dimanche 28 janvier 2018

Les blogs médicaux en 2017 (ils sont indispensables. Tout comme twitter)


Cette année, comme les autres années, je ne pouvais imaginer de ne pas lire les blogs médicaux (pour les autres, je n'ai pas le temps de commenter) : comment s'informer autrement sur le fondement, sur les fondamentaux, de notre métier ?

J'ajoute que la lecture des blogs médicaux de qualité est devenue indispensable tout autant que l'abonnement à twitter.

Les deux media se complètent. L'auteur d'un billet de blog fait savoir sur twitter qu'il a publié ou les lecteurs d'un billet de blog signalent la parution d'un billet. Les commentaires du billet apparaissent plus sur twitter que sur le blog pour des raisons de support.

Le plus excitant est ceci : un article paraît, par exemple, dans un journal avec comité de lecture. Et les commentaires de cet article, soit trop longs pour être publiés in extenso sur le site de la revue font l'objet d'un billet de blog, soit trop courts, soit trop polémiques, apparaissent en direct sur Twitter et avec un délai sur le site de la revue et parfois dans le numéro suivant de la revue quand elle n'est pas en ligne. Ainsi peut-on se faire une idée plus rapide des avis divergents sur un article. Voire approbateurs.

Avant cela je vous propose un site, ce n'est pas un blog, Cancer Rose, qui combat avec vigueur et détermination la désinformation sur le dépistage organisé du cancer du sein. C'était un peu brouillon, c'est devenu presque parfait. Vous pouvez les suivre sur TWT : @_CancerRose

Je tente de me limiter à deux billets par blog pour l'année 2017.




Pour la cardiologie, et la médecine, il y a Jean-Marie Vailloud  et son blog (ICI) (je ne reviendrai pas sur ses goûts pour les blindés, là, j'ai essayé de comprendre, j'ai mis en oeuvre toutes mes maigres ressources psycho-analytico-neuro-cognitives et j'ai renoncé) qui nous a donné depuis des années et sur de nombreux sujets des versions (presque) définitives de prêt-à-réfléchir (vous remarquerez que je n'ai pas écrit prêt-à-penser).
Il a écrit un très beau billet sur l'effet  nocebo (LA) et un billet très classique sur la bioéquivalence en pratique (ICI) qui fait écho à deux billets de Dominique Dupagne (cf. infra).
Sur ces deux points il y aurait des tonnes de trucs à raconter mais vous commenterez vous-mêmes : les seuls vrais commentaires sont ceux que l'on fait soi-même.


Dans la série je touche à tout, j'ai un angle d'attaque original, et je ne dis pas que des khonneries, il y a Dominique Dupagne (il dit quand même parfois des khonneries). J'ai bien aimé les deux billets sur le levothyrox et la bio-équivalence (LA).  ; j'ai surtout aimé les critiques méchantes sur le fait qu'il aurait écrit des approximations, qu'il aurait commis des erreurs (ce qui montre bien, ma brave dame, qu'un médecin généraliste devrait rester à sa place et ne pas s'aventurer sur des sujets cadenassés par les experts non cliniciens), parce que la façon qu'il a eu de les intégrer dans sa réflexion a montré que les experts non cliniciens n'ont pas compris que la bio-équivalence n'était pas un concept clinique mais un critère de substitution comme un autre pour faire croire que la générication du monde était une réussite. (La comparaison entre ce qu'a écrit Vailloud et ce qu'a écrit Dupagne sur le même sujet ne laisse pas d'ailleurs de m'étonner... A vous de voir).
Mais le billet qui m'a le plus "interpelé au niveau de mon vécu" c'est celui ci : Le dépistage du K du colon est-il utile ? (ICI)  Car j'ai été touché au fond. De quoi s'agit-il ? Dominique Dupagne nous dit ceci : ouais, le dépistage du cancer du colon par la recherche de sang dans les selles ne diminue pas la mortalité globale mais, comme il y a peu d'effets indésirables (et il est vrai, c'est un mauvais argument, qu'à l'échelle d'une patiente, ce n'est pas évident...) eh bien, le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, c'est mon commentaire, le dépistage organisé du cancer du colon ne sauve pas de vies mais, malgré son coût, il est licite de le proposer de façon "objective" aux patients.

