jeudi 27 février 2014

Actualités oncologiques en médecine générale : seuls les morts ne seront pas traités. Annexe au plan cancer.


(Il s'agit d'une annexe pragmatique au Plan Cancer dont nous avons parlé ICI et dont nous reparlerons LA -- pas encore de lien)

Cas onco 001 - histoire de consultation 164. Monsieur A, 85 ans, va mieux. Je me suis battu pendant un mois (le patient est en HAD) pour que l'on arrête la (lourde) et ancienne chimiothérapie carboplatine - vepeside pour cancer du poumon chez cet homme  triple ponté, hypertendu, bronchitique chronique et diabétique. Le pneumologue est têtu et l'oncologue le regarde par dessus son épaule pour s'assurer qu'il ne va pas lâcher. Il faut lâcher. Mais cela ne fait pas partie de la culture des médecins. Lâcher c'est avouer non son incompétence mais son incapacité à réaliser les rêves imposés par la société à savoir que la médecine a des pouvoirs infinis de promettre la vie éternelle. Je me suis battu car il fallait aussi convaincre la famille à qui les faiseurs de rêves avaient promis des mille et des cents, à la famille qui pensait que renoncer allait signifier pour leur mari, père, grand père, ami, que c'était fini, qu'il n'y avait plus qu'une seule issue : la mort. Et il y avait le pauvre khonnard de médecin traitant qui ne sait pas combien les chimiothérapies ont fait de progrès, combien l'onologie est une science dure qui sauve des vies, combien les essais cliniques ont montré que la survie était allongée de trois jours (p < 0,05) dans des essais contrôlés menés par des firmes philanthropiques qui pourront obtenir des prix pharamineux grâce à ces merveilleux trois jours avec, cerise sur le gâteau, un score de qualité de vie au top. Monsieur A va mieux mais il va mourir et il sait qu'il va mourir et il souhaite (ici, nous pourrions écrire une thèse de doctorat entière : "Le signifié et le signifiant chez le patient en fin de vie") mourir. Il va mieux mais il a des métastases partout. Il est conscient et il sait qu'il va mourir. Il ne souffre pas. Il passe sa vie dans un fauteuil. Et s'il voulait mourir chez lui au début de sa prise en charge, maintenant qu'il est conscient de sa mort prochaine il veut mourir à l'hôpital pour ne pas embêter sa femme. Et il change encore d'avis et décide qu'il serait mieux qu'il revoit son milieu familier avant de mourir. Mais il n'en aura pas le temps. Il meurt à l'hôpital. Sans avoir souffert.

Cas onco 002 - Histoire de consultation 165. Monsieur B, 64 ans, souffre d'une carcinose péritonéale secondaire. Comme personne ne lui avait dit qu'il avait un cancer initial mortel et qu'au contraire il allait guérir grâce à la médecine moderne qui garantit la vie éternelle, personne ne lui a pas plus dit que cela allait être la fin. Comme je suis le médecin traitant je suis au milieu des mensonges (et je suis le premier à mentir) et je suis celui qui va annoncer la mauvaise nouvelle. Facile. Difficile. Mais je connais la famille, la femme, les enfants, les petits-enfants. J'assume. Je fais une parenthèse majeure : dire la vérité au malade semble être un impératif "post moderne" (j'en ai déjà parlé LA) et il me semble que ce n'est pas une mauvaise idée en soi. Mais la façon de dire est plus importante que ce que l'on dit. Sans parler de l'arrière plan. J'ai le souvenir d'un médecin des hôpitaux annonçant à "ma" patiente et à son fils (son fils m'a dit ensuite qu'il avait été tellement sidéré, au sens paralysé par ce qu'il avait entendu, qu'il n'avait pas eu le courage de retourner dans le bureau et d'aller casser la gueule au médecin des hôpitaux pour lui apprendre la politesse et la vie, il le regrette encore) qu'il n'y avait plus d'espoir et qu'elle allait mourir. N'aurait-il pas pu entrouvrir la porte ? Laisser filtrer un brin de lumière pour que la dame âgée puisse encore croire à quelque chose ? Ainsi, je me répète, dans le temps (ma jeunesse et en France) on ne disait rien au patient par paternalisme (ne pas désespérer la vie) puis on a tout dit par libéralisme (au sens philosophique anglo-saxon) et maintenant on dit tout et on ment sur l'issue quand elle est désespérée (on voit que cette critique est contradictoire avec celle que je faisais à propos de ce professeur qui ne laissait aucun espoir) pour prescrire ! Non seulement pour prescrire mais pour expérimenter ! Pour prescrire des traitements de deuxième, troisième, voire quatrième ligne, qui vont permettre 1) de faire des essais cliniques, 2) d'obtenir des AMM au rabais et des prix insensés et justifiés par l'innovation, 3) de vendre des boîtes très chères, 4) de rapporter de l'argent aux services expérimentateurs, 5) d'arroser des oncologues avec de l'argent et des congrès au bout du monde (l'ASCO, voir LA), 6) d'écrire des articles de merdre en anglais mais répondant aux normes de la rédaction scientifique en les faisant relire (?) par leurs auteurs désignés et 7) de leur faire signer (les professeurs devenant des pontes  internationaux ou nationaux ou régionaux ou locorégionaux et, pour les premiers, KOL (Key Opinion Leaders) sans parler un mot d'anglais ou 8) par de jeunes internes et / ou chefs de clinique qui pourront étoffer leur dossier pour devenir PU-PH et, dans le même temps et par la suite, ambassadeurs de big pharma (voir LA pour l'expert mongering)... on est donc passé du paternalisme alapapa, si j'ose dire, au libéralisme anglo-saxon puis, maintenant, au business pur et dur (néolibéralisme ?).
Où en étais-je ? Comme le patient a été traité par un service parisien (et les lettres que j'ai reçues sont d'un grand professionnalisme et d'une compétence technique absolue) assez éloigné de Mantes, il n'a pas envie d'y retourner pour consulter et le médecin traitant, ma pomme, se retrouve au centre d'un imbroglio mensonger et tente de se dépatouiller comme il peut avec l'aide efficace, compétente et humaine du réseau de soins palliatifs local. Mais le service parisien n'a plus d'ambitions thérapeutiques et pour le moment le patient ne souffre pas.

Cas onco 003 - histoire de consultation 166. Madame C, 92 ans, est venue au cabinet me demander pourquoi on l'avait emmenée deux fois à B. en ambulance pour faire des radios bizarres. Il s'agissait après enquête du début de sa radiothérapie. Nous étions pourtant convenus avec le chirurgien qu'on enlevait la tumeur pour ne pas qu'elle nécrose la peau du sein de la patiente et qu'on la laissait tranquille (la patiente). Mais le chirurgien a passé la main à l'oncologue qui n'était pas d'accord (la réunion dite de concertation s'est bien entendu passée à l'écart du médecin traitant et de la patiente -- parenthèse encore : on comprend qu'il soit difficile de se réunir avec le médecin traitant en fin de matinée à l'hôpital, une réunion qui commence en retard et qui se termine dans le même métal,  un médecin traitant qui, contrairement aux médecins hospitaliers, ce n'est pas une critique, c'est une réalité, fait du soin et non de l'administratif ou de l'ordinateur (1)) et la patiente a commencé une radiothérapie sans le savoir ! Et sans que je le sache. J'ai envoyé un mail très poli car je ne voulais pas m'énerver au téléphone et les séances ont été interrompues. La patiente va bien mais elle m'a dit l'autre jour, ce n'était pas la première fois, elle en avait parlé alors que son fils était dans le cabinet, "Du moment que ce n'est pas un cancer..." Pensez-vous que je lui ai dit la vérité ? Elle ne supportait pas son inhibiteur de l'aromatase (nausées) et, plutôt que de lui prescrire motilium - domperidone (joke), je lui ai demandé d'arrêter. Elle revoit l'oncologue dans trois mois (je me suis fendu d'un courrier explicatif) le chirurgien dans un an.

Cas onco 004 - histoire de consultation 167. Monsieur D, 76 ans, cancer de la prostate diagnostiqué il y a 5 ans, opéré, radiothérapé, infarcté du myocarde il y a six mois, ponté, stenté, à qui on découvre une tumeur pulmonaire, lors d'un cliché pré opératoire (avant dilatation d'une sténone fémorale), tumeur non vue auparavant bien entendu, est embarqué dans une chimiothérapie lourde (ils ne savaient pas ue le médecin traitant pouvait éventuellement avoir un avis) et meurt le lendemain de la première séance faite en hôpital de jour sur le parking de ce même hôpital dans l'ambulance qui l'y ramenait au décours d'un malaise à domicile. Loin de moi l'idée que... Mais quand même.

J'espère donc avoir un de ces jours le temps de détailler enfin le plan cancer.

Note.
(1) Qu'est-ce qu'une réunion de concertation oncologique ? (plusieurs réponses possibles)
 1) Une annexe de big pharma ; 2) un tirage au sort de protocoles ; 3) une usine à fric ; 4) une conjuration des imbéciles ; 5) un déni du patient.

PS du sept mars 2013
1) Les chimiothérapies en fin de vie sont-elles bien nécessaires ? ICI pour un commentaire et LA pour l'article original
2) Un billet de Martine Bronner qui commente : LA

38 commentaires:

  1. Cas Onco 004.
    J'ai une patiente extraordinaire de lucidité, de cynisme et de force.
    C'est moi qui lui ai trouvé son cancer (hourra moi).
    Elle est en 5ème ligne de chimiothérapie qui a échoué, alors on l'a fait rentrer dans une "étude révolutionnaire" pour comparer la 6ème ligne et la 5ème (ou le placebo, je ne sais plus).
    Cobaye gratuit, elle a eu droit à 3 ou 4 journées d'examens complémentaires pour matcher aux jolies cases de l'étude.
    Du genre à 13h à HôpitalA, puis on attend les ambulanciers jusque 15h30, pour être à 16h30 à HôpitalB.
    Avec ses 40 kilos et sa sonde, c'était moyen confort.

    A HôpitalC, pour l'examen complémentaire 25f, on lui a trouvé une cataracte. Qu'on s'est empressé d'opérer.
    Avant ça, forcément, elle a rencontré l'anesthésiste.
    Qui a programmé une épreuve d'effort.
    Du coup, on les a fait monter sur un vélo, elle, ses 40kg et sa sonde, en lui disant "Ok, alors maintenant pédalez jusqu'à ce que vous n'en puissiez plus s'il vous plaît". (Figurez-vous que c'était infraliminaire.)
    Et puis j'ai dû faire une lettre à l'anesthésiste qui me demandait de résumer l'état de santé de ma patiente.
    Bin écoute, coco, son état de santé est environ proportionnel à ce que tu vois : elle pèse 40kg, elle tient difficilement debout, elle a une sonde dans le nez et elle s'extrait régulièrement des fécalomes à la main parce que la morphine lui réussit moyen, bisous.

    Après, quand même, la sécu a trouvé qu'elle enchaînait les arrêts de travail de façon suspecte.
    (Parce que ma patiente, elle va bosser pendant sa 5ème ligne et elle pose des RTT les jours de chimio.)(mais j'ai réussi à lui faire mettre un masque au boulot quand elle est en neutropénie fébrile.)(et des fois, de temps en temps, j'arrive à l'arrêter un peu.)
    Du coup on l'a convoquée, à 16h et à 30 bornes pour passer à 18h30 pour expliquer pourquoi elle avait eu tant d'arrêts de travail.

    Des fois, du bout des lèvres, je lui demande si il n'y a pas des fois où elle n'aurait pas envie de tout laisser tomber.
    Et je n'arrive pas à aller plus loin, parce qu'elle a envie, parfois, mais au fond pas vraiment.
    Je ne sais pas jusqu'où je dois la pousser, ni si je vise ses retranchements à elle ou les miens.

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  2. réponse 4 et 4 sur!

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  3. Je viens de retrouver un ouvrage de Roland Gori et Del Volgo sur la santé totalitaire. En tant que « Poppérien » je ne « crois » pas en la psychanalyse. Cependant quelques extraits que j’avais soulignés m’ont fait repenser à ces fameuses RCP évoquées dans ce billet.

    Mais au fait Ques oun tes à quo les RCP ?? je vous balance un extrait du document de travail de HAS du 31 janvier 2013 = Les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) regroupent des professionnels de santé de différentes disciplines et dont les compétences sont indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l’état de la science du moment. Les décisions peuvent concerner la stratégie diagnostique et thérapeutique initiale ou lors d’une reprise évolutive ; ou la décision d’une stratégie palliative. Les RCP sont la règle pour la prise de décision en oncologie (cancérologie, hématologie), depuis le plan Cancer 2003-2007, consolidé par le plan Cancer 2009-2013. …….En oncologie, pour être jugée valable, une RCP à visée diagnostique ou thérapeutique doit se faire en présence d’au moins 3 médecins de spécialités différentes permettant d’avoir un avis pertinent sur toutes les procédures envisagées……. La présence du médecin traitant du patient est sollicitée, mais n’est pas obligatoire.
    Je vous fais cadeau du projet et indicateur COMPAQH qui valent le détour dans le jargon de l’évaluation moderne, un vrai bijou qui ne déplairait pas à la revanche des rameurs Dupagesques.

    Au fait ! chers collègues généralistes, vous avez souvent été sollicité pour participer à ces RCP ? Même si chacun sait que cette participation est matériellement et humainement impossible pour nous la plupart du temps. Dans mon coin, ils n’ont même pas la politesse de faire semblant de m’inviter !!..


    Ces fameuses RCP sont à mon avis des, insultes vivantes (ou plutôt mortifères) à l’EBM, puisque sur le fameux trépied, il ne subsiste plus qu’un pied, celui des connaissances actuelles, et nous savons qu’il est vermoulu pour ne pas dire gangréné par Big Pharma.
    C’est une fausse casuistique (donc jésuistique) où le corps du patient est pris en charge par le corps soignant ( pardon par le corps hospitalier) sans tenir compte de son corps de chair et de rêves (merci Octavio Paz) .
    .La RCP c’est Rien Concernant vraiment le Patient. Rien que du dossier : de l’imagerie de l’anatomopathologie et de la biologie, c’est la fameuse médecine sans le corps de Didier Sicard (Paris Plon 2002)
    La RCP est une Radicalisation Contre le Patient. La fameuse obligation légale de prendre en compte les aspects psychologiques du patient à l’hôpital n° 91-748 du 31 juillet 19+91, on s’assoit dessus !! Le pauvre patient , lui, il ne lui reste au mieux qu’à imiter le Batleby de Melville ; « je préfèrerai ne pas » et encore la plupart du temps on ne lui en laisse pas l’occasion…

    Quid du patient et de ses valeurs et des ses préférences ? Quid de ce qu’il a compris, pas compris, cru comprendre ? Quid de son ambivalence de ses peurs, de ses maux, de ses mots ( les « tu – meurs » « mort fine » « y-a trop gêne » « méga-stase » ) . Quid de la connaissance tragique de la maladie qui fait du non sens de la souffrance, la véritable maladie du malade? (merci Nietzsche)
    Quid du généraliste et de son expérience clinique ? Lui qui connait la famille, les proches, les épreuves déjà endurées, les directives anticipées, le cadre psycho-social, le logement et son accessibilité, la religion ou la philosophie du patient. Lui qui devra gérer l’équipe qui prendra le relai quand l’hôpital le laissera tomber, avec une pompe à morphine en panne et une HAD que l’on aura oubli é de mettre au courant ?
    La RCP est un machin technico-administratif de dilution des responsabilités, qui oublie le patient dans sa réalité, qui se moque du généraliste et qui fabrique le plus souvent les conneries que Docteur du 16 ou que Jaddo décrivent dans ce billet…et en plus y sont payés pour çà !!!
    Voilà !! ça fait du bien de se défouler


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  4. pour popper
    C'est vraiment dommage, la RCP s'occupe du cancer du patient et non pas du patient. Si le généraliste n'est pas impliqué ce n'est pas parce que ce n'est pas possible...C'est parce qu'il n'y a pas la volonté de l'impliquer.
    Or je suis sûre que l'implication du généraliste serait un meilleur soin pour le patient et soulagerait même la charge des services d'oncologie mais il y aurait là une impossibilité au taylorisme, à la systématisation... qui contrarie le fonctionnement de l'usine à cancer.
    Il semble que l'objectif reste toujours de tendre vers un optimum de son propre fonctionnement. Le service hospitalier satisfait de lui est celui qui se remplit, qui tourne harmonieusement de façon bien huilée et programmée sans anicroche, sans particularité. En fait il tourne son attention vers son propre fonctionnement avec un idéal qui ne correspond pas forcément au meilleur soin du patient qui lui étant un individu est forcément "particulier". Du coup on essaie de tout protocoliser, envisager, programmer afin que chaque situation trouve un cadre rassurant. Le grain de sable dans le rouage, l'individu singulier fait tousser la machine.

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  5. Lorsqu’on parle de cancer je crois qu’il faut aborder le sujet dans trois dimensions indissociablement liées :
    1- la prévention 2-l’épidémiologie 3-les traitements
    Pour ce qui est de la prévention
    La France a depuis très longtemps fait le choix de délaisser la prévention au profit de la thérapeutique et son système de santé est donc totalement déséquilibré.
    Ce choix coûte très cher, à la fois en termes de vies humaines et sur le plan financier.
    En 2011 28% des décès masculins étaient des décès prématurés survenus avant 65 ans et la diminution du taux de mortalité prématurée est modeste pour les hommes depuis 2005 et quasi nulle chez les femmes.La France est aussi aux premiers rangs des 27 pays de l’Union européenne pour le taux de mortalité par suicide, pour la consommation de tabac (en particulier chez les jeunes et les femmes enceinte), de cannabis, d’alcool… http://www.hcsp.fr/docspdf/docext/dcp120523.pdf .
    Cela a été dit et répété, à l’occasion de la présentation du troisième plan cancer, 40% des cancers sont évitables c'est-à-dire en relation avec la nutrition, l’hygiène de vie, les comportements, l’environnement.
    Or, c’est là que le bât blesse. La prévention est inexistante en France et cela se voit dans les quelques rares statistiques de santé dont nous disposons.
    Par exemple, pour ce qui est du tabac, le pourcentage de tabagiques (personnes déclarant fumer) est proche de 20% voir inférieur, dans la plupart des pays anglosaxons, comme en Angleterre, et en constante diminution http://www.hscic.gov.uk/catalogue/PUB11454 , mais en France, le dernier baromètre INPES de 2010 montrait que près du tiers des adultes français étaient fumeurs dont 87% étaient des fumeurs quotidiens.
    Le nombre de décès par cancer, était, en 2012 , de 148 000 représentant un peu plus du quart des décès totaux en France. Or, le tabac, avec 44 000 décès par cancer (principalement poumon, voies aéro-digestives supérieures, vessie, pancréas), est estimé être à lui seul responsable de près du tiers de la mortalité globale par cancer ..
    Malgré les grandes déclarations d’intention de Marisol Touraine et de Anne Burstin, la directrice de l’INCA, les budgets consacrés à la prévention continuent à être régulièrement amputés et les mesurettes prises pour endiguer le tabagisme présentées à l’occasion du troisième plan cancer prêtent plutôt à rire, surtout lorsque François Hollande parle du nouveau « paradoxe français » (plus forte mortalité par cancer due au tabac et prix du tabac le plus élevé d’Europe). Le président semble ignorer, et il n’est pas le seul, que l’augmentation du prix du tabac ne constitue pas en elle-même une politique de prévention http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/02/04/21945-plan-cancer-iii-fort-sur-depistage-faible-contre-tabac

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  6. Pour ce qui est de l’épidémiologie
    Il y a eu, en 2012, environ 14 millions de décès dans le monde dus au cancer (pour 7 milliards d’habitants) d’après globocan 2012. Néanmoins, 6 millions de ces cas, soit 43%, surviennent dans les régions les plus développées qui représentent à peine 17% de la population (Europe, Amérique du Nord et Japon). Il y a donc 2,5 fois plus de cancers dans les régions riches que dans le reste du monde. Lorsque nous constatons qu’en France, par exemple trois cancers, les cancers de la prostate, du sein et colo-rectaux, faisant tous les trois l’objet de recommandations de dépistage, représentent à eux seuls 147 000 cas sur 355 000 soit 41% du total , ne pouvons nous pas nous poser des questions sur la possibilité que le dépistage puisse générer artificiellement des cas de cancers qui n’en sont pas réellement, c'est-à-dire une proportion très importante de surdiagnsotics ?
    Depuis que le groupe de travail de l’US preventive service task force a changé les recommandations concernant le dépistage systématique du cancer de la prostate par le dosage de PSA en mai 2012 après une évaluation soigneuse du rapport bénéfice/risque, nous savons de manière officielle que les dégâts potentiels du dépistage ne sont pas uniquement un fantasme de contestataires excités. La Haute Autorité de Santé lui a emboité le pas et a également changé ses recommandations. En France, le taux d’incidence standardisé du cancer de la prostate avait été multiplié par 5 en 25 ans passant de 24,7 pour 100 000 en 1980 à 127,1 pour 100 000 en 2005 http://lesdonnees.e-cancer.fr/les-fiches-de-synthese/1-types-cancer/10-cancer-prostate/21-epidemiologie-du-cancer-de-la-prostate-en-france-metropolitaine-incidence.html .
    Les mêmes questions se posent de manière incontournable à propos du cancer du sein, dont le taux d’incidence standardisé en France à doublé en 25 ans passant de 56,3 pour 100 000 en 1980 à 97,8 en 2005, avant de diminuer http://lesdonnees.e-cancer.fr/les-fiches-de-synthese/1-types-cancer/9-cancer-sein/1-epidemiologie-du-cancer-du-sein-en-france-metropolitaine-incidence-et-mortalite.html#ind3 . Pour une population de 30 millions de femmes cela fait quelques 24 000 cancers supplémentaires découverts chaque année. Or, le dépistage n’est pas un but en soi, à priori du moins, d’un point de vue de santé publique (la perspective peut être différente si on aborde le problème sous un angle commercial). Le dépistage n’est pas un moyen de prévention en lui-même. Il n’est donc utile que s’il entraîne une réduction conséquente des souffrances, s’il retarde de manière importante les décès ou s’il diminue clairement la mortalité. Une étude canadienne récente montre qu’il n’en est rien. Elle montre que le dépistage par mammographie n’apporte aucun bénéfice supplémentaire en termes de mortalité par rapport au dépistage annuel par palpation de tumeurs cliniquement décelables http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366 . Cette étude montrait aussi 20% de surdiagnsotics pour les seuls cancers invasifs (sans tenir compte des cancers in situ) .
    Outre les quelques 20 000 diagnostics annuels supplémentaires de cancer du sein, le dépistage organisé par mammographie aura pour conséquence de soumettre des centaines de milliers de femmes chaque année aux affres de l’attente devant une tumeur suspecte.
    Tout cela pour zéro bénéfice en termes de mortalité. C’est la conclusion qui s’impose devant cette étude.

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  7. Le problème du dépistage organisé relève des politiques de santé publique et nécessite donc impérativement que celles-ci soient menées de manière rigoureuse, indépendante, et pour le seul bénéfice sanitaire des populations. A l’échelle individuelle, une fois que le diagnostic est posé, on est bien incapable d’anticiper le devenir d’une tumeur. Toute découverte d’une tumeur cancéreuse se traduira donc par des traitements lourds et entraînera la femme dans un parcours du combattant extrêmement éprouvant.
    La question qui demeure est : quelle proportion exacte des cancers diagnostiqués dans les pays riches ne sont qu’un artéfact généré par les politiques de dépistage ? Il est probable que cette proportion soit très importante.
    Troisième aspect : le traitement
    Pour comprendre cet aspect il est utile de savoir, qu’à la fin des années 90 , si on observait le nombre de nouvelles molécules « dans les pipelines » par spécialité, la cancérologie n’apparaissait même pas parmi les dix premières. Très peu de nouvelles molécules étaient créées en cancérologie et les laboratoires ne s’intéressaient pas à ce marché.
    Il faut aussi savoir qu’il y a, environ entre 20 à 50 nouvelles entités moléculaires (médicaments réellement nouveaux) qui obtiennent l’autorisation de commercialisation dans le monde chaque année. Mais en 2012, si on classait les nouvelles entités moléculaires par spécialité, le plus grand nombre, 13, étaient destinées à la neurologie, tandis que 9 étaient destinées à la cancérologie qui arrivait en deuxième position.
    Si on se fie aux informations d’IMS Health, dans son analyse prospective du marché du médicament, la cancérologie est de très très loin désormais, la spécialité qui inspire le plus les laboratoires en matière d’innovation puisqu’en 2011 il n’y avait pas moins de 524 molécules anticancéreuses en cours de développement (524 anticancéreux dans les pipelines), tandis que le diabète arrivait en deuxième position avec une centaine de molécules.
    Qu’il y a-t-il à redire si ce sont les laboratoires qui payent ?
    Mais nous savons bien que non. Que ce ne sont pas les laboratoires mais toute la société qui paie, puisque les autorités, par le biais du Comité économique des produits de santé en France, s’appliquent à garantir un retour sur investissement aux laboratoires en fixant des prix qui sont fonction des niveaux d’investissement allégués par ceux-ci et non du bénéfice que ces médicaments apportent aux patients.
    Ce qu’il y a à redire c’est aussi que, après tout, les cancers représentaient en 2012 8 millions de décès certes, dans le monde, mais sur 57 millions au total. Dès lors, est-ce que cette orientation prépondérante de la recherche vers les maladies cancéreuses correspond aux besoins de la société ou aux besoins de rentabilité des laboratoires quand on sait que les anticancéreux offrent des marges particulièrement juteuses ?

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  8. En matière d’essais cliniques, es autorités s’appliquent à accroître la confusion entre besoins de santé publique et besoins de rentabilité des laboratoires en parlant d’objectifs quantitatifs. L’objectif en cancérologie, objectif qui a été atteint, serait d’inclure 10% des patients dans des essais cliniques.
    34 000 patients ont été effectivement inclus dans des essais cliniques en 2012 (sur 355 000 nouveaux cas de cancer). Entre 2008 et 2012 le nombre de patients inclus a augmenté de 72% (Régistre des essais cliniques en cancérologie 2007-2012). Entre 2008 et 2012 le nombre d’essais cliniques annuel a doublé passant de 100 à 2000. En ce qui concerne les cancers, la répartition de ces essais est davantage déterminée par les intérêts des promoteurs que par les objectifs de santé publique. Ainsi, les essais en hématologie et dans le domaine du cancer du sein sont nettement prépondérants avec, respectivement, 342 essais pour l’hématologie et 209 pour le cancer du sein sur 1384 essais. La proportion des essais cliniques pour des médicaments anticancéreux n’a cessé d’augmenter et était, entre 2007 et 2012 de 52% (723/1384)
    L’INCA s’applique même à ce que les essais cliniques soient repartis de manière égale sur tout le territoire en mettant en avant l’équité dans l’accès à l’innovation. Argument totalement fallacieux puisque être inclus dans un essai clinique n’est pas du tout « accéder à l’innovation » mais c’est plutôt servir de cobaye.
    Les anglosaxons résument le dilemme éthique posé par la participation des patients à des essais cliniques avec le terme de « therapeutic misconconception » qu’on peut traduire par « malentendu thérapeutique ». Ce concept permet de prendre acte du fait que le patient sollicité pour participer à un essai thérapeutique se trouve en position de faiblesse, a tendance à surestimer les bénéfices que peut leur apporter le traitement, alors que par définition il s’agit d’un traitement dont le bénéfice n’a pas été démontré, et que le patient peut être affectés aléatoirement au groupe placebo. D’autre part l’investigateur, qui est aussi le médecin spécialiste s’occupant du patient, est mis de fait dans une situation d’ambivalence et de conflits d’intérêts à l’égard du patient, car il porte la double casquette de médecin qui devrait ne rechercher que le bénéfice du patient, et d’investigateur, motivé par la réussite de son essai clinique avec des probables retombées pour lui en matière de prestige suite aux publications dans des revues médicales, de rétributions par les laboratoires pour des participations à des conférences, à des comités scientifiques etc…
    Malheureusement, ce concept tellement pertinent, ne semble pas avoir traversé l’Atlantique et en France les autorités en sont encore à faire croire aux patients que l’accès à des essais cliniques serait un droit dont ils bénéficieraient.
    Il faut ajouter que les bénéfices pour le patient sont d’autant plus improbables que les autorités se sont montrées permissives, en amont, pour l’admission de cette nouvelle molécule à un essai clinique et que les laboratoires promoteurs des essais, estiment qu’il est dans leur intérêt de tester un maximum de molécules . Et c’est le cas pour le cancer puisque la proximité avec les médecins qui sont à la fois prescripteurs, investigateurs et bénéficiaires des retombées des publications positives concernant une molécule ont de grandes chances d’utiliser les traitements qu’ils ont évalué, et que les autorités garantissent aux laboratoires un prix élevé,dont le calcul est fondé sur les allégations des laboratoires en matière de coûts, et totalement déconnecté du bénéfice thérapeutique pour le patient.

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  9. @ CMT Je te remercie pour ces commentaires "éclairants" et indispensables à ma flemme de "tout" regarder avant de publier (mais j'arrête ici car on va m'accuser à juste titre de copinage, il serait cependant contre productif de ne pas souligner l'utilité de tes recherches documentaires et de ton recul....) mais l'objectif de ce billet, il ne faut pas oublier l'essentiel, la contradiction principale, était essentiellement de souligner la perte de sens moral des oncologues, leur égarement dans la technicité, dans l'algoritmie programmatrice, dans la perte du soin, dans l'oubli de l'humanité...
    Je suis effaré.
    J'ai comparé dans un billet précédent Villejuif à Auschwitz en regardant les patients décharnés, pâles, des morts vivants, outils de la cancérologie de combat, je persiste et je signe.
    Bonne journée.

