L'hypertension artérielle (HTA), son diagnostic, les investigations qu'elle entraîne, son traitement, son suivi, sont le pain et le beurre des médecins généralistes et leur souci constant.
Pouvoir disposer d'un essai clinique permettant de mieux traiter "ses" patients en général et dans le contexte de la médecine générale en particulier est passionnant.
Nul doute que l'essai SPRINT dont vous trouverez le protocole ICI et les résultats LA susciteront (et ont déjà suscité nombre d'articles, de commentaires, de prises de position et... de critiques).
Je me permets d'apporter mon grain de sel car les commentaires dithyrambiques que j'ai lus ici ou là, avec, à la fin, des mots de prudence (ICI par exemple), bla bla bla, font partie, à mon avis, d'une stratégie de déploiement pour, comme on l'a vu pour le cholestérol dernièrement avec les recommandations américaines (LA), étendre le domaine de la lutte contre l'HTA chez des non malades ou des prés malades (stratégie de Knock et/ou disease mongering).
Préambule.
Malgré les recommandations, essentiellement nord-américaines et européennes dérivées, le seuil d'intervention dans l'HTA chez le patient naïf, c'est à dire indemne de toute pathologie cardiovasculaire n'est pas aussi clair que cela. Le Joint National Committee 8 indique en 2014 (ICI) que pour les patients d'au moins 60 ans la pression artérielle systolique (PSA) d'intervention recommandée est de 150 mm Hg et au delà (recommandation de grade A). Pour les patients de moins de 60 ans il faut intervenir pour une PAS supérieure ou égale à 140 mm Hg (niveau de recommandation de grade E ou avis d'expert).
J'ajoute que pour la Revue Prescrire, le seuil d'intervention est fixé à 160/95 mm Hg (Hypertension artérielle de l’adulte. Des repères pour réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaires. Rev Prescrire 2004;24(253):601-11)
Les tenants du tout HTA pouvaient ne pas être contents.
Les tenants du tout HTA pouvaient ne pas être contents.
Présentation de l'essai SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial).
C'est un essai multicentrique randomisé d'envergure (mais sans aveugle).Le fait qu'il y ait beaucoup de centres (102), une structure centralisée, n'est pas une preuve de qualité a priori. Je pencherais même pour le contraire.
Le financement est public mais n'est pas d'une transparence fantastique puisqu'on apprend au détour d'une phrase qu'un médicament, un sartan non commercialisé en France (azilsartan) a été fourni gracieusement par les deux laboratoires effectuant le comarketing US. Je n'ai pas vérifié que les membres du steering committee étaient big pharma free mais aux US, c'est souvent le cas (ce qui devrait faire bondir les experts français qui pensent que seuls les financés par big pharma sont de bons médecins).
Tous les médicaments de l'essai sont fournis.
L'idée de base est la suivante, selon une hypothèse énoncée en 2007 par un panel d'experts réunis sous l'égide du National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI) : abaisser la PAS en dessous de 120 mm Hg permettrait de prévenir les complications dues à l'HTA chez les non diabétiques.
Ce qui me turlupine quand même c'est la raison pour laquelle un tel essai a été mis en place alors qu'un essai au protocole similaire (on l'a copié) mais pratiqué chez des diabétiques (The ACCORD study group) était négatif (LA) hormis pour la diminution des AVC (1).
L'idée sous-jacente, je cherche toujours la petite bête, était sans doute triple : premièrement, les médecins chercheurs aiment le concept The lower, the better (on y a droit pour le cholestérol, on y a eu droit pour le diabète), deuxièmement, l'idée que le JNC Committee n'arrive pas à conclure vraiment avec des essais contrôlés, en embêtait plus d'un, troisièmement, le plus c'est bas c'est mieux signifie plus de molécules donc plus de ventes de molécules, donc plus de cash pour big pharma. (En écrivant ces lignes j'apprends que l'US Preventives Service Task Force publie des recommandations de grade A sur le dépistage de l'HTA. Accrochez-vous encore : les hommes de plus de 18 ans qui sont à risque (à dépister donc) sont ceux dont la PA est comprise entre 130-139 pour la systolique et 85-89 pour la diastolique, et/ou en surpoids ou obèses, et/ou afro-américains. Voir LA)
Le design de l'étude SPRINT
Les critères d'inclusion des patients sont d'une complexité inouïe.Accrochez-vous.
Etre âgé d'au moins 50 ans, avoir une PA systolique comprise entre 130 et 180 mm Hg, et présenter un risque cardiovasculaire augmenté (défini ainsi : avoir un au moins des critères suivants : une atteinte clinique ou infraclinique autre qu'un AVC ; une affection rénale excluant une maladie polykystique rénale avec une clairance MDRD comprise entre 20 et 59 ; un risque cardiovasculaire d'au moins 15 % sur la base du score de risque de Framingham (voir LA pour le score (2)) ; ou un âge de 75 ans ou plus.
Point important : il s'agissait de malades ambulatoires. Pas de patients institutionnalisés (équivalent EHPAD et autres).
Les patients étaient revus tous les 3 mois et la PA était prise, le patient assis pendant 5 minutes avec un appareil de prise de la PA automatisé (3 mesures).
Concernant l'observance, aucun dosage n'a été effectué.
Le protocole lui-même était le suivant : les patients, par centre, étaient assignés au hasard entre un groupe traitement intensif (objectif cible de PAS inférieur à 120 mm Hg) et un groupe traitement standard (objectif cible de PAS inférieur à 140) (et les soignants savaient bien entendu à quel groupe les patients appartenaient). A chaque nouvelle consultation le traitement était réadapté : dans le groupe intensif pour que l'objectif cible, PAS inférieure ou égale à 120, soit visé et, dans le groupe standard, adaptation du traitement pour que la PAS descende pas au dessous de 130 à une visite ou en dessous de 135 lors de deux visites consécutives.
On apprend également que la chlortalidone était favorisée comme diurétique thiazidique (molécule non commercialisée en France sauf dans deux associations inutilisées en France : logroton et tenoretic) et l'amlodipine comme inhibiteur calcique.
Les objectifs de l'essai.
Objectifs primaires : survenue d'événements groupés en un index composite comprenant infarctus du myocarde, syndrome coronarien aigu (n'entraînant pas un infarctus du myocarde), AVC, insuffisance cardiaque aiguë ou décès dus à une cause cardiovasculaire.
Objectifs secondaires : composants individuels de l'index composite ou décès quelle que soit la cause.
Les résultats
Nombre de participants : 9361
Suivi moyen : 3,26 ans (l'étude a été arrêtée avant son terme pour cause de "bons" résultats dans le groupe intensif)
PAS : dans le groupe intensif 121,4 mm Hg et dans le groupe standard 136,2 mm Hg avec une différence moyenne de 14,8 mm Hg pour 2,8 médicaments prescrits dans le premier groupe et 1,8 dans le second.
Distribution des traitements identique selon les groupes (je pense qu'il faudrait fouiller ce point car je remarque des incohérences importantes : dans le groupe intensif il y a 76,2 % de patiens sous sartan + IEC, 54,9 % de patients sous thiazidiques et 10,3 % de patients sous alpha-bloquants contre respectivement 52,2 %, 33,3 % et 5,5 %).
Plus d'événements primaires sont survenus dans le groupe standard que dans le groupe intensif (319 vs 243 - p inférieur à 0,001). Pour ce qui est des décès toutes causes la différence est significative dès la deuxième année.
Les auteurs parlent du risque relatif de décès par cause cardiovasculaire diminué de 45 % (p=0,005). Je n'ai pas calculé le risque absolu mais, comme d'habitude, il doit calmer les esprits.
Le nombre de malades à traiter (NNT) pour éviter un événement primaire, un décès quelle que soit la cause et un décès cardiovasculaire est respectivement de 61, 90 et 172.
Chez les patients inclus avec une insuffisance rénale chronique (IRC) pas de différence entre les deux groupes (à ceci près que l'indice composite comprend des critères assez hard : diminution de 50 % de la clairance MDRD et/ou End Stage renal Disease) ; chez les patients sans IRC il y a plus de patients dans le groupe intensif qui présentent une diminution de 30 % de leur MDRD que dans l'autre groupe (p inf à 0,001). Les néphrologues n'ont pas l'air inquiets (ICI).
Les effets indésirables sévères.
Des effets indésirables sévères sont apparus chez 38,3 % du groupe intensif (n=1793) contre 37,1 % dans le groupe standard (n=1736).
Commentaire sur ce point : je trouve que cela fait beaucoup ! Les expérimentateurs ont dû employer le bazooka. Et ils ne parlent pas des effets indsirables non sévères !
Les effets indésirables sévères comme hypotension, syncope, anomalies électrolytiques et insuffisance rénale aiguë sont survenus plus fréquemment dans le groupe intensif (mais pas pour les chutes préjudiciables définies comme nécessitant une hospitalisation et/ou une admission aux urgences (!) et les bradycardies).
A noter : une fréquence significativement plus grande (p inf 0,001) d'atteintes rénales sévères (i.e. ayant nécessité une hospitalisation et/ou une prolongation d'hospitalisation) dans le groupe intensif (4,4 % ; n=204) que dans le groupe standard (2,6 % ; n=120).
Plus d'événements primaires sont survenus dans le groupe standard que dans le groupe intensif (319 vs 243 - p inférieur à 0,001). Pour ce qui est des décès toutes causes la différence est significative dès la deuxième année.
Les auteurs parlent du risque relatif de décès par cause cardiovasculaire diminué de 45 % (p=0,005). Je n'ai pas calculé le risque absolu mais, comme d'habitude, il doit calmer les esprits.
Le nombre de malades à traiter (NNT) pour éviter un événement primaire, un décès quelle que soit la cause et un décès cardiovasculaire est respectivement de 61, 90 et 172.
Chez les patients inclus avec une insuffisance rénale chronique (IRC) pas de différence entre les deux groupes (à ceci près que l'indice composite comprend des critères assez hard : diminution de 50 % de la clairance MDRD et/ou End Stage renal Disease) ; chez les patients sans IRC il y a plus de patients dans le groupe intensif qui présentent une diminution de 30 % de leur MDRD que dans l'autre groupe (p inf à 0,001). Les néphrologues n'ont pas l'air inquiets (ICI).
Les effets indésirables sévères.
Des effets indésirables sévères sont apparus chez 38,3 % du groupe intensif (n=1793) contre 37,1 % dans le groupe standard (n=1736).
Commentaire sur ce point : je trouve que cela fait beaucoup ! Les expérimentateurs ont dû employer le bazooka. Et ils ne parlent pas des effets indsirables non sévères !
Les effets indésirables sévères comme hypotension, syncope, anomalies électrolytiques et insuffisance rénale aiguë sont survenus plus fréquemment dans le groupe intensif (mais pas pour les chutes préjudiciables définies comme nécessitant une hospitalisation et/ou une admission aux urgences (!) et les bradycardies).
A noter : une fréquence significativement plus grande (p inf 0,001) d'atteintes rénales sévères (i.e. ayant nécessité une hospitalisation et/ou une prolongation d'hospitalisation) dans le groupe intensif (4,4 % ; n=204) que dans le groupe standard (2,6 % ; n=120).
Conclusion des auteurs :
Cibler une PAS de moins de 120 mm Hg, comparé à un ciblage de moins de 140 mm Hg, chez des patients à haut risque d'événements cardiovasculaires mais non diabétiques a entraîné un nombre moins important d'événements cardiovasculaires fatals et non fatals et de décès quelle que soit la cause. Cependant certains effets indésirables sont survenus significativement plus fréquemment dans le groupe 120.
Vu de la médecine générale :
- Critères d'inclusion compliqués et très restrictifs, avec des références au score de Framingham (voir LA) qui est un score nord-américain sans aucune pertinence en France (où le risque cardiovasculaire est moins important), ce qui réduit comme une peau de chagrin le nombre de patients à envisager.
- Pas de patients institutionnalisés (ce qui, à mon sens, sélectionne sérieusement les patients les mieux portants et les moins sujets aux chutes, par exemple)
- Prise de la PAS avec un appareil électronique avec trois mesures consécutives (tout bon praticien de médecine générale sait 1) que dans 90 % des cas la PAS est moins élevée quand elle est mesurée dans le cabinet du praticien habituel que lorsqu'elle est mesurée à l'hôpital, en clinique ou chez un spécialiste libéral en cabinet ; 2) que dans 90 % des cas la PAS est moins élevée quand elle est mesurée par auto-mesures au domicile du patient ; 3) que les données de MAPA sont fluctuantes...
