jeudi 18 décembre 2008

ARGUMENTAIRE POUR CRITIQUER LES ESSAIS CLINIQUES RANDOMISES

Pour ceux qui pensent que l'expertise externe de l'EBM n'est pas adaptée à la pratique médicale courante (i.e. la "vraie" médecine des "vrais" gens), voici quelques arguments à assener dans les dîners en ville entre collègues (sponsorisés ou non par l'industrie pharmaceutique) ou dans les FMC (sponsorisées ou non).
Les études cliniques randomisées (i.e. en double aveugle versus placebo ou en double aveugle versus molécule de référence) :
  1. sont le plus souvent sponsorisées par l'industrie.
  2. éliminent les patients atypiques (trop vieux, trop malades, avec trop de pathologies associées, avec trop de coprescriptions)
  3. ont un protocole trop favorable à la molécule qui doit montrer sa supériorité
  4. ont des critères d'efficacité peu convaincants (critères de substitution, critères intermédiaires, critères composites) ou visent plusieurs cibles à la fois (critères primaires et secondaires)
  5. ne prennent pas en compte dans leur protocole le nombre nécessaire de patients pour établir les effets indésirables rares
  6. sont de durée limitée
  7. ne sont pas supervisés par les vrais moniteurs
  8. ne sont pas analysés par des statisticiens indépendants
  9. sont écrits par des "nègres" le plus souvent salariés de la firme promoteure de l'essai
  10. ne sont pas adaptés à la médecine praticienne

Il est donc nécessaire, à la lecture d'un essai clinique (la majorité des médecins généralistes ne lisent pas les essais cliniques pour des raisons multiples qui sont : ne sont pas abonnés aux revues publiant des essais, ne lisent pas l'anglais médical, ne connaissent pas la littérature, sont ignorants des statistiques médicales, la faculté ne les a pas formés à cela, et cetera...), je reprends : à la lecture d'un commentaire d'essai clinique lu dans la grande presse (Le Figaro, Le Monde, Libération, Ouest France), dans la presse grand public médicale sponsorisée (le Quotidien du Médecin, Le généraliste, Impact médecin, ...) ou dans la presse internet sponsorisée (Egora, Esculape, Univadis, Doctissimo, ...), ou dans les revues plus "sérieuses" ( La Revue Prescrire, Médecine, ...) ou sur le site des Agences (HAS, INVS) de ne retenir que ce qui caresse dans le sens du poil, d'ignorer ce qui bouscule la pratique quotidienne ou de retenir les "avancées" et de n'en faire qu'à sa tête selon le bon principe du Chacun pour Soi (mes patients ne sont pas pareils, la vraie vie, ma clientèle, la concurrence, ...).

Mais la vraie vie, c'est aussi, à la lecture de Recommandations qui sont, en théorie, alimentées par les essais cliniques randomisés (et l'excès de recommandations nuit à la santé et au pouvoir décisionnel puisque tout est dans tout et réciproquement, et il faut aussi se méfier des sources des recommandations, ce qui facilite a priori le travail critique), de ne pas se les appliquer à soi-même, de penser que les experts sont des cons, des universitaires, des spécialistes d'organes, des secteurs 2), c'est les adapter à sa pratique personnelle selon le modus operandi suivant : c'est moi qui ai raison.

Mais c'est ici le moindre mal : car peu de gens lisent les Recommandations. Trop chiant, trop long, trop compliqué, trop éloigné de mon cabinet et de ses contraintes. Le mieux : ne pas lire les recommandations et les critiquer. C'est top ! Vous pouvez, pour ce faire, reprendre les dix points précédents.

Laissons l'EBM aux universitaires qui ne voient pas de "vrais" malades et les malades seront mieux gardés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire