La jeune B, 14 ans et 7 mois, entre dans le cabinet de consultation en faisant la tronche. Elle est accompagnée par ses parents.
Je sais déjà de quoi il est question car sa mère m'en a parlé auparavant.
L'histoire est la suivante (racontée par la mère auparavant et confortée ce jour) : B sort avec des hommes et elle a des rapports.
B s'est assise les mains entourant ses joues avec les coudes appuyés sur les cuisses.
Les parents voudraient : 1) que je lui fasse faire des examens (IST) ; 2) que je lui parle (i.e. je la raisonne en lui disant les dangers qu'elle court) ; 3) que je lui prescrive une contraception.
B ne dit rien. Elle écoute en prenant un air blasé.
B est déjà venue me voir toute seule et a tout nié ou presque. Presque. Ce qui m'a donné l'occasion de dire quelques mots de prévention et de tenter d'éclaircir la situation.
" Si on t'écoutait..."
Elle regarde ses parents qui sont assis l'un à côté de l'autre et elle du côté de son père.
" Je n'ai rien à dire. Ils se font des films."
Regards entendus des parents.
" Tout est faux ?
- Non. Mais je n'ai pas envie de parler.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils ne peuvent pas comprendre."
La mère de B se lance dans un long monologue énervé et revendicatif d'où surnagent les mots "avenir", "études", "gâcher sa vie", "ne pas être enceinte", et cetera.
Le père de famille (docteurdu16) est globalement d'accord ; le médecin (docteurdu16) pense au côté "médical" de l'affaire ; le moraliste (docteurdu16) réfléchit.
Le père de B regarde sa femme et dit ceci : " Je crois que l'on devrait la laisser seule avec le médecin."
La mère acquiesce à regret.
B sourit.
Ils sortent.
B s'assure que les portes sont bien fermées.
" Vous ne direz rien à mes parents ? Vous êtes tenu au secret.
- Je ne dirai rien sauf si je pense que tu es en danger."
Elle m'a "tout" raconté. Une version différente de ce que ses parents savent. Une version plus soft, une version moins hard, mais une version qui fait quand même frémir un père de famille. Je ne pense pas qu'elle soit en danger. Mais une jeune fille de 14 ans et 7 mois qui est à la fois d'une grande maturité physique et d'une grande naïveté.
Je ne peux en dire plus pour des raisons de confidentialité.
Si B a souri tout à l'heure quand son père lui a proposé de la laisser seule avec moi, c'est qu'elle avait compris que ce qu'elle me dirait, ses désirs, ses raisons, sa façon, à 14 ans et 7 mois de vivre la sexualité, jamais ses parents ne le sauraient. A moins qu'elle ne leur en parle. Mais il y a au moins 3 versions identifiées : 1) ce qu'elle vit ; 2) ce qu'elle a raconté à ses parents ; 3) ce qu'elle m'a raconté.
Que deviendra cette jeune fille ?
Illustration : Balthus (Balthazar Klossowski de Rola : 1908 - 2001) : Katia lisant (1974).
Les parents voudraient : 1) que je lui fasse faire des examens (IST) ; 2) que je lui parle (i.e. je la raisonne en lui disant les dangers qu'elle court) ; 3) que je lui prescrive une contraception.
B ne dit rien. Elle écoute en prenant un air blasé.
B est déjà venue me voir toute seule et a tout nié ou presque. Presque. Ce qui m'a donné l'occasion de dire quelques mots de prévention et de tenter d'éclaircir la situation.
" Si on t'écoutait..."
Elle regarde ses parents qui sont assis l'un à côté de l'autre et elle du côté de son père.
" Je n'ai rien à dire. Ils se font des films."
Regards entendus des parents.
" Tout est faux ?
- Non. Mais je n'ai pas envie de parler.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils ne peuvent pas comprendre."
La mère de B se lance dans un long monologue énervé et revendicatif d'où surnagent les mots "avenir", "études", "gâcher sa vie", "ne pas être enceinte", et cetera.
Le père de famille (docteurdu16) est globalement d'accord ; le médecin (docteurdu16) pense au côté "médical" de l'affaire ; le moraliste (docteurdu16) réfléchit.
