vendredi 12 janvier 2018

L'histoire des gants et des blouses.


Il faut se méfier du bon sens en médecine.

Lors de la pseudo pandémie de grippe AH1N1 on avait dit, tout le monde disait, que les mesures barrières, se laver les mains, porter un masque, ne se discutaient pas. Comme la vaccination et le tamiflu. Il paraît clair que se laver les mains après avoir examiné un malade, se laver les mains avant d'examiner un patient, sont de bonne clinique. Mais il ne faut pas confondre la théorie et la pratique, c'est à dire la réalité des "vraies" circonstances de la vie avec de "vraies" gens.

Récemment la ministre de la Santé a déclaré, au nom du bon sens, que la vaccination antigrippale obligatoire, elle était pour. Elle n'a pas d'essais concluants, elle n'a que sa croyance, elle n'a que ses bonnes intentions. Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes.


Laissez moi vous raconter une histoire récente.

Celle des gants et des blouses.

Je l'ai pêchée dans l'excellentissime livre de Cifu et Prasad, Ending Medical Reversal (ICI).
Les deux auteurs rapportent au chapitre 5 que ce ne sont pas seulement des traitements, des procédures, des tests ou des matériels qui sont administrés à des patients, des centaines de patients, voire des millions de patients alors que l'on n'est pas certains qu'ils sont efficaces, voire même que  certains sont persuadés, l'Arrogance Based Medicine, qu'ils sont certainement efficaces avant même de les avoir testés et, bien plus, qu'il n'est donc pas nécessaire (voire dangereux, une perte de chance affirment-ils) de les tester.

On découvre chez un patient hospitalisé pour leucémie, Monsieur A, que sa peau est infectée par un entérocoque résistant à la vancomycine (et à d'autres antibiotiques). Monsieur A ne présente aucune pathologie liée à cet entérocoque qui vit sur sa peau comme un commensal, ainsi que d'autres bactéries.

Branle-bas de combat : afin de protéger les autres patients de cet hôpital et éviter la propagation de cette bactérie, mais pas pour protéger Monsieur A, les médecins et les infirmières qui le soignent doivent désormais, avant d'entrer dans sa chambre, revêtir une blouse jaune en papier et enfiler des gants.

Monsieur A est énervé par cette procédure. Pour de nombreuses raisons.

Bien qu'enfiler une blouse et des gants ne dure qu'une minute, cela a l'air d'embêter tout le monde.
Il remarque que ceux qui respectent l'esprit de la procédure se comportent différemment, soit en faisant très attention, soit en s'asseyant sur son lit au risque de contaminer leurs pantalons.

Il y en a qui oublient la procédure, qui entrent en vitesse pour régler la perfusion ou aller déposer/chercher un plateau repas ou qui s'asseyent et parlent.

Mais aussi : il suspecte que les médecins viennent moins souvent le voir et notamment cette jeune femme médecin qui avait pris l'habitude, avant de rentrer chez elle, d'aller le voir, de s'asseoir et de parler. Désormais elle lui fait un hello derrière la vitre.

Monsieur A demande un jour à un médecin combien coûtent les blouses et il lui répond "plusieurs dollars", ce qui lui paraît exagéré car ce ne sont, selon lui, que des serviettes en papier géantes.

Un soir il trouve une étude sur internet qui montre que les médecins vont moins souvent voir les patients en isolement. Cela confirme ce qu'il pensait mais il se dit qu'il peut tolérer cela puisque cela protège d'autres patients.

Monsieur A meurt de sa leucémie un an après que le diagnostic a été porté.

Par la suite deux articles sont publiés qui l'auraient mis en colère.

En 2011, des auteurs montrent que ce même type de procédure (blouse et gants) ne diminue pas la transmission d'entérocoques vancomycine résistants ou se staphylocoques dorés methicilline résistants dans des services de soins intensifs (étude contrôlés avec 3000 patients, 19 centres) : voir ICI.
Une deuxième étude d'une tout ausi grande importance montre la même chose : voir LA

Monsieur A avait donc raison d'être énervé : les mesures barrières qui ont été mises en place ne servaient à rien pour les autres malades et lui ont pourri la vie.

Cet exemple est typique des procédures systèmes qui sont implantées avant même que l'on sache si elles atteignent leurs objectifs et qui, selon une évaluation avant/après (sans études contrôlées) dans un centre, sont généralisées à un pays tout entier.

