tolérante pour le corrompu qui ne sait pas dire non au corrupteur car il ne voit pas, n'imagine pas, ne comprend pas tous les enjeux. D'autant plus fortement d'ailleurs quand cette situation de patient fragilise sa capacité au raisonnement.
http://www.huffingtonpost.fr/2013/09/17/les-personnes-agees-plus-80-ans-consomment-deux-fois-trop-medicaments-sante_n_3941988.html
RépondreSupprimer[ Cette étude sur la "consommation médicamenteuse des sujets âgés en France en 2011", dévoilée par le journal Libération, comptabilise la prise de 8 médicaments différents par personne pour la tranche d'âge des 70 à 80 ans.
Pour les personnes âgées de 80 à 100 ans, la consommation progresse encore avec près de 10 médicaments (9,61 pour les 80/90 ans et 9,92 pour les 90/100 ans). Au-delà de 100 ans, la consommation décline cependant avec 8,11 médicaments en moyenne. ]
La plupart des personnes de plus de 80 ans sont peu demandeuses de médicaments, car elles ont en général beaucoup relativisé leurs possibilités d’améliorer leur confort de vie, ou encore parce qu’elles ne sont plus en état de formuler des demandes précises. Le sentiment de leur vulnérabilité a souvent beaucoup minimisé leur intérêt pour leur état de santé, et beaucoup subissent docilement leurs traitements plus qu’elles n’y participent, tout particulièrement en institution. Les consultations qui les concernent sont habituellement des renouvellements souvent mensuels de traitements, qui laissent peu de temps à un éventuel dialogue.
Les vieux en général admettent tout à fait la relation de pouvoir médecin/patient, ne vont jamais sur internet et lisent rarement les notices des médicaments, dont ils sont les plus gros consommateurs quand même.. Leur manque de perspectives thérapeutiques les place en situation de corrupteurs : le MG confronté à son impuissance prescrit aussi pour “faire quelque chose” et dans l’intention de les aider, c’est souvent vrai.
L’autre aspect de leur surconsommation médicamenteuse est liée à une forte inhibition à déprescrire (spécifiquement française ?), ce qui amène aux impressionnantes ordos de gériatrie.
Le lit semble en voie de se faire pour les transferts de compétence, particulièrement pour les maladies chroniques et la médecine dite préventive : le tout protocole nous y mène à grands pas. Ajoutez-y le surnombre d’infirmières (toujours plus de DE dans un contexte de diminution de postes), le stress dans les services et le secteur libéral pléthorique, ça va donner de nombreuses collègues prêtes à s’engouffrer dans un créneau sans doute pas passionnant mais qui leur vaudra malgré tout plus de considération, moins de responsabilités et de fatigue et qui aura l’attrait du nouveau.
Le gros problème semble être l’indifférence générale, des médecins et autres pros de santé mais aussi des patients.. Les actions et manifestations des médecins concernent essentiellement leurs revenus, les patients, par le biais des associations, réclamant le droit à la consommation : le déremboursement envisagé pour les TT de la maladie d’Alzheimer avait entraîné un tollé des assoces, et je ne sais plus quelle assoce d’aide au sidéens réclamait pour eux le remboursement du Gardasil..
Le patient –souvent à l’insu de son plein gré- instrumentalise le médecin, lui-même instrumentalisé par les puissants acteurs du paysage sanitaire, mais il est parfois difficile à la personne qui souhaite peu ou pas consommer de produits de santé d’y échapper, surtout en collectivité.
L’interview d’Egora d’une médecin sur la débauche de produits de santé en France, dont elle dédouane les prescripteurs “qui ne sont pas des pharmacologues et ne savent résister à la pression des patients, très gourmands de médicaments.” http://www.egora.fr/sante-societe/syst%C3%A8me-de-sant%C3%A9/171297-sant%C3%A9-les-fran%C3%A7ais-sont-trop-g%C3%A2t%C3%A9s-%C3%A7a-suffit?page=1
L’article est d’ailleurs intitulé: "Les Français sont trop gâtés, ça suffit"
@ cath
RépondreSupprimerMerci pour vos réflexions éclairantes.
Pour les personnes âgées,le nombre de lignes de médicaments est explicable (mais non pardonnable) :
1) L'accumulation des pathologies avec l'âge a entraîné l'accumulation des médicaments : hta, arthrose, athérosclérose, diabète, dyslipidémie, alzheimer, anxiété, dépression, ...; selon le principe marketing : un symptôme, un médicament, la liste s'est allongée
2) La dé prescription est difficile quand le spécialiste de l'oeil a prescrit un jour un médicament en disant au patient : c'est pour la vie...
3) Contrairement à ce que vous pensez, les personnes âgées sont très demandeuses de médicaments car, dans leur inconscient (et, j'en ai peur, dans celle du médecin), si elles ont vécu longtemps, c'est grâce à ces médicaments...
4) Enlever une statine à une personne de 75 ans, par exemple, après que le cardiologue eut répété cent fois que c'était à vie, signifie pour le patient que l'on abandonne, qu'il peut mourir...
5) la médecine symptomatique est terrible et les promesses hédonistes sont telles, on entend tant qu'il ne faut laisser personne souffrir...
6) Les psychotropes en général : on ne peut pas dire à la fois que le taux de suicide est important chez les personnes âgées et ne rien leur proposer, sinon des bonnes paroles et leur dire de faire l'amour (HAS)
Notre désir d'immortalitéfait croire aux bienfaits des médicaments...