Le père de B regarde sa femme et dit ceci : " Je crois que l'on devrait la laisser seule avec le médecin."
La mère acquiesce à regret.
B sourit.
Ils sortent.
B s'assure que les portes sont bien fermées.
" Vous ne direz rien à mes parents ? Vous êtes tenu au secret.
- Je ne dirai rien sauf si je pense que tu es en danger."
Elle m'a "tout" raconté. Une version différente de ce que ses parents savent. Une version plus soft, une version moins hard, mais une version qui fait quand même frémir un père de famille. Je ne pense pas qu'elle soit en danger. Mais une jeune fille de 14 ans et 7 mois qui est à la fois d'une grande maturité physique et d'une grande naïveté.
Je ne peux en dire plus pour des raisons de confidentialité.
Si B a souri tout à l'heure quand son père lui a proposé de la laisser seule avec moi, c'est qu'elle avait compris que ce qu'elle me dirait, ses désirs, ses raisons, sa façon, à 14 ans et 7 mois de vivre la sexualité, jamais ses parents ne le sauraient. A moins qu'elle ne leur en parle. Mais il y a au moins 3 versions identifiées : 1) ce qu'elle vit ; 2) ce qu'elle a raconté à ses parents ; 3) ce qu'elle m'a raconté.
Que deviendra cette jeune fille ?
Illustration : Balthus (Balthazar Klossowski de Rola : 1908 - 2001) : Katia lisant (1974).
A ben voila ! C'est de la médecine générale ça ? Est ce que La Médecine c'est parler avec des gens qui ne sont pas malades, mais qui ont des problèmes relationnels? Pourquoi on doit faire 10 ans d'études de médecine pour ça ? 23 euro pour ça !!! remboursé par la sécu !!! pour faire le boulot des parents...Est ce que la collectivité doit payer pour ça ?
RépondreSupprimerDans mes études de médecine, j'ai pas appris ça. Personne ne m'a dit que quand je serais généraliste des gens pas malades viendraient demander mon avis sur des questions qui ne sont pas enseignées en cours.
Maintenant j'ai compris ce que vous avez fait: vous avez écouté tout le monde. Et tout le monde est content d'avoir pu dire ce qu'il avait à dire. Mais j'ai pas l'impression que vous, le docteur, vous avez dit quelque chose.
C'est peut être ça le secret, car tout ce petit monde reviendra vous voir ensuite pour vous confier les problèmes qui leur tiennent vraiment à cœur. Comme une vraie maladie par exemple...
En médecine générale il ne faut pas être pressé. Tout ne se passe pas en une seule consultation.
Elle deviendra une adulte pauvre/riche de son adolescence ..le pire n'est jamais sur mais ;cette histoire m'évoque 2 rencontres de jeunesse la première est devenue psychiatre d'ados ,l'autre a été tuée par le staph et l'héroïne à bac +3
RépondreSupprimer@ dr Bill En pleine forme ! Voici un article du guardian qui traite de ce problème (ne pas faire de la "médecine" en consultation).
RépondreSupprimerICI
Cela ne s'apprend peut-être pas quand on fait médecine, (moi j'ai fait maths !) mais je crois savoir qu'un certain nombre de "vraies" maladies (diabète par exemple, le pancréas étant très sensible au stress) peuvent être générées, en tout cas largement favorisées par certains états émotionnels intenses et persistants. Agir sur ces états émotionnels pour les "décharger" pourrait être une vraie prévention. Le premier acte de cette action pouvant être la qualité d'écoute
RépondreSupprimerIl est dommage de pas avoir analysé le contexte familial et environnemental de cette jeune fille dont le comportement de mise en danger signe un mal être.
RépondreSupprimerNotre formation médicale en psychologie est une honte dans notre parcours. 10 ans d’études pour ne rien savoir en psycho traumatologie, en psychologie de l’enfant, de l’adolescent… Michel Balint a tout écrit sur le rôle fondamental du médecin généraliste et de son besoin de savoir psychologique dans les années 1950, et aucune avancée en 2015 !
Marina
@ Anonymous.
RépondreSupprimerVous comprendrez que je ne peux écrire les tenants et les aboutissants de cette consultation (le contexte social, psychologique, culturel, et cetera) pour des raisons de confidentialité et de secret. Mais vous avez raison : le rôle du médecin généraliste est majeur, non reconnu, et parfois même dénigré. La formation intiale des médecins (pas seulement généralistes) est une honte de ce point de vue. Ma lecture de Balint, je n'ai jamais fait partie d'un cercle, m'a appris plusieurs choses (et j'ai tenté d'appliquer en pratique) : 1) Il faut se méfier de soi-même (le médecin) en tant que médicament ; 2) l'effet nocebo du médecin peut être dévastateur ; 3) Balint est freudien, ce qui n'est pas une tare en soi, mais cela doit rendre prudent (faire du Balint sans rétrocontrôle, sans superviseur, sans prise de conscience des problèmes transférentiels/contre-transférentiels) peut être dangereux pour le patient et le médecin) ; 4) certains médecins se sentent investis d'une mission et ils doivent se méfier ; 5) toujours se rappeler cette "devise" : le médecin se doit d'être proche et distant.
Merci pour ces remarques et bonne journée.
Je pense que dans cette situation, comme dans la précédente, un peu de transversalité et de travail en partenariat pourrait être utile. Il s’agit, je pense , d’une situation qui appelle une levée du secret médical.
RépondreSupprimerJe vais aussi être très terre à terre et rappeler qu'un mineur de 15 ans ne peut pas être considéré comme consentant pour une relation sexuelle et que toute relation ou attouchements sexuels avec un mineur de 15 ans est donc considérée comme une infraction (un délit ou un crime, dans le deuxième cas il s’agit d’un viol, s’il y a pénétration) parce que les éléments de menace contrainte ou surprise n’ont pas à être réunis pour un mineur de 15 ans qui n’est pas réputé pouvoir donner un consentement libre.
Pour les atteintes sexuelles, article 227-25 du code pénal
Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Les parents avaient une demande précise, même s'il ne s'agissait pas de maladie, une demande qui rentrait dans le cadre de la protection de l'enfance. S'il existe des éléments de danger au sens du code civil, article 375 Article 375
Modifié par LOI n°2013-403 du 17 mai 2013 - art. 1 (V)
« Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. "
Là il me semble que des éléments de danger existent et qu'il était possible de proposer aux parents de s'adresser aux services sociaux qui peuvent leur proposer des mesures éducatives.
S'agissant à la fois d'un crime (viol s'il y a relations sexuelles réputées non consenties dès lors qu'il s'agit d'un mineur) et mise en danger d'un mineur, les éléments pour la levée du secret médical sont réunis, et il s'agit même d'une obligation légale sous peine qu'il soit reproché au médecin une non dénonciation de crime ou une non assistance à personne vulnérable en danger article 223-6 du code pénal.
A tout le moins, il faudrait en discuter avec les services de protection de l'enfance puisque c'est à eux d'évaluer le danger, et ce n’est pas simple, dès lors qu’il y a une demande des parents. Et probablement faire une information préoccupante, sauf si les parents font une démarche volontaire de demande d’aide.
Le médecin n'est pas une île et il s'agit typiquement d'une situation où le secret médical peut et doit être levé au bénéfice de l’enfant et où s'enfermer dans un huis clos avec la famille peut-être malsain et délétère pour l'enfant.
Impression mitigé entre le texte et les commentaires. Pourquoi de suite penser à une majeur? Pourquoi pas que deux ados du même âges ont une vie sexuelle ensemble? Mai 1968 était pour la libération et là, c'est une attitude plus coincé que jadis. Aujourd'hui, on en parle librement mais parler a l'air de vouloir interdire de vivre. On ne peut point considerer une personne de 14 ans de notre épqoue avec celle d'il y a 20 ans ou 40 ans!
RépondreSupprimerMes voisins ont une fille qui va sur ses 15 ans et bien, elle n'a rien à voir avec l'idée que nous avons d'une jeune de 15 ans. Bien au contraire, à cet âge là elles ont l'air plus âgée et l'exigent la vie d'Adulte. Le hic est qu'eux ne voient que les cotés positifs, mais point les négatifs et cela la Vie va leur apprendre.
Il faut cesser de vouloir à la fois proteger les enfants et adolescent et en même temps appliquer une éducation basée sur "absence d'autorité, rien qu'avec la compréhenson et l'explication, laliberté de se developper".
Bonne fin de journée
@ CMT
RépondreSupprimerPeu importe la transversalité.
Je ne peux m'étendre sur ce cas pour des raisons de confidentialité que j'ai déjà rappelées.
Les parents ne souhaitent pas porter plainte.
L'histoire de cette jeune fille n'est pas une histoire de viol.
L'histoire de cette jeune femme désormais est celle d'une jeune femme qui désire des rapports sexuels avec des majeurs.
Cette jeune fille est scolarisée.
Le temps a passé et j'ai un recul désormais de presque un an.
Les parents ne souhaitaient pas porter plainte et ne voulaient pas consulter les services sociaux.
Les entretiens que je continue à avoir avec cette jeune femme montrent que son comportement est effectivement lié à des problèmes psychosociaux.
Elle est désormais prête à accepter l'intervention d'un suivi psychothérapeutique.
Nous avançons pas à pas.
Je crois qu'un placement à l'époque eût été catastrophique pour cette jeune femme et pour sa famille qui souhaite rester unie.
Mais je comprends que tu puisses être choquée par ce que je n'ai pas fait à l'époque. Mais j'ai cru bien faire.
J'aurais sans doute dû préciser dans mon billet les faits que je mentionne maintenant.
Mais cela me semblait briser le secret. Justement.
Mais j'ai beaucoup réfléchi en suivant cette famille et sans doute ai-je pris des risques.
Je les assume.
Même si c'était limite sur le plan légal.
Merci à toi.
A Jean-Claude
RépondreSupprimerJe ne te juge pas parce que je ne connais pas cette situation en particulier, et parce que je pense que c’est terriblement compliqué de porter une telle situation tout seul.
Mais je sais que les médecins font très peu d’informations préoccupantes, de manière générale, (sur mon secteur, environ 1000 naissances par an, je n’en ai pas vu passer une seule faite par un médecin en sept ans, alors qu’on traite environ 20 à 25 IP par an) et je voulais aussi rappeler quelques points de la loi.
La loi considère qu’un mineur de 15 ans ne peut pas être considéré comme consentant lorsqu’il a des rapports sexuels avec un majeur. Vis-à-vis de la loi tout rapport sexuel (acte de pénétration sexuelle) avec un majeur est considéré comme un viol et est donc susceptible d’être jugé en assises. Après, la situation n’est pas la même s’il s’agit du petit ami, qui a le même âge que la jeune fille.
La loi vise à protéger les jeunes mineurs qui sont considérés comme vulnérables et influençables vis-à-vis des adultes. Il fallait mettre un seuil et il a été établi, en France, à 15 ans. En Belgique, c’est 14 ans, aux Etats-Unis c’est 12 ans indépendamment du fait que l’agresseur connaissait ou non l’âge de la victime et 16 ans dans certaines circonstances. Je suppose que ta réaction n’aurait pas été la même si une jeune fille de 11 ou 12 ans t’avait déclaré désirer des relations sexuelles avec des adultes. Donc, il y a toujours un élément d’appréciation personnelle.
D’autre part, je voudrais m’inscrire en faux contre cette idée très répandue, pas seulement chez les médecins, que faire un signalement ou une information préoccupante aboutirait nécessairement à un placement. 99% du travail des services sociaux et de protection de l’enfance est d’éviter les placements tout en prenant en compte la souffrance de l’enfant.
Placer un enfant ce n’est pas difficile ou, du moins, cela demande peur de temps (dire que ce n’est pas difficile est un peu abusif parce que c’est toujours un déchirement et un aveu d’échec pour les travailleurs médico-sociaux qui doivent le faire lorsqu’ils suivent les familles), cela prend quelques heures. Eviter un placement peut prendre plusieurs années de suivi et cela peut demander de construire un réseau autour des familles pour les porter à bout de bras pendant tout ce temps.
Dans le cas particulier, j’avoue que je ne sais pas.
Malheureusement, ce qui se passe, le plus souvent, c’est que nous perdons de vue des familles pour lesquelles nous sommes inquiets, faute d’assiduité de ces familles dont il est difficile d’obtenir la confiance et aussi faute de moyens pour faire un travail suivi auprès de chaque famille. Et ce sont des situations que nous risquons de retrouver plus tard, mais nettement détériorées.
La transmission transgénérationnelle joue aussi un rôle très important et je crois à une approche systémique qui n’est pas très pratiquée en France.
Enfin, l’important est aussi que cette jeune fille trouve un lieu où elle puisse être écoutée sans être jugée. Parce que livrée à elle-même et aux appétits d’adultes malveillants sans personne à qui demander conseil , elle serait encore plus en danger.
la formation que nous avons eue ne nous a pas préparé à ces situations.
RépondreSupprimerEn vous lisant je m'interrogeais sur ce qui dans mon parcours me permet aujourd'hui de réfléchir et de prendre des décisions dans des situations comme celle dont vous esquissez (avec discrétion) les contours afin de ne pas briser le secret médical.
Les remarques de C.M.T. sur la loi sont justes. Pour autant, si les généralistes signalent peu ou pas tient sans doute aussi au fait que sans lien de confiance rien ne se fait.
je pense aux victimes bien sur et avant tout, mais aussi aux autres, ceux qui sont les malveillants, les agresseurs, les bourreaux.
Quelles sont les limites du soin ? Ou met on le curseur pour "signaler".
Je connais bien mes collègues de P.M.I. avec qui je travaille volontiers. Les situations de périnatalité avec des mères et des couples avec des vulnérabilités psycho sociales sont fréquentes et nécessitent un regard croisé.
les généralistes sont rarement associés aux décisions de "placement" dans mon expérience. Peut être chacun comprend il la nécessité de protéger l'espace de la consultation du généraliste comme un lieu unique d'expression et de liberté.
Pour en revenir à la situation exposée, je doit d'abord dire combien j'apprécie la discrétion de Dr 16. Nous sommes le garant du secret. Combien de fois ai je été révolté par l'exposition médiatique de patient avec l'accord de leur médecin. Il y a la une obscénité que rien ne justifie. Nous devons protéger nos patient de ces expositions qui peuvent avoir pour eux et malgré eux des conséquences délétères.
Pour donner une idée, puisqu'il y a visiblement une très grande méconnaissance du sujet, sur notre secteur, avec 20 25 IP par an, plus X suivis de familles essentiellement des familles fragiles sur le plan social, nous avons entre 0 et un placement par an, en 2014, le seul placement de jeune enfant dont nous avons eu connaissance sur notre secteur a été demandé par la maternité de l'hôpital.
RépondreSupprimerPlacer un enfant n'est envisagé que si les parents sont très défaillants et non protecteurs, et que cela met l'enfant en danger. Si les parents sont protecteurs ou au moins acceptent d'être accompagnés pour mieux protéger leur enfant, il n'y a aucune raison qu'il y ait placement, parce que le placement est une atteinte à l'autorité parentale qui est une prérogative légale des parents dont ils ne peuvent pas être privés sans causes très sérieuses.
Le rôle du généraliste comme de toute personne faisant une information préoccupante est d'écrire ce qu'il a observé et qui lui fait craindre que l'enfant soit en danger. Uniquement ce qu'il a observé ou entendu, on ne lui demande pas d'interpréter les faits.
On peut dire à une famille: "ce que je vois ou ce que vous me dites est grave et je vais devoir me mettre en rapport avec les services de protection de l'enfance."
C'est d'autant plus souhaitable que les situations sont complexes et demandent un regard croisé.
La décision de placement appartient au juge des enfants, ce n'est pas une décision collégiale. Les services de protection de l'enfance peuvent seulement dire : "nous avons fait tout notre possible et nous sommes au bout de nos possibilités d'intervention mais le danger persiste ou la situation se dégrade "
@ CMT et Dr Bill.
RépondreSupprimerLe MG est toujours la dernière roue du carrosse.
je reçois des appels des médecins de la PMI ou de la territoriale, ils m'interrogent par téléphone, souvent longuement, souvent plusieurs fois pour le même enfant, et je n'ai aucune suite, on ne me tient au courant de rien. C'est désespérant. Quant à la justice, quand il s'agit de prendre une décision de placement ou autre, je ne suis jamais interrogé, alors que je connais un million de fois plus de choses que les travailleurs sociaux. C'est désespérant.
On me prend pour une merdre.
ce n'est pas nouveau de la part de l'administration.
je rassure : dans les affaires de personnes âgées, c'est pareil.
Bonne journée.
Merci CMT pour ces informations très interessantes.
RépondreSupprimer@doc du 16 mais pourquoi toujours penser que l' on ne vous entend pas?
Ou que l' on ne vous considère pas?
Vous êtes pourtant beaucoup lu et reconnu pour vos analyses très pertinentes.Il n'y a quand même pas que des sourds dans l'administration!
@ Dr 16.
RépondreSupprimerNon nous ne sommes pas pris pour une merde, nous ne pas "pris" tout court. Nous n'existons même pas, nous ne sommes rien.
Je ne sais pas quoi dire devant ce concert de doléances. Si ce n’est que nous ne sommes pas autorisés à faire des retours aux auteurs des informations préoccupantes, ni, non plus, aux médecins traitants. Je ne suis pas moi-même en première ligne pour traiter les informations préoccupantes et je suis aussi « utilisée », instrumentalisée par mes collègues pour permettre le suivi des enfants, sans que cela me pose de problème majeur et sans forcément connaître tous les tenants et aboutissants.
RépondreSupprimerIl faut comprendre aussi que les évaluations qui ont lieu dans le cadre des informations préoccupantes sont des interventions ponctuelles, très encadrées, avec l’accord des parents, et dans l’intérêt de l’enfant. Nous n’avons donc pas besoin de « tout » savoir mais uniquement ce qui est pertinent pour le bien de l’enfant.
Pour ce qui concerne cette jeune fille, il faut tout de même penser à l’éventualité très probable d’un précédent d’abus, car les jeunes filles sont rarement naturellement addictes au sexe et aux rapports sexuels avec des adultes. L’hyersexualisation est tout de même un des signes les plus fréquents et spécifiques d’abus sexuels.
Il y a eu une étude très intéressante et très bien faite en Suisse en 1996 publiée dans le BMJ dont j’avais fait un résumé, qui donne une idée de l’épidémiologie des abus sur mineurs. Elle montrait, entre autres, que faute d’études bien faites, on avait une perception faussée de l’épidémiologie des abus sexuels, qui, en France, sont perçues à travers le travail des services sociaux et donc surestiment la part des abus intra-familiaux, même si la part de ceux-ci est probablement plus importante dans les abus chroniques.
Voici le résumé :
RESUME DE L ARTICLE PUBLIE LE 25 MAI 96 DANS LE BRITISH MEDICAL JOURNAL ET INTITULE :
« Prevalence of child abuse among adolescents in Geneva : results of a cross sectional survey »
Cet article peut être retrouvé sur le site du BMJ sur Internet.
Références : BMJ 1996 ;312 :1326-1329
Auteurs : Daniel S. Halperin, Paul Bouvier etc.
Cette étude épidémiologique a été menée à bien par des professeurs de médecine, des pédiatres hospitaliers, des psychiatres et des psychologues.
Elle a été réalisée avec une méthodologie statistique rigoureuse sur un échantillon randomisée de un millier d’élèves de la classe de troisième. 97% environ, avaient moins de 17 ans.
L’enquête a été faite sous forme de questionnaire individuel , anonyme et confidentiel, à remplir par chaque élève. Le questionnaire ne portait que sur les abus sexuels, à l’exclusion d’autres formes de maltraitance. Il y avait une liste décrivant de manière factuelle et précise les différents types d’abus sexuels.
