Quand j'étais étudiant en médecine j'entendais souvent, venant de nos enseignants, la phrase suivante, "En médecine, il faut être curieux...", et j'ai continué de l'entendre venant de mes pairs et j'ai même continué de la dire à mes collègues ou à des patients. Cette phrase signifiait, et signifie encore, qu'il ne faut pas se contenter d'une impression, d'une intuition ou d'une attitude probabiliste, il faut être certain, et certain de ne pas passer à côté de quelque chose de grave et / ou de curable qui permettrait au patient de "guérir". Les conséquences pratiques en étaient de poursuivre les investigations cliniques, paracliniques et autres jusqu'à ce que le diagnostic soit nommé et le malade traité.
Je suis devenu beaucoup plus sceptique sur ce point.
Il est clair que mon statut de médecin généraliste exerçant de façon extra institutionnelle a pu m'influencer. Ne disposant pas d'un plateau technique aussi développé que dans un hôpital de l'Assistance Publique, ne disposant pas de ressources intellectuelles aussi partagées que dans le milieu hospitalo-universitaire, il est possible que j'aie réduit mes ambitions, non de façon consciente mais de façon pragmatique et que, constatant mes insuffisances, j'ai mis mes ambitions diagnostiques totalisantes dans ma poche et les ai recouvertes de mon mouchoir cache-misère de ma culpabilité.
Renoncer à aller plus loin est pourtant une attitude beaucoup plus appropriée dans nombre de cas et ce renoncement, non appris dans les écoles de médecine, ne peut naître et se construire, que de l'expérience acquise par la pratique, que par la lecture assidue de la presse médicale et que par la fréquentation de la patientèle qui, non seulement à des avis sur tout comme tout un chacun, mais a aussi des avis sur son propre cas.
Renoncer est une attitude difficile à décider et à tenir pour justifiée tant le médecin est soumis à des pressions jusqu'au-boutistes qui ne concernent pas seulement la fin de vie et ce que l'on appelle, improprement, l'acharnement thérapeutique, mais aussi à des pressions que l'on pourrait qualifier de sociétales (la construction d'une pensée dominante ou d'un bon sens commun partagé) et qui sont fondées sur, pêle-mêle, d'une part la médicalisation de la société, la médicalisation de la vie, la médicalisation de la Santé, et, d'autre part, le Droit à être pris en charge, traité, soulagé et guéri, tout cela dans un contexte de judiciarisation de la Santé oscillant entre le Primum non nocere, la Perte de Chance et le Principe de Précaution... Mais n'oublions pas que le médecin s'est aussi construit une image de lui-même avec, au centre de tout, sa fonction chamanique et sa croyance inconsciente d'une sorte de toute-puissance attribuée à la fois à sa compétence et à son rôle magique...
Ne pas être curieux.
Il apparaît que cette absence de curiosité, on se rappellera quand même la sentence La curiosité est un vilain défaut, peut être aussi considérée comme une faute majeure pour un médecin. Mais il ne faut pas se laisser impressionner. Car l'absence voulue de curiosité s'inscrit dans un monde où il est certes des maladies diagnostiquées trop tard mais où, surtout, il est des maladies diagnostiquées trop tôt ou sur diagnostiquées. La société, comme nous l'avons vu (et ne me faites pas le coup de la société n'existe pas, c'est une vue de l'esprit, c'est un montage adroit ou maladroit, je connais les arguments, car il est possible d'identifier cette société par les actes qu'elle produit, les comportements qu'elle suscite, les lois qu'elle engendre, et cetera), oscille entre la sur médicalisation et le n'importe quoi de l'hygiène. D'un côté on invente des maladies, on sur diagnostique des maladies, on dramatise des maladies, on explore trop, on traite trop des maladies (et probablement on traite trop des stades pré cliniques et on traite mal des stades avancés), et de l'autre c'est le laisser-faire de la Santé Publique qui est "libérale" de gauche et de droite (boissons sucrées, aliments salés, alcoolisme, tabagisme, addictions multiples et variées), les uns pour des raisons de diversité, les autres pour des raisons de liberté individuelle, tant et si bien que le médecin généraliste est assis "le cul entre deux chaises" dans une position inconfortable.
Prenons l'exemple des maladies mentales.