Bonne journée
Le patient me paraît être d'abord bien formaté par ce qu'il voit à la télé ou qu'il lit dans certaines revues. Comme les émissions et revues santé ne sont sans doute pas totalement indépendantes de qui vous savez, le patient pourrait n'être qu'un relai pour agir sur le médecin. Si le patient croit qu'il a vécu grâce aux médicaments, il peut l'entendre ou le lire un peu partout : ce sont les médicaments et les vaccins qui sont à l'origine de l'allongement de la durée de votre vie, sans le vaccin antivariolique on serait tous morts...
RépondreSupprimerSi on admet le principe que c'est celui qui paie qui commande, ce n'est pas le patient qui paie la consultation mais la sécu, du moins chez les médecins conventionnés. Disons que le patient peut changer de médecin mais le médecin déconventionné vit avec le patient une relation qui doit être très différente de celle du médecin conventionné ?
Témoignage d’une patiente, qui veut bien se prendre en charge mais ne veut devenir médecin à la place de son médecin.
RépondreSupprimerLe MG est, selon moi, l’interlocuteur privilégié pour la simple et bonne raison que c’est lui que l’on voit normalement (sauf exception) le plus « souvent », et que c’est donc à lui que l’on livre, consultation après consultation, des morceaux de notre vie, au sens large du terme. C’est donc lui qui aura la meilleure vision globale du patient.
Ensuite, il doit avoir un rôle de pivot, une sorte de « hub », en envoyant chez d’éventuels spécialistes. Pour cela, il faut que le MG (et le patient aussi) accepte d’admettre les limites de ses connaissances ou faire part de ses doutes sans croire que cela est une preuve d’incompétence, bien au contraire, AMHA. C’est avec lui que l’on discute donc, dans la bienveillance et le respect, de ses craintes, de son niveau de compréhension (ou d’incompréhension), et il me semble qu’il est normal d’attendre la même chose de son MG, car si le MG à une connaissance générale des différentes spécialités, cela ne signifie pas qu’il est spécialiste dans toutes.
Le MG doit donc conseiller, orienter, répondre aux questions des patients, le cas échéant … et laisser le choix définitif au patient, même si cela va à l’encontre de ses propres convictions, car c’est quand même de la santé du patient qu’il s’agit, et donc il me semble normal que ce soit à lui de choisir ce qu’il veut pour lui même si je comprends très bien que cela peut être parfois très difficile pour le médecin d’accepter certains choix, si c’est le cas, cela devrait être clairement dit au patient. Car pour qu’une collaboration médecin patient, il me semble essentiel que la « confiance » règne. (Je mets des guillemets, car on sait que patients et médecins mentent… Disons qu’il faut un niveau de mensonge acceptable et accepté par les deux parties ;-)
L’arrivée d’internet a effectivement changé la donne en termes d’information. En effet, les patients peuvent aller pianoter sur leur clavier et lire… mais, et c’est un constat personnel, il est très difficile de trouver une info « fiable », car outre la compréhension du sujet quand on est béotien, il faut recouper cette info, et valider les sources… travail très chronophage et donc fastidieux, mais parfois nécessaire, pour soi, (choix pour sa santé) et pour pouvoir « évaluer » son médecin aussi.
Le problème, de nouveau, est de ne pas prendre pour argent content la première réponse trouvée sur le net, voire la première réponse sur un forum. C’est bien pour cela que le dialogue et cette notion de confiance me semble indispensable et incontournable. (Personnellement, je discute avec mon MG des éventuelles décisions de spécialistes, et j’aurais plutôt naturellement confiance en mon MG, car c’est lui qui me connait le mieux).
Vous aviez évoqué dans un de vos papiers la question de l’adressage. Il me semble que le MG doit être libre de dire qu’il n’aime pas tel spécialiste et argumentant sa position succinctement, et faire de même s’il en apprécie un autre, et une fois encore, c’est au patient de choisir in fine chez qui il préfère aller selon ce qu’il sait (croit savoir) et ce que son médecin lui a dit.
Le MG doit être au centre du parcours de soin, c’est selon moi, le point d’entrée, le pivot, et le point de sortie de toute décision médicale où plusieurs intervenants ont été nécessaires.
Maintenant, quelques remarques en vrac sur votre post riche et dense, comme à l’accoutumée.
RépondreSupprimer« L’état d’esprit » : il me semble effectivement le meilleur cadre, car il y a autant de pratique que de médecin, exposant le nombre de patients.
« Les maisons pluridisciplinaires » : cela me fait penser au supermarché médical ou la galerie marchande, au choix… Cela peut avoir un aspect pratique, mais je ne suis pas complètement convaincue, car cela ne garantit pas que l’on sera sur la même longueur d’onde avec tous ses occupants… (Sans compter, mais c’est hors sujet, que si c’est pour repeupler les déserts médicaux, pourquoi plusieurs professionnels de santé iraient s’installer là où un seul ne veut pas aller ?) Enfin, je redoute aussi un peu le « dossier partagé »… qui anéantirait toute notion de confiance (secret professionnel) et de fait, génèrerait une régression sur le plan de la prise en charge, car le patient ne délivrerait alors plus que le strict minimum (qui peut s’avérer parfois insuffisant) pour une sa prise en charge « optimale ».
« La relation asymétrique médecin-patient » : Elle l’est par nature me semble-t-il. Le médecin détient un savoir que le patient n’a pas (sinon, il n’irait pas consulter). De surcroît, le patient est vulnérable, lorsqu’il se présente, puisqu’il est « malade » au moment où il consulte. Il est donc en position d’attente et est tributaire du bon vouloir/savoir de son interlocuteur. Cependant, si l’échange est réel au cours de la consultation, bienveillant de part et d’autre, alors, cette asymétrie, au moins dans la perception, doit être atténuée, justement grâce à ce dialogue, même bref.