Mais mon chouchou de cette année, même si je ne comprends pas tout, c'est @qffwffq :


Et le billet de l'année, pour moi, c'est celui consacré à l'équilibre, aux vertiges et à la neuro-ORL (avec un humour fou) : LA.
Mais aussi celui consacré à la kinésithérapie dans le Parkinson (je ne savais rien de tout cela) : ICI.
(je triche et je rajoute cet article, pourquoi le nouveau-né tète mal, tout en me méfiant car je n'ai pas vu de commentaires sur un sujet que je connais aussi mal et qui m'a fait penser, parfois, à Donald Winnicott -- l'auteur ne prendra sans doute pas cela pour un compliment).

Voici un blog d'humeur, un peu coincé par moment, mais surtout un blog d'amoureux de la médecine : Perruche en Automne. Ce qu'il écrit sur la néphrologie est dévastateur : on se demande où étaient les professeurs pendant nos cours de néphrologie. 


Cet article basique (et à la fois remarquablement érudit) sur les thiazidiques est parfait : ICI. Quant à celui sur la kaliémie il laisse rêveur et performatif : LA.
Je me suis limité à 2 billets pour ne pas lasser mais perruche en automne @sburtey est très prolixe sur l'obésité, l'HTA et la néphrotoxicité.

Je l'ai souvent cité mais, au delà des polémiques, l'incontournable blog de Marc Girard.

Une réflexion déjà ancienne sur la médicalisation, et sur tout ce que dissimule cette aliénation : la vie, la sexualité, la mort...

J'ai eu du mal à choisir et je retiendrai 2 articles fameux pour cette année :
Pour en finir avec l'aluminium et la fameuse myofasccite à macrophages : http://www.rolandsimion.org/spip.php?article287
et le classement sans suite des plaintes contre les pilules de troisième et quatrième génération : http://www.rolandsimion.org/spip.php?article386

Je n'oublie pas, et il ne s'agit pas d'un classement hiérarchique, les blogs superbes de

Sylvain Fèvre : ASK. Et sur twitter @sylvainASK. Son blog allie la compétence du médecin praticien, l'érudition et la saine rébellion contre les injustices et les incongruités du système de soin.

Je choisi donc deux articles :
l'un concerne le dépistage désorganisé du cancer du sein : ICI.
et l'autre la vaccination : LA.

Jean-Baptiste Blanc : Chroniques d'un jeune médecin quinquagénaire. Et sur twitter : @Dr_JB_Blanc


Le meilleur article de l'année 2017 : sur les chiffres de la grippe. Lumineux. ICI. Un reproche : il se fait rare car il a une façon tellement évidente de raconter les choses et, surtout, ses illustrations sont toujours ad hoc et reproduites partout.

Le blog de Médicalement Geek (@Dr_Agibus sur TWT) est une mine de renseignements sur tout ce qui paraît ici et ailleurs. Un travail énorme de compilation. Un reproche : parfois un peu trop académique au sens respectueux. Indispensable pour se tenir au courant des recommandations et de l'opinion avisée des médecins généralistes enseignants.

Hippocrate et Pindare sont dans un bateau.


Ce blog ne cesse de répéter un discours humaniste sur la médecine et les patients et, ce faisant, dénonce les compromissions, les exactions, les autoritaires (et les autoritarismes), les malfaisants, les marchands de rêves et les marchands tout court.

Pour raisons de santé. Le blog de Luc Perino a fait, selon moi, des progrès incroyables. Il est devenu plus juste et moins péremptoire. Et un peu moins sensationnaliste. Je dirais même que c'est le seul endroit dans le journal Le Monde où l'on peut lire des informations médicales intéressantes et vérifiables. Il a écrit 37 billets en 2017.

Un peu à part, le site, ce n'est pas un blog, du Formindep, qui informe.

J'encourage DocGomi, docteur niilde, bruitdessabots, Michel Arnould et autres à plus publier. Cela nous ferait plaisir.

S'abonner à Le club des médecins blogueurs paraît être une priorité pour tout médecin installé, pour tout doctorant, pour toute personne qui souhaiterait "faire" médecine.