- Les traitements de base seront certainement analysés dans un deuxième temps mais les différences semblent a priori très notables entre les groupes.
- Pas de données explicites concernant le cholestérol, le tabagisme, et cetera...
- Vue la dispersion des valeurs de PAS dans les groupes, il ne me semble pas que l'argument chiffré de PAS différente dans les deux groupes soit très pertinent, la seule chose que l'on peut affirmer, l'étude étant ouverte, c'est que l'effet Hawthorne (LA) a joué plein pot et que le non double-aveugle n'a pas été sans effet.
- Ce qui signie qu'il faut traiter intensivement et sans bénéfices 60, 89 et 171 patients pour éviter respectivement 1 événement primaire, 1 décès cardio-vasculaire et 1 décès toute cause.
- Enfin, le fait que l'étude ait été arrêtée plus tôt ne, comme dirait Joseph Prudhomme, préjuge en rien de l'avenir et notamment de l'avenir rénal de ces patients.
- En conclusion presque définitive : essai intéressant, essai non contrôlé, essai non praticien, essai difficile à reproduire, essai qui va à l'encontre de données antérieures, essai non adapté, à mon sens, aux patients institutionnalisés, essai volontariste et producteur de beaucoup d'effets indésirables sévères.
Pour compléter l'affaire et d'un point de vue non exhaustif :
Un autre éditorial dans la même eau : ICI
Un résumé video en anglais : ICI
Des commentaires dans le New-York Times de Harlan Krumholz ( LA).
Des commentaires américains d'un gériatre : ICI.
Medscape : LA
Un entretien (en anglais) avec Paul Whelton : ICI
Putting SPRINT in focus for primary care : LA
Number Need to Harm in sprint study : ICI
Commentaire CONTRE le 16 décembre 2015 by Andrew J Foy in JAMA internal medicine blog : We shouldn't sprint to lower blood pression. ICI
Références
(1)
(2) Commentaires (pertinents) sur l'utilisation des calculateurs de risques par JB Blanc en son blog : ICI)
J’avoue avoir été découragée, dans un premier temps, par le caractère très technique et complexe de cette étude, par l’analyse très technique (mais, finalement, assez peu réfléchie) qu’en fait Perruche en automne http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=4330 et par ma méconnaissance du sujet.
RépondreSupprimerLe sujet est pourtant d’importance et d’un intérêt quotidien et essentiel en médecine générale au cabinet et en termes de choix de politiques de santé publique.
Dernière arrivée dans la série apparemment très impressionnante des études sur l’HTA en tant que facteur de risque, cette étude a bénéficié d’une publicité très importante et semble, au premier abord, si on n’a pas trop envie de se creuser la tête et qu’on se contente de lire les résumés, tracer la voie d’avenir : traiter toujours plus les patients pour des chiffres tensionnels toujours plus faibles.
Sauf que. Les conclusions tirées par perruche en automne me paraissent abusives au regard d’une étude dont la complexité ne vise pas l’intérêt clinique et l’applicabilité en pratique courante, mais semble seulement au service d’une technicité vide de sens voire d’une idéologie sous-jacente et inavouée que Jean-Claude a noté : the less is the better.
Concernant d’abord le contexte général de l’étude et ses promoteurs, la neutralité supposée de l’étude et l’absence de conflits d’intérêts.
Le NIH (national insititute of health), promoteur de l’étude est une agence du département de santé américain. Le gouvernement américain ne se cache pas de considérer l’industrie pharmaceutique comme une industrie protégée dans la guerre économique permanente que les Etats-Unis livrent au reste du monde. A ce titre l’industrie pharmaceutique américaine a toujours bénéficié d’un régime fiscal très favorable qui n’ pas peu contribué à son expansion et à la propulser en tête des industries les plus lucratives parmi les industries américaines.