« Internet » : Du bon et beaucoup de mauvais, selon moi. Du bon, parce qu’effectivement, on peut y trouver pas mal d’informations, bien trop, dirais-je même. Il est très fastidieux d’aller vérifier toutes les sources, c’est très chronophage, et pour un patient, si l’on se contente du premier lien proposé par le moteur de recherche, on a toutes les chances de tomber sur une info erronée, raccourcie et donc inexploitable, ou pire, sur des témoignages (forums) qui non plus rien de « scientifique ». En revanche, en creusant et en y passant du temps, cela peut aussi être un excellent moyen de recouper ou infirmer, ce que les médecins disent, et cela peut donc permettre de se faire une idée des propos tenus pas son médecin… mais prudence prudence, car il est difficile, lorsque l’on a pas l’expertise (même quand on l’a, parfois – influence, conflits d’intérêt…), de valider une source d’où la nécessité de pouvoir échanger avec son médecin sur ses éventuelles recherches.
Si Internet peut permettre à des patients de se retrouver et d’échanger sur leur propre maladie, cela ne veut pas dire qu’ils en sont experts pour autant, et je considère que chaque cas est particulier. Côté médecins, cela peut effectivement permettre aux médecins de se soumettre leurs cas problématiques (en faisant attention à ce que le patient ne tombe pas sur son cas, où sur la photo d’une partie de son corps parce qu’elle a été exposée pour mise en commun d’une réflexion… ou d’un jeu de devinettes, ou pire, pour une petite moquerie en passant – parole de patient, par exemple).
« Le désir légitime des patients de sortir de leur état d'infantilisation » : Si effectivement le patient ne souhaite plus devoir se plier sans comprendre aux directives médicales, je ne crois pas qu’il veuille (et puisse) nécessairement devenir expert pour autant. Le patient ne veut effectivement pas être éduqué (Cf Jaddo), mais juste, éclairé. Il veut comprendre ce qui lui est demandé et pouvoir déterminer si c’est ce qu’il veut vraiment.
Enfin, en ce qui concerne la déstabilisation du médecin, je peux la comprendre, je la ressens, du point de vue du patient (car je ne fais pas partie du corps médical), comme un manque de reconnaissance, de la part de votre propre ministère en tout premier lieu, et aussi des patients qui sont conditionnés doucement mais surement à consommer la médecine comme un produit marchand quelconque et à ne plus considérer le MG que comme un intermédiaire quelconque, dont on pourra se passer un jour (ce qui me semble être une erreur pour les raisons évoquées quant au position du MG dans le parcours de soin).
RépondreSupprimerBonne journée à tous
Cordialement
Et merci à JCG pour ce blog.
pour Charlotte
RépondreSupprimerAbsolument d'accord avec vous!
surtout par rapport aux maisons pluridisciplinaires
Encore un super post!
RépondreSupprimerJe trouve aussi que l'analyse de Charlotte est très juste (malgré le manque criant de références).
Mais, même si je ne suis pas cette affaire de très près, sur les maisons plusridisciplinaires il ne m'a pas semblé comprendre que les médecins allaient se passer les malades de l'un à l'autre comme s'ils jouaient au volley mais qu'il s'agissait juste de pouvoir être remplacé facilement en cas d'absence?
Quant aux dossiers partagés, cela pose effectivement d'autres questions.
@ CMT
RépondreSupprimerConcernant les maisons pluridisciplinaires, il n'y a pas de notion de dossier partagé évoquée, je confirme. Cela relève de la crainte. La mutualisation des moyens pourrait tout à fait un jour glisser sur la notion de dossier partagé, vendu par exemple comme un gage de performance du suivi, puisque toutes les données seraient regroupées dans un même dossier, cela permettrait d'éviter des examens en doublons, de gagner du temps...
La rémunération du MG est bien en train de glisser vers celle d'un vendeur, avec prime sur réalisation d'objectifs... alors, plus rien ne m'étonnerait vraiment, je crois.
Quant aux références, je n'en ai pas (j'ai d'ailleurs préciser en début de commentaire "témoignage") et même si j'en avais, je ne les citerais pas, car à ne vouloir prendre que ce qui est "normé" on en oubli l'essentiel, l'humain, l'intuitif, et parfois même le bon sens. Combien d'études dont nous aurions besoin ne sont pas faites ? Combien d'études mal faites sont exposées comme étant le modèle ?
Les études sont certes utiles, mais, même si je ne partage pas l'approche de DD en partie sur la médecine 2.0, je dois avouer que je trouve intéressante l'écoute qu'il a envers les témoignages et ce qui peut en ressortir, car je pense que cela peut, en fonction de l'itération, permettre de voir émerger de nouvelles pistes (qui pourront alors être validées dans le cadre d'études ;-)
Cdlt
A Charlotte,
RépondreSupprimerComment dire? Les vapoteurs font ce qu'ils veulent, dans la mesure où ils sont adultes et en pleine possession de leurs moyens. Mais ils ne peuvent pas demander aux médecins de donner la bénédiction à la e-cigarette sous prétexte qu'ils y croient et de la valider comme moyen de sevrage tabagique en l'absence d'études scientfiques. Qui plus est se livrer à une sorte de chantage (si vous n'êtes pas d'accord je me remets à fumer, ce qui, soit dit en passant, est assez typique de personnes addictes qui veulent toujours, comme les ados, tester les limites et faire sortir leur interlocuteur du cadre) pour arriver à ce résultat.
Pour le dossier partagé, je confirme, c'est un danger, y compris (et surtout peut-être) dans le service public.
Pour les références, je plaisantais...
@ CMT.
RépondreSupprimerPermettez moi de réagir à vos propos sur les personnes souffrant de pathologie addictive dont vous dites " [ils] veulent toujours, comme les ados, tester les limites et faire sortir leur interlocuteur du cadre".