Je voudrais dire un mot de L'école des soignants de Martin Winckler. Tout a été dit sur Winckler. L'affaire de son livre dénonçant les brutes en blanc a fait déborder le vase en suscitant de violentes réactions de partout et même de la part de ses anciens amis (ICI). J'ai plusieurs fois essayé d'écrire un billet sur lui, ce que j'avais déjà fait à propos de la contraception (LA). Il est nécessaire de le lire car, au delà de sa haine profonde de tout ce qui n'est pas lui, il dit des choses qui doivent nous faire réfléchir. Malgré que j'en eusse, je lis Le Figaro et Le Monde diplomatique. 


Pour ceux qui lisent l'anglais médical :

Des Spence est un médecin généraliste écossais qui publiait dans le BMJ



Il publie désormais dans Pulse et il a écrit 5 articles en 2017, tous aussi remarquables. ICI.

Sa successeure dans le BMJ écrit de remarquables articles dans le BMJ où elle défend bec et ongles la médecine générale : ICI. Il s'agit de Margaret McCartney. Elle écrit des livres que j'ai commentés parfois sur ce blog : LA.




Pour ceux que l'oncologie intéresse, et pas seulement en tant que spécialité, mais comme paradigme de ce qui se passe en médecine : inflation des prix, études biaisées, AMM accélérées, critères de substitution, main-mise de big Pharma sur les institutions, industrialisation de la médecine... le blog de Bishal Gyawali est étonnant de fraîcheur et de connaissances.



Il est publié de façon peu pratique dans e cancer : LA. On peut le suivre sur TWT : @oncology_bg

Je garde pour la fin le blog de Richard Lehman, un must depuis de nombreuses années, qui balaye le champ de la médecine toutes les semaines avec une compétence et un so British humour qui donnent envie : LA. On peut le suivre sur TWT : @RichardLehman1



Mais, last but not least, n'oubliez pas le blog médico-politique de Christian Lehmann : En attendant H5N1. Indispensable.



En sachant qu'il vient de publier un article brillant dans AOC : Obligation vaccinale, un pari orwellien. On peut le suivre sur TWT : @LehmannDrC

Quant à ceux que j'ai oubliés, qu'ils ne me pardonnent pas.

PS du 13 février 2018. J'avais oublié le blog de Michel Lorgeril (ICI) où vous apprendrez des faits non conventionnels sur le cholestérol (sans oublier que notre ami Grangeblanche, premier blog cité, a férocement commenté le livre de Michel de Lorgeril) et sur les vaccins.


LISEZ LES BLOGS MEDICAUX !



vendredi 12 janvier 2018

L'histoire des gants et des blouses.


Il faut se méfier du bon sens en médecine.

Lors de la pseudo pandémie de grippe AH1N1 on avait dit, tout le monde disait, que les mesures barrières, se laver les mains, porter un masque, ne se discutaient pas. Comme la vaccination et le tamiflu. Il paraît clair que se laver les mains après avoir examiné un malade, se laver les mains avant d'examiner un patient, sont de bonne clinique. Mais il ne faut pas confondre la théorie et la pratique, c'est à dire la réalité des "vraies" circonstances de la vie avec de "vraies" gens.

Récemment la ministre de la Santé a déclaré, au nom du bon sens, que la vaccination antigrippale obligatoire, elle était pour. Elle n'a pas d'essais concluants, elle n'a que sa croyance, elle n'a que ses bonnes intentions. Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes.


Laissez moi vous raconter une histoire récente.

Celle des gants et des blouses.

Je l'ai pêchée dans l'excellentissime livre de Cifu et Prasad, Ending Medical Reversal (ICI).
Les deux auteurs rapportent au chapitre 5 que ce ne sont pas seulement des traitements, des procédures, des tests ou des matériels qui sont administrés à des patients, des centaines de patients, voire des millions de patients alors que l'on n'est pas certains qu'ils sont efficaces, voire même que  certains sont persuadés, l'Arrogance Based Medicine, qu'ils sont certainement efficaces avant même de les avoir testés et, bien plus, qu'il n'est donc pas nécessaire (voire dangereux, une perte de chance affirment-ils) de les tester.