Environ deux semaines avant de remplir le questionnaire, les élèves ont été conviés à une réunion d’information, pour préciser ce qu’était un abus sexuel.
Le questionnaire a été rempli dans des classes, lors d’une session spécifique, en présence de psychologues à qui les élèves pouvaient demander leur avis.
...
SUITE
RépondreSupprimerJe précise tout cela car les rares études effectuées en France sont, par comparaison, très défectueuses sur le plan méthodologique. (on fait des enquêtes téléphoniques, on aborde toutes les formes de maltraitance en même temps, on choisit un échantillon selon des critères de facilité pour les enquêteurs…).
RESULTATS
TOTAL ABUS
252/1116=22,5% ou 1/5<22,5<1/4
NB : Bonne cohérence avec le rapport Badgley, rapport officiel canadien datant des années 80 : 1 mineur sur 4 de moins de 18 ans abusé ;
Répartition par sexe
- garçons 10,9% (60/548) =1/10
- filles 33,8% (192/568) =1/3
ABUS AVEC CONTACT/abus
- 87,5% des filles (168/192)
- 46% des garçons (28/60)
Soit 77% du total.
VIOLS
- filles :5,6% de l’ensemble =1fille/18 sur l’ensemble de la pop ou 1 fille abusée sur 5
- garçons :1,1% de l’ensemble=1 garçon/100 ou 1 garçon abusé sur 10
REPETITION
Les abus sont répétés dans 40% des cas (81/207 réponses) dans l’ensemble des abus et dans 46% des cas lorsqu’il s’agit d’abus avec contact.
Les abus sont chroniques (>= 6 fois)pour 9% des filles abusées qui ont répondu (15/163).
Les abus sont chroniques pour 9% des garçons qui ont répondu.
NB :18% des ados n’ont pas répondu à cette question
Donc les abus sont chroniques une fois sur 10 environ, au moins.
Donc au moins un mineur sur 50 subit ou a subi des abus chroniques.
Age lors du premier abus
1 fois sur 2 le premier abus a lieu avant 12 ans.
Donc au moins un enfant sur 10 se souvient avoir expérimenté un abus avant 12 ans.
NB : il ne s’agit que des abus « classiques ». Ces chiffres ne tiennent pas compte du « nursing pathologique » forme d’abus consistant en des intrusions répétés et compulsives dans le corps de l’enfant sous des prétextes d’hygiène ou médicaux. Souvent perpétrées par des parents eux-mêmes sur des bébés qui n’en gardent aucun souvenir ultérieurement.
Exps de nursing pathologique : douches vaginales chez les petites filles, lavements répétés, décalotage des petits garçons…
LES ABUSEURS
Il s’agit de mineurs dans un cas/3
Il s’agit d’adultes dans 2 cas sur 3.
Une fois sur 5 les garçons sont abusés par des femmes.
NB : Les thérapeutes spécialisés affirment que le comportement d’agression sexuelle n’est pas spontané chez les enfants et ados mais est consécutif à une agression sexuelle subie.
D’après une étude faite par un psy américain spécialisé dans les agressions sexuelles : 80% des délinquants sexuels dans les prisons disent avoir subi une agression sexuelle au moins avant l’âge adulte, contre seuls 28% des délinquants autres.
Dans 17,4% (39/224) des cas, l’abuseur est un membre de la famille.
(et non dans 90% des cas comme avancé par l’ODAS)
...
SUITE
RépondreSupprimerCONSEQUENCES PSY DE L ABUS
Les auteurs de l’étude de Genève notent que le type d’abus ne suffit pas à prédire l’impact psychique de celui-ci, certains enfants étant très perturbés par une agression unique à type d’exhibitionnisme.
DEVOILEMENT
69% des enfants ont dévoilé l’abus à quelqu’un mais 40% d’entre eux voulaient que rien ne soit fait ou que le secret soit gardé. Parmi ceux qui ont dévoilé l’abus ¼ estiment avoir été aidés.
Au total, 1 enfant sur 6 environ a reçu une forme quelconque d’aide suite à l’abus.