A quoi faites vous référence pour affirmer cette idée?
Pour ma part je n'ai pas cette expérience. Parmi les patients dépendants des produits il y a des ados, mais pas que...
Les adultes réagissent comme tels.
Je craint que les idées reçues et le regard porté sur ces patients conditionnent leur comportement ainsi que leur capacité à mobiliser leurs ressources pour faire évoluer leur comportement.
Pour en revenir au sujet des relations patient médecin, ce qui se passe dans une consultation d'addictologie me semble être le paradigme de la démarche EBM ou tous les facteurs sont exacerbés, y compris les représentations négatives du patients lui même sur ce qui lui arrive.
Bien à vous.
@ dr Bill
RépondreSupprimerMon expérience de l'addictologie est faible en tant que médecin (en tant que citoyen je me suis arrêté de fumer en 1979 puis en 2004, je crois...)
J'adresse des patients en addictologie et je suis frappé d'une part du faible taux de réussite et d'autre part des conduites stéréotypées des addicts et des addictologues.
Ce dernier point me fascine.
Et je ne m'étonne pas de la "résistance" au baclofène et à la e-cig de la part des soignants, non parce que cette résistance serait liée à une éventuelle efficacité des deux procédés (après tout, je l'ai écrit, je serais tellement content que cela "marche" -- mais je n'y "crois" pas) qui les condamnerait au chômage technique, mais parce que cela change leurs habitudes.
Il existe un panurgisme des addicts (faire partie de la communauté des addicts avec les images positives communautaires mais surtout, comme vous le dites, négatives concernant l'estime de soi) et un panurgisme des addictologues (que j'estime en première hypothèse idéologique).
Bonne soirée à tous.
@ CMT
RépondreSupprimer:-D
Je ne pensais pas à l'épisode e-cigarette, qui il est vrai, a suscité un débat fort intéressant dans lequel je refuse de rentrer... (je fume une cigarette, une vraie qui donne mauvaise haleine, assèche la bouche, encrasse les poumons et réduit ma durée de vie et celle de mon entourage, pendant que je réponds , car je fais partie de ces "idiots" qui ne savent pas s'arrêter, mais je ne suis pas tentée par la e-cigarette, car j'estime qu'il devrait y avoir des tests avant mise sur le marché, et qu'en plus, j'ai trouvé ça infecte quand on m'a fait gouter. Je nefais pas de chantage à mon MG, je lui dit que je fume et c'est tout. Il n'a jamais fumé, donc je considère qu'il ne peut pas m'aider, donc je ne lui demande rien, je me débrouille, mal, et je fume encore, pour le moment, espérant une prise de conscience suffisante pour arrêter. J'arrêterai nécessairement un jour, au pire, celui de ma mort ;-)
Je pense que dans notre société, où seul ce qui a été validé "scientifiquement" est considéré comme valable, nous nous privons de pistes, d'éléments de compréhension qui ne sont étayés que par des ressentis pas forcément pris en compte. Je pense que l'Homme est un animal, et que par les codes en vigueur, nous nous bridons, d'une certaine façon, car nous sommes conditionnés à ne réfléchir que selon un seul schéma, et cela, depuis l'école... C'était l'idée... et je ne partage pas toutes celles de DD, car je ne crois pas en la sagesse collective, si c'était le cas, elle aurait déjà fait ses preuves. Il faut un mix de tout ça, pour garder l'esprit ouvert et ne rien rejeter par défaut, mais rester vigilent sur les moyens mis en oeuvre et outils utilisés ;-)
J'aime la philosophie de JCG, ses approches, sa rigueur, et pour le moment, il ne semble pas succomber à la soif de reconnaissance et/ou de notoriété comme certains sur le net, de même, il ne fait pas semblant d'étaler ses erreurs ou ses doutes pour prouver à quel point il est un bon médecin qui se remet en cause...
Amicalement
A Charlotte,
RépondreSupprimerIl ne s'agit pas d'être idiot. J'ai des proches qui fument. J'estime que c'est une question très personnelle, tant que la loi autorise le tabagisme (un héritage historique, un accident et non le fruit d'une volonté des Etats mais plutôt d'une absence de volonté).
Pour les femmes, et parfois aussi pour les hommes, les enfants sont une puissante motivation.Ou les difficultés financières.
JCG a résisté jusqu'ici, et, j'espère pour toujours, à la tentation de se transformer en "produit". Les tentations de ce type sont souvent fortes (autant que l'envie de fumer pour un fumeur).
Je crois qu'on n'est plus crédible en tant que médecin quand on se prend pour un produit ou qu'on se mêle d'en promouvoir.
Ce n'est pas le rôle d'un médecin.Le médecin n'est pas un porte-drapeau. Sinon le médecin "sait" ce qui est le mieux. Et alors où est le choix du patient?
En revanche on peut réfléchir et raisonner sur tout.
Mais pas avec tout le monde.
Amicalement
A Dr Bill,
RépondreSupprimerSur quoi je m'appuie? Sûrement pas sur mon expérience en tant qu'addictologue. Sur une somme d'expériences personnelles, de lectures, de formations et sur l'entrecroisement de tout cela.
Je ne dis pas que c'est vrai pour chaque fumeur. Je crois qu'il y a autant de types et degrés d'addiction que de fumeurs.
Mais quand j'observe les idées force du discours des vapoteurs, leurs réactions, leur soif d'absolu, cela m'évoque terriblement cet univers là.
Ce qui ne veut pas dire que dans d'autres domaines les mêmes personnes n' auront pas un comportement tout à fait adulte.