Ensuite, la loi Bayh Dole, votée en 1980 aux Etats-Unis https://fr.wikipedia.org/wiki/Bayh-Dole_Act , qui permettait aux institutions publiques de breveter leurs découvertes, qui seront ensuite développées et exploitées commercialement par des firmes pharmaceutiques en échange du versement de royalties, a contribué à orienter la recherche au sein des différentes agences du NIH vers la recherche appliquée et à accroître la dépendance financière des agences du NIH vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Il s’agit d’une symbiose qui permet à Big Pharma d’externaliser les coûts lourds de la recherche et de pouvoir ainsi consacrer une part croissante de ses moyens au marketing, et au NIH de trouver des ressources financières supplémentaires. Dire que le NIH est une institution publique indépendante tournée vers le bien commun et l’amélioration de la santé publique me paraît donc un abus de langage. Il serait plus exact de dire que Big Pharma et le NIH partagent une vision du monde où les progrès en matière de santé ne pourraient provenir que de progrès techniques. Cette vision est en parfaite adéquation avec leurs intérêts économiques mutuels et avec les visées hégémoniques en matière économique du gouvernement américain. Le NIH n’est dont certainement pas une organisation idéologiquement et scientifiquement neutre.
Par ailleurs, la distribution à titre gracieux de médicaments par des labos me paraît tout à fait assimilable à un financement direct de l’étude.
...
SUITE
RépondreSupprimerL’étude elle-même.
Le recrutement semble avoir été bien difficile, témoignant de l’inadéquation des critères choisis à la pratique courante.
Plus exactement, alors que la prévalence de l’hypertension aux Etats Unis serait de 40% chez les personnes de 45 à 64 ans et de 71% chez les personnes de plus de 65 ans http://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/su6203a24.htm#Tab il a été impossible à 105 centres de recrutement universitaires américains de recruter 90 patients par centre pour totaliser 9500 patients, sans modifier les critères initiaux d’éligibilité. Ainsi, p 244 de l’étude, http://www.nejm.org/doi/suppl/10.1056/NEJMoa1511939/suppl_file/nejmoa1511939_protocol.pdf l’âge du recrutement a dû être abaissé de 55 à 50 ans pour répondre aux critères choisis.
La multiplicité des amendements au protocole initial, une cinquantaine semble-t-il, la complexité des critères choisis qui signifie qu’on a choisi des sous-populations de sous populations [« La population étudiée est composée des patients hypertendus (130-180 mm Hg de TAS) de plus de 50 ans avec un risque cardiovasculaire augmenté. Ce dernier est défini par une pathologie CV clinique ou infraclinique autre qu’un AVC, un DFG en MDRD entre 20 et 60 ml/mn/1,73 m2, sans PKD, un risque CV à 10 ans avec l’équation de Framingham sup à 15% ou avoir plus de 75 ans »], l’absence d’ajustement pour des facteurs de risque CV majeurs qui ne sont pas du tout pris en compte, comme le tabagisme, l’obésité, le régime alimentaire, l’absence de prise en compte des EI réduisant la qualité de vie des patients, alors même que l’on n’attend aucun bénéfice immédiat de l’abaissement de la TA systolique de 130 à 120, la dispersion des valeurs de TA mesurées, comme le faisait remarquer Jean-Claude, me font dire que cette étude n’a aucune pertinence clinique.
Rappelons aussi que sélectionner judicieusement des sous-populations de sous populations chez lesquelles on arrive à trouver un résultat favorable est une des méthodes préférées de Big Pharma pour arriver à infléchir les résultats initialement négatifs d’une étude en sa faveur.
On peut trouver d’autres critiques intéressantes dans les commentaires de l’article de perruche en automne et chez hippocrate et pindare http://hippocrate-et-pindare.fr/ ainsi que chez Dr Agibus.
Je pense même que cette étude a été conçue pour produire un résultat donné, tellement le choix des critères d’éligibilité et des critères composites qui constituent le critère primaire paraît disparate et arbitraire. Probablement autant pour des raisons idéologiques que financières.
Dans ces conditions, et alors même que les résultats sur la fonction rénale sont particulièrement mauvais( HR de 3,14 pour les insuffisances rénales aigues chez les patients traités intensivement, de 0,7 à 1,9%), en tirer la conclusion qu’il faut dépister activement et traiter agressivement les tensions supérieures à 120 mmHg de systolique me paraît relever de la foi plus que de la science et de la raison.