Notre ami Des Spence du BMJ (ICI) vient d'écrire un papier "Les oligarques psychiatres qui médicalisent la normalité."qui, par sa vigueur, ne peut que choquer et les spécialistes de la maladie mentale et les spécialistes des sciences de l'éducation. Que nous dit Spence ? Il stigmatise le DSM (Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disorders) écrit par ces fameux oligarques, dont 75 % présentent des conflits d'intérêt (maladie grave et peu traitée) et il souligne la conception réductionniste de la maladie mentale véhiculée par cette classification fondée presque exclusivement sur des désordres chimiques (potentiellement traitables par des médicaments) qui conduit au fait que, selon le CDC d'Atlanta, 25 % de la population américaine est atteinte de pathologie mentale (une preuve explicite de la médicalisation de la normalité).
Bien plus encore, et dans une stratégie que l'on ne peut s'empêcher de penser concertée ou "marketing" ce sont les jeunes enfants qui sont les plus ciblés. Trois crises de colère par semaine et un comportement négatif suffisent à cataloguer un enfant pour le reste de sa vie ! Il ne faut être ni inattentif ni timide, et cetera. Ainsi, en Caroline du Nord, 15,6 % des enfants sont diagnostiqués "hyperactifs", au New Jersey un garçon sur trente est catalogué "autiste", et les diagnostics de troubles bipolaires chez l'enfant ont été multipliés par 40 en 10 ans aux Etats-Unis ! Mais les adultes ne sont pas en reste dans ce champ de tir de la psychiatrie opérationnelle : sont ciblés des syndromes bizarres, infondés, contre intuitifs, comme "disruptive mood dysregulation disorder" ou "attenuated psychosis syndrome".
Ne pas être curieux, c'est donc, devant un enfant inattentif ou turbulent en classe, ne pas se précipiter sur son futur DSM V, pour lui coller un diagnostic comme on colle une fessée, lui coller un diagnostic pour lui prescrire une drogue censée le traiter et, surtout, traiter le malaise sociétal qui conduit non pas à créer des enfants turbulents ou inattentifs, il y en a toujours eu, mais à créer des comportements institutionnels rejetant ces enfants comme ne pouvant être évalués par la norme Iso 9001.
Ne pas être curieux c'est tenter d'échapper à cette fatalité de la maladie biochimique qui conduirait des enfants, des adolescents et des adultes à se sentir mal et résister à la médicalisation de la normalité.
La tâche est immense.
La disparition des médecins généralistes va raccourcir le circuit décisionnel : un enfant qui ne tient pas en place va être adressé directement par l'enseignant à la structure CMPP la plus proche où un freudien, un comportementaliste ou un rien du tout prescrira de la ritaline, condition sine qua non du retour dans le cadre de l'Education Nationale.
Ne me dites pas que c'est déjà comme cela : c'est déjà comme cela.
Addendum (17 mai 2012) : un éditorial du NEJM (ICI) dénonce le futur nouveau DSM V qui voudrait que le chagrin (grief) d'intensité légère soit plus volontiers attribué à un état dépressif (et traitée) et que le deuil (bereavement) soit d'emblée rattaché à la dépression. Et l'éditorialiste d'écrire (RA Friedman) :The medical profession should normalize, not medicalize, grief. . On ne saurait mieux exprimer une pensée de bon sens.
Addendum (17 mai 2012) : un éditorial du NEJM (ICI) dénonce le futur nouveau DSM V qui voudrait que le chagrin (grief) d'intensité légère soit plus volontiers attribué à un état dépressif (et traitée) et que le deuil (bereavement) soit d'emblée rattaché à la dépression. Et l'éditorialiste d'écrire (RA Friedman) :The medical profession should normalize, not medicalize, grief. . On ne saurait mieux exprimer une pensée de bon sens.
Je voyais plutôt l'esprit curieux comme celui désireux de sortir des sentiers battus, celui qui se pose d'autres questions, se sentant très souvent différent du reste du groupe et peu enclin au bon sens commun sociétal. Le caractère curieux que vous décrivez est celui que l'on attend d'un premier de classe qui aura rempli toutes les cases demandées sans jamais se questionner sur les choses établies.
RépondreSupprimer@ BT. Vous avez raison, c'est une autre acception. Mais on peut mêler les deux : vouloir faire absolument un diagnostic et ne pas s'en contenter.Et il y a beaucoup d'autres acceptions pour la curiosité. Mais ce n'était pas mon propos.
RépondreSupprimerBien à vous.