Et les ados je connais un peu mieux.Avec leurs demandes paradoxales. Quand on veut qu'ils aillent voir un psy parce qu'ils vont mal ils préfèrent qu'en tant que professionnel non formé au suivi d'ados en souffrance on soit leur ami. Une manière de toujours échapper au cadre et de toujours le mettre en échec.Et d'aboutir à coup sûr à l'échec du suivi, si on rentre dans leur jeu.
Mais effectivement il s'agit très probablement d'une frange très limitée des fumeurs.
@ Docteur 16 et CMT.
RépondreSupprimerL'addictologie et les addictologues font l'objet d'idées reçues. Vos commentaires en témoignent.
Le peu de succès des soins addictologiques n'est qu'apparent. Il faut comprendre qu'il s'agit pour le plus grand nombre de pathologies chroniques avec des hauts et des bas. Le travail de l'addictologue est un accompagnement adapté à chaque personne sur le long terme.
En échangeant avec des soignants qui ne connaissent pas l'addictologie, je me suis rendu compte que certains pensaient que le soin addictologique était nécessairement contraignant pour des malades non compliants.
Il n'en est rien. Les malades comme, pour d'autres pathologies chroniques, nécessitant des modifications de comportement, ont des difficultés pour s'adapter. La particularité principale est le regard commun péjoratif posé sur ces pathologies. Les malades eux mêmes ont ce regard dévalorisant. S'il vous semble qu'ils ont des comportements communautaires "panurgiques", mon expérience en particuliers des alcoolo dépendants me montre surtout que ces personnes souffrent de solitude.
Comme en médecine générale, et comme en médecine en général, l'addictologue doit tenir compte des représentations du patient, de ses croyances etc...
Quand aux addictologues, leur attitude n'est pas plus "panurgique" que les autres professionnels de la santé, y compris les généralistes.
Bien à vous.
@ CMT
RépondreSupprimerNous sommes entièrement d'accord sur le fait que le médecin ne doit pas être un porte-drapeau, et je n'approuve pas le papier de DD sur la promotion de la e-cigarette, car comme JCG l'a très justement dit, cette position (dont on ne pourra connaitre l'issue que dans un avenir lointain) met le doute sur l'ensemble de ses papiers, alors qu'il me semble que certains semblent d'excellente qualité.
Après, le "idiots" employé était une façon de dire que bien que connaissant tous les risques, je fais partie de ceux qui fument encore "en toute connaissance de conséquence", si l'on peut dire.
Je clos cet écart sur la e-cigarette qui a son propre billet dédié sur ce blog, et laisse continuer les débats sur la médecine générale.
Au plaisir de vous lire.
@ dr Bill
RépondreSupprimerQue les MG aient des comportements panurgiques, OK.
Que les Médecins en général aient des comportements panurgiques (corporatistes ?), OK.
Mais comme tout le monde.
Ce n'était pas une critique contre les addictologues : j'exprimais mon impression.
Si vous pensez que les addictologue ont de bons résultats, c'est que quelque chose m'a échappé.
j'avoue.
Bonne soirée.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerC'est un peu ennuyeux quand même, si tous les groupes impliqués se traitent mutuellement de panurgistes, s'appuient sur leurs impressions et exigent en même temps des preuves solides de toute opinion déviant de leurs propres interprétations. Ça revient finalement à du simple commérage basé sur la dépréciation en bloc des «autres».
RépondreSupprimerLa philosophie «occidentale» aime rechercher LA vérité qui a raison et exclut toute vérité différente. On a raison ou on a tort. On choisit entre toutes les solutions possibles la seule qui sera la vraie bonne solution et on se ferme aux autres. On définit le seul objectif plus important que tous les autres.
La philosophie «orientale» cherche plutôt la sagesse qui permet de concilier plusieurs approches qui ont l'air de s'exclure. Entre toutes les solutions possibles, on en élabore une nouvelle qui est le compromis préservant le plus possible des différentes approches.
Chacun a en soi un peu de philosophie occidentale et un peu de philosophie orientale, heureusement. En y mettant une bonne portion de respect mutuel et d'écoute, et en renonçant aux faire-valoirs de toute sorte, je crois qu'on découvrirait que tous voient en gros la même chose sous les angles différents de leur position, avec les filtres différents de leurs préjugés (rien de péjoratif là-dedans, sans préjugés nous serions tous morts, c'est une fonction vitale). Il n'est pas utile de vouloir «gagner» une discussion. Il n'y a rien à gagner dans une discussion, sauf quelques nouvelles impulsions à la réflexion et peut-être une meilleure compréhension des raisonnements d'autres personnes.
@ tsange
RépondreSupprimerJe suis assez d'accord : panurgisme pourrait être élégamment remplacé par conformisme.
Oh là là : existe-t-il une philosophie occidentale et une philosophie orientale ? Je n'en crois rien.
Je vous rappelle que l'objet de ce post, je ne parle pas des commentaires très riches qui m'ont appris beaucoup de choses, était de dire : 1) Je n'ai rien contre la e-cig ; 2) Mais les arguments des pro e-cig sont peu étayés.
C'est vous qui faites du blanc / noir : toute personne qui n'est pas transportée par la modernité essentielle de l'e-cig est un loser, un réactionnaire, j'en passe et des meilleures.
Je ne le crois pas.
Bonne journée.
Docteurdu16 m'attribue: toute personne qui n'est pas transportée par la modernité essentielle de l'e-cig est un loser, un réactionnaire, j'en passe et des meilleures.
RépondreSupprimerJe n'ai pourtant jamais pensé ni écrit ça. Dans la discussion sur la e-cigarette, j'ai donné quelques informations qui manquaient visiblement, parce que je pensais que ce serait intéressant pour des gens discutant sur ce sujet.