On découvre chez un patient hospitalisé pour leucémie, Monsieur A, que sa peau est infectée par un entérocoque résistant à la vancomycine (et à d'autres antibiotiques). Monsieur A ne présente aucune pathologie liée à cet entérocoque qui vit sur sa peau comme un commensal, ainsi que d'autres bactéries.

Branle-bas de combat : afin de protéger les autres patients de cet hôpital et éviter la propagation de cette bactérie, mais pas pour protéger Monsieur A, les médecins et les infirmières qui le soignent doivent désormais, avant d'entrer dans sa chambre, revêtir une blouse jaune en papier et enfiler des gants.

Monsieur A est énervé par cette procédure. Pour de nombreuses raisons.

Bien qu'enfiler une blouse et des gants ne dure qu'une minute, cela a l'air d'embêter tout le monde.
Il remarque que ceux qui respectent l'esprit de la procédure se comportent différemment, soit en faisant très attention, soit en s'asseyant sur son lit au risque de contaminer leurs pantalons.

Il y en a qui oublient la procédure, qui entrent en vitesse pour régler la perfusion ou aller déposer/chercher un plateau repas ou qui s'asseyent et parlent.

Mais aussi : il suspecte que les médecins viennent moins souvent le voir et notamment cette jeune femme médecin qui avait pris l'habitude, avant de rentrer chez elle, d'aller le voir, de s'asseoir et de parler. Désormais elle lui fait un hello derrière la vitre.

Monsieur A demande un jour à un médecin combien coûtent les blouses et il lui répond "plusieurs dollars", ce qui lui paraît exagéré car ce ne sont, selon lui, que des serviettes en papier géantes.

Un soir il trouve une étude sur internet qui montre que les médecins vont moins souvent voir les patients en isolement. Cela confirme ce qu'il pensait mais il se dit qu'il peut tolérer cela puisque cela protège d'autres patients.

Monsieur A meurt de sa leucémie un an après que le diagnostic a été porté.

Par la suite deux articles sont publiés qui l'auraient mis en colère.

En 2011, des auteurs montrent que ce même type de procédure (blouse et gants) ne diminue pas la transmission d'entérocoques vancomycine résistants ou se staphylocoques dorés methicilline résistants dans des services de soins intensifs (étude contrôlés avec 3000 patients, 19 centres) : voir ICI.
Une deuxième étude d'une tout ausi grande importance montre la même chose : voir LA

Monsieur A avait donc raison d'être énervé : les mesures barrières qui ont été mises en place ne servaient à rien pour les autres malades et lui ont pourri la vie.

Cet exemple est typique des procédures systèmes qui sont implantées avant même que l'on sache si elles atteignent leurs objectifs et qui, selon une évaluation avant/après (sans études contrôlées) dans un centre, sont généralisées à un pays tout entier.

Mais le pire : malgré des preuves contraires de leur efficacité, les procédures systèmes de bon sens, ici les mesures barrières, ne sont pas abandonnées par leurs partisans parce qu'elles auraient pu marcher si elles avaient été faites différemment ou étudiées autrement. C'est un vieil argument.

Les procédures systèmes adoptées après un essai dans un seul hôpital jugé par des chiffres avant/après (sans groupe témoin) entraînent des dépenses inutiles, un gaspillage de temps et, surtout, empêchent de s'intéresser à d'autres procédures qui pourraient, elles, être efficaces (comme l'utilisation de lingettes de désinfection : voir LA)

Cele ne vous fait pas penser à plein de trucs inutiles, que l'on continue à faire, par habitude, par croyance ou pour ne pas importuner les chefs qui ne peuvent admettre leurs erreurs (sinon en les imputant à leurs subordonnés).


jeudi 4 janvier 2018

Bonne année 2018 et bilan 2017.