Votre analyse tombe à point nommer ; je viens de voir un patient qui s'améliore franchement, avec une volonté d'arrêter au plus vite son traitement pour reprendre une vie "normale", suite à un événement exogène. Il a vu le psy qui a renforcé son traitement et rajoute de la Dépakote ! Perplexes, d'un commun accord nous en sommes restés à son traitement habituel en baissant la posologie de son anxiolytique
RépondreSupprimerJ'ai cliqué trop vite !
RépondreSupprimerPour finir j'avais fait la même analyse sans tomber sur l'article du BMJ.
Depuis quelques années, j'avais pris conscience de cette médicalisation de la société qui ne sait plus répondre à ses désordres.
D’accord avec ton analyse. Déjà il y a une dizaine d’années, lorsque j’avais fait une formation sur la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, alors que les traitements par Ritaline étaient balbutiants en France et se heurtaient à une certaine résistance de l’establishment psychiatrique, on nous annonçait quelques 2 à 3 millions d’enfants traités par Ritaline aux Etats Unis.
RépondreSupprimerDans la version de 1968 du DSM (Manuel diagnsotic et statistique), le DSM II, il n’existait pas de TDAH mais un syndrome hyperkinétique réactionnel. Le mot important me semble être « réactionnel ». On considérait l’enfant sous un angle psychodynamique, comme un être en évolution et en interaction avec son environnement. On pensait que les origines de ce « trouble » étaient multifactoriels et le DSM lassait beaucoup de place à l’interprétation du thérapeute dans sa démarche thérapeutique et interpersonnelle.
A partir du DSM III, en 1980, un bouleversement conceptuel s’est produit. Sous l’impulsion du Dr Spitz on a décontextualisé la maladie psychiatrique. On a décrété qu’il s’agissait d’une entité abstraite totalement caractérisée par un ensemble de symptômes dont la simple description pouvait permettre un diagnostic.
C’est à partir des années 80 qu’il fut décidé que les psychiatres américains, réunis au sein de l’APA, pouvaient voter en assemblée l’addition de nouveaux items dans le DSM, voter la création de nouvelles pathologies. Celles-ci se sont multipliées et le DSM s’est épaissi jusqu'à atteindre l’importance d’un annuaire téléphonique. Il n’est pas indifférent de savoir que les psychiatres sont les spécialistes les plus corrompus aux Etats Unis, ceux qui palpent le plus des labos.
La finalité était louable ( ?) : que chacun parle le même langage, donner à la psychiatrie une approche universelle réputée détachée de toute idéologie. Mais les conséquences furent immédiates et pratiques et peuvent se résumer dans l’équation considérée valable en tous points de la planète : un ensemble de symptômes = une pathologie = un traitement (médicamenteux s’entend).
Comme le disait Gaston Bachelard toute démarche scientifique est une construction. On peut ajouter que toute construction est sous-tendue par un système de valeurs. Plus on nie cette réalité et on prétend s’affranchir de l’idéologie plus on en devient esclave.
Ce qu’on peut dire c’est que la transition des symptômes aux modèles neurobiologiques, puis des modèles neurobiologiques à la légitimité des traitements ne peut se faire qu’au prix de saut périlleux. Très périlleux, surtout pour la santé publique.
Trente ans après le DSM III de plus en plus d’enfants sont traités par des dérivés amphétaminiques en Amérique du Nord et la solution médicamenteuse est devenue un très gros problème de santé publique.
La disparition des généralistes finirait de banaliser cette vision scopique de la santé propre à un pays, les Etats Unis, qui se distingue de tous les autres sur deux aspects : avoir établi le record du monde des dépenses de santé et être le seul pays développé à avoir réussi à réduire l’espérance de vie de ses habitants.
Quelle coïncidence !
RépondreSupprimerJe viens de finir de lire
" L'homme selon le DSM" de Maurice Corcos, paru en 2011
Ouvrage indispensable dans la bibliothèque du médecin psychiatre ou généraliste s'intéressant au sujet.
CMT y retrouvera sûrement des idées qu'elle partage.
Bien à vous
A Pierre W,
RépondreSupprimerMerci pour la référence.