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  10. A Jean-Claude
    J’apprécie vraiment que tu aies eu le courage de mettre ce sujet sur le tapis et que Jaddo ait eu le courage de raconter ici le cas de sa patiente. Je crois qu’il faut oser ouvrir le débat sur un sujet de société qui va devenir de plus en plus prégnant.
    On pourrait être tenté de rapprocher ce qui se passe chez les cancérologues sous l’influence de Big Pharma de l’expérience décrite dans « la troisième vague « http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Troisi%C3%A8me_Vague où un prof de collège aux Etats Unis, dans les années 60 avait converti ses élèves au fascisme pour leur montrer comment des personnes « bien sous tous rapports » pouvaient se comporter comme des psychopathes, lorsqu’elles étaient manipulées pour obéir aveuglement à une autorité. Mais je crois que dans le cas des cancérologues il s’agit, plus banalement, de l’utilisation par Big Pharma de ce que j’appelle la loi de la plus grande pente, qui fait que chacun, par confort, est réticent à nager contre le courant dominant, et se conforme à ce qui semble être la norme, y compris dans la structure où il travaille, et cela, d’autant plus facilement, que cela va dans le sens de ses propres intérêts (ici la complaisance des cancérologues est récompensée par des publications dans des revues prestigieuses, par des rémunérations etc.). Cette déshumanisation a lieu de la manière la plus banalement routinière.
    Toute personne qui n’a pas une forte structuration interne est incapable de résister à de telles incitations. C’est pourquoi il est très important de se positionner, de savoir pourquoi on a choisi ce métier et de se préparer à résister aux pressions.
    C’est le déni de la contradiction, pourtant patente, qui existe entre les intérêts de Big Pharma et ceux des patients qui entraîne de telles aberrations, qui finissent par s’installer comme un mode de fonctionnement normal. Mais entretemps il s’est produit, à l’insu de ceux qui ont été manipulés, une inversion du paradigme fondateur de l’acte de soins. Les patients, de finalité, sont devenus des moyens, des simples instruments au service d’objectifs qui leur sont étrangers. Moyens pour Big Pharma de faire du chiffre d’affaires et pour les cancérologues de faire carrière grâce à l’argent et à l’influence de Big Pharma.
    Le déni de la contradiction entre les intérêts privés et le « bien commun » est légitimé quotidiennement au plus haut niveau de l’Etat. Alors que seule la séparation des intérêts privés et de l’intérêt général peut garantir que l’intérêt général ne soit pas progressivement totalement inféodé aux intérêts privés. Et que l’ensemble des citoyens ne finissent par être totalement asservis et instrumentalisés au service d’intérêts qui leur sont étrangers.
    Plus concrètement il me semble que l’on devrait garantir aux patients une information complète et fiable pour leur permettre de décider de leur participation à des essais cliniques. A vue de nez il me semble que les « médecins investigateurs » sont assez mal placés, en raison de leur situation de conflits d’intérêts, pour apporter cette information.
    Des articles américains débattent sur le type d’information qui devrait être apportée. Partant du constat que les patients ne savant parfois même pas qu’ils participent à des essais cliniques. Nous parlons ici des Etats Unis et non de quelque obscure république bananière.
    Parmi les points qu’il semble indispensable d’évoquer pour lever le « malentendu thérapeutique » (cela risque d’être très difficile à appliquer tant que l’INCA continuera à affirmer que les patients participant à un essai clinique « bénéficient de l’innovation ») :

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  11. - Expliquer que la participation à l’essai a une finalité scientifique et non thérapeutique
    - Le degré d’incertitude concernant les effets du traitement est plus important que dans des traitements éprouvés
    - Le patient peut être affecté aléatoirement au groupe placebo et donc ne pas recevoir de traitement actif
    - Une description détaillée des effets indésirables déjà notés pour le traitement faisant l’objet de l’essai
    - La description précise des obligations et des droits pour le patient
    - Les conséquences éventuelles sur la vie personnelle…
    Le malentendu thérapeutique découle, en partie, de ce que le patient considère spontanément le médecin comme un soignant et non comme un investigateur. Il peut aussi découler de l’incompréhension du principe de randomisation et d’une information insuffisante lui faisant penser qu’il ne peut tirer que des bénéfices du traitement (alors que souvent les traitements utilisés en cancérologie comportent des effets indésirables très graves).
    Les éléments qui rendent peu probable le bénéfice thérapeutique pour le patient devraient aussi être connus.
    - Par exemple les médicaments anticancéreux ont bénéficié de procédures accélérées de mise sur le marché, ou sont sous autorisation temporaire d’utilisation, ce qui signifie, dans ce dernier cas, que les étapes de développement préalables à l’essai clinique n’ont pas été vérifiées administrativement. L’une de ces étapes est la vérification de la toxicité du traitement.
    - Les laboratoires n’ont pas obligation de publier les essais négatifs concernant un médicament
    - Ils peuvent, en revanche, créer des sous groupes dans l’essai clinique principal, qui peuvent permettre de mettre en évidence des effets positifs simplement dus au hasard, mais qui seront présentés comme étant dus au médicament
    - Les critères de jugement ont évolué et, même pour des cancers métastasés, on préfère évaluer la durée de survie sans progression qui, à la différence de la simple survie globale, nécessite des mesures et donc multiplie les opportunités de biais. Les critères de cette survie sans progression varient d’un cancer à l’autre, peuvent varier d’une étude à l’autre et peuvent être aussi simples et clairs que cette définition : « survie sans progression définie comme le délai jusqu’à la survenue de l’un des
    événements suivants : la baisse en valeur absolue de 10% de la CVFp5, la baisse en
    valeur absolue de 15% de la DLco6 (ces 2 critères correspondant aux critères
    fonctionnels de progression de la FPI) »…
    - Il n’y a pas véritablement de limite basse au critère de survie sans progression. Et donc un traitement peut être déclaré « efficace » parce qu’il augmente la survie sans progression de quelques semaines, tout en sachant que ce critère ne tient pas compte de la qualité de vie et des effets indésirables.
    Pour le cancer du sein, où les études cliniques sont pléthore, et pas moins de neuf indications de traitement ont été évaluées pour des molécules mises sur le marché depuis 2000, six sur 9 de ces indication avaient reçu un ASMR de 3 à 5. Il faut aussi savoir que la proportion des ASMR élevés parmi les nouveaux anticancéreux est en train de baisser. L’INCA (institut national du cancer) nous apprend que entre 2007 et 2009, 14 médicaments anticancéreux sur 42 évalués ont reçu un ASMR allant de I à III soit un sur trois. Entre 2010 et 2012 ils n’étaient plus que 6 sur 24 soit un sur quatre.
    Pour le cancer du sein, pour lequel beaucoup de mesures coûteuses ont été mises en place, il faut savoir que la diminution de la mortalité entre les périodes 1983-87 et 2003-2007, de 12% est inférieure à la diminution de la mortalité globale des cancers de la femme de 14,4% pendant la même période. Pourtant la diminution de la mortalité pour l’ensemble des cancers englobe l’augmentation très importante du cancer du poumon chez la femme, (en raison du tabagisme) qui a augmenté dans le même temps de 111%.

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  12. Bonjour,

    Je vais me permettre de faire -un peu- l’avocat de la défense, non pas que je me sente directement visé (je ne suis pas un prescripteur de chimiothérapie), mais le billet est très à charge, et comme toute généralisation il est probablement un peu faux. Et c’est dommage car il y est aussi écrit des choses qui me parlent. Et bien sûr le cas 003 ne peut que choquer.

    La première raison pour laquelle on ne peut pas raisonnablement penser que tous les oncologues sortent du même moule, c’est que les profils sont très variés. Il y a les oncologues « pure souche », mais aussi les spécialistes d’organe avec la compétence. Que certains, et peut-être la majorité pourquoi pas, aient du mal à « lâcher », probablement, et j’y suis souvent confronté lorsque je suis de garde en réanimation et que je suis appelé pour un patient qui beurre. Je ne suis pas un défenseur de la 8ème ligne de traitement à tout prix, vraiment pas.
    Mais j’en ai côtoyé également un bon nombre qui ont bien intégré que la mort n’est pas un échec, qu’il faut parfois savoir ne plus prescrire de chimiothérapie, et qu’il faut (avec tous les égards nécessaire, cf. cas 002) le dire au patient et à sa famille (désolé pour l’auto-promo, mais ça me semble adapté et parlant : http://2garcons1fille.wordpress.com/2014/02/17/la-mort-en-face/).

    L’autre partie de ce billet que je comprends mal, c’est l’attaque très dure vis-à-vis du principe de la RCP, tout en n’y ayant jamais mis les pieds. Si le but est de déplorer le manque de collaboration avec les MG, la manière un peu agressive d’engager le dialogue me semble… disons peu efficace. Si c’est juste une attaque en règle, c’est un peu mal documenté.
    Concernant le premier point, on ne peut nier que le lien ville-hôpital est souvent nul (dans tous les sens du terme). On ne peut pas, pour des raisons matérielles, demander à tous les MG de la région de se rendre disponible pour la RCP « du mardi 15h30 – 18h30 ». Ni lancer des invitations à la cantonade. Dans mon CHU, si un MG veut venir, il est le bienvenu (mais ce n’est probablement pas le cas partout, effectivement, ce qui est débile). En revanche il y a une foule de choses à améliorer : au minimum appeler le MG (ce qui malheureusement n’est pratiquement jamais fait), au mieux avant et après la RCP ; plus l’impliquer au cours du suivi ensuite, etc. Ca ne se limite d’ailleurs pas qu’à l’oncologie…
    Concernant le deuxième point, et le « QCM » de la fin, je n’ai pas la même vision des choses. D’une part, la RCP n’est pas qu’un endroit de validation de prescription (encore moins en les tirant au sort…). Une partie des dossiers est discutée sur un thème « abord diagnostique d’une lésion », « confirmation du stade », etc. Pour le traitement en particulier, c’est assez protocolisé : tel stade, telle ligne, tel traitement si possible, ou alternative si contre-indication, etc. Ce n’est pas tant à ce niveau que BigPharma est influente (mais plutôt sur la construction des essais et sur les recommandations). Enfin, la décision de RCP n’est en théorie qu’une proposition, présentée ensuite au patient. Je ne dis pas que la situation est idéale partout, loin de là, mais la RCP n’est pas en soi un déni du patient et de sa volonté.

    Voilà, je ne dis pas que la maltraitance n’existe pas, je suis bien évidemment choqué par le cas 003, et ce que raconte Jaddo. S’il est vrai que ça ne devrait pas exister, et que beaucoup de choses sont améliorables, ça n’est pas non plus systématique

    Ah, et tant qu’on y est, si, je me suis un peu senti visé, dans l’image d’Epinal où le méchant médecin hospitalier fait de l’administratif et de l’ordinateur, alors que le gentil généraliste fait du soin. Pareillement, probablement une mauvaise manière d’ouvrir le dialogue (si tant est que ce soit le but). Pour le soin, no comment, je vais rester courtois. Sinon, je n’ai pas l’impression que vous ne vous plaigniez pas de l’omniprésence de l’administratif (aux dépens du soin justement), on est en tous là malheureusement, et de plus en plus.

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  13. Suffirait-il de passer le balai Bissel : http://tedglobal.blog.lemonde.fr/2012/06/29/pourquoi-les-cancers-se-developpent-ils/

    http://www.nytimes.com/2009/12/29/health/research/29cancer.html?_r=2&

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  14. @ Totomathon.
    Tout ce que tu dis est vrai mais ne me convainc pas.
    Je réponds en désordre : je ne cherche pas à ouvrir de dialogue au sens poli du terme ; je m'en balance ; nous n'en sommes plus là ; je suis muet depuis des années, et quand je parle c'est comme si aucun mot ne sortait de ma bouche puisque personne ne m'entend ; Cause toujours tu m'intéresses.
    Je persiste (et tu le confirmes indirectement) : les RCP sont des chambres d'enregistrement des essais cliniques bidonnés réalisés par Big Pharma.
    Il y a quelques années on avait demandé à un expert, un citoyen lambda et à un enfant de 12 ans de gérer un portefeuille d'actions et de savoir qui ferait le plus de profits au bout d'un an. C'était l'enfant qui avait ganté.
    Je pense que la même expérience pourrait être tentée en cancérologie et avec le même résultat.
    Et je n'ai pas encore parlé, cela va venir, de la Consultation d'annonce, cette farce bureaucratique et algoritmique, où le patient est considéré comme du bétail.
    Mon ami DB m'a suggéré de faire une comparaison entre le vocabulaire de l'élevage des animaux et celui de la bureaucratie hospitalière. Cela va venir aussi.
    De nombreux exemples récents nous ont montré que les changements en médecine ne pouvaient pas venir des académiques en troupeau mais des francs-tireurs.
    Bonne journée mais nous reparlerons de cela.
    Merci pour ces commentaires.

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  15. je suis en accord avec ce que dit Totomathon. Les RCP n'ont qu'une valeur limitée. Elles ne servent qu'à confronter sur dossier une pathologie et les guidelines.
    personne ne dit que l'avis de la RCP est ce qu'il faut appliquer. le médecin généraliste peut ne pas être d'accord pour des raisons qui échappent aux confrères spécialistes.
    Il n'y a pas de méchants ou de gentils médecin selon que l'on est hospitalier ou généraliste. Il y a des cons partout.
    Rien ne nous empêche d'échanger avec nos confrères spécialistes et de donner notre point de vue avant ou après la RCP.
    Que nous y soyons présents (les généralistes) n'a aucune importance.
    La comparaison entre les camps de concentration de la seconde guerre mondiale et le problème évoqué dans ce post est pour moi le degrés zéro de la réflexion...

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  16. @ Pas d'accord avec dr Bill
    Les RCP sont des chambres d'enregistrement où le MG (et le malade) n'ont rien à dire.
    Donnez moi des exemples où votre action a été suivie d'effets.
    L'oncologie est sous la coupe de big pharma (comme les centres anti douleurs) et ne se pose aucune question existentielle.
    Quant à la comparaison avec les camps, vous ne fréquentez pas souvent les centres de cancérologie et vous ne voyez pas les cadavres vivants qui sont soumis à des traitements inutiles.
    Mais ce n'est pas grave.
    Je répète que les oncologues ne se rendent pas compte de la situation de leurs malades. En connaît-on un seul qui soit allé au domicile d'un patient ?
    Bonne journée.

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  17. A Dr Bill
    J'approuve souvent, au moins en partie, votre volonté d'apaisement et de remettre la balle au centre.
    Mais il faut savoir reconnaître une dérive quand on en voit une et ne pas s'employer systématiquement à chercher des excuses à tout le monde.
    Et surtout, se positionner.
    On peut dire que personne ne fait quoi que ce soit de mal.
    Après tout les laboratoires ne veulent que vendre le plus de médicaments qu'ils peuvent au prix le plus élévé qu'ils peuvent obtenir. C'est leur travail. Qu'il y a-t-il de mal?
    Après tout les cancérologues ne veulent que participer à des études bien rémunérées dont les résultats seront publiés dans des revues prestigieuses mais uniquement si leurs résultats sont positifs. Qu'il y a-t-il de mal à avoir de l'ambition?

    Après tout les autorités contrôlent. Mais les mailles du filet qui garantissent aux patients qu'ils n'auront à tester que des médicaments de haute qualité sont de plus en plus larges. La Commission européenne veut ainsi favoriser le commerce et "l'innovation". La santé des populations n'est pas son problème. Qu'il y a-t-il de mal à ça?
    Les possibilités de tricher sur l'itnérêt réel des médicaments deviennent quasi infinies.

    On trouve même des jsutifications éthiques. L'étihique voudrait que partout en France les patients puissent "bénéficier" d'essais cliniques.

    L'éthique voudrait qu'on puisse tout essayer sur tout le monde.

    En fin de compte la qualité des anitcancéreux évalués diminue et c'est le résultat direct du relâchement des contraintes réglementaires, et donc les motivatons éthiques apparaissent moins claires, tandis qu'on continue à se fixer des objectifs quantiatifs en termes de nombre d'essais cliniques et de nombre de patietns inclus qui n'ont aucune raison d'être d'un point de vue sanitaire.

    En fin de compte ce sont les promoteurs qui décident de ce qui va être évalué et sur qui selon les bénéfices financiers attendus ou selon les chances d'être publié dans telle revue.

    Chacun joue le rôle qu'on lui a assigné et personne ne fait rien de mal.
    Pendant ce temps le nombre de patients cnacéreux inclus dans des essais cliniques a augmenté de 72% entre 2008 et 2012. Les anticancéreux sont remboursés pratiquement sans acune limite grâce à la liste en sus et donnent lieu à des ententes frauduleuses entre administration hospitalière, qui y voit un moyen de contourner les coupes budgétaries, et labratoires pharmaceutiques d'après l'IGAS. Et les dépenses de la France pour les anticancéreux représentaient avec deux milliards 3,4% des dépenses mondiales des anticancéreux en 2011 pou rmoins de 1% de la population mondiale.

    Pour quel bénéfice? Et pour quels dégâts?

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  18. Bonjour Docteurdu16,

    Je suis arrivée ici via Jaddo. Je suis interne en cancérologie. J'ai choisi cette spécialité par conviction. Je suis du genre médecin humaniste. J'ai derrière moi une longue histoire familiale (et maintenant personnelle) de maladie, j'ai connu les hôpitaux bien avant de débuter mes études de médecine, je n'ai pas eu besoin de cours pour savoir me mettre à la place du patient, avoir de l'empathie.
    Si j'ai choisi l'oncologie, c'est justement parce que c'est une spécialité qui prend en compte la personne humaine dans son ensemble, et qu'il faut non seulement soigner le cancer, mais également prendre en compte la douleur physique et morale, la dénutrition et bien d'autres choses. J'ai l'impression de soigner des êtres humains et non des organes, et c'est bien pour ça que j'ai fait médecine.
    Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut guérir à tout prix. "Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours" aurait dit Hippocrate, c'est ma maxime. Je ne compte pas devenir un médecin qui pousse ses patients à avoir une Xième ligne de chimiothérapie alors que c’est déraisonnable. Je trouve au contraire que les soins palliatifs ne sont pas du tout assez développés en France, et qu’on fait appel à eux de façon bien trop tardive.
    Si j’ai aussi choisi l’oncologie, vous l’aurez peut-être compris, c’est pour toute la réflexion éthique que cette spécialité offre.
    Je ne dénigre pas la médecine générale, je n’aurai jamais pu faire ça, je trouve que c’est la spécialité la plus difficile et la plus complexe qu’il soit donné d’exercer. Il y a pourtant des gens qui se permettent de dire n’importe quoi sur la médecine générale, vous devez vous en rendre compte au quotidien. Alors s’il vous plaît, ne généralisez pas, ne faites pas de votre expérience personnelle apparemment désagréable une vérité, ne soyez pas parmi les gens qui aboient avec la meute…
    Bonne journée.

    Une interne passionnée par sa spécialité

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  19. @ Dr 16 et CMT.
    Il m'est arrivé (plus qu'à mon gout) de fréquenter des services d'oncologie. Effectivement, les personnes qui y sont hospitalisées souffrent de pathologies altérant gravement leur état général...Mais de grâce ne comparez pas un service d'oncologie et die "Endlösung der Judenfrage". Cela n'a aucun sens. je pense que ce type de rapprochement rend incompréhensible et dénature la réalité de ce qu'a été l'holocauste.
    Les questions posées par ce post concernent toutes les démarches innovantes en médecine. Que dire de la première transplantation cardiaque (le patient n'a survécu que 18 jours)et l'implantation d'un cœur mécanique récemment (le malade a survécu deux mois et demi).
    je ne suis pas naïf et je comprend très bien que la réglementation entraine des abus avec des essais cliniques multiples souvent inutiles, et la mise sur le marché de produits au cout exorbitant et à l'utilité modeste voir nulle, aux effets secondaires mal évalués. (Ilaris ou canakinumab 11945,98 euro par exemple).
    Faut il pour autant jeter l'au du bain et le bébé avec ?
    Je ne le crois pas. Nous avons besoin de l'industrie pharmaceutique et de son génie. Nous n'avons pas besoin de ses démarches marketing de deasese mongering...
    je suis d'accord pour critiquer le cynisme et un système pour qui priment les profits de tous genres.
    Mais comment changer de paradigme, comment réglementer sans freiner l'innovation et les énergies créatrices ?
    Il faut râler, il faut critiquer, il faut des Dr 16 et des blog. Peut être qu'un jour ce murmure sera entendu....on peut rêver !!!!

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  20. @ Emma B
    Merci d'avoir écrit ce commentaire.
    Il faut donc confronter nos expériences et parler.
    Tous les oncologues sont des humains et ont, comme les autres humains, une tête , quatre membres et le reste.
    Ce que je dénonce et, ne croyez pas que ce soit une réflexion ancienne, je n'ai pris conscience de cela qu'il y a quelques années (4 ou 5, pas plus), car j'ai longtemps été sous l'emprise de la croyance (apprise) de la bonté de la lutte anti cancer à tout prix, il faut sauver tout le monde, et cetera, c'est le système si bien décrit par CMT.
    J'ai été jeune interne, j'ai été jeune médecin généraliste, un idéaliste qui ne connaissait pas les tenants et les aboutissants du système. Et quand j'ai pris conscience de tout cela j'ai été horrifié, non pas tant par ce que j'avais vu mais pour tout ce que je n'avais pas vu alors que je croyais exercer avec noblesse un métier noble.
    Mais il m'a fallu du temps.
    Je crois à votre fraîcheur mais je vous demande d'ouvrir les yeux. Je vous demande de vous poser la question de la corruption, de la froideur des relations sous le masque des sentiments, des études ssans intérêt, des études faussées, des articles écrits non par les investigateurs mais par les promoteurs... Je vous demande d'être beaucoup plus intelligente que moi qui ai traversé la médecine au début de ma carrière dans la soumission à l'autorité (je ne sais pas si c'est crédible mais c'est vrai).
    Le système détruit et les critiques que je fais sont désespérées plus que méchantes ou injustes.
    Je vous remercie encore d'avoir écrit ici et je vous ouvre les billets pour faire part de vos expériences.
    Bonne journée.