Voici ce que l'on aurait pu retenir de l'année 2017 :

  1. Il n'est plus possible de nier l'effarant sur diagnostic du cancer du sein et ses conséquences désastreuses, le sur traitement des femmes (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), et le chiffre de 50 % rapporté par une récente étude néerlandaise (voir LA), pour abasourdissant qu'il soit, confirme ce qu'a toujours affirmé (à partir de données solides) Peter Goetzsche de la Nordic Cochrane (LA, par exemple). Il est urgent de reconsidérer le dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans. Comme site spécialisé le site Cancer Rose est une référence en français, voir ICI.
  2. Agnès Buzyn est définitivement la représentante de ce que j'appelle le complexe santeo-industriel et la propagatrice de ce que Marc Girard nomme, à la suite encore de Peter Goetzsche (Gøetzche Peter. 2013, Deadly Medicines and Organised Crime: How Big Pharma has Corrupted Healthcare. Radcliffe.), la criminalité médico-pharmaceutique. Toutes les actions de la ministre sont en outre marquées par le sceau du mandarinat arrogant et sans réplique et de l'entre soi parigo-parisien de l'AP-HP et du septième arrondissement réunis. Elle défend l'hôpital contre les soins premiers, elle soutient l'industrie pharmaceutique avec une indécence inouïe (allant jusqu'à refuser le déremboursement de médicaments inefficaces et dangereux comme les pseudo anti Alzheimer), elle est au centre de la calamiteuse décision de la onze-vaccination obligatoire des nourrissons en utilisant des arguments fallacieux et en travestissant une conférence dite citoyenne, elle nie les effets indésirables du dépistage organisé du cancer du sein (voir le point 1.), elle nomme des copains et des coquins aux postes de responsabilité, elle valorise les liens et conflits d'intérêts. Ce qu'elle entreprend est pire que ce que nous avions anticipé (ICI). Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
  3. La dérive de l'oncologie, telle que ses pratiques sont organisées à partir des autorisations de mise sur le marché de produits anti cancéreux aux Etats-Unis d'Amérique, prend une tournure mafieuse : des produits qui n'améliorent pas l'espérance de vie (ou de 3 mois en moyenne) sont commercialisés à des prix étourdissants sur des critères de substitution dont le plus fameux est le Progression Free Survival à la base d'essais cliniques de non infériorité ou d'essais pratiqués dans des pays en développement avec un bras placebo indigne ; des produits autorisés sans essais contrôlés, des produits autorisés sur la base de bio marqueurs et non sur l'histologie... Ainsi des oncologues peuvent-ils prescrire des médicaments inefficaces en promettant de l'espoir (on peut se demander si les oncologues sont encore des soignants) et en entraînant des souffrances atroces et des effets indésirables indignes, sans demander l'avis des patients. (Progression Free Survival : c'est une nouvelle notion, mais surtout un nouveau critère d'essai clinique, qui signifie que le patient a survécu et que la tumeur n'a pas progressé -- la progression étant définie par une augmentation de 20 % de la taille de la tumeur mesurée au scanner : il y a PFS si le patient est vivant avec une augmentation de 19 % ou une réduction de 16 % ! Le problème vient de ce que le PFS ne prédit pas une augmentation globale de survie.)
  4. L'affaire Levothyrox est une métaphore fantastique sur l'état de délabrement des esprits de ceux qui pratiquent le système de santé français : les experts pharmacologues qui n'ont jamais vu un malade, les experts cliniciens qui n'ont jamais écouté un malade, les agences gouvernementales qui savent a priori ce qu'est un malade et comment il ne va pas réagir (ou réagir), les cliniciens qui prennent ce qu'ils ne comprennent pas pour de la khonnerie émanant d'un malade a priori "chiant" ou dérangé, les TSHologues qui cultivent la politique des critères de substitution (si la TSH est bonne, la patiente n'a qu'à fermer sa goule, c'est qui le chef ?) comme les psychiatres qui jugeraient de l'état d'un.e patient.e sur un simple taux de sérotonine, les journalistes qui chassent le scoop, les associations de patient.e.s qui se tirent dans les pattes et qui n'ont donc pas, par la grâce empoisonnée d'être malade, la vérité révélée, les politiques qui n'écoutent que le bruissement