Je donne des liens. Présentation courte du livre : http://www.numilog.com/LIVRES/FICHES/113896.Livre
Présentation longue sur médiapart: http://blogs.mediapart.fr/blog/taky-varsoe/171111/lhomme-selon-le-dsm-le-nouvel-ordre-psychiatrique-essai-maurice-corcos
Je mets aussi en lien un article qui m’a été transmis par Jean-Claude Grange, auteur de ce blog sur l’élargissement des critères de la dépression dans le DSM V, à paraître d’ici un an en mai 2013. http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMp1201794
Super article, très clair, d’un psychiatre new yorkais, Richard Friedman, paru dans le New England Journal et qui dénonce la FUTURE MEDICALISATION DU DEUIL NON PATHOLOGIQUE par le DSM V. L’auteur, spécialiste des troubles de l’humeur, qui ne semble pourtant pas manquer de conflits d’intérêts http://www.weillcornell.org/richardfriedman/ , s’insurge contre cette modification. C’est dire le degré d’absurdité qu’a atteint la logique du DSM, si même ceux qui bénéficient de cette logique se révoltent.
Mon grand espoir c’est que cette avidité illimitée de toujours plus vers l’absurde, va faire exploser le DSM en plein vol. Et s’il pouvait en être de même avec la logique financière et de rentabilité toujours croissante des gros laboratoires pharmaceutiques, toutes ces logiques étant issues du même sérail idéologique et étroitement reliées entre elles, ce n’en serait que mieux.
Pour le propos précis, R Friedman, il nous dit que le DSM 4 permet de distinguer la dépression majeure de la dépression légère. On ne doit pas évoquer une dépression sévère (donc pas de traitement) si les symptomes sont modérés et ne durent pas plus de deux mois. Pour diagnostiquer une dépression sévère dans le cadre du DSM IV, nous explique RF, il faut que le patient présente une humeur dépressive ou une perte du sentiment de plaisir associé à quatre ou plus des symptômes tels que perte d’appétit, difficultés de concentration, changements psychomoteurs, fatigue, sentiment d’auto-dévalorisation, troubles du sommeil, idées noires ou suicidaires, pendant au moins deux semianes.
Les patients endeuillés ne présentent généralement pas de sentiment d’auto-dévalorisation ni d’idées proprement suicidaires (même s’ils peuvent exprimer le souhait de rejoindre l’être aimé).
L’APA (Association de Psys américains) envisage de modifier cela et de considérer le deuil comme un trouble dépressif. Le DSM V inciterait les médecins à considérer que le patient présente un trouble dépressif après seulement 2 semaines (au lieu de deux mois) de symptômes légers (au lieu de la caractérisation d’une dépression sévère).
L’argument de l’APA est que une proportion importante de patients souffrant de dépression sévère ne seraient pas traités.
Mais RF explique que là-dessus les données épidémiologiques sont très claires et n’établissent pas de relation entre deuil et risque de dépression sévère. Le facteur déterminant pour prédire un risque de dépression sévère sont les antécédents de dépression sévère chez la personne endeuillée. Cela représente 10 à 20% des personnes qui traversent une période de deuil. Et non les 2,5 millions d’endeuillés annuels que l’APA voudrait faire traiter par psychotropes.
Clairement un processus de médicalisation du deuil normal.
Et RF appelle les médecins de première ligne, les généralistes, à se former pour faire la différence.
Entre parenthèses, les généralistes sont les premiers prescripteurs de psychotropes aussi chez l’enfant et l’ado. Manque de formation et insuffisamment de temps pris pour écouter les patients.
Puisque la discussion a abordé la -vaste, et actuellement délicate - question du DSM , vous lirez avec intérêt cet autre article du NYT : http://www.nytimes.com/2012/05/12/opinion/break-up-the-psychiatric-monopoly.html?_r=1 où Allen Frances appelle au dessaisissement de l'APA .
RépondreSupprimerJ'avais lu une critique d'un Psy américain à cet article que j'essaierai de retrouver .
J'ai retrouvé l'article critiquant celui d'Allen Frances ( http://real-psychiatry.blogspot.fr/2012/05/why-allen-frances-has-it-wrong.html ) je le cite parceque je l'avais annoncé mais dois reconnaître que je n'en saisi pas vraiment les arguments .
RépondreSupprimerPlus intéressant - pour moi en tous cas qui découvre ainsi la profondeur historique du débat - est celui de Christopher Lane : http://www.psychologytoday.com/blog/side-effects/201205/dsm-5-is-diagnosed-stinging-rebuke-the-apa ( que la revue Prescrire avait gratifié de son prix en 2010 : http://www.christopherlane.org/documents/CLaneInterventionPrixPrescrire2010.pdf )
Bien à vous .