Cette étude va dans le sens de ce que tente de faire depuis des années Big Pharma : trouver le moyen de persuader les médecins de surtraiter la tension pour des seuils toujours plus bas.
Depuis les analyses de Peter Götzche on sait à quel point les essais cliniques en milieu hospitalier constituent un outil marketing d’influence pour Big Pharma, la diffusion de la « connaissance scientifique » se faisant, en médecine, typiquement de manière descendante, des hauteurs de l’Olympe hospitalière vers les exécutants de terrain.
Cette étude me paraît bien représentative du dilemme actuel de la médecine, au carrefour d’un choix entre une médecine centrée sur le médicament et la technique, souhaitée et promue par Big Pharma et ceux qui en tirent différentes formes de profits, et une médecine centrée sur le patient http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3056855/ qui implique un dialogue avec le patient et dont les bénéfices ne peuvent se mesurer qu’en fonction de la clinique et des patients, avec leur part de subjectivité.
C'est donc une arnaque.
SPRINT : suite et fin du coup de poker de Big Pharma et de ses acolytes
RépondreSupprimerPoke D Dupagne, poke perruche en automne et poke Whelton (investigateur principal de l’étude SPRINT et président du comité de l’association américaine de cardiologie émettant des recommandations sur l’HTA).
Pour rappel, cette étude, présentée ci-dessus, prétendait avoir démontré qu’il fallait abaisser en dessous de 120 mm Hg la pression artérielle des patients hypertendus à haut risque pour diminuer leur mortalité, en ajoutant des traitements médicamenteux pour atteindre cet objectif pour atteindre ainsi 4 à 5 médicaments pour une partie des patients, et ambitionner de faire modifier les recommandations officielles américaines en ce sens.
D’autres considérations et commentaires ici : http://docteurdu16.blogspot.fr/2015/11/lendemain-de-sprint-comme-un-sentiment.html
Après quelques mois de suspense, la commission américaine émettant des recommandations sur l’HTA a voté contre ces modifications en raison de défauts majeurs dans la conception et de la fragilité de ses résultats.
http://cardiobrief.org/2016/08/28/cardiologists-thumbs-down-to-sprint/
De nombreuses critiques ont été émises (en réalité les défauts de cette étude étaient innombrables et on ne pouvait qu’en conclure qu’elle était délibérément biaisée en faveur du surtraitement) et les bénéfices, d’après les chiffres présentés, ont ainsi été resumés par un cardiologue norvégien qui a emporté l’adhésion de ses confrères : « Kjeldsen cited the Annals of Internal Medicine article that calculated that for every 1,000 persons treated for 3.2 years with the more aggressive target “an average of 16 persons will benefit, 22 persons will be seriously harmed, and 962 will not experience benefits or harms.”
En outre, les auteurs s’étaient gardés de mentionner qu’outre une surveillance trois fois plus fréquente chez le groupe traitement intensif , ils avaient utilisé un protocole inédit de mesure en faisant sortir de la pièce les examinateurs.
Les traitement étaient aussi différents entre les deux groupes (plus de diurétiques dans le groupe intensif, ces vieux médicaments qui ne coûtent pas cher) ce qui pouvait suffire à expliquer les résultats différents.
Je rappelle aussi que, comme je l’avais dit, que la différence dans la mortalité « toutes causes »était due à ce que les différences entre les deux groupes pour les homicides, es accidents, les morts subites et les suicides était toujours en faveur du groupe intensif et que ceux-ci représentaient 60% des décès du groupe standard (33/55). Ceci étant très marqué et systématique cela pouvait laisser planer un doute sur la qualité de la randomisation et même sur l’honnêteté des promoteurs.
Tout cela plus les perdus de vue, plus toutes les critiques qui pouvaient être faites et qui ont déjà été évoquées ont amené les participants du comité chargé d’émettre les recommandations à voter contre la prise en compte des résultats de Sprint pour changer les recommandations concernant le traitement de l’HTA.
Donc, malgré cette étude « révolutionnaire » on ne surtraitera pas les patients hypertendus et cela évitera plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’effets indésirables graves chaque année rien qu’aux Etats-Unis.
Alléluia !