Je n'ai traité personne d'enfant mental ou de dérangé dont il ne faut pas considérer les opinions, je n'ai accusé personne d'être dans la poche d'une industrie quelconque et je n'ai pas parodié pour le sport les exigences présentées pour la e-cigarette. Je pense avoir été constructive, pas du tout blanc/noir et certainement pas agressive.
Enfin, je n'ai pas pris votre billet actuel pour un billet sur la e-cigarette et je n'y parlais pas de vapotage, mais d'approches générales et de communication.
@ tsange
RépondreSupprimerDésolé.
L'anonymat me fait mélanger les commentateurs.
Je bats ma coulpe.
J'ai confondu par paresse les arguments des pro e-cig.
Cette expérience me culpabilise.
J'essaierai de ne pas recommencer.
Bonne journée.
Pas de problème.
RépondreSupprimerAu plaisir de vous lire (j'aime beaucoup votre blog).
A tsange
RépondreSupprimer« Il n'est pas utile de vouloir «gagner» une discussion. Il n'y a rien à gagner dans une discussion, sauf quelques nouvelles impulsions à la réflexion et peut-être une meilleure compréhension des raisonnements d'autres personnes. »
Je suis d’accord avec ça même si je peux un peu l’oublier dans le feu de l’action.
Je prends cette phrase de Jean-Claude dans le post : « la malice des patients elle est d'instrumentaliser les médecins amis en les bombardant experts ». La malice des patients est aussi d’obtenir ce qu’ils désirent des médecins dont ils connaissent ou ils subodorent la double casquette : à la fois soignants et libéraux en concurrence avec d’autres libéraux donc soucieux de complaire le patient/client. Et souvent les patients veulent des médicaments.
Il y a-t-il une addiction des français aux médicaments ?
En tous cas bien que s’inspirant d’approches en apparence fondamentalement différentes par rapport à la maladie et à la médecine l’homéopathie et la médecine classique ne se sont pas concurrencées mais se sont renforcées mutuellement. Les français constituent 1% de la population mondiale mais consommeraient 20% des médicaments homéopathiques consommés dans le monde en même temps qu’ils sont les plus gros consommateurs de médicaments classiques. Peut-être parce que ce qui sous tend cette surconsommation est commun aux deux approches. A savoir que les deux approches génèrent la surconsommation en raison de l’absence d’autonomie du patient face à la gestion de la maladie (autonomie au sens illitchien dirait JCG) qui constitue le facteur commun. Absence d’autonomie qui s’apprend et est transmise par la culture et l’éducation. On oublie trop souvent que l’addiction résulte de la rencontre d’un environnement facilitateur et d’une fragilité individuelle.
La définition de l’addiction ne fait pas consensus. Le concept s’applique plutôt à des produits spécifiques ou à des comportements spécifiques (addiction aux jeux d’argent, cyberaddiction, addiction au sexe…). Dans tous les cas la consommation du produit ou du comportement a une place bien particulière dans l’économie psychique de l’individu et sa répétition vise à diminuer transitoirement l’anxiété ou la tension ressenties.
Dans un texte très intéressant, synthétique et référencé, Marc Valleur de l’institut Marmottan explique quelles sont les trois approches de l’addiction et en quoi celles-ci ne se recoupent pas, mais comment on peut parfois les confondre et donc parler de concepts différents tout en s’imaginant parler de la même chose http://www.hopital-marmottan.fr/spip/IMG/pdf/Marc_Valleur_-_Definir_l_addiction.pdf . Selon l’approche adoptée les conséquences en termes de politique de prévention ne sont pas les mêmes. En même temps les expériences passées balisent le chemin à suivre.
RépondreSupprimerJe vais résumer les idées principales du texte mais cela vaut vraiment la peine de le lire entièrement.
Je commence par les constats généraux. Dans une population donnée, quelque soit le produit étudié, il y a des consommateurs et des non consommateurs. Cela permet d’avoir une approche du « risque » de consommation qui ne peut être que comparative et peut se faire de deux manières : 1- chercher chez les personnes « à risque » des facteurs de vulnérabilité (ce seraient, p exp, les hypothèses psychanalytiques ou neurobiologiques) 2-comparer les deux populations, consommateurs et non consommateurs, et dégager des caractéristiques générales qui seraient liées au risque (niveau de revenu, niveau d’éducation, d’information…). Dans la première approche on cherche des facteurs individuels, dans la deuxième, des facteurs environnementaux.
L’idée du « prevention paradox » est que si la consommation concernait l’ensemble de la population le problème environnemental pourrait être nié ou passer inaperçu puisqu’il n’y aurait pas de comparaison possible. P exp si toute la population fumait deux paquets de cigarettes par jour, le cancer du poumon serait réputé être lié uniquement à des facteurs génétiques puisqu’on n’aurait pas pu remarquer la plus grande fréquence du cancer du poumon chez les fumeurs. (p 14)
Une autre donnée d’observation est que, quel que soit le produit ou comportement concerné, parmi les consommateurs, les malades sont toujours minoritaires. C’est ce que Valleur appelle la « pyramide du risque ». Les expérimentateurs ou consommateurs sans problèmes avérés sont majoritaires, puis il y a les consommateurs à problèmes puis ceux qui sont malades. Cela est vrai qu’il s’agisse d’héroïne ,de tabac ou de tout autre produit ou conduite addictogène.