des sondages, les pharmacie.nnes qui donnent des leçons de médecine derrière leurs comptoirs protégés pour ne pas lever le secret médical, les docteur.e.s qui n'arrivaient rien compris à la bio-équivalence ou qui, après avoir compris ou fait semblant de comprendre, ne comprennent toujours pas que c'est une notion bidon, les autres médecin.e.s qui parlent de marge thérapeutique étroite alors qu'il s'agit sans doute d'une maladie à fluctuation évolutive large ou, mieux, d'une maladie pour laquelle la zone de corrélation clinico-hormonale normale est très imprécise (et qui ne s'en étaient pas formalisés avant), les commentateur.e.s qui ne se sont pas rendu compte qu'il y avait à la fois un sur diagnostic, un sur traitement, et une réponse différente au traitement selon que les patient.e.s n'en avaient pas besoin, souffraient d'un cancer de la thyroïde opéré, irradié ou non, d'un Basedow après traitement éradicateur ou d'une thyroïdectomie (ou d'une hémithyroïdectomie) pratique pour des raisons bizarres ou imprévues ou inconnues, mais surtout :  il y avait des praticien.nes qui ignoraient ce qu'était l'effet nocebo ou un nocebo (ce n'est pas pareil) et qui en profitent désormais pour acculer les patient.e.s dans les cordes à cause de ce phénomène universel tout comme les patient.e.s expert.e.s refusent qu'on en parle pour ne pas se faire traiter de crétin.e.s parce que certain.e.s malades pourraient être accusé.e.s d'y avoir succombé et que cela ruinerait leurs théories sur les excipients cliniquement actifs ou sur le dogme de la corrélation TSHémie/humeur... Enfin, l'affaire Levothyrox, mais il faudrait développer, espérons que nous aurons l'année 2018 pour développer, enfonce le clou de la catastrophique aventure des génériques pour les patients, les pharmaciens et les médecins (l'écriture inclusive vient d'en prendre un coup).
  5. La santé publique est entrée définitivement dans le monde de la grande distribution. On ne pourra plus revenir en arrière. Les lobbys industriels et politiques verrouillent la question. Ils placent leurs pions aux postes clés de l'Etat et surtout dans les agences gouvernementales (avec la bonne vieille pratique du pantouflage : ICI). Ils arrosent. Ils organisent les hôpitaux (et les cliniques) comme des entreprises, imposant un manageriat industriel, une culture du rendement, une politique des indices, à base de flux tendu, de reporting, de sous-effectifs, de salaires de misère pour les "apprentis" (i.e. les internes), d'utilisation de travailleurs étrangers pour boucher les trous (et y compris les médecins)... Ils organisent l'industrialisation des cliniques appelées désormais hôpitaux privés et contrôlées par de grands groupes financiers. Ils favorisent la multiplication des examens complémentaires qui conduisent au sur diagnostic, au sur traitement, à l'incidentalome, en implantant des scanners, des IRM, des pet-scans... Ils organisent les conférences de consensus à l'origine de recommandations (guide-lines) toujours autant prescriptrices et dévoreuses de ressources. Ils financent les associations de patients pour pouvoir disposer d'un levier sentimental sur les pouvoirs publics. Ils détruisent consciencieusement la médecine libérale et la médecine générale en particulier, ce qui aura d'incalculables conséquences sur la santé publique... Le regroupement des médecins dans des maisons de santé situées en périphérie rappelle tant ce qu'est devenu le commerce mondialisé...  Les lobbys favorisent les mutuelles qui, initialement solidaires deviennent assurancielles, et cela va entraîner la faillite complète du système et/ou l'impossibilité pour certains types de populations de se faire pratiquer des examens inutiles et coûteux. Je m'arrête là pour ne pas lasser l'auditoire.