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  21. Le film, "Mon docteur Indien" se donne dimanche 9 mars à 11 h. au cinéma L'Escurial Panorama, une salle de quartier à l'ancienne dans le 13éme arrondissement de Paris. La séance est suivie d'une rencontre avec le réalisateur et Nella Banfi.

    "Ce film nous emmène dans le sud de l'Inde, sur les pas d’un duo surprenant et improbable : le professeur Thomas Tursz, célèbre cancérologue français et directeur de l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif, mû par le désir de confronter ses connaissances, y est entraîné par Nella Banfi, son ancienne patiente qui a soigné son cancer grâce à la médecine indienne. Cette histoire est celle d’une femme qui a vécu le parcours éprouvant de la médecine moderne, de la chirurgie, des traitements et du doute. Et qui a finalement choisi une voie différente, mais complémentaire de celle qu'on lui proposait. Et a vaincu la maladie. C’est une démarche étonnante et inattendue : celle d’un éminent docteur au sommet de ses connaissances, qui part à la découverte d’une médecine qui, appremment diffère radicalement de la sienne.

    Ni donneur de leçons, ni prescripteur, Mon docteur indien est aussi l’histoire d’un métissage de cultures, d’une mondialisation positive, où des approches différentes se rencontrent pour mieux s’enrichir. Le film explore les ponts qui existent entre la médecine traditionnelle, la science et la médecine moderne, qui s’accordent à repositionner le patient au cœur du processus de guérison pour soigner la personne et non la maladie."

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  22. Je souhaitais rebondir sur la description faite par Totomathon des RCP après que j’ai déjà eu donné mon avis (je le reconnais en ayant forcé ) le 01-03-14 .. mais qui du coup me donne envie de réagir de plus belle . Je cite : « la RCP n’est pas qu’un endroit de validation de prescription.Une partie des dossiers est discutée sur un thème « abord diagnostique d’une lésion », « confirmation du stade », etc. Pour le traitement en particulier, c’est assez protocolisé : tel stade, telle ligne, tel traitement si possible, ou alternative si contre-indication, etc.). Enfin, la décision de RCP n’est en théorie qu’une proposition, présentée ensuite au patient. Je ne dis pas que la situation est idéale partout, loin de là, mais la RCP n’est pas en soi un déni du patient et de sa volonté. »
    Mais enfin ce choix thérapeutique protocolisé sur dossier (en l’absence du patient) qui a tous les atouts et les atours de l’expertise hospitalière de la Science avec un grand S va en pratique ( et pas en théorie) s’imposer au patient 9 fois sur dix et plus. Et ça c’est justement un déni évident du patient et de sa volonté.
    Et je souhaite bonne chance et bon courage aux confrères qui tentent d’éclairer honnêtement un patient (et/ou son entourage) sur les tenants et les aboutissants d’un traitement que l’hôpital lui à fait miroiter grâce aux prouesses de Big Pharma, bref de lui faire renoncer à la soi-disant dernière chance qu’on lui a laissé entrevoir. Parce que outre le fait d’avoir potassé un WE ou deux, les publications concernant le dit traitement, afin de ne pas dire (trop) de conneries, et d’être suffisamment confiant en tous ses principes philosophiques éthiques moraux humains, il va encore falloir exposer tout ceci clairement et lui laisser décider …et encore là je fais court…. Mais peut-être que Docteur Bill se débrouille mieux que moi.
    On peut y arriver, ça m’est arrivé (rarement) mais quel boulot !!
    Après ne jouons pas aux bon oncologues contre les mauvais médecins généralistes et vice-versa, pour masquer le problème, Tout service de cancérologie a accueilli des patients souffrants en fin de vie du fait d’un cancer diagnostiqué beaucoup trop tard par son cher généraliste, et tout généraliste a vécu des cas semblables à ceux de ce billet. La question n’est pas là.. Ce que je voulais pointer c’est que c’est l’organisation même qui fait que le système influe sur les hommes jeune oncologue débutant plein d’idéal ou vieux con de généraliste comme moi, n’a rien à voir là dedans. Le système hiérarchisé, protocolisé, plus ou moins infiltré par Big Pharma produit parfois (entre autres) des RCP aberrantes et douloureuses quel que soit la qualité des intervenants, et il est bon de le savoir surtout quand on commence la carrière comme EmmaB.
    Puisque CMT a évoqué le film « la troisième vague », qu’anonyme nous parle de « Mon docteur Indien », que Docteur du 16 a évoqué sa soumission à l’autorité dans ses jeunes années, moi, ce que tout ceci m’évoque c’est vraiment « I comme Icare » et cette expérience terrible de Stanley Milgram qui nous concerne tous qui que nous soyons, et surtout nous médecins. A quel moment j’ai envie ? puis à quel moment je hurle enfin ? : arrêtez . !!,, Là est ma vraie question !!!… et ce quelque soit l’autorité feinte ou réelle de tout l’aréopage de blouses blanches plus ou moins diplômées qui me cerne et qui cerne le patient, puisque l’expérience montre que c’est surtout et avant tout cette autorité « ressentie » qui fait monter le curseur.
    Voilà, on a pas besoin d’en arriver au point de Godwin, pour décrire les services de cancérologie remplis d’oncologues farcis de bonnes intentions, par contre rester vigilant et circonspect vis-à-vis des RCP, exiger que l’on nous passe au moins un coup de téléphone, et se souvenir toujours de Stanley Milgram, me semble utile pour éviter, tant faire que ce peut, les cas décrits dans ce billet.



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  23. @ Dr 16 et popper 31.
    Juste pour la provocation, la référence à l'expérience de Milgram n'est elle pas une autre sorte de pont Godwin ?.....

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  24. @ Popper31
    Pour une fois je ne suis pas d'accord.
    Il ne s'agit pas de dire que les MG diagnostiquent (parfois et souvent) un cancer avec retard pour contrebalancer les critiques à l'égare des oncologues, il s'agit de se rendre compte du système de l'oncologie et de la façon systémique (et quasiment systématique) dont les patients sont exclus de l'affaire.
    Il faut, encore une fois, dire non.
    @ Dr Bill
    Je n'ai pas atteint le point Godwin, j'ai décrit des patients qui sont décharnés et mourants et sur lesquels aucun regard humain ne s'arrête caché derrière le masque de la science ontologique.
    Laissez les vivre leur mort sans contraintes et sans vais espoirs.
    Quant à l'expérience de Milgram, il semblerait qu'elle ait été entâchée d'erreurs scientifiques grossières lors de sa réalisation.
    Mais j'écrirai un billet sur ces sujets.
    A +

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  25. @ Dr 16.
    Vous l'avez compris, je suis d'accord sur le fond de votre pensée, moins sur la forme.
    Cependant l'absence de regard humain sur des personnes atteintes de cancers en fin de vie, "utilisées" comme moyen d'expérimentation- promotion de marque de labo- émergence de nouveau concept markéting-vente à prix d'or de produits inutiles...ne nous exonère pas pour autant de la question de comment changer de paradigme et comment réglementer sans freiner l'innovation et les énergies créatrices ?
    les exemples que vous donnez sont effectivement inacceptables et moralement condamnables.
    En regard de ces aberrations, des progrès ont été réalisés en cancérologie. Comment éviter un système pervers et permettre malgré tout des avancées thérapeutiques ?

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  26. @Docteurdu16 : Surpris, et curieux, de lire sous votre plume une appréciation critique des travaux de Milgram,que vous avez pourtant, si je ne m'abuse, souvent cités.

    J'étais tombé récemment sur quelques lignes de Vinciane Despret, comme celles-ci : " Pour rappel, l’expérience Milgram consistait à faire croire à des sujets qu’ils devaient en électrocuter d’autres dans une expérience d’apprentissage. Voir Milgram S. (1975)Obedience to Authority. Harper and Row, et lire la passionnante recherche menée auprès des sujets de l’expérience, 40 ans après, par Ian Parker , découvrant à sa grande stupéfaction que nombre de ces sujets avaient compris qu’ils devaient jouer une sorte de jeu de rôle, et « for the sake of science » n’en ont rien laissé paraître ;« Obedience », Granta, 71 (Shrink), oct. 2000 : 101-125."

    Cela demande à être pris en considération mais commande aussi d'examiner les autres expériences conduites par d'autres chercheurs qui auraient confirmé les celles de Milgram.

    A noter également : les travaux de Milgram ont été financés par la marine américaine.

    Dans l'impatience de vous lire.

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  27. "Many of those that were tested later claimed that they knew about the hoax all along, and that they simply played alone “for the sake of science.” However, Alan Elms, who observed the experiments through a mirror, said that he saw little evidence of disbelief."