Pour les trois types d’approches, Valleur distingue 1- APPROCHE CLINIQUE pour laquelle la définition pose déjà problème puisqu’il s’agit de ne pas inclure d’office des individus qui ne se sentent pas malades. Car alors, hors produits illégaux, l’intervention thérapeutique n’a pas de légitimité. On s’accorde sur une définition pragmatique qui repose sur le critère « tentatives
répétées, mais infructueuses, de réduire ou cesser la conduite ». Mais dès lors que le patient n’a pas envie de changer sa conduite la seule légitimité de l’intervention du thérapeute est de susciter dans le patient l’envie de changer son comportement selon « modèle transthéorique du changement » de Prochaska et Di Clemente, ou aux approches de type « motivationnel » (Miller et Rollnick) . L’approche clinique se fonde sur l’intention du clinicien et sur la demande du patient et n’est pas une approche scientifique, même si le clinicien a pu se bricoler des modèles de compréhension qui empruntent à l’approche scientifique, à la psychanalyse etc. Modèles qui ne résisteraient pas à une analyse mais qui sont opérationnels d’après Valleur. On est dans un cadre où c’est l’intersubjectivité qui domine. Et Valleur précise ceci : « Quelle que soit l’importance des outils, notamment médicamenteux, dont il dispose, le coeur du traitement ne réside jamais dans son aspect « technologique ».
Dans une société où tout le monde fumerait, fumer serait la norme. La maladie au sens clinique est une construction qui naît de la rencontre du sentiment d’aliénation du patient et d’une norme sociale sous un regard clinique.
2 l’APPROCHE SCIENTIFIQUE vise à identifier le facteur X biologique commun aux addictions. Elle ne s’adresse pas à l’aspect subjectif comme la clinique mais au monde physique. Elle a conduit à ériger des modèles neurobiologiques, qui ne sont que des modèles, c'est-à-dire des hypothèses, et qui ne sont pas satisfaisants, même s’ils permettent de mieux comprendre le fonctionnement cérébral. Ils ne sont pas satisfaisants, et c’est moi qui l’ajoute, parce que l’on a pris des raccourcis trop rapides et hypersimplificateurs entre les observations ponctuelles et très partielles faites au niveau du fonctionnement cérébral et les manifestations cliniques. Si on trouve certaines modifications neurochimiques chez des personnes qui sont tristes, pexp, on ne peut pas en déduire qu’ elles sont tristes PARCE QUE ces modifications se sont produit. Prendre les modèles neurobiologiques pour argent comptant a conduit à des désastres de santé publique, comme dans le cas du traitement des enfants TDAH.
RépondreSupprimer3 l’APPROCHE DE SANTE PUBLIQUE , qui vise à contrôler l’environnement pour atténuer les conséquences de santé publique de l’usage de substances potentiellement addictogènes. Cela comprend donc, au-delà de l’addiction les usages nocifs de substances ou des conduties à problèmes ou nocifs (jeux d’argent p exp). D’un point de vue de santé publique la subjectivité n’a plus guère de place car il s’agit de réduire les conséquences des conduites potentiellement addictives.
En première approche, intuitivement, si une conduite est problématique en termes de conséquences et que la quantité d’usages problématiques d’un produit est proportionnelle au nombre de consommateurs il suffit de réduire le nombre de consommateurs pour atténuer le problème.
A l’extrême c’est le modèle prohibtioniste, c'est-à-dire l’interdiction absolue de consommation, mais dans les exemples connus (alcool aux Etas Unis, héroïne en Iran) les tentatives de prohibition ont provoqué l’effet inverse et développé l’usage du produit.
A l’autre extrême c’est le modèle libéral absolu (celui prôné par les vapoteurs) qui serait de s’en remettre totalement au bon vouloir des opérateurs qui viseraient à atténuer à postériori, par des actions spécifiques, les conséquences des addictions qu’ils ont développé. La gestion de l’alcool et du tabac sont des modèles semi-libéraux (un laisser faire réglementé) mais ils aboutissent au développement à grande échelle de la consommation de ces produits. Les allégations des producteurs et négociants pour défendre se modèle et qui disent que eux-mêmes devraient, ne serait-ce que pour des questions d’image, chercher à réguler la consommation ne tient pas devant la logique économique car, pour l’alcool p exp, 10-20% des consommateurs sont à l’origine de la majorité des revenus du secteur. Les conflits d’intérêts sont évidents et ne peuvent qu’aggraver constamment la situation en l’absence d’un arbitre extérieur (pouvoirs publics, Etat). Dans le modèle libéral les individus sont renvoyés à eux-mêmes, à leur fragilité (génétique p exp) et à leur responsabilité individuelle.
Les modèles qui recherchent des compromis, comme celui de l’héroïne (prohibition mais prise en charge et réduction des risques) ou des jeux d’argent en ligne semblent donner des bien meilleurs résultats en ce qui concerne le contrôle de la diffusion et de la banalisation des conduites à risque.
@CMT
RépondreSupprimerMerci pour ces explications, c'est très intéressant.
L'exemple de l'homéopathie, qui a effectivement une grande tradition en France (on en trouve déjà les louanges dans les romans de Féval père) alors qu'elle a beaucoup d'ennemis acharnés parmi les médecins de son pays d'origine (qui font valoir l'absence de résultats significatifs d'études rigoureuses de type pharmaceutique), montre que lorsque la prise de plusieurs médicaments n'est pas une nécessité médicale, mais une addiction à une sorte de rituel magique contre la mort, il reste la possibilité de remplacer tel ou tel médicament médicalement superflu ou dangereux par un médicament homéopathique ne contenant que des traces ou que la «mémoire» de la molécule annoncée dans le nom du médicament.
On garde l'addiction, on l'utilise même pour obtenir les effets bénéfiques du placebo (qui peuvent être très consistants), on obtient peut-être même des effets «réels» (au-delà des effets placebo) si l'homéopathie en a malgré les échecs dans les études, et on réduit le nombre des médicaments biochimiquement actifs à un nombre permettant d'en évaluer à peu près les actions et interactions. C'est donc tout bénéfice.
Là où ça se complique, c'est si le médecin «allopathe» tient à instruire le patient que l'homéopathie est une fumisterie ou si l'homéopathe instruit le patient que toute prise de «médicaments lourds» empêchera la guérison par l'homéopathie. Il y a aussi le problème éthique de l'usage détourné de l'homéopathie en tant que placebo, qui est forcément une forme de mensonge si on ne croit pas à l'utilité d'un placebo / n'admet pas qu'une méthode non scientifique puisse être efficace à sa façon.
Le procédé en soi permettrait sur le plan concret de satisfaire à la fois les objectifs du patient, les objectifs thérapeutiques du médecin et les objectifs de sécurité. Il est vrai qu'on n'aura pas sauvé le patient de son addiction, mais son addiction ne menacera plus trop sa santé. Personnellement, je trouve que c'est déjà un beau résultat.
Toute petite réflexion par rapport à l'homéopathie:
RépondreSupprimer-ça marche sur les animaux
-une expérimentation que je ne peux pas citer (honte à moi, n'étant pas méthodique j'ai perdu les traces) signale que "ça marche" uniquement si le médecin prescripteur y "croit" . Ce qui montrerait en quelque sorte que ça fonctionne chez les animaux parce que les maîtres qui donnent en sont convaincus. Compliqué tout ça...J'ai essayé moi, pour ma ménopause, mais je ricanais tellement dans ma tête...et mon médecin prescripteur n'y croyait sans doute pas plus que moi que l'échec était inévitable. D'où l'idée qu'il faudrait un peu de croyance de part et d'autre peut-être! Alors pour les hommes et les femmes de peu de foi!!!
A tsange et martine brönner,
RépondreSupprimerAutant dans la plupart des activités de la vie "y croire" est un agage de réussite sans qu'il y ait de revers de la médaille (croire en son travail, en ses projets), autant en médecine c'est une arme à double tranchant.
Parce que, entre autres,on peut appliquer exactement le même raisonnement à la médecine classique et en déduire que le médecin doit montrer qu'il y croit vraiment chaque fois qu'il prescrit un médicament ("vous allez voir, ce médicament marche du tonnerre"). Cela peut apporter un plus en matière d'autosuggestion et d'efficacité. Mais le problème est d'une part que le médecin ne peut pas passer sous silence les effets indésirabels d'un médicament, sous peine que le patient se sente bien seul s'ils se manifestent, et, d'autre part le prix à payer pour "y croire" est tout de même de rester dans l'ignorance et dans la dépendance. Et d'aller vers l'escalade et la surmédicalisation.
Pour ma part je trouve que le prix est un peu lorud à payer, d'autres, éventuellement intéressés, trouveront que c'est le juste prix d'un différentiel d'efficacité.
@ docteur 16.
RépondreSupprimerA propos des résultats en addictologie.
L'addictologie a beaucoup de points communs avec la médecine générale.
Comme pour toute pathologie chronique, il faut tenir compte de l'EBM pour évaluer" l'efficacité " de l'addictologie.
Pour faire une analogie prenons l'exemple du diabète. En médecine générale il va falloir prescrire le traitement adapte, évaluer le résultat sur la glycémie , la tension artérielle, la fonction rénale, ....mais aussi évaluer la tolérance à ce traitement, son observance, ses effets secondaires ainsi que Les conseils d'hygiène de vie.
En addictologie c'est la même chose. C'est surtout l'évaluation de ce que peut accepter le patient comme changement dans son comportement qui importe. Ces changements sont parfois infimes: accepter un suivi ou se servir de matériel stérile ou utiliser la e cigarette ou ne plus prendre de cannabis avant d'aller au travail ou ne plus prendre d'alcool avant de conduire....
L'évaluation de ce travail ne se fait pas uniquement sur le critère de l'arrêt du comportement addictif. Si c'est votre seul critère alors effectivement les résultats sont maigres, aussi maigres que guérir un diabète.
@Tsange et cmt
Heureusement que nous croyons à ce que nous faisons. Quelque soient les thérapeutiques utilisées, la façon de la dispenser va conditionner son acceptabilité et ses effets.
Merci à CMT pour ce texte, qui m'a permis de décortiquer l'addiction à l'homéopathie de façon 1) clinique (Ah l'intersubjectivité du patient et du médecin...l'effet placebo... l'incapacité pour certains de maitriser leur consommation...) de façon 2) scientifique (Ah le nombre d'Avogrado.. la mémoire de l'eau... le double aveugle..) et de façon 3) Santé Publique ( ah l'exception française...les profits de Boiron qui n'aide pas les patients dépendants à s'en sortir... le remboursement de la Sécu!!...) .
RépondreSupprimerJe vois bien un jeu en ligne qui permettrait de gagner des granules homéopathiques de morphine et de cannabis qui soigneraient la gueule de bois et permettraient de baiser à c... rabattues.
Non humour mis à part , très beau texte, merci
J'ai bien ri, merci Popper13 ! Vous avez cependant oublié de mentionner que l'addiction à l'homéopathie pourrait favoriser le diabète de type 2. CMT va sûrement nous dénicher une étude qui le démontre.
RépondreSupprimerPour contrer ce risque je propose de mettre au point la e-homéopathie : chaque produit a sa signature vibratoire. Ainsi, arnica 9CH a une signature différente d'arnica 5 CH. Les ayant trouvées on doit pouvoir les reproduire par des moyens électroniques. On pourrait ainsi aider les accrocs à l'homéopathie à assouvir leurs pulsions addictives sans risquer un diabète. Y'a dl'argent à gagner !