C'est terrifiant, cette société, qui fait du bonheur et du bien-être une obligation. On se sentirait coupable de ne pas être tout le temps souriant, cool and fine. Et la douleur... ne fait-elle pas partie de la vie? Bon, c'est une question très compliquée, la tolérance à la douleur, son évaluation selon les personnes... Deux exemples (sur la douleur physique, pour la douleur psychique c'est encore plus compliqué... elle fait grandir certains, en détruit d'autres):
RépondreSupprimerExemple 1: Mon frère s'est mis en danger plusieurs fois dans l'adolescence, pas volontairement, mais parce qu'il ne disait jamais à son entourage qu'il a mal, et a plusieurs fois laisser des problèmes de santé dégénérer. Longtemps nous ne comprenions pas pourquoi. En fait, a 14 ans il a eu la main estropié dans un accident de voiture. Comme il est musicien (et il était déjà vraiment surdoué à l'époque), il a demandé à faire tout le possible pour qu'on sauve sa main, pour qu'il puisse continuer le piano. Il a subit des dizaines d'opérations. Et en ex-URSS la douleur est traitée vraiment de manière TRES différente selon l'âge et la condition des patients... Je m'explique. Le seul endroit où il y avait un chirurgien spécialisé dans la chirurgie de la main qui a accepter de rassembler le puzzle qui restait de la main de mon frère, qui a promis de lui rendre toute ses fonctions (sauf le pouce, resté sur la route...) opérait dans un hôpital des armées, où, bien sur, seul les adultes sont soignés, des hommes pour la plupart. Un grand nombre d'actes qui dans une unité pour enfants seraient effectué sous anesthésie de moins locale, voir générale, y était fait sans anesthésie du tout, genre, "mais ça va vite, juste quelque seconde, tu peux le supporter, t'es un mec!". Quelques années plus tard mon frère m'a expliqué, que durant cette année rythmée par les opérations, il a tellement intégré que c'est NORMAL d'avoir mal, et même très mal, qu'il ne savait plus reconnaître dans une douleur le signal d'un dysfonctionnement.
Exemple 2: En septembre mon fils de 5 ans a été hospitalisé pour un ganglion sous-maxillaire qui avait la taille d'une prune (suite d'une mononucléose qu'on avait pris pour un virus banal, et je ne l'ai même pas emmené chez le docteur, en plus, nous étions en vacances... révélé par la sérologie à l'hôpital 2 mois plus tard). Mais il n'avait mal que si on touchait le ganglion. Le soir mon fils s'est mis à pleurer. Je lui ai demandé s'il avait mal, il a répondu "non". Il a un trouble du spectre autistique. Même si je ne l'ai pas quitté une seconde à l'hôpital, le fait qu'il ai vu le même jour l'ORL et l'interne ORL, la pédiatre, deux internes pédiatres, deux externes pédiatres, des infirmières et des infirmières-stagiaires etc etc... Des prises de sang, la pose de la perf pour antibio etc... Bref, même pour un enfant normal - c'est beaucoup. Pour un TED, c'est vraiment trop. Il pleurait de fatigue, de "mal-être", de... Les infirmières sont arrivées avec du doliprane: "il pleure parce qu'il a mal". Il n'a pas mal. Il l'a dit. Il a 5 ans et il sait parler. En deux langues en plus. Non, mais... Elles ont insisté longuement, en m'expliquant que ce n'est rien, c'est juste du doliprane. Je réponds: "mais c'est quand même un médicament, contre la douleur et la fièvre, il n'a pas mal, n'a pas de fièvre, on ne soigne pas une fatigue émotionnelle et une surstimulation chez un autiste avec du doliprane. Parfois il faut laisser un enfant pleurer, parfois il en a besoin. LAISSER UN ENFANT PLEURER? Je crois que les infirmières étaient vraiment choquées. Et il n'hurlait pas, mon fils, il pleurait doucement, l'une des infirmières l'a juste vu en passant, la porte était ouverte...
RépondreSupprimerJ'ai envoyé paître les infirmières, j'ai pris mon fils dans mes bras, sans lui dire "pleure pas!", je lui ai chanté une berceuse, lu une histoire, règlé la radio sur "radio classique", il s'est endormi en écoutant du Mozart, sans doliprane.