Il a été écrit en 2013. Je l'ai relu à l'occasion de ce calendrier de l'avent.
Si vous le reliez au livre de Céline Lafontaine, voir ICI, vous vous rendez compte que les deux auteurs en arrivent au même constat en partant de points de vue différents : le corps féminin est brutalisé, sur exploité, sur médicalisé, médicalisé simplement, et qu'il est à la fois une valeur d'usage et une valeur d'échange et que rien ne peut arrêter cette frénésie.
Girard Marc. La brutalisation du corps des femmes dans la médecine moderne. Jouars-Pontchartrain, 137 pp.
Toutes les femmes devraient lire ce livre pour comprendre quels sont les enjeux de la médecine moderne à leur égard. Elles devraient le lire pour ne pas se laisser abuser par l'extrême attention que les médecins, hommes et femmes, leur porte, non pour les protéger mais pour les dominer.
Il cite Thomas Diafoirus dans Le malade imaginaire, qui, incapable d'exprimer son désir à sa promise, lui propose d'aller disséquer une femme...
Marc Girard nous dit d'interroger les femmes qui sont autour de nous et d'inventorier les dégâts de la médicalisation de leur corps : " Hystérectomies injustifiées, conisations abusives, irradiations des seins, mastectomies élargies, épisiotomies, césariennes, contraception hormonale, pilule contre l'acné, vaccination contre le papilloma virus, 'enfer procédural inhumain de la procréation médicalement assistée', traitement hormonal de la ménopause, traitement généralisé de l'ostéoporose" sans compter la médicalisation de la sexualité (on met au point un Viagra féminin), la médicalisation de l'enfantement et sa périduralisation, la médicalisation de l'élevage des enfants, la stigmatisation des grossesses non désirées, la lévothyroxisation des femmes, la location-vente des utérus, la mutualisation des touchers vaginaux sous anesthésie, et cetera.
Illich est tout près. Car, au bout du compte, ne s'agit-il pas d'une dépossession du corps des femmes par la médecine qui n'est pas, au sens weberien, axiologiquement neutre ? Une dépossession du corps des femmes par l'hétéronomie ?
Ce qui est le plus intéressant dans cette affaire c'est qu'il est possible que ce livre soit illisible pour tout le monde : pour certains médecins certains de leur science émancipatrice, pour certains machistes qui rigoleront, pour certaines et certains féministes qui passeront outre, pour les tenants de l'Eglise de dépistologie, pour les amis des femmes autoproclamés, et cetera.
Et, ce qui ne manquera pas d'en surprendre plus d'un, il est possible de défendre les femmes en ne combattant pas par principe le patriarcat.
Bonne lecture.
Je n'ai pas lu le livre de Marc Girard, mais deux points de ce résumé ont retenu mon attention. D'une part, la surmédicalisation porte sur toute la société et pas seulement les femmes, puisque c'est un enjeu économique important. D'autres part, concernant la contraception et le planning familial, les associations féministes y ont joué un rôle majeur, et pour moi, c'est la maîtrise du contrôle des naissances qui a permis l'émancipation des femmes à partir des années 60.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ces remarques.
1) Dans l'esprit de Marc Girard (et il reprend les réflexions illichiennes) il ne s'agit pas de sur médicalisation mais de médicalisation, non de la société, mais de la santé. Et le corps des femmes est particulièrement exposé. Beaucoup plus exposé que celui des hommes pour lesquels la prostate est seule concernée. La médicalisation du corps des femmes est un enjeu du pouvoir masculin, ce que, voir point suivant, les féministes oublient souvent.
2) Je vous rappelle que la transition démographique, sans contraception "moderne", a commencé dans la vallée de la Seine peu avant 1789. On est loin de mai 68. Parler de l'émancipation des femmes me semble un peu présomptueux : il suffit de regarder le temps de travail domestique des femmes et les inégalités de salaire et de pouvoir pour le comprendre. Christopher Lasch disait par provocation que l'émancipation des femmes leur avait permis, tout en subissant "l'oppression" patriarcale de connaître enfin l'exploitation capitaliste.
A vous lire.
Merci de vos réponses.
RépondreSupprimer1) La médicalisation du corps des femmes ETAIT un enjeu du pouvoir masculin. Quand il y a un marché potentiel, les enjeux de pouvoir cèdent la place. Comment envisager sinon qu'on envisage une vaccination anti-HPV chez les garçons, en prévision du fiasco probable des programmes de vaccination censés empêcher le cancer du col? Parmi les autres questions de médicalisation n'impliquant pas la domination masculine, on peut citer le dépistage des cancers pulmonaires chez les fumeurs et la prescription des médicaments psychotropes.
2) Renseignez-vous sur l'évolution de la proportion de femmes médecins au XXème siècle, qui je l'espère, ne sont pas plus victimes que leurs confères de l'oppression capitaliste, et vous verrez que son augmentation coïncide avec les progrès de la contraception. C'est seulement quand la contrainte de la maternité précoce a été levée que les femmes ont pu accéder massivement à certaines professions.
Bon.
RépondreSupprimer1) Je pense que vous vous trompez. Les enjeux de pouvoir accompagnent toujours les enjeux du capitalisme. La vaccination anti HPV chez les garçons est simplement une extension du marché et son marketing s'appuie sur une réduction des risques chez les homosexuels, ce à quoi personne ne peut s'opposer pour des raisons évidentes. Quant au dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs il fait partie du programme de l'Eglise de dépistologie qui se moque des genres et des sexes du moment qu'il y a de l'argent derrière. N'oubliez pas non plus que les femmes fument désormais plus que les hommes, du moins chez les jeunes, et que le programme est unisexe. En revanche la mortalité du K du poumon pose des problèmes sociaux majeurs puisqu'il s'agit de mères de famille jeunes qui meurent en laissant de jeunes enfants derrière elles.
2) L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail n'a pas attendu la contraception moderne pour survenir. Il ne s'agit pas d'un fait médical comme le montrent les périodes de guerre où les femmes étaient envoyées dans les usines pour participer à l'effort de guerre.
Enfin, à trop vouloir convaincre.
Lisez le livre de Céline Lafontaine. C'est ce qui arrive de pire.
Bonne journée.
Sur le 1, on ne va pas discuter, parce que finalement on est à peu près d'accord sur ce sujet (sauf si l'on considère le pouvoir comme nécessairement masculin). Sur le 2, je n'ai pas parlé de l'arrivée sur le marché du travail, mais de l'accès aux études longues, ce qui est différent. On peut concevoir que la première situation ne relève pas de l'émancipation, mais la deuxième, si.
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