Nouvelle saison covidienne.
Les médecins ont toujours vécu (depuis la nuit des temps) dans le monde difficile de la maladie, de la vieillesse, de la mort, en première ou en deuxième ligne, mais, depuis les années soixante-dix (à la louche), les médecins comme les profanes ont ressenti la transition épidémiologique (la diminution colossale de la mortalité infantile, la quasi fin de la mortalité des enfants due à des maladies infectieuses, l'allongement, jusque là ininterrompu de l'espérance de vie à la naissance, et cetera). Cette transition épidémiologique a un revers : une vie plus longue avec des maladies chroniques (l'espérance de vie en bonne santé est en train de diminuer) et l'apparition de pathologies neurodégénératives (Alzheimer pour faire court).
La transition épidémiologique s'est accompagnée d'une transition épistémologique : la mort d'un enfant n'est plus acceptable (elle ne l'a jamais été mais, jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, un enfant sur deux mourait avant l'âge de 10 ans... cela calmait) et n'est plus acceptée, mais, plus encore, la mort n'est pas acceptée. Quel que soit l'âge : "On ne devrait plus mourir". Ben si. On meurt encore.
C'étaient donc les cinquante glorieuses.
Nous travaillions déjà dans le monde de l'incertitude et voici revenu le temps de la nouvelle saison Covid où les incertitudes seront encore plus incertaines qu'auparavant.
Sans traitement.
Bientôt les rhumes et les grippes pour lesquelles il faudra sortir sa RT-PCR et/ou les tests de détection de la grippe saisonnière. Les consultations à rallonge, les à la revoyure pour lire les tests et les interpréter. Et les interrogations existentielles sur ce qu'il faut faire, les conseils à donner, les quarantaines à décider, les arrêts de travail...
Bientôt le temps de la vaccination contre la grippe saisonnière dont on connaît mal l'efficacité en milieu réel, en milieu communautaire, en milieu hospitalier, en milieu institutionnalisé.
On aura donc le patient vacciné contre la grippe saisonnière avec une symptomatologie évoquant une virose respiratoire dont la RT-PCR sera négative...
Le paradoxe de tout cela vient de ce que la majorité des médecins généralistes (mes statistiques sont aussi erronées que celles de l'InCa quand l'institut parle de dépistage de cancer du sein - cf. infra) prescrivait des antibiotiques (amoxicilline) en cas de grippe saisonnière ("en cas de surinfection" qui est l'équivalent médical du profane "cela va me tomber sur les bronches") et qu'ils respectaient plus (cf. supra : les seules statistiques auxquelles je crois sont celles que j'ai falsifiées) la consigne de non prescription d'azithromycine en cas de Covid-19 supposé pour d'obscures raisons qui nous ramèneraient à la saga des biais cognitifs.
Donc, imaginons le médecin communautaire moyen, en cas de virose, qui prescrira de l'amoxicilline en cas de RT-PCR négative et de l'azithromycine en cas de RT-PCR positive. Non, vous ne rêvez pas, c'est ce qui va se passer. Quant à celui qui ne prescrira rien il se fera engueuler parce qu'il n'aura prescrit que du paracétamol...
On essaiera de se tenir au courant.
On essaiera de répondre aux questions des patients indécis, incertains, abreuvés d'informations contradictoires, ne sachant plus comment ne pas être coupables de mal porter son masque ou comment être fiers de bien le porter, coupables de ne pas savoir bien se laver les mains avec du gel hydro alcoolique ou fiers de le faire avec l'agilité d'un neurochirurgien...
On essaiera de se tenir au courant.
On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il n'y a pas de réponse...
On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il y a plusieurs réponses possibles.
On essaiera, surtout, de dire honnêtement "Je ne sais pas" à des patients incrédules à qui on avait seriné que la médecine pouvait tout, partout, tout le temps, quelles que soient les circonstances.
On essaiera, surtout, de dire honnêtement "Je ne sais pas" à des patients incrédules à qui on avait seriné que la médecine pouvait tout, partout, tout le temps, quelles que soient les circonstances.
On va continuer de porter des masques en continu au cabinet, de gérer le stock, de porter des blouses, de passer du désinfectant un peu partout, de transiter de l'idyllique sécurité du monde développé sans défauts à la crainte d'un monde infecté (sans traitement).
Et, bien entendu, il y aura tous les sujets qui nous trottent dans la tête depuis des années et qui ne sont toujours pas résolus. Faute d'essais de qualité. La majorité de nos pratiques.
Bon automne à tous.
Bon automne à tous.