Mais le pire : malgré des preuves contraires de leur efficacité, les procédures systèmes de bon sens, ici les mesures barrières, ne sont pas abandonnées par leurs partisans parce qu'elles auraient pu marcher si elles avaient été faites différemment ou étudiées autrement. C'est un vieil argument.

Les procédures systèmes adoptées après un essai dans un seul hôpital jugé par des chiffres avant/après (sans groupe témoin) entraînent des dépenses inutiles, un gaspillage de temps et, surtout, empêchent de s'intéresser à d'autres procédures qui pourraient, elles, être efficaces (comme l'utilisation de lingettes de désinfection : voir LA)

Cele ne vous fait pas penser à plein de trucs inutiles, que l'on continue à faire, par habitude, par croyance ou pour ne pas importuner les chefs qui ne peuvent admettre leurs erreurs (sinon en les imputant à leurs subordonnés).


6 commentaires:

  1. Ca me rappelle méchamment la vaccination se truc.

    mais j'avoue que j'ai mauvais esprit.

    herve_02

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. ce post me fait penser au "sacro-saint-droit de precaution" si cher dans notre société...que tout le monde met en place pour se "couvrir" au cas où et si que peut etre...ça me fait rire..; car l auteur de ce blog pour d autres cas utilise dés que possible ce principe de precaution...

    un visiteur medical de 52 ans

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  4. @visiteur médical

    Il y a une différence entre _choisir_ d'utiliser un produit en prenant des risques et se faire 'vendre' un produit soit disant sans risque pour soigner une soit-disante affection.

    Il ne faut pas remonter bien loin. Combien de visiteurs médicaux ont 'vendu' médiator comme coupe-faim ? Il n'est pas envisageable d'imaginer que la majorité des médecins qui l'ont prescrit pour cela ont, d'un seul coup, pensé que cela pouvait couper l'appétit, alors que ce n'était pas dans le champ de son AMM. Il y a bien quelqu'un qui leur à soufflé à l'oreille.

    On peut parler actuellement des statines qui continuent à être vendu aux patents avec du 'mauvais' cholestérol, sans de vrais études autre que commerciale.

    Le jour ou un produit de consommation courante que vous utilisez pour vos petits enfants montrera des effets désastreux parce qu'il n'avait pas été bien étudié vous repenserez à ce principe de précaution.

    Le principe de précaution n'est pas de ne rien faire, mais de _maîtriser_ les risques : cela veut dire les avoir identifié et choisir de manière éclairée les risques que l'on accepte de prendre.

    Ainsi il est inadmissible pour les industries (et les pouvoirs publics) d'avoir caché pendant des années les risques du tabac, de l'alcool, de l'amiante. Cela ne veut pas dire les retirer du marché cela veut dire que l'utilisateur potentiel DOIT être informé des risques. Cela veut dire que l'industriel DOIT conduire des études sérieuses AVANT de le mettre en vente.

    Pour revenir sur le point particulier du billet, la blouse et les gants. Il met en avant, que contrairement à l'image qu'elle veut donner, la médecine tâtonne dans la majorité des cas et que le VRAI travail qu'elle devrait s'imposer c'est une recherche sérieuse sur les pratiques. Ce n'est pas le fait de les porter pour rien le soucis, c'est de tenir pour acquis (argument ad antiquitatem) des habitudes qui ne reposent sur rien. Et de conduire des études sur ses habitudes, études qui ont pour objectifs d'améliorer les conditions de vie du patient.

    Autre exemple : on SAIT que si on diminue les personnels soignants des lieux de soin, la mortalité augmente mathématiquement. Cela télescope la vaccination obligatoire. Pour potentiellement faire diminuer la mortalité de maladies que l'on sait soigner, on va vacciner à l'aveugle tout le monde et compenser cet explosion des coûts par la baisse des infirmières dans les services, ce qui va mécaniquement et obligatoirement augmenter la mortalité.

    Ainsi on fait le choix de morts certains pour peut être éviter des morts potentiels (de rogner sur les salaires pour augmenter les bénéfices des labos. Voila par contre-exemple la mise en application du non principe de précaution

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  5. Le défaut de questionnement des idées reçues est sans doute l’attitude la plus répandue chez les médecins, et pas seulement chez les médecins, mais en médecine, cela joue un rôle fondamental dans la manière où nous remplissons le rôle que nous prétendons remplir vis-à-vis des patients.

    Cela est aussi dû à la volonté de faire corps et de se protéger des critiques.
    Ajoutez-y les conflits d’intérêts, les stratégies d’influence de Big Pharma comme le montre la récente enquête parue dans « alternatives économiques » https://www.alternatives-economiques.fr/labos-simmiscent-facs-de-medecine/00082529 https://www.alternatives-economiques.fr/lhopital-objet-de-convoitises-labos/00082527 et encore une pincée d’omerta et de corporatisme et le tableau sera à peu près complet...

    C’est ce qu’illustre l’histoire suivante, une histoire de « reversal » à bas bruit, où les décisions semblent avoir été prises en catimini sans remise en question franche, alors que le sujet était essentiel pour les patients opérés. Il s’agissait de l’utilisation des béta bloquants en peropératoire. Une étude, une seule, l’étude DECREASE menée par un certain Polderman, cardiologue hollandais qui se trouvait être également le président du comité de la société de cardiologie européenne qui rédigeait les recommandations. Plusieurs éléments de cette histoire, ne sont pas sans rappeler l’étude SPRINT, où Paul Whelton, auteur principal de l’étude SPRINT, est aussi président du comité chargé de rédiger les recommandations sur l’hypertension artérielle à l’American Heart Association. La comparaison ne s’arrête pas là car ces deux études ont été publiées dans le NEJM http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM199912093412402#t=article et que les patients étudiés étaient également hypersélectionnés, de manière à ce que le résultat de l’étude était joué d’avance.
    Les recommandations sur l’utilisation des bétabloquants en peropératoire par la Société européenne de cardiologie ont donc été modifiés début 2000 sur la base de ces études dont les résultats, encore une ressemblance avec l’étude SPRINT, ont été qualifiés de « spectaculaires », à al fois sur les infarctus du myocarde et la morbi mortalité en général dans la chirurgie cardiaque et non cardiaque.
    Larry Husten expliquait cet épisode en 2014 https://www.forbes.com/sites/larryhusten/2013/07/31/european-heart-guidelines-based-on-disgraced-research-may-have-caused-thousands-of-deaths/#1ef8218b2e33

    Et voici une explication sur les principales études en français http://www.mapar.org/article/1/Communication%20MAPAR/hlqguv2s/Les%20b%C3%AAta-bloquants%20en%20p%C3%A9ri-op%C3%A9ratoire,%20est-ce%20enfin%20clair%C2%A0%3F.pdf

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  6. Les résultats des études DECREASE, sous la houlette de Polderman, qui étaient pourtant les seules à montrer un bénéfice sur la mortalité, n’ont commencé à être mises en cause que lorsque des manquements éthiques portant sur le recueil du consentement des participants à l’étude voire une suspicion de falsification des données des patients ont été suspectés http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2012/10/en-novembre-2011-un-%C3%A9minent-cardiologue-don-poldermans-a-%C3%A9t%C3%A9-licenci%C3%A9-par-erasmus-university-rotterdam-hollande-pou-1.html .

    Une méta-analyse menée par le cardiologue britannique Darrell Francis, a montré que si on excluait de celle-ci l’étude DECREASE, le seul bénéfice de l’utilisation des bétabloquants en peropératoire était une diminution des infarctus du myocarde, mais qu’en revanche, les AVC augmentaient et surtout la mortalité augmentait de l’ordre de 30%. En valeur absolue cette augmentation représentait 0,8% ce qui signifie qu’il y avait pratiquement un décès supplémentaire pour 100 patients opérés.

    Il semble que l’étude de Polderman n’ait jamais été retractée et que les journaux et revues médicales aient eu quelques difficultés à reconnaître la très grave erreur qui avait conduit à des recommandations délétères pour les patients, qui se seraient traduit par des milliers voire des dizaines de milliers de morts, et que ce soient des blogueurs et des associations telles retraction watch qui aient, seuls, traité le sujet http://retractionwatch.com/2014/01/20/quickest-withdrawal-ever-journal-yanks-paper-alleging-800k-deaths-from-poldermans-affair/ passé totalement inaperçu dans les medias et les journaux médicaux.

    Difficile de ne pas persévérer dans l’erreur quand on s’entête à ne pas les voir.




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