  6. L'arrogance de la médecine, celle qui pouvait prétendre contre toute raison (et notamment contre les travaux des épidémiologistes non à la botte des autorités académiques), que nous vivions dans les pays "développés" un âge d'or de la santé publique grâce aux progrès de la médecine, en prend un coup : l'espérance de vie à la naissance est en train de stagner, voire de reculer (aux Etats-Unis d'Amérique depuis deux ans consécutifs : " “And the key driver of that is the increase in drug overdose mortality.”") dans certains sous-groupes populationnels ; quant à l'espérance de vie en bonne santé, son déclin est amorcé dans tous les pays développés. Cette arrogance de la médecine est un phénomène bien connu des marketeurs, cela s'appelle la sur promesse. Et cette sur promesse va conduire au point suivant : puisque les médecins ne peuvent ou ne veulent assumer les désirs de la société (immortalité, indolence, scanners à répétition) les non médecins, les gestionnaires, les apprentis sorciers, les citoyens vont dire aux médecins ce qu'il doivent faire, "j'ai envie de", et, à la fois se tourner vers des techniques ou des traitements non éprouvés ou insuffisamment évalués, tester la médecine non officielle, et cetera. Pour assouvir ses désirs.
  7. Une médecine sans médecins. Le rêve grandiose du complexe santeo-industriel est de pouvoir à terme se passer des médecins en tant que décisionnaires. Les financiers auront toujours besoin de médecins conseillers des princes et des industriels pour donner des idées, pour borner les discours, pour fournir des éléments de langage, pour endormir les consommateurs, pour publier des articles allant dans le sens des politiques pré définies par les accumulateurs de profits. Nous ne nions pas que les médecins aient creusé leur tombe tout seuls et qu'ils continuent de se tirer des balles dans le pied en embrassant l'intelligence artificielle, les robots opérateurs, la onze-vaccination obligatoire, la gestion des maisons médicales de soins par les mairies, les préfets ou l'ARS  ou la télé médecine, nous n'ignorons pas que la gestion des hôpitaux et des cliniques par les médecins n'était pas irréprochable (mais c'était la médecine alapapa) mais nous sommes certains que la gestion de ces mêmes hôpitaux et cliniques par les gestionnaires (qui, auparavant, travaillaient dans les yaourts ou dans l'industrie automobile) est calamiteuse.
  8. L'inintérêt de certaines pratiques médicales et de standards de soin largement pratiqués (non démonstration de leur efficacité voire démonstration de leur nuisance) a été montrée par Cifu et Prasad (Ending medical reversal, 2005, pp 83-87)  dans 46 % des cas à partir  d'essais cliniques contrôlés publiés. Et quand le faisceau de preuves est suffisant pour les invalider, rien ne change : voir point 1.) mais aussi : LA. Il est grand temps a) de ne pas généraliser des pratiques sans qu'elles aient été démontrées IRL ; b) de remettre en cause  celles qui ont fait la preuve de leur inefficacité et/ou de leurs nuisances.
  9. Les associations de patients sont une autre face du consumérisme de la santé publique. Donner la parole publique aux patients est indispensable quand on sait avec quel mépris condescendant on les a laissés pendant des décennies. On ne les informait pas par ignorance et on a continué à ne pas les informer par arrogance. Mais il s'avère, au delà des polémiques sur les associations de patients et leur financement, au delà des controverses sur la parole médiatisée des patients (cf. point 4) et leur utilisation compassionnelle ou non, qu'il n'est pas possible de ne pas écouter et comprendre. Les soignants devraient réfléchir à cette situation : quand ils deviennent malades, quand ils souffrent d'une maladie qu'ils connaissent pour l'avoir traitée chez des patients, leur regard change, ils se rendent compte de faits, de détails, de sensations qu'ils ne pouvaient qu'ignorer, et ils regardent les patients avec un autre regard. Et ils changent leur pratique sauf si leur pratique est uniquement fondée sur des intérêts pécuniaires.
  10. Le pouvoir inégalé de l'Eglise de Dépistologie. Cette Eglise a un pouvoir considérable de nuisance dans la société. Son credo bienveillant, s'attaquer à la maladie avant qu'elle n'apparaisse (et il arrive que l'Eglise de Dépistologie ne soit pas d'accord avec l'Eglise de Préventologie) s'accompagne de pratiques non bienfaisantes, voire franchement malfaisantes. Rappelons notre athéisme dépistologique militant : un test de dépistage en cancérologie doit atteindre 3 objectifs : 1) il doit détecter des cancers précocément ; 2) il doit diminuer la mortalité liée au cancer qu'il recherche ; 3) il doit améliorer la survie globale c'est à dire diminuer la mortalité quelle qu'en soit la cause. Sinon... il faut l'abandonner. Je rappelle qu'à ce jour aucun test de dépistage de cancer n'a atteint les 3 objectifs.

 Gardons courage.

Bonne année 2018.