mardi 23 novembre 2010

QUE DIRE A UNE FEMME QUI VEUT UNE MAMMOGRAPHIE DANS LE CADRE DU DEPISTAGE DU CANCER DU SEIN ?


C'est bien entendu la question à mille euros.
Je vous propose deux étapes (après, bien entendu un interrogatoire serré recherchant des antécédents familiaux et d'autres banalités de la médecine).
Première étape : Je suis d'accord pour que vous fassiez une mammographie pour dépister un possible cancer du sein potentiellement mortel. A une condition : c'est moi qui choisis en accord avec vous par qui et où sera pratiquée la mammographie ; c'est moi qui choisis en accord avec vous la stratégie qui sera décidée au décours de la mammographie dans le cas où quelque chose d'anormal serait détecté sur les clichés. Nous conviendrons donc ensemble de l'endroit et par qui sera réalisée la ponction si elle est nécessaire. Nous déciderons d'un commun accord de l'oncologue qui sera consulté afin de mettre en place les modalités de votre prise en charge. Mais nous en parlerons plus tard si vous le voulez bien. Aujourd'hui il s'agit simplement de faire pratiquer une mammographie dans les meilleures conditions. Et, bien entendu, à chaque étape vous aurez le droit de changer d'avis et de rompre cet accord tacite. Mais il faut quand même parler de tout cela car la mammographie n'est ni anodine, ni banale, la pratiquer entraîne des conséquences dont celle de découvrir un cancer mortel mais aussi un cancer non mortel et une tumeur bénigne.
Deuxième étape : Je vais, chère Madame, vous lire vos droits repris dans la Collaboration Cochrane : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

Il est temps de prescrire la mammographie.

PS (du trois novembre 2011) : je me permets de vous renvoyer à un post postérieur concernant le dépistage et la mammographie (ICI). Informer les patients devrait comprendre les 15 points que j'ai évoqués.

7 commentaires:

  1. Cela paraît un peu directif comme ça mais cela permet une alternative au tout ou rien qui est celle dans laquelle on tend à enfermer la médecine et le médecin de plus en plus souvent. Le "tout" le dépistage généralisé tous azimut à tort et à travers, le "rien", pas du tout de dépistage. Il faut faire preuve d'imagination pour se dégager de ce cadre de référence et arriver au "quelque chose", du dépistage négocié, réfléchi et cadré qui offre le maximum de garanties au patient.
    CMT

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  2. Bonjour,
    Je suis une femme de 56 ans. J'avais fait pas mal de mammos, tous les 5 ans environ, bien que n'ayant aucune hérédité cancéreuse. A 50-51 ans, je reçois ce fameux formulaire pour une mammo gratuite. Je me rends chez mon radiologue habituel qui ne décèle rien de particulier (à part ces petits grains de riz "calcifiés" que j'ai depuis toujours).
    Relecture chez cette assoc, et patatras un courrier très inquiétant.
    J'ai passé 5 jours et nuits à me faire des films très angoissants avant de passer une contre-mammo + échographie absolument normales.
    Je précise que les contre-radios ne sont plus gratuites. A savoir.

    Je suis entièrement d'accord avec vous docteur et je ne passerai plus jamais par cet organisme qui "ausculte" à distance. Idem pour le dépistage du cancer colo-rectal. Sans moi.
    Ma généraliste me presse de faire une mammo tous les 2 ans, sans doute appâtée par le CAPI et voulait d'ailleurs m'imposer un autre radiologue pour des raisons de liaison sans doute "incestueuse".
    NON, je ne suis pas un truc, mais une personne dotée d'un minimum de raison et refuse de me laisser imposer ces intrusions dans mon corps sans raison.
    Seul, un gyné après palpation pourra m'en conseiller une.

    Merci de votre blog que j'ai connu via le Dr. Lehmann qui se fait bien taiseux.
    Bien à vous
    BG

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  3. une femme, ni patiente ni soumise25 novembre 2010 à 11:32

    "C'est moi qui choisis en accord avec vous..." Mort de rire. Ou de consternation. C'est selon.
    Et si c'était l'inverse, grand-docteur-qui-sait-tout ?

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  4. @ Anonyme
    Je connais mieux les mammographistes que les anonymes. Mort de rire ? Ben, ce ne sera pas du cancer du sein !

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  5. Dr Alain Martinole28 novembre 2010 à 16:16

    toujours percutant, bel article

    amicalement

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  6. " une femme, ni patiente ni soumise" qui critique la phrase ""C'est moi qui choisis en accord avec vous..." " n'a pas compris qu'il existe 2 types de femmes-patientes : celles qui veulent un examen et qui le demandent à leur médecin - ce dernier se devant, s'il connait l'EBM - de l'accompagner dans la décision de sa patiente.
    Et d'un autre côté, les femmes qui, brutalament parce qu'elles ont 50 ans, qu'elles n'ont pas spécialement d'antécédents ou facteurs de risque, n'ont rien demandé, ne veulent rien et dont on force la décision d'aller faire un examen.
    Ce sont 2 situation très différentes . car très honnêtement, si la première se retrouvait dans l'engrenage sur surdiagnostic et du surtraitement, , elle en serait "responsable", alors que la deuxième pourrait en vouloir à son médecin...
    Docteurdu16 parlait peut être du premier cas,
    " une femme, ni patiente ni soumise" pensait peut être au deuxième cas?

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  7. @ annette lexa.
    Je suis d'accord que les deux situations sont différentes mais...
    Je suis d'accord de citer l'EBM sur les valeurs et préférences des patients mais si dire "ce dernier se devant" est un peu mon attitude, l'obligation de le faire me choque un peu. Je respecte (presque) toujours, dans le dépistage du cancer du sein, la volonté de la patiente mais je n'incite jamais.
    Enfin, quant à dire que la patiente serait responsable de l'engrenage du sur diagnostic et du sur traitement parce qu'elle aurait fait le choix est, aussi, un peu exagéré et dédouane un peu trop facilement le médecin qui se doit, quand même, d'être au fait de l'expérience externe (vous parliez d'EBM).
    Je vais faire une comparaison osée : dans l'affaire du mediator les défenseurs des victimes ne parlent jamais de la responsabilité des patients... Serait-ce en ce cas un oubli ou une façon de dédouaner le patient de sa responsabilité ?
    Mon texte sur les droits est un peu raide et, d'une certaine façon, paternaliste, mais l'eBM nous informe que, statistiquement, je dis bien populationnellement, les risques l'emportent sur les bénéfices.
    Bonne journée.

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