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  28. Pour en revenir à notre sujet et à propos du « génie » de l’industrie pharmaceutique dont nous aurions un besoin impératif d’après Bill.
    Je suis étonnée de la difficulté de nombreux interlocuteurs à franchir le pas et à comprendre que nous ne parlons pas ici de problèmes qui seraient en marge du système, et qui pourraient être résolus facilement par des petits aménagements, mais bien, comme le signalait Popper d’une organisation qui tend à augmenter perpétuellement l’écart entre à la fois l’affichage (l’industrie pharmaceutique propose des « innovations » qui vont améliorer la santé des populations), les représentations (j’accepte de prendre un médicament sur la base de la promesse que celui-ci va améliorer mon état de santé) et la réalité qui est que les nouveaux médicaments sont de moins en moins efficaces et de plus en plus délétères pour la santé.
    Je reprends des données dont j’avais déjà parlé, issues des travaux de chercheurs canadiens Léo-paul Lauzon et Marc Hasbani et dont j’avais déjà parlé : entre 1996 et 2005 Big Pharma a investi 739 Milliards de dollars dans le marketing, a distribué 317 Mds de dollars à ses actionnaires, et a dépensé 288 Mds de dollars dans la recherche .
    En d’autres termes, 79% des sommes investies ou dépensées par Big Pharma pendant cette période, sommes que nous finançons dans le coût final des médicaments, l’étaient pour des finalités étrangères à la qualité des médicaments et à la santé des populations.
    Or, le but du marketing n’est autre que de survendre des produits, ou, dit en d’autres termes, de modifier nos représentations afin que nous en survalorisions les avantages tout en sous-estimant leurs inconvénients. Les objectifs du marketing sont donc par nature incompatibles avec la poursuite d’objectifs de santé publique puisque ceux-ci impliquent d’utiliser les médicaments au mieux de l’intérêt de la santé des populations.
    Lorsque la moitié des sommes investies par Big Pharma le sont dans le marketing, on ne peut pas dire que c’est un problème à la marge. Pour la seule année 2012 on peut estimer que les dix premières pharmas, représentant 41% du marché du médicament, soit 356 Mds de dollars auraient dépensé, d’après cette estimation, environ 175 Mds de dollars en marketing. 175 Milliards de dollars sur une année c’est beaucoup d’argent. Utilisé de manière concertée dans un but précis une telle somme d’argent n’aura pas d’effets, « à la marge », mais va modifier toute l’organisation des systèmes de santé nationaux et international.
    Le marketing de Big Pharma qu’est-ce que c’est ?
    C’est, d’après les chercheurs le département des multinationales qui s’occupe du développement des médicaments, de leur plan de carrière en quelque sorte. Budget que Big Pharma va ensuite présenter comme faisant partie du budget de recherche et développement. Et que Big Pharma va vouloir récupérer en obtenant des prix de vente élevés de la part des agences nationales.
    Le marketing comprend donc, entre autres :
    -le financement d’agences de lobbying à Bruxelles auprès du parlement européen et de la Commission européenne, auprès de l’agence européenne du médicament, auprès de nos gouvernants et de nos assemblées nationales
    - le financement de la rémunération des leaders d’opinion
    - le financement des largesses consenties aux experts afin de générer des conflits d’intérêts
    -le financement des cadeaux faits aux médecins
    - le financement de congrès
    - le financement de la formation des médecins
    -le financement et les rémunérations élevées consenties aux médecins pour les essais clinique (l’IGAS avait relevé que les cancérologues étaient les spécialistes qui percevaient les rémunérations les plus élevées, de l’ordre de 5000 euros par patient recruté, même s’ils ne sont pas les bénéficiaires directs de ces sommes dans le cadre hospitalier).

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  29. suite
    - le financement de pseudo-revues scientifiques ayant pour rôle d’amplifier la diffusion d’études favorables à leurs produits
    -soudoyer les experts des sociétés savantes afin qu’ils abaissent les seuils de traitement de certaines affections chroniques
    Et j’en passe.
    Peter Götzche de la collaboration Cochrane qui travaille depuis longtemps sur le sujet a clairement identifié les essais cliniques comme partie intégrante de la stratégie marketing de Big Pharma. Il le disait à la Pilule d’or Prescrire 2013 : au Danemark où il y a 20 000 médecins, 1600 d’entre eux sont enmbauchés comme investigateurs dans des pseudo-essais cliniques, « sous couvert de recherche il s’agit d’opérations marketing qui rerprésentent un moyen commode de soudoyer légalement les médecins ».
    Avec la cancérologie Big Pharma a découvert son Eldorado. Suivront les maladies orphelines.
    La supposée urgence de la mise sur le marché des molécules destinées à la cancérologie permet de contourner facilement les bien fragiles barrières posées par les agences après les catastrophes produites par le distilbène et la thalidomide notamment. Ainsi, 30% des molécules approuvées par la FDA le sont sur la base d’une seule étude. Et ces 30% concernent surtout la cancérologie d’après une étude de Nicolas Downing et James Ross. Rien de plus facile à biaiser qu’une étude. Surtout quand elle est financée par Big Pharma et menée par des médecins pressés d’être publiés.
    Pourquoi s’en priver tant que lesdits médecins, au prix de contorsions morales acrobatiques, arrivent à se persuader qu’ils peuvent continuer à servir les patients tout en faisant carrière grâce à l’argent de Big Pharma ? Et n’est-ce pas le but principal de la promotion des conflits d’intérêts ? Maintenir endormie la conscience des médecins moyennant des petits cadeaux, la promesse de publications dans des revues prestigieuses ?

    D’autre part, Dirk Van Duppen, médecin généraliste belge connu pour avoir écrit un livre intitulé « la guerre du cholestérol » affirmait en 2008 que, d’après ses recherches ; 85% du coût de la recherche des cinq médicaments les plus vendus dans le monde dans les années 90 avaient été financés par le secteur public. En réalité une part croissante de la recherche de Big Pharma est financée par le secteur public dans les pays développés.
    Big Pharma peut ainsi concentrer tout son génie créateur dans ce qu’elle fait le mieux : vendre le plus cher possible des produits peu efficaces en créant de l’illusion et des représentations fausses grâce au marketing.
    C'est-à-dire en clair se comporter comme un parasite des finances publiques et de la santé publique
    D’après Prescrire entre 1999 et 2008 seules 2% des médicaments mis sur le marché en France ont présenté une réelle avancée.
    Je pense qu’on pourrait très bien jeter l’eau du bain puisque cela fait longtemps que le bébé du génie pharmaceutique s’est noyé dans le bain de marketing, et entretenir Big Pharma et son actionnariat nous coûte de plus en plus cher pour de moins ne moins de bénéfices

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  30. Pour répondre à Docteur du 16 : je n’ai en aucun cas voulu exonérer les oncologues de leur responsabilités par le foireux raisonnement que les généralistes commettraient eux-aussi bien des erreurs, j’ai juste voulu pointer (et prévenir Emma B) avec les expériences de Milgram sur la soumission à l’autorité que des êtres humains (quels que soient leur origine, leur culture leur sexe, leur statut social…) mis dans certaines « situations collectives » se retrouvaient capables d’effectuer des actes qu’ils n’auraient pas commis en étant isolés.. Que ce n’était pas une affaire de personnes, mais de système, et là-dessus nous sommes, je crois, en accord.
    L’interprétation (sujette à caution, comme toutes les interprétations …) de Stanley Milgram est que c’est la situation et non le caractère qui détermine certaines conduites.

    Un généraliste participant à une RCP ne concernant pas un de ses patients, pouvant à mon sens, prendre autant de mauvaises décisions, qu’un oncologue faire d’erreurs parachuté trop longtemps dans un cabinet de généraliste. Mais ceci restant bien entendu à prouver…

    Pour répondre à la "blague" de Dr Bill, et à un des anonymes, je vous conseille ce petit chef d’œuvre d’humour anglo-saxon dit de philosophie expérimentale : « L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine » de Ruwen Ogien. Vous y découvrirez vers la bas de la page 215 (édition Grasset) que cette expérience de Stanley Milgram (il en a commis beaucoup d’autres passionnantes), se rapproche du point de Godwin en ce qui concerne l’obéissance de nos amis allemands ( mais ce n’est pas politiquement correct même avec la caution de Hannah Arendt page 127).

    Vous y découvrirez aussi, pour répondre à un anonyme, que cette expérience a été très déstabilisante pour les sujets testés. (C’est pour cela qu’elle n’a pas été trop souvent reconduite ..paradoxe du paradoxe !!). Ces participants avaient eu besoin de se dédouaner et ceux qui avaient soi-disant compris qu’ils devaient jouer une sorte de jeu de rôle, avaient transpiré, s’était mordus les lèvres et s’étaient enfoncé les ongles dans la chair, en envoyant des décharges électriques, ce qui en ferait de meilleurs comédiens que ceux qui mimaient le fait de recevoir lesdites décharges…peu vraisemblable..mais il était bien de leur laisser une porte de sortie!!!...) .

    Tout ceci bien sûr ne contredit pas ce que nous dit CMT sur la façon dont Big Pharma Maintient endormie la conscience des médecins moyennant des petits cadeaux ou la promesse de publications dans des revues prestigieuses.
    Ma petite contribution était juste pour nous rappeler, que monsieur toutlemonde, embrigadé dans un tel contexte, peut sans recevoir de subsides directs ou indirects de Big Pharma et en croyant bien faire, pousser le curseur un peu trop loin …

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  31. @Emmab
    Cela me fait mal de lire la fraîcheur de votre réponse Emma (alors que cela devrait me faire du bien ^^) . J'y sens toute la candeur d'une jeunesse enthousiaste, humaine, tournée vers l'autre. Vous voir déclarer "l'oncologie,c'est une spécialité qui prend en compte la personne humaine dans son ensemble, et qu'il faut non seulement soigner le cancer, mais également prendre en compte la douleur physique et morale", oui, cela me fait littéralement mal, non pas parce que ce sont des bêtises, loin de là, mais parce que cela DEVRAIT bel et bien être ce qui devrait attirer tout étudiant vers cette spé. Mais force est de constater que vous êtes dans la belle utopie de la jeunesse. Cancéreuse depuis 12 ans, multirécidiviste, forumeuse active sur lesimpatientes.com, entourée de cancéreux dans ma propre famille, je ne m'exprime pas qu'au nom de ma seule expérience personnelle. Le cancéreux? Un patient envisagé comme une personne humaine dans son ensemble? Mais où avez-vous vu ça sur le terrain? À part dans quelques centres exemplaires? À part sur le merveilleux papier théorique des différents plans cancer? À part dans quelques services tenus par des médecins d'exception qui luttent tout les jours, à contre-courant, pour que la façon que vous avez d'envisager votre spécialité soit une réalité. Bien sûr que tous les oncologues ne sont pas des monstres de froideur technique, mais l'oncologie à la française est bien loin de l'idée que vous vous en faîtes. Et croyez-moi ou non, plan cancer ou pas, cela ne va pas vraiment en s'améliorant côté "humanitude" : parce que la déborde, parce que le manque de personnel, parce que le nombre croissant des malades, parce que une formation initiale des médecins qui est basée sur tout SAUF sur les sciences humaines, parce que la course aux statistiques glorieuses, parce que l'absence effarante des patients à tous les niveaux des organismes officiels de santé publique, parce que la mise à l'écart dédaigneuse du médecin généraliste dans l'arbre décisionnel. Oh bien sûr, dans le plan cancer 2, puis 3, on déclare doctement qu'il faut intégrer activement le MG dans la fameuse équipe pluridisciplinaire mais quid des moyens qu'on lui accorde? Une consult à 23 €, comme d'hab, pour qu'il poursuive son éternel boulot de voiture-balai, à qui on daigne, (parfois) envoyer un compte-rendu avec un ou deux mois de retard? Je vous invite à aller lire mon blog, particulièrement les catégories "coups de gueule" http://lacrabahuteuse.fr/category/coups-de-gueule/.
    "sum ergo cogito" http://lacrabahuteuse.fr/category/sum-ergo-cogito/
    ou "cancer et blouses banches " http://lacrabahuteuse.fr/category/cancer-et-blouses-blanches/
    Je vous invite à aller lire les impatientes, (et là, pas vraiment de rubriques particulières à vous indiquer, ça pleut dans tous les sens).
    ...

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  32. (suite) ...Je ne sais pas si vous m'avez déjà lu, mais je tiens à vous dire que je ne fais jamais d'oncobashing primaire. J'aimerais juste que la flamme qui vous anime aujourd'hui soit terriblement contagieuse. Et que les communicants "autorisés" arrêtent de nous vendre un Craboland bisounours, un monde où la douleur est prise en charge, un monde où les soins palliatifs sont le rempart irréprochable aux fins de vie indécentes, un monde où la maltraitance est exception, un monde où la ville et l'hôpital luttent harmonieusement aux côtés des malades du cancer, un monde où les malades chroniques ou pas, sont accompagnés humainement, socialement, professionnellement dans leurs parcours de misère, un monde où tous les patients bénéficient de la même qualité de prise en charge etc. Dios! Qu'il ne faut pas être cancéreux (à moins d'être un cancéreux VIP comme Mme Bertinotti ) pour avoir le culot d'affirmer de telles fadaises devant micros et caméras!
    En tous cas, je vous souhaite tout plein de courage pour votre pratique future. Vous risquez de souffrir en diable, non seulement parce que votre spécialité est extrêmement difficile (mais ça, je pense que vous en avez parfaitement conscience) mais aussi parce que vous vous butterez immanquablement à des pratiques qui vont vous ulcérer si l'humain est au centre de vos préoccupations premières.
    Docdu16 pique sa gueulante ici. N'y met pas les formes. Soit. Mais quand bien même le ferait-il, qui tend le micro à ceux qui dévoilent, même poliment, le dessous des jupes de Miss Oncologie?

    @Totomathon "la décision de RCP n’est en théorie qu’une proposition, présentée ensuite au patient. Je ne dis pas que la situation est idéale partout, loin de là, mais la RCP n’est pas en soi un déni du patient et de sa volonté." . Nan, EN THÉORIE. Mais dans les faits? En soi, ce n'est pas un déni du patient et de sa volonté. Dans la réalité, on l'invite plus à donner son assentiment qu'à réfléchir, on lui vante plus les "avantages" de LA décision prises par PLEIN de GRANDS spécialistes qu'on ne lui présente ses risques, inconvénients, alternatives. Cela demanderait du temps, de la patience. Cela sous-entendrait qu'on aide le patient à prendre une décision "ÉCLAIRÉE". Or, l'éclairage, dans la majeure partie des cas, il vous faut être teigneux/ avoir la niaque/ le niveau culturel suffisant pour aller le chercher avec les dents, tout seul comme un grand, si bien sûr vous n'êtes pas paralysé par la trouille qui vous hurle de vous en remettre aux Docs qui vous veulent forcément du bien avant toutes choses (ç'la va de soi!).

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  33. @ Pernelle.
    Merci pour ces commentaires pertinents et que seule vous pouvez faire.
    Mais : What else ?
    Le temps que cela remonte dans les cerveaux formatés des oncologues et des médecins tétanisés par la science des spécialistes.
    La servitude volontaire à l'autorité de la chose mal jugée...
    Il faut encore creuser...
    merci encore.

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  34. @ CMT, Dr 16 et Popper 31.
    On fait pas un métier facile...Mais peut être qu'à l'occasion de cette discussion sur les RCP d'oncologie, nous pouvons aussi montrer à quel point nous (les généralistes) avons été "formatés" pour fermer nos gueules !!!
    Je suis de la génération de Docteur du 16 et j'ai le même vécu que lui en ce qui concerne ma formation médicale en médecine générale, soit une formation inexistante, basée sur une absence totale de pédagogie de spécialistes qui de toute façon n'avaient rien à faire de former des généralistes. De plus, tout le système concoure à vous faire comprendre que si vous êtes généraliste, c'est que vous êtes un incapable.
    Pourtant notre expertise en médecine générale a autant de valeur que celle de nos collègues oncologues. Quand nous avons des arguments à faire valoir, rien ne nous empêche de les exprimer. ce que je veux dire, c'est qu'une évolution culturelle doit se faire aussi dans l'esprit des généralistes pour dire quand ils ont un avis qui diffère de celui de collègues hospitaliers et/ou spécialistes. Rien ne nous empêche de dialoguer d'égal à égal.

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  35. @ Dr Bill
    Eh bien voilà : nous sommes finalement d'accord.
    La formulation maladroite et sans doute agressive de mon billet cachait ce fait têtu : les MG ont quelque chose à dire qui n'est ni seulement dans l'ordre de la science pure (soumise aux aléas de la mode et de la construction big pharmienne de la réalité) ni seulement dans l'ordre de la défense sentimentale du patient, il s'agit de la vie ou de la survie comme compromis entre les techniques et l'âme (pardon pour le pathos) mais plus certainement entre le souhaitable et le possible dans le respect de l'intégrité du corps des patients.
    Tu as raison Dr Bill : nous n'avons pas été formés et maintenant que nous avons fait l'effort de vaincre notre peur de MG de n'être ni à la hauteur de la science, ni à la hauteur du patient il faut savoir dire non et ne pas hésiter à prôner les valeurs humaines contre les certitudes des essais contrôlés biaisés.
    Mon âge rend la chose impossible mais, hardi les coeurs, nous maintiendrons.
    Quant aux jeunes futurs médecins ils sont dans le moule de l'ECN et ne pourront s'en sortir qu'en écoutant les anciens.
    Bonne soirée.

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  36. Je crois que personne, y compris moi, n’a pensé à citer cet article paru dans le BMJ qui est pourtant très démonstratif et pertinent et qui devrait faire date (si le monde tournait rond) et qu’il est, en tous cas très très important, en France, où il y a 20% de cancers de plus diagnostiqués que la moyenne de l’union européenne et où la mortalité par cancer est également plus élevée que la moyenne de l’union européenne, plus qu’ailleurs de porter à la connaissance du public.
    Il s’agit d’une étude de cohorte prospective qui porte sur la fin de vie de patients cancéreux. Elle a été réalisée par des médecins de Harvard et porte sur le suivi de patients cancéreux en phase terminale recrutés dans plusieurs centres de traitement du cancer aux Etats Unis.
    L’étude a été motivée par le constat que 20 à 50% des patients cancéreux décédant de leur cancer sont sous chimiothérapie dans les 30 jours précédant leur décès.
    Une étude de cohorte prospective est une étude d’observation. Cela veut dire qu’on va suivre des patients recrutés pendant un certain nombre d’années sans intervenir mais simplement en observant ce qui se passe. Ce type d’étude pose des problèmes d’interprétation car les patients ne sont pas distribués dans deux groupes au hasard mais à l’avantage d’observer ce qui se passe dans le monde réel et pas dans le cas idéal d’une étude expérimentale comme un essai clinique par exemple.
    L’étude avait des financements publics.
    Dans ce cas particulier il s’agit de patients de plus de 20 ans diagnostiqués comme étant en phase terminale de cancer avec un pronostic de survie de 6 mois et suivis dans des centres de traitement du cancer.
    Voici l’étude (en anglais unfortunatly) http://www.bmj.com/content/348/bmj.g1219
    Sur 386 patients en phase terminale correspondant aux critères pendant la période, 216 étaient sous chimiothérapie palliative au moment de l’inclusion et 170 ne l’étaient pas.
    Les patients recevant une chimiothérapie palliative étaient plus jeunes (56 ans en moyenne contre 61 pour ceux n’en recevant pas) et avaient en moyenne un meilleur statut social (plus d’années d’études et plus souvent assurés). Quant on leur posait la question ils exprimaient le souhait de recevoir une chimiothérapie plutôt qu’un simple traitement de confort même si celle-ci ne devait prolonger leur vie que d’une semaine. Ils acceptaient moins souvent leur statut de patients en phase terminale que le groupe ne recevant pas de chimiothérapie (35% de 216 contre 49% p=0,04 de 170), ils avaient moins souvent que l’autre groupe discuté avec un médecin de leur fin de vie (37% contre 48% p=0,03).

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  37. suite
    résultats
    L’étude montre qu’il n’y a pas eu de différence dans la durée de survie entre les deux groupes, celui sous chimiothérapie et le groupe recevant des soins de confort, la médiane de survie étant de 4 mois.
    En revanche il y avait des différences significatives dans l’agressivité des traitements reçus (10% de plus des patients sous chimiothérapie ont fait l’objet de tentatives de réanimation pendant la dernière semaine de vie). Les patients sous chimiothérapie avaient plus de risques de mourir dans une unité de soins intensifs (11% contre 2% soit un risque supplémentaire ajusté de 6%), et les patients sous chimiothérapie avaient aussi moins de chances de mourir dans leur lieu préféré (65% contre 80% ,différence ajustée de 9%, ).
    Les désagréments causés par la chimiothérapie elle-même n’ont pas été étudiés.
    Au total les médecins qui ont fait l’étude concluent que les patients sont mal informés sur les objectifs et le potentiel d’une chimiothérapie en fin de vie, qui n’ a pour principal but que de soulager les symptômes, et, éventuellement, de prolonger un peu la vie, mais pas de guérir, ainsi que sur ses effets indésirables potentiels, qui peuvent aller jusqu’à précipiter la fin de vie.
    En fin de compte : le taux important de chimiothérapies en fin de vie pourrait résulter d’un malentendu, où les patients, insuffisamment informés font des choix qui ne correspondent pas à ce qu’ils souhaiteraient vraiment.
    Et il ne s’agit pas d’un essai clinique. On peut se demander quel peut-être la qualité de l’information quand les médecins ont des objectifs chiffrés concernant les essais cliniques et un intérêt personnel à ce que les patients acceptent un traitement. Je pense que Pernelle a en partie répondu à cette question.

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  38. Bonjour,
    L'annonce... En effet, la manière dont elle est faite a son importance. L'urologue de mon père, très âgé, m'avait donné rendez-vous pour me donner les résultats de l'anapath. Dans la salle d'attente, devant les 10 patients qui attendaient (il avait beaucoup de retard), il m'a asséné "C'est la vessie, il est foutu".
    Merci pour votre blog
